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Les populations les plus démunies : un marché d’avenir pour les entreprises

Un nouveau type de business est en train d’émerger. Des entreprises commencent à s’intéresser aux populations les plus démunies de la planète, “le bas de la pyramide”, en développant des produits et des services adaptés à leur faible pouvoir d’achat.

Une société de conseil, spécialisée sur ce créneau vient d’être créée en France. Hystra, se qualifie de société de conseil “hybride”. Son objectif est d’accompagner les entreprises sur ces marchés particuliers. Les organisations non gouvernementales (ONG) ou certaines associations s’y intéressent depuis longtemps. Mais, à la différence de celles-ci, l’objectif d’Hystra est d’aider les sociétés à mener ces actions de façon la plus profitable possible.[print_link]

Quelques sociétés de conseil ont déjà pris position sur ce marché du service aux plus démunis. Mais sans cet impératif de rentabilité ou en menant des actions ciblées. Ainsi, Be-linked met en relations entreprises et ONG ; l’association IMS Entreprendre pour la cité fédère des sociétés pour les aider à mettre en place des politiques sociales.

Il existe aussi des sociétés de conseil en communication dont les préconisations visent à aider les entreprises à se donner une image sociale, pour se prémunir contre d’éventuelles attaques ou attirer des candidats de valeur, entre autres. Des objectifs qui peuvent être remis en question, au moindre retournement de conjoncture.

A l’inverse, les stratégies préconisées par Hystra se veulent pérennes. Et pour qu’il en soit ainsi, elles doivent être profitables, estime Olivier Kayser, fondateur d’Hystra. Cet ancien “associé senior” du cabinet de conseil en stratégie McKinsey, où il est resté 18 ans, et ex-responsable européen du mouvement d’entreprenariat social Ashoka, auquel il s’est consacré ces cinq dernières années, est convaincu que ces deux objectifs ne sont pas contradictoires. Bien au contraire. Une entreprise peut être profitable et charitable à la fois : tel est le pari d’une stratégie hybride.

Et n’allez pas l’accuser de vouloir faire de l’argent sur le dos des pauvres ! Cette crainte n’a fait que brider les expériences passées, estime-t-il : “Pour financer des projets risqués et de grande envergure, il faut proposer aux investisseurs des rendements élevés, au risque de choquer les bien pensants. Sinon, les projets ne se réalisent pas et ce sont les pauvres qui sont pénalisés”, estime M. Kayser.

Ainsi, pour répliquer à travers le monde l’usine de yaourt que Danone a construit au Bangladesh en partenariat avec la Grameen Bank, il faudra sortir du strict cadre du social business et proposer une rentabilité attrayante. “Il existe par ailleurs nombre de projets à très fort impact potentiel pour la santé et l’éducation mais qui ne seront jamais rentables”, précise M. Kayser. “Il est donc criminel d’utiliser l’argent des philanthropes ou des contribuables, disponible en quantités limitées, pour des projets qui permettent de gagner de l’argent et donc d’être financés par les marchés financiers”, ajoute-t-il.

Il veut en revanche tirer partie des connaissances dont disposent les multinationales pour diffuser leurs produits et services sur toute la planète. “Le microcrédit n’a réussi à toucher en 30 ans, que moins de 15 % de la population mondiale qui en a besoin. Alors qu’un shampoing lancé par Procter & Gamble met 18 mois pour atteindre 100 % de sa cible”, remarque cet expert.

Il compte sur l’innovation pour mettre au point des produits et services répondant aux besoins et aux moyens des p lus démunis.

Il a constitué un comité consultatif (Advisory Board) formé de personnalités reconnues pour leur double compétence, sociale et business, comme Bill Drayton, fondateur d’Ashoka ou Emmanuel Faber, directeur général délégué de Danone.

Le groupe Schneider Electric lui a confié un premier contrat : une étude sur ce qu’ont mis en oeuvre ONG et entrepreneurs sociaux pour obtenir l’électricité dans des lieux qui en étaient dépourvus. “Actuellement 1,6 milliard de pauvres n’ont pas accès à l’électricité et paradoxalement ce sont eux qui paient le plus pour leur énergie”, explique Gilles Vermot-Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric. “Si nous leur donnons des équipements, le nombre de personnes touchées sera nécessairement limité. Nous voulons donc trouver des solutions d’accès à l’électricité, abordables, innovantes et généralisables, pour les plus pauvres, pour accompagner leur développement”, précise-t-il.

Hystra s’engage à verser 10 % de son chiffre d’affaires à des entrepreneurs sociaux, et à diffuser tous les travaux de l’entreprise (hormis les recommandations stratégiques que ses clients voudraient garder secrètes). “Le marché est immense. Il faut augmenter le gâteau et non la part de marché. Pour changer le monde”, espère M. Kayser.

Annie Kahn
Article paru dans l’édition du 16.07.09

LE MONDE | 15.07.09 | 13h31  •  Mis à jour le 15.07.09 | 20h22

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