Revendiquer pour le salaire?
Les salaires redeviennent un sujet de conflit social
Alors que la sortie de crise se confirme, le gouvernement surveille de près l’évolution du climat social. Ce n’est pas tant la situation dans le secteur public qui l’inquiète. La journée d’action des fonctionnaires, jeudi 21 janvier, à l’appel de la CGT, de la FSU et de Solidaires contre les suppressions de postes n’impressionne guère le ministre de la fonction publique. Eric Woerth s’est dit déterminé, mercredi 20 janvier, à “poursuivre la diminution du nombre des fonctionnaires” en citant l’exemple de l’administration fiscale, “qui marche infiniment mieux qu’il y a quelques années avec moins de fonctionnaires”.[print_link]
La situation dans le privé est jugée plus sensible : comme à chaque fois que la croissance revient, les revendications salariales repartent, alors que les chiffres du chômage restent mauvais. Toutes les deux semaines, le ministre du travail, Xavier Darcos, reçoit une synthèse sur l’actualité sociale. Elle signale sur la période fin 2009 – début 2010 “une forte activité sur le champ des conflits collectifs de nature très différente”.
Cette note d’une quarantaine de pages relate l’activité des directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et rassemble les informations recueillies par les inspections du travail. La synthèse, au départ trimestrielle, est devenue bi-mensuelle depuis que Xavier Darcos s’est installé Rue de Grenelle en juin 2009. Elle est transmise pour information à l’Elysée.
Parmi les conflits recensés, un certain nombre portent sur les suppressions d’emplois et les demandes d’indemnité. C’est le cas à l’aéroport de Brest, dans une clinique en Poitou-Charentes ou dans le ramassage des déchets à Mayotte. D’autres ont trait à la réorganisation du travail comme dans un Carrefour de Bretagne ou une biscuiterie dans la Meuse. Mais les directions du travail constatent aussi que “les revendications salariales mobilisent fortement”. Et de citer l’exemple des transports urbains à Rennes, d’une clinique en Auvergne, du casino d’Amnéville en Moselle, d’une usine d’incinération dans le Finistère, de Total en Aquitaine, ou encore des activités portuaires en Guyane.
“Crispation sur la paye”
Les syndicats confirment la tendance et cherchent à la mettre en scène. Jean-Claude Mailly (FO) annonce “la remontée des revendications salariales” et l’Hebdo de Force ouvrière en date du 13 janvier titre : “Crispation sur la paye”.
Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque estime que “le gouvernement a donné un signe de modération salariale avec la très faible augmentation du smic (+ 0,5 % au 1er janvier) et que cela va se traduire socialement”. Même son de cloche à la CGT où l’on estime que les actions nationales dans le secteur bancaire ou chez les routiers, fin 2009, annonçaient la couleur.
Dans les régions, des mobilisations, souvent très brèves, surgissent… Chez Borgers à Saint-Quentin (Aisne), une entreprise de textile pour l’automobile de 200 salariés, la bataille a porté sur la suppression d’une prime de fin d’année de 500 euros, “pour cause de crise”, a dit la direction. Après trois jours de grève, la direction est revenue sur sa décision, accordant une prime de 600 euros et le paiement des jours de grève. Dans le Finistère, ce sont les salariés d’une société d’incinération, sur trois sites différents, Brest, Briec et Concarneau qui ont fait grève. Marc Hébert, secrétaire départemental FO, évoque aussi des entreprises de moins de dix salariés, un abattoir à Quimper ou une serre qui produit des roses à Kerlouan. “Souvent le déclencheur c’est les conditions de travail, avec l’actualité des questions de stress, mais la question des salaires arrive rapidement dans les mouvements, ça grogne parce que c’est de plus en plus difficile”, explique-t-il.
le pouvoir d’achat n’a pas reculé en 2009, il risque de souffrir d’une remontée de l’inflation en 2010, du fait de la hausse des prix du pétrole et des matières premières. A l’automne déjà, une note d’Entreprise & Personnel, un organisme qui réunit les directions de ressources humaines des grandes entreprises françaises, annonçait le risque d’une remontée des conflits salariaux “au fur et à mesure que beaucoup de salariés se sentiront rassurés sur leur emploi”.
Cette note prévoyait en conséquence “des négociations salariales périlleuses”. De fait, du côté patronal, on souligne que la crise n’est pas finie. “Je ne vois pas comment nos entreprises pourraient accorder des augmentations de salaires compte tenu de leurs difficultés de trésorerie”, fait valoir Jean-françois Roubaud, le président de la CGPME.
Rémi Barroux
Article paru dans l’édition du 22.01.10
LE MONDE | 21.01.10 | 13h58 • Mis à jour le 21.01.10 | 16h55
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