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“Théorie des crises et le problème de la constitution”

‘Théorie des crises et le problème de la constitution’ a été écrit par Giacomo Marramao en 1975 pour la revue Telos. Ce texte présente la polémique, au sein du mouvement communiste des conseils dans les années trente, à propos de l’interprétation à donner aux théories des crises du capitalisme en lien avec la constitution d’un mouvement révolutionnaire. A l’heure où la crise systémique déploie ses effets, il nous a paru opportun de traduire ce texte. Il nous semble pouvoir nourrir un débat forcément d’actualité, par ailleurs ouvert (ou poursuivi) par l’entremise de textes de Bruno Astarian ‘La communisation comme sortie de crise’ et ‘C’est au présent qu’il faut parler de communisation‘ de Roland Simon sur Des nouvelles du front.

ICI

  1. Patlotch
    09/04/2010 à 11:32 | #1

    En plus de ce texte, j’en découvre d’autres sur ce site “Jacquesrie”. celui-ci m’a particulièrement intéressé :

    Reconfigurer le temps historique / Interprétation de Marx par Moishe Postone, de Viren Murthy Université d’Ottawa.
    1) http://jacquesrie.blogspot.com/2010/03/reconfigurer-le-temps-historique-murthy.html
    2) http://jacquesrie.blogspot.com/2010/03/reconfigurer-le-temps-historique-murthy_03.html

    Il y est question de la critique de Postone par Christopher J. Arthur…

  2. Patlotch
    09/04/2010 à 18:21 | #2

    J’ai essayé de lire ce texte d’un double point de vue :

    – historique quant à la perception en 1975, date du texte de Marramao, du débat théorique de l’ultra-gauche depuis les années trente jusqu’aux années 70.

    – relativement à la problématique actuelle de l’articulation, dans les discussions théoriques sur la communisation, entre critique de l’économie politique (et donc théorie de la crise) et caractèristiques de la lutte de classe.

    Du premier point de vue, c’est très intéressant pour comprendre une question que ces théoriciens se posait alors en terme de “Problème de la constitution”, “thème de la constitution”. Il semble que le problème était si répandu qu’il n’est pas besoin de le définir. Dans mon ignorance, je me suis demandé kesako ? D’après le texte de Marramao, il est davantage question de “constitution de la conscience de classe” dans son articulation à l’évolution de l’économie et de sa crise, avec la polémique évoquée, qu’à proprement parler de “la constitution d’un mouvement révolutionnaire”, comme l’écrit le traducteur pour le site Jacquerie (chapeau repris ici). En tout cas les références notamment à Lukacs renvoie explicitement à la conscience et non au mouvement. Le passage de l’un à l’autre est peut-être implicite (à quoi servirait la fameuse “conscience de classe” si elle ne devait pas constituer “un mouvement révolutionnaire ?”).

    Peu importe, puisqu’il me semble que c’est la limite d’intérêt de ce texte par rapport à la problématique telle que la pose du moins TC – certains aspects sont effectivement en relation avec la polémique RS – Astarian, celle des deux textes évoquée comme celle esquissée l’an dernier à propos de l’Unification de la théorie des crises de RS, et les commentaires de BA). Il apparaît clairement qu’on est, avec la problématique de “la conscience de classe”, dans un autre rapport de la théorie et de la pratique, sans quoi au demeurant on parlerait de ‘théorie révolutionnaire’, pas de ‘conscience de classe’ qui a l’inconvénient, une fois évacué par la porte subjectivisme et objectivisme, de les réintroduire par la fenêtre, et donc de chercher à les articuler de l’extérieur (en théorie) et non dans le procès de la contradiction tel qu’il apparaît aujourd’hui.

    Je vois un problème dans le passage de ce premier point de vue (le débat d’alors en son état de 1975, hors champ de questions discutées ailleurs, sur l’auto-négation et l’anti-travail, etc) au second (le débat actuel). Ce problème est que le “problème de la constitution” (que ce soit de la conscience ou du mouvement) ne me semble plus posé comme actuel par Théorie communiste. La question s’est pratiquement dissoute, en tant que telle posée séparément par la théorie comme par les luttes d’alors, dans l’évolution et du capital, et de la lutte de classe, et de la théorie depuis 1975. Il me semble que le dernier texte de RS, ses rappels historiques sur l’anti-travail comme solution à l’auto-négation, et la façon de poser les luttes comme théoriciennes dans le cours de la luttes de classe et de la crise du capital comme implication réciproque, tout cela déplace la façon de comprendre les rapports entre d’une part critique de l’économie politique et théorie de sa crise et d’autre part activités de la classe, comme luttes actuelles ou luttes communisatrices le moment venu.

    Bon, peut-être que je me plante complètement, mais il me semble qu’il n’existe plus, pour TC, de “problème de la constitution”, et que dans la communisation il se pose de façon si immédiate et pratique, posé par le saut qualitatif à opérer de l’abolition du capital et des classes, que ce ne peut-être en termes de “conscience” ou de “mouvement révolutionnaire” à “constituer”.

  3. Jacques Rie
    10/04/2010 à 00:49 | #3

    Il ne me semble pas que dans le texte de Marramao, il soit davantage question de constitution de la conscience de classe que de constitution d’un mouvement révolutionnaire. L’objet du texte tout de son long est la fin du capitalisme. Il reprend, sans vraiment le discuter d’ailleurs, le lien intrinsèque que fait Grossman entre crises et effondrement du capitalisme. Que ce soit le ‘focus’ du texte est explicite (et pas seulement implicite) dans la citation de Grossman au §6 : « Ma théorie de l’effondrement ne vise pas l’exclusion de cette intervention active, mais veut plutôt montrer quand et dans quelles conditions une telle situation révolutionnaire objectivement donnée peut surgir et surgit. »

    Tel que je le comprends, Marramao étend cette thèse comme élément de grille de lecture historique des phases de développement historiques du capitalisme, au niveau des luttes et les différentes évolutions du mode de production.

    Aussi, je n’interprète pas la référence à Lukacs (au §9) de la même façon que vous. Il me semble que dans ‘l’économie’ du texte, il est convoqué comme une sorte de ‘témoin de moralité’ pour prouver que « les travaux de Grossmann et Mattick se situent au niveau le plus avancé de la discussion des années 20 et 30 », par le fait que Lukacs est une référence et qu’il dit quelque chose de similaire.

    Lukacs est d’ailleurs ‘accusé’ auparavant (§ 5) d’avoir participer à l’ouverture de cette ‘saison de la subjectivité’ – ce qui est clairement un jugement négatif dans le propos du texte. Marramao oppose dans la suite de ce §5 le dualisme aporétique conscience/objectivité à la dynamique des luttes, fruit du contexte ‘articulé et différencié des relations de production’ agit par les contradictions inhérentes à ces relations de production.

    Alors on peut juger insuffisamment aboutit le travail de Marramao, mais ça me parait peu charitable d’estimer qu’il fait rentrer le subjectivisme et l’objectivisme par la fenêtre…

    Au risque de me faire reprendre de volée si je me plante (faut prendre des risques dans la vie), il me semble que la problématique de la constitution est centrale dans les textes de BA et RS. Ils parlent bien tous deux de la manière dont pourrait s’enclencher (ou s’est enclenchée) la communisation. Et il est évident que ce n’est pas un mouvement surnaturel et qu’il y a donc des personnes, des agents qui s(er)ont porteurs de ce processus. Et il faut bien qu’ils se constituent comme tels. Alors, par définition de la révolution comme mouvement réel d’abolition de l’état des choses auquel elle met fin, le processus de constitution des communisateurs est aussi processus de ‘déconstitution’ des travailleurs (BA) ou du prolétariat (RS). Sans entrer dans les différences des deux propositions, elles me semblent se trouver sur le terrain d’une problématique de constitution. Comme le dit l’intro de la partie 2 de la théorie de l’écart, ‘c’est un dépassement produit’ (produit souligné par TC).
    A vrai dire, à moins de soutenir une thèse de la fin de l’histoire, je ne vois pas comment on peut dissoudre ce thème.
    Mais peut-être ai-je mal saisi…

    Bien à vous
    http://jacquesrie.blogspot.com

  4. Patlotch
    10/04/2010 à 13:07 | #4

    Je ne mets pas en cause que ” L’objet du texte tout de son long est la fin du capitalisme.”, comme le souci des théoriciens en cause, ni plus ni moins, en leur temps, que celui des théoriciens de la communisation, de RS, BA, de vous ou moi. Néanmoins celà emprunte un chemin, et passe par des concepts, la formulation de problèmes, ou d’enjeux, comme majeurs.

    J’ai supposé que “problème de la constitution” renvoyait à un débat alors suffisamment connu, du moins en Italie, pour qu’il soit inutile de préciser la “constitution” de quoi. J’ai cherché dans le texte de Marramao, à quoi renvoient les occurrences du mot “constitution”. N’y figure effectivement jamais “constitution d’un mouvement révolutionnaire”. C’est vous qui le faites en introduction. Par contre, on trouve, entre autres, cette phrase au point 6 « Dans son double caractère de théorie de l’abstraction réelle et de critique des formes de conscience réifiées (comprise, non pas subjectivement, mais en tant que ‘modes d’être’ effectifs des individus et des classes dans la totalité historiquement spécifique de la société capitaliste), la critique de l’économie politique constitue le point de départ obligatoire pour une fondation scientifique de la conscience de classe ou pour ce qui aujourd’hui s’appelle « le problème de la constitution » (37).

    La note 37 renvoie à une série d’ouvrages en allemand, et précise « Pour ce qui concerne la relation entre la critique de l’économie politique et la théorie de l’histoire, le Darstellung dialectique et le thème de la conscience de classe (Konstitutionsproblematik), les contributions d’A. Schmidt sont appropriées.»

    La question de la fin du capitalisme est donc suffisamment reliée dans ce texte à l’émergence la conscience de classe pour que, sans faire un procès à Marramao, on s’interroge sur la manière dont son texte peut, comme vous le suggérez, “nourrir un débat forcément d’actualité”. C’est cela que j’interroge, et à mon avis, c’est à discerner les termes du débat entre 1975 et aujourd’hui que l’on peut trouver un intérêt à ce texte en relation avec les débats sur la communisation.

    En passant, dont acte pour votre mise au point quant aux positions de Lukacs dans ce débat, dépassées par celles de Grossman et Mattick, etc.

    Je crois que vous vous avancez beaucoup en formulant que “la problématique de la constitution est centrale dans les textes de BA et RS. Ils parlent bien tous deux de la manière dont pourrait s’enclencher (ou s’est enclenchée) la communisation”. Si le problème est bien pour tous de comprendre comment se produit le dépassement révolutionnaire, la formulation est importante au-delà des apparences de similitudes du problème, sans quoi on peut aussi considérer que « rien n’a changé depuis 1848 » pour sortir du capitalisme. La révolution se présente différemment dans chaque cycle de luttes, et l’on n’avait pas “sous les yeux” en 1975 les éléments qui permettent de la poser comme aujourd’hui. Les mots et concepts centraux sont donc importants, reliés à ces situations historiques. Ce n’est donc pas un hasard si “problème de la constitution” n’apparaît pas, sauf erreur, dans TC ou chez BA. Une telle approche a-t-elle liquidé toute perspective programmiste ? Voir chez TC un “problème de la constitution” me semble une interprétation, un glissement, où l’on risque de perdre les termes de l’implication réciproque et de l’identité de la contradiction de classe et de la crise de reproduction du capital comme procès qui produit son dépassement sur la base des données des luttes précédentes jusqu’à casser cette implication réciproque dans le moment révolutionnaire – le saut qualitatif – le fait de prendre l’appartenance de classe comme une contrainte extérieure, le jeu qui abolit sa règle, etc.

    Votre formulation : “des personnes, des agents qui s(er)ont porteurs de ce processus. Et il faut bien qu’ils se constituent comme tels. Alors, par définition de la révolution comme mouvement réel d’abolition de l’état des choses auquel elle met fin, le processus de constitution des communisateurs est aussi processus de ‘déconstitution’ des travailleurs (BA) ou du prolétariat (RS)» ne renvoie-t-elle par trop unilatéralement à un sujet révolutionnaire (ceux qui possèdent la conscience), plutôt qu’à un conflit impliquant les deux classes, comme moteur de la révolution jusqu’au bout, dont l’essence prolétarienne ne se brûle en gaz communiste que dans l’explosion du procès d’exploitation, de la production de valeur, et de reproduction des présupposés capitaliste ?

    Alors, si “constitution” (de la conscience ou du mouvement) peut avoir dans cette nouvelle conjoncture une pertinence, il convient de la redéfinir. C’est la conscience des termes dans lesquels se posent actuellement la question révolutionnaire. À cette différence près qu’on ne peut plus l’appeler conscience, trop connoté par la position programmatiste, mais bel et bien théorie, au sens où les luttes produisent celles dont elles ont besoin pour franchir le pas.

  5. Patlotch
    10/04/2010 à 19:46 | #5

    Parallèlement à la discussion proprement dite, à propos de la différence que j’ai soulignée entre Théorie et Conscience, je signale un échange précédent, en 2002, disponible sur le site L’@nglemort

    Réflexions critiques sur le texte intitulé “Après Gênes”, Denis
    http://www.anglemort.net/article.php3?id_article=18

    Théorie et conscience, R.S. Remarques sur le texte de Denis…
    http://www.anglemort.net/article.php3?id_article=19

  6. Jacques Rie
    12/04/2010 à 00:12 | #6

    Vous mettez en lumière que Marramao reconduit la notion de conscience de classe, je l’avais sous-estimez dans ma lecture, et je vous accorde que ceci pose une tension. Mais je maintiens que la place qu’il attribue à la conscience est redéfini par ce qui me semble être sa thèse principale : « C’est seulement dans cette dynamique [le contexte articulé et différencié des relations de production] que la lutte des classes peut être expliquée puisqu’elle n’est rien d’autre que l’effet des contradictions inhérentes à ces relations productives. » (au §5). Autrement dit, que ce n’est pas la conscience qui est élément constitutif – un déjà-donné qu’il s’agirait de révéler (par éducation, conscientisation ou autre moyen) afin qu’il devienne le moteur de l’histoire – mais la constitution est processus en situation, et partie prenante de cette situation traversée par les abstractions réelles des catégories du capital. En posant cela, il invalide toute approche dualiste qui met face à face un sujet conscient et un tout que serait la société (comme deux choses étrangères). Marramao me semble ne pas aller beaucoup plus loin que ça sur cet aspect, on peut lui reprocher. Et c’est dans ce sens là qu’il y a des liens renvoyant aux textes de BA et RS comme prolongements (et qui sont là plutôt pour ceux qui ne les ont pas lu que pour ceux qui les ont déjà lu). Autrement dit, la publication du texte de Marramao ne prétend pas à effacer, et remplacer ceux –ci, mais au contraire à exhumer un aspect du débat en amont de celui-ci, à la fois au niveau chronologique et logique.

    Et si je suis d’accord avec vous sur le danger d’écraser l’originalité de la cohérence interne d’une théorie en ne prenant garde dans son interprétation aux glissements de problématique qu’elle opère, le danger inverse (en miroir) existe aussi. La néophilie perd le fil historique de l’engendrement des théories. Or, un des aspects qui me parait intéressant dans le texte de Marramao est sa charge contre l’opéraïsme. Et si nous ne sommes pas dans la même situation qu’en 1975, la situation actuelle en est issue. Sous l’aspect théorique le lien entre un des chefs de file actuel du démocratisme radical, à savoir Negri, et l’opéraïsme fondé par Panzieri est patent. Alors que pour certains lecteurs – qui ont lu et assimilé TC selon ce que vous dites – la question est déjà clairement réglée c’est possible, mais qu’elle est reléguée de manière globale aux poubelles de l’histoire et n’a plus d’actualité (comme l’est une discussion scolastique sur le sexe des anges), je ne le crois pas. Le fait que cette problématique est impensée, ou pensée en terme dualistes, me parait être agissant, et une des clefs pour comprendre les ‘limites’ sur lesquelles ont buté les mouvements contestataires les plus récents.

    Et même pour les lecteurs de TC, je ne suis pas sûr de la pertinence de l’économie de la lecture de ce texte au titre que TC l’aurait déjà dépassé. Au sens où la compréhension du contenu de TC (ou d’autres théories d’ailleurs) me parait impliqué une saisie de son ‘chemin’, de la genèse (au sens logique, pas empirique) de sa théorisation, à l’opposé d’une adhésion religieuse à ses conclusions. Et c’est à mon sens déjà une manière politique de se mettre en relation avec la théorie, autrement dit un certain geste (partiel, on s’entend, ou peut être même germinal) de communisation à travers l’intelligence de ce qui se passe et de l’intelligence de cette compréhension. Ceci en opposition radicale avec certains appels prédicateurs et incantatoires, qui relèvent de l’obscurantisme (dois-je préciser que je songe entre autres à Tiqqun ou Vaneigem?). Et ça me parait plutôt respecter le geste de TC (que d’autres soutiennent aussi), de saisir la théorie, et non pas de la consommer, que de lire leurs textes de manière critique, et de cultiver cette capacité critique par d’autres lectures. A ce titre, le texte de Marramao (avec ses limites à critiquer) me parait nourrir une compréhension d’un aspect du débat sur la communisation. Ceci dit, je ne prétends pas que personne n’a saisi cette question et que ce texte est une révélation absolue, ni qu’il donne le fin mot.

    Pour la question ‘votre formulation … ne renvoie t-elle pas unilatéralement à un sujet révolutionnaire… ?’ Le sens de ma phrase est de mettre en lumière ce que je crois être le terrain problématique sur lequel se situent les textes de BA et RS, pas d’y donner une réponse. Ceci dit, voir une pertinence à cette problématique implique de postuler que le capitalisme n’est pas éternel, qu’il n’est pas capable de s’auto-abolir par réforme et donc qu’il y a aura un moment révolutionnaire inaugurant une nouvelle forme de vie. Et que ce moment ne sera pas virtuel mais concret, autrement dit porter par des ‘agissants’. Et c’est là que se pose notamment la question de la constitution, comment et de quoi s’engendrent ce moment et ces ‘agissants’. Et je suis resté autant que possible neutre vis-à-vis des réponses qu’apportent BA et RS à cette question, car une critique de leurs textes mérite un autre traitement que quelques lignes de commentaires, et que je ne me sens pas en mesure en l’état d’apporter quelque chose de pertinent à ce propos mise à part de souligner la pertinence de la question sur laquelle se fonde leur débat. Donc non, ma formulation ne renvoie pas unilatéralement à un sujet révolutionnaire, puisqu’elle esquive (ou au moins tente d’éviter) de renvoyer à une réponse.

    (merci pour les liens des textes de Denis et RS).
    http://jacquesrie.blogspot.com

  7. Patlotch
    12/04/2010 à 10:54 | #7

    J R “la publication du texte de Marramao ne prétend pas à effacer, et remplacer ceux –ci, mais au contraire à exhumer un aspect du débat en amont de celui-ci, à la fois au niveau chronologique et logique.”

    Je suis d’accord, l’intérêt de ce texte se situe dans la genèse des évolutions théoriques entre l’ultra-gauche, l’opéraïsme, à un moment où s’élaborait la rupture dans la théorie de la révolution, qui allait aboutir à la théorie de la communisation. C’est par rapport aux points forts de cette rupture que l’on peut apprécier sa place, ce qui suppose la batterie de concepts tels que “programmatisme”, “fin de l’identité ouvrière”, “implication réciproque”, “cycles de luttes”, “dépassement produit”, “restructuration du capital et de la contradiction de classe”, etc… toutes choses qui ne ressortent pas d’un cheminement séparé de la théorie, mais de l’évolution du capitalisme entre 1975 et aujourd’hui. 35 ans, c’est la distance entre 1975 et la 2ème guerre mondiale, celle-ci et la révolution russe de 1905, celle-ci et la Commune… et autant de moments charnières dans l’évolution du capital de la subsomption formelle à la subsomption réelle et sa phase actuelle restructurée, en crise.

    Marramao ne dispose pas de ces concepts, même si, comme vous le notez, il frise celui d”implication réciproque”, dans cette articulation, qui fait son titre, entre “théorie des crises et constitution”. J’ai trouvé beaucoup d’intérêt dans l’historique qu’il fait de cette articulation dans la polémique de l’ultra-gauche.

    J R un des aspects qui me parait intéressant dans le texte de Marramao est sa charge contre l’opéraïsme. Et si nous ne sommes pas dans la même situation qu’en 1975, la situation actuelle en est issue. Sous l’aspect théorique le lien entre un des chefs de file actuel du démocratisme radical, à savoir Negri, et l’opéraïsme fondé par Panzieri est patent

    Par rapport à Negri, je ne connais pas assez l’histoire de l’opéraisme pour saisir en quoi ses thèses plus récentes s’enracinent dans l’opéraisme des années 70, mais il ne me semble pas, par exemple, qu’on puisse aujourd’hui combattre les idées de “revenu garanti”, les thèses du “capitalisme cognitif” et l’abandon de la loi de la valeur avec le bagage théorique qu’utilise alors Marramao dans les conditions d’alors (avant la restructuration, la tendance du précariat à définir le salariat, l’effacement des frontières entre chômage et emploi…).

    Je ne cherche pas à voir où Marramao serait en retrait par rapport aux ruptures théoriques engagées à l’époque. Le fait est que personne ne pouvait anticiper théoriquement les évolutions des décennies suivantes.

    Qu’il existe une histoire de la (des) théories, qui permettent de comprendre mieux le processus historique, je serais bien le dernier à en douter. Mais quant à y trouver “des clefs pour comprendre les ‘limites’ sur lesquelles ont buté les mouvements contestataires les plus récents”, je ne pense pas que cela soit décisif pour d’autres que les théoriciens et ceux qui les lisent. Les limites sur lesquelles butent les luttes actuelles sont actuelles, et ce ne sont plus les mêmes que dans les années 70 – montée de l’autonomie, anti-travail… parce que la dynamique n’a plus les mêmes bases. Les luttes de l’époque ne posaient pas l’appartenance de classe comme contrainte extérieure. Il me semble que du point de vue de la lutte de classes telle qu’on peut l’observer aujourd’hui, c’est le point essentiel qui permet d’articuler “la constitution” (si l’on veut conserver le terme) du prolétariat comme révolutionnaire et la crise de reproduction, par son “activité de crise”.

  8. Patlotch
    12/04/2010 à 11:35 | #8

    Pendant ce temps-là, un peu plus loin ;-)

    « La conscience politique, autrement dit la conscience de l’antagonisme irréductible entre les intérêts des travailleurs salariés et toute l’organisation sociale contemporaine, vient « depuis l’extérieur de la sphère des rapports entre patrons et ouvriers », disait Lénine (Que faire ?). Cette expression, “depuis l’extérieur”, ne recouvre pas seulement l’ensemble des rapports entre les classes et entre celles-ci et l’Etat, mais aussi quelque chose d’autre.»

    CONSCIENCE DE CLASSE ET PARTI, Point de vue d’un communiste italien, Domenico Moro, Texte tiré du livre paru aux éditions Delga en septembre 2009 : La crise du capitalisme et Marx – Abrégé du Capital rapporté au XXIème siècle. 292 pages.

    http://lepcf.fr/spip.php?page=article&id_article=113

    Un problème mal posé est complètement irrésolu.

  9. Patlotch
    12/04/2010 à 22:46 | #9

    Au risque de paraître un peu lourd à certains, je précise que mon post précédent, au-delà du gag, renvoie aux mêmes questions, fondamentalement, que le texte de Marramao (je ne tiendrais pas pour preuve sa propre évolution politique, mais bon, un p’tit tour sur Google est significatif de ce dont pouvait être grosse, avec le temps, la conclusion de son texte de 1975 : “L’Etat émerge de la représentation du processus global de la reproduction sociale comme expression suprême de la réalité de l’abstraction et de sa domination complexe effective sur la société. Comme dernière crête du processus logique et historique de la socialisation du capital, et ainsi de l’universalisation réelle de la domination de l’abstrait, l’Etat émerge comme le fond de la critique de l’économie politique ; une instance de réglementation et, en même temps, une expression généralisée de la crise.”

    Sans parler de ses centres d’intérêts plus récents, j’aimerais voir une traduction de son texte de 1979 “Il politico e il transformazioni”
    auquel se réfère Bensaïd, théoricien de la LCR et du NPA, en 2006 dans « Sur le retour de la question politico-stratégique » http://www.marxau21.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=42:sur-le-retour-de-la-question-politico-strategique&catid=60:marx-en-politiques&Itemid=83

    Le lien avec le texte de Domenico Moro inspirant les tenants du PCF comme le parti putatif de la conscience de classe est patent, à la lumière de la présence médiatique de Marramao dans l’expression anti-Beslusconi.

    Dans leur problématique (qu’on aurait tord de considérer comme fossile, ce texte est de 2010, certes on ne s’y pose pas la question de la politique, mais celle de l’Etat, bref de ‘la politique contre l’Etat’ -Bertho-, via des partis ou associations institutionnelles, débrouillez-vous…), Lukacs et Lénine à l’appui, on découvre que la conscience est apportée à la classe “de l’extérieur” (de son rapport immédiat au capital dans l’exploitation), et que la conscience (Lukacs) ce serait “la science”. D’où gap que la théorie (assimilée à la conscience), et le parti (Lenine, Trotsky, Bensaïd… Fathers and Sons) doivent combler. Sauf que la théorie de la révolution se différencie de toute science, dure ou sociale, par le fait qu’elle est une activité partie prenante de son (supposé) objet -11ème thèse Feuerbach-, et de la conscience immédiate par le fait qu’elle fait retour critique sur l’expérience immédiate de la lutte (“pas de révolution sans théorie”, RS, Fondements critiques…) – en attendant de pouvoir le faire en temps réel, la communisation étant au bon sens du terme une improvisation collective.

    Même si on ne se lamente pas sur les tourments de tout parti hanté par le programmatisme en version démocrate radicale (projet, stratégie, extériorité de la conscience ET de la théorie “anti-capitaliste” dans le capital), on peut voir un problème commun avec le texte de Marramao, dans la nécessité même d’articuler (la théorie ‘des crises’, le militantisme pour constituer) des champs qui n’en font qu’un si on les comprend comme contradiction, pratique et théorique sans médiation, de l’exploitation et de la lutte révolutionnaire.

  10. norman
  11. Patlotch
    15/04/2010 à 13:16 | #11

    CRISIS, CONSTITUTION AND CAPITAL

    Notes on “Theory of Crisis and the Problem of Constitution”

    Chris Wright, 2006

    http://www.riff-raff.se/wiki/en/chris_wright/crisis_constitution_and_capital

  12. A.D.
    15/04/2010 à 23:46 | #12

    “Sauf que la théorie de la révolution se différencie de toute science, dure ou sociale, par le fait qu’elle est une activité partie prenante de son (supposé) objet -11ème thèse Feuerbach-, et de la conscience immédiate par le fait qu’elle fait retour critique sur l’expérience immédiate de la lutte (« pas de révolution sans théorie », RS, Fondements critiques…) – en attendant de pouvoir le faire en temps réel, la communisation étant au bon sens du terme une improvisation collective.”Patlotch
    La théorie de la révolution, laquelle de théorie et bien sûr de quelle révolution ? Et de quel” supposé” objet est-elle “partie prenante”, pour moi parti pris.
    En attendant de pouvoir communiser en temps réel, communiquons du clavier.” Pas de révolution sans théorie”, mais pas de théorie “vérifiable”, ni de théorie sans révolution ; autrement dit les expressions les plus diverses et parfois paradoxales et contradictoires de pratiques théorico-pratiques sont des expressions du moment actuel, les théories font partie de ce même moment, elles ne vont pas plus loin, ni de dépassent réellement ce moment. J’envisage toutes les expressions des luttes, luttes ouvrières ou groupusculaires, toutes les théories de la révolution, ou des révolutions comme comprises dans ce moment actuel. De mon point de vue l’activité productrice de discours théorique ne peut s’ériger en garant, ni en dépositaire, si la théorie produite ne comprends pas la nécessité immédiate ou alternative, elle ne comprend que sa propre nécessité. Le discours narratif n’a pas l’autorité de contraindre les nécessités du moment, le moment nous commande, le choix nous contraint. Si cette pente conduit certains à envisager la production de théories comme unique activité liée à la communisation, cette même pente incline d’autres vers toutes sortes d’activités de luttes. Cette pente encore pousse l’ensemble du prolétariat, par fraction, soit au conflit, soit à la vente, et encore aux deux. Les luttes sont bavardes, mais les ouvriers et les ouvrières sont souvent muettes, les théories parlent d’eux.
    Je doute, en effet qu’il existe une théorie juste.
    Et qu’une théorie puisse se substituer à une position réelle dans un moment réel, c’est pour cette raison que les théoriciens préfèrent combattre entre eux en lutte théorique, comme TC/Trop Loin, et d’autres…D’autres encore s’amuseraient ou pis, se fourvoieraient en d’inutiles révoltes, l’heure n’ayant pas sonné de la sublime improvisation, tant attendue. Non c’est pas la communauté immédiate, ni l’alternative de rien, c’est ce qui peut se faire, d’autres mettent le feu ou réclament des indemnités avec de bons arguments.
    La communisation, pas plus que la révolution ne s’attend, elle se tentent, s’imposent se produisent, se construisent des langages.
    Il n’y a pas de révolution qui attend.

  13. Patlotch
    16/04/2010 à 15:12 | #13

    AD De mon point de vue l’activité productrice de discours théorique ne peut s’ériger en garant, ni en dépositaire, si la théorie produite ne comprends pas la nécessité immédiate ou alternative, elle ne comprend que sa propre nécessité.

    Nulle part, Don Quichotte, les “discours théoriques” que tu vises ne se posent en “garant” ou “dépositaire”, au contraire.

    La théorie produite fait plus que comprendre la nécessité actuelle de l’alternative ou du démocratisme radical, de l’auto-organisation. C’est pourquoi il n’est pas question pour elle de les dénoncer comme fausses pratiques, comme erreurs. Par contre, ce qu’elle produit en plus, ce qu’elle met en évidence, c’est la dynamique dans laquelle interviennent ces pratiques, et leurs limites dans cette dynamique, qui n’en sont pas moins des nécessités produites de ce moment actuel.

    Autre chose, à mon avis, est de critiquer théoriquement les théories qui, accompagnant ces pratiques, se proposent de produire ainsi la révolution. Cela s’est toujours présenté comme ça, entre courants du mouvement ouvrier appuyés sur telles ou telles théories, marxistes, anarcho-syndicalistes, anarchistes, conseillistes et au sein de chacun d’eux.

    AD Si cette pente conduit certains à envisager la production de théories comme unique activité liée à la communisation

    S’il y en a, je ne pense pas que l’absence d’une poignée d’individus soit déterminante sur le cours des luttes, surtout s’ils sont persuadés que d’exprimer leurs théories dans ces luttes n’est pas forcément pertinent… Quoi qu’il en soit il me semble préférable que cette “pente” ne conduise pas à ce que personne ne se préoccupe de poursuivre en permanence le chantier d’une théorie de la révolution.

    AD Les luttes sont bavardes, mais les ouvriers et les ouvrières sont souvent muettes…

    Ah bon, alors qui parle, dans les luttes ? Jeanne d’Arc ?

    AD les théories parlent d’eux

    Oui mais d’eux dans le rapport de leurs activités au capital. C’est toujours mieux que de parler à leur place en considérant qu’ils sont muets

    AD Je doute […] qu’une théorie puisse se substituer à une position réelle dans un moment réel, c’est pour cette raison que les théoriciens préfèrent combattre entre eux en lutte théorique, comme TC/Trop Loin, et d’autres…

    Personne, les théoriciens en cause encore moins, ne prétend substituer quoi que ce soit à autre chose. La théorie (lourde) a son autonomie relative, par le fait même qu’elle reformule ce qui se fait ou se dit dans les luttes sur la base de résultats précédents, du cours des choses et de la théorie même, elle introduit une distance à l’intérieur de ce dont elle est partie prenante (c’est pourquoi elle n’est pas une science). Ce n’est pas tant que les théoriciens “préfèrent…”, c’est que le débat dans le champ théorique est nécessaire aussi. Marx a polémiqué avec (ou contre) Proudhon, Bakounine… sur la base de courants dans le mouvement ouvrier qui pouvaient être porteurs de pratiques et d’idées plus ou moins proches de leurs vues respectives, courants qui ne connaissaient pas nécessairement ces polémiques.

    AD D’autres encore s’amuseraient ou pis, se fourvoieraient en d’inutiles révoltes, l’heure n’ayant pas sonné de la sublime improvisation, tant attendue

    Encore une fois, t’as vu ça où ? Les révoltes, émeutes, etc ne sont nulle part dénoncées comme inutiles par ceux que tu vises de façon obsessionnelle – et quasi moraliste. Ce qui rejoint le problème de la nécessité. Ces formes de luttes existent, c’est comme ça, la question est pourquoi, à quelle nécessité cela répond actuellement, éventuellement qu’est-ce que cela annonce, etc. Quel théoricien pourrait être assez stupide, en tant que tel, pour juger “inutile” quelque chose qui a lieu.

    AD La communisation, pas plus que la révolution ne s’attend, elle se tentent, s’imposent se produisent, se construisent des langages.

    Passons sur “elles se tentent, s’imposent”… Qu’elles se construisent des langages, je suis assez d’accord. Mais un langage est traversé par des activités qui ressortent autant de la confrontation de classes dans les luttes que des activités théoriques de production d’idées, la vérification d’hypothèses, l’élaboration de concepts comme outillage de la pensée du concret… Le terme de communisation, par exemple, est sans doute plus utilisé aujourd’hui qu’il y a cinq ans.

    A part ça, tu peux te moquer d'”improvisation”, mais c’est tout à fait ce qui se produit quand on fait des choses qui, bien que présupposant une connaissance, une expérience, des techniques, sont mieux faites et vont plus loin quand on les oublie dans l’action en temps réel. Toute véritable praxis trouve là son efficience, comme toute pratique artistique, sportive, art martial, etc. Essaye de descendre des escaliers en courant, en comptant les marches à voix haute. Ne m’appelle pas si tu tombes.

    L’activité révolutionnaire, en tant qu’engageant, exigeant – sauf à se laisser diriger – une intelligence pratique collective intégrée, se présente comme une improvisation collective, au sens fort – non galvaudé et ignorant – du terme. C’est bien pourquoi les prolétaires n’auront pas le loisir de se tourner vers un parti, une organisation, ou une théorie extérieure comme guide. C’est complètement en phase avec les théories que tu soupçonnes précisément du contraire.

  14. Patlotch
    16/04/2010 à 16:29 | #14

    Je fais encore deux remarques avant de monter si possible au ciel des cendres.

    1. La première c’est que d’une façon générale, la façon de poser une articulation, une interaction entre cours économique du capital et mouvement révolutionnaire (surtout posé en termes de conscience, de problème du sujet prolétariat) me paraît très lié à la pensée, à la philosophie occidentales. Le corps séparé de l’âme, y compris sous sa forme non religieuse de raison. C’est un avatar de l’idéalisme et du matérialisme “vulgaire” que même certaines conceptions dialectiques ne parviennent pas à dépasser, parce qu’elles n’arrivent pas, et moins bien que la culture asiatique ou africaine, à admettre ce qu’est une contradiction antagonique (ici plus précisément tout comme opposition de partie impliquées réciproquement sous la subsomption de l’une d’elle) – on le retrouve dans la critique de Dauvé & Nesic, en conclusion de Sortie d’usine : « Et il s’agit de plus qu’une implication réciproque, qui n’est qu’un rapport interne à un système : logiquement, une implication ne peut que se reproduire elle-même.» D’un côté D&N ont « évoqué la dialectique (mot pompeux [dans un contexte théorique, je ne vois pas la nécessité de cette précaution, nda], mais c’est le plus approprié) de l’en dedans et de l’en dehors. », d’un autre, je trouve un peu formelle leur conception de la logique dialectique. Cela dit on peut on discuter le choix par TC d'”implication réciproque”, vu sa connotation mathématique formaliste et non dynamique, qui modélise tout sauf une contradiction au sens dialectique, il nécessite tout l’appareillage conceptuel qui l’entoure pour le trouver acceptable (notamment subsomption, et là pas étonnant que D & N utilisent “dominsation”)

    2. Cela m’amène à préciser une chose. D’un premier point de vue, je m’exprime d’une façon très proche de Théorie communiste, et même plus proche depuis que j’ai abandonné l’idée qu’il serait nécessaire de parler positivement du communisme. Cela ne signifie pas que j’abandonne certaines idées que j’avais essayé d’élaborer dans Communisation, troisième courant. Je les reprendrai un jour autrement. Ce que je peux esquisser à ce stade, c’est :

    – le capital est abolit sur la base du capital par le prolétariat qui communise les rapports sociaux en détruisant ceux qui déterminent ce mode de production (j’inclue son Etat). Là-dessus, à la formulation près, je suis técéiste.

    – dans cette activité, au fur et à mesure que sont détruites les bases des rapports sociaux (et au-delà) anciens, déterminés ou surdéterminés, en subsomption réelle, il est amené dans le même mouvement, n’étant plus qu’à moitié prolétariat – classe d’un capital qui est en voie d’abolition, donc de ne plus déterminer la qualité de tout échange – à les reconstruire dans l’inconnu, ayant mis à plat des rapports historiques remontant plus loin que les origines du capitalisme qui en a fait sa chose. Tels sont les rapports de genre et les rapports à/dans la nature. Le retour à un humanisme, à un anthropocentrisme n’est plus possible (là-dessus on rejoint des thèmes de Camatte).

    – je vois la communisation, dans son sens “strict” d’activité de classe contre classe, comme produisant l’ouverture – la remontée historique – de problèmes qui ne trouvent pas de solution au sein de la contradiction de classe même poussée à son dépassement -un déblocage, ouverture de la boîte de Pandore. Ce qui est inventé là est constitutif de ce que nous appelons la positivité du communisme, au même titre que les question de production sans productivité et de l’abolition de la valeur.

    Je pense qu’une telle vision, d’une part, est compatible avec ce que dit TC dans ce qu’il ne dit pas, et d’autre part liée à ce que BA a nommé “activité de crise du prolétariat”, dans l’engagement d’un processus de d'(auto-)métamorphose. Il n’est nullement besoin d’abandonner le concept d’implication réciproque pour envisager un tel “modèle théorique”, qui ne pose pas non plus la nécessité d’un processus extérieur à la contradiction de classe, du type “révolution à titre humain” (Temps Critiques est plus étroit que Camatte).

    Accessoirement, je pense que c’est radicalement différent des visions étapistes du type “on s’attaquera au problème de la domination sexuelle ou de l’écologie quand on aura posé les bases d’une société socialiste (ou communiste) verte”. C’est-à-dire que je conçoit là aussi une immédiateté révolutionnaire, sur la base de luttes précédentes qui ne peuvent immédiatement dépasser les conditions existentes subsumés par les rapports sociaux capitalistes, au premier desquels la valeur. Cela ouvre au demeurant un champ général sur ce qu’on appelle “échange”.

    Enfin, je pense que le concept même d’individu n’est pas adéquat à penser les échanges humains dans le communisme. L’individu que nous avons en tête sera aboli.

    Au total cela donne bien, malgré tout, un processus révolutionnaire qui n’est pas strictement prolétarien, et pas strictement humain non plus.

  15. A.D.
    16/04/2010 à 20:53 | #15

    “Nulle part, Don Quichotte, les « discours théoriques » que tu vises ne se posent en « garant » ou « dépositaire », au contraire.” Patlotch . Au contraire ?
    “Cela s’est toujours présenté comme ça, entre courants du mouvement ouvrier appuyés sur telles ou telles théories..” Patlotch. Si c’est une tradition, il faut protéger. Mais quel était le but de ces mouvements ?
    ” Quel théoricien pourrait être assez stupide, en tant que tel, pour juger « inutile » quelque chose qui a lieu. Patlotch.

    Non pour juger inutile, mais bien pour “juger”, comme tu l’écris.
    Bon, à part ces vétilles, et ton adhésion “je suis técéiste”.”Au total cela donne bien, malgré tout, un processus révolutionnaire qui n’est pas strictement prolétarien, et pas strictement humain non plus.” Composition exacte de ce processus en % ?
    “Instead, I offer a short set of thoughts around the potential connections between two ‘isations’: financialisation, especially as it shapes the university, and communisation (a practice of communist measures of collectivity and secession from capital that doesn’t wait for a communist revolution)
    Au fait, où est passé le texte en Espagnol sur la comunizacion ?
    A-t-il été jugé en trop ? Il est vrai qu’il y était question des “penseurs du club T.C.”, mais où vont-ils chercher tout ça?
    Salutations donquixotesques et non obstant sanchopanzesques

  16. Patlotch
    17/04/2010 à 13:03 | #16

    Je crois que la fin du programmatisme, initié à l’époque de Marx qui en fut le premier théoricien, détermine une toute autre conception de la révolution, et que que les conséquences doivent en être tirées radicalement. D’une part tout le monde est d’accord là-dessus, concernant la communisation comme immédiateté de la révolution, d’autre part pour éradiquer l’idée d’un projet dont on pourrait anticiper la réalisation. Toutes les histoires de constitution de la conscience ou du mouvement se rapport en définitive à une conception qui traîne des scories du programmatisme au-delà même de l’idée de pouvoir prolétarien sous une forme étatique, démocratique, autogestionnaire ou conseilliste. La métaphore de l’improvisation collective est une antidote à l’illusion d’une sorte de programmatisme communisateur.

    AD « Au total cela donne bien, malgré tout, un processus révolutionnaire qui n’est pas strictement prolétarien, et pas strictement humain non plus. »(Patlotch) Composition exacte de ce processus en % ?

    Si je réagis sérieusement aux questions infantiles d’AD, c’est parce que je considère important ce point de discussion, entre ce qu’expriment TC, BA, TropLoin, et ce qui me travaille depuis on texte Troisième courant. Il faut voir le processus communisateur comme une dynamique comportant plusieurs problèmes de nature différentes et intriquées. Jusqu’à un certain point, qui n’est pas une chronologie mais quand même un déroulement évoluant dans le temps – ce qui compte est la destruction des conditions antérieures, et dans le même mouvement, l’invention de nouveaux rapports face à tous les problèmes à résoudre pour vivre en changeant la vie. Ce basculement, la stricte implication réciproque dans les catégories du capital ne permet pas de le concevoir. C’est un processus révolutionnaire global qui intégre plusieurs dimensions, plusieurs niveaux, étant entendu que jusque là, le capital obstrue toute possibilité de s’y attaquer essentiellement – question de genre, question écologique, question même de l’individualité humaine dans le rapport au monde. Cela ne signifie pas qu’une force vienne de l’extérieur de ce rapport, qui est un tout. C’est un noeud complexe de contradictions qui se présentent différemment dans ce moment là, parce que les individus n’existent pas plusieurs fois, sous plusieurs formes – prolétaire, être humain, femme, homme, être vivant…-. Cela signifie que des aspects relèvent de contradictions qui ne sont plus alors – et seulement alors – déterminés par le strict rapport prolétariat-capital.

    Après tout, c’est quelque chose de ce genre qui a été pensé dans le texte de TC sur le Genre, mais il me semble que le carcan structuraliste ne permette pas vraiment de l’intégrer dans cette théorie sans en bousculer certaines constructions.

    Grosso Modo, je cherche par là à sortir des apories de Théorie communiste sans tomber dans le schéma de Camatte, ni de Temps critiques, et moins encore dans une révolution comme convergence, unification des luttes contre les dominations de toutes sortes qui effacent la contradiction de l’exploitation.

    On mesure donc jusqu’où je suis técéiste, alors, couper et tronquer une intervention pour faire dire à tel passage autre chose que ce qui est dit… misère d’un spécifique intellect.

  17. pepe
    17/04/2010 à 14:04 | #17

    AD, désolé pour ta parano mais si j’ai fait sauter le texte sur la communisation c’est que je maitrise mal le logiciel et qu’il perturbe le site sous Internet Explorer. merci de l’avoir remis en commentaire, ça m’a permit de le refaire passer en post, ce qui a toujours été mon intention. C’est moins glamour qu’un complot técéiste mais plus près de la banale réalité de l’animation d’un petit blog!

  18. A.D.
    19/04/2010 à 19:36 | #18

    parano :
    Comme tout le monde, oui la critique est souvent paranoïaque.
    D’un infantile spécifique intellect misérable, d’un idiot des cités, d’un donquichotte, etc…parano ?
    J’ai entendu dire : politicien, arriviste, immédiatiste, alternativiste, cela ne m’ était pas destiné, mais on finit par se méfier tout de même. Bien sûr les traditions du mouvement ouvrier, mais sans ouvriers, sans mouvement, avec la hauteur qui sied et prend ses airs “ceux-là ne nous intéressent plus”( les scories programmatiques, tiens le volcan) ou bien les “énervés” et toutes les catégories en enfilade.
    La théorie de haut vol, plus que ça à faire, toujours en attendant que vienne l’heure produite, c’est de là que l’on déclare ceci cela, faire ne pas faire, ami ou ennemi, petit-bourgeois, tout ça…C’est cela ou rien.
    Patlotch recherche l’équilibre sortir de sans tomber dans (l’escalier), pourquoi faire ? pour le faire, en attendant de n’avoir pas que cela à faire dans l’improvisation, c’est sûr. Qui va commencer tous ensemble?
    L’impro, c’est produit par des musiciens qui ont appris à faire cela, ils créent à partir d’un blues ou d’autres, et ce qu’ils font c’est du blues etc…c’est incorporé au morceau, je vois une différence avec le problème social en suspens car l’improvisation débouche sur un autre type de morceau, voire détruit le morceau, mais c’est joli quand même comme métaphore.

  19. patlotch
    20/04/2010 à 13:07 | #19

    Dans ce fil de discussion, c’est la notion de “constitution” qui me paraît centralement en cause, entre les théories des années 60-70 et celles de la communisation. La question est de savoir si elle est encore un problème, un enjeu, qu’il soit théorique ou pratique. Par là, on voit qu’on est renvoyé à la cohérence interne et externe de la théorie communiste, à l’implication réciproque vs l’extériorité et aux bricolages formalistes des articulations, des interactions (de la théorie, du parti, de l’organisation, du prolétariat et du capital…). Derrière ça, c’est la question d’une méthode dialectique adéquate pour penser les contradictions.

    Quand on dit “les luttes sont théoriciennes”, c’est exprimé du point de vue du théoricien qui élabore la théorie (‘lourde’) – RS peut dire “les luttes sont théoriciennes”, et s’en servir. Mais le plus important, c’est la réciproque : la théorie est “praticienne”, les luttes auto-apprenantes. La boucle se boucle dans la lutte de classe et son résultat (soit le retour des présuppositions du capital soit la communisation), pas dans l’interaction théorie-pratique (ou parti-orga-masses).

    Que les luttes en viennent à saisir (“consciemment”, si on veut) la théorie même qu’elle produisent, c’est la perspective révolutionnaire autour de la production de l’appartenance de classe comme contrainte extérieure – saisie et production ne font qu’un dans l’activité comme affrontement avec l’ennemi de classe, non comme activité du prolétariat par rapport à soi (un peu à quoi tend TropLoin, si je les comprends bien).

    Il n’empêche que cela fait remonter toute la mémoire historique du mouvement ouvrier, des cycles précédents, toute l’expérience qui fait que les luttes actuelles révèlent ces nouveaux enjeux et acquièrent des savoirs, des ‘savoir-faire’, se donnent des formes correspondant à ces situations actuelles.

    Remarque : La métaphore de l’improvisation collective aide simplement à comprendre la différence avec ce qu’un orchestre joue d’après une/des partitions, autrement dit une musique ‘programmée’, un projet déterminé par un compositeur armé de théorie musicale, avec un chef d’orchestre guidant un ensemble d’instrumentistes bons lecteurs-interprètes, etc. Parce que dans l’impro – quel que soit le canevas ou son absence – chacun doit connaître la théorie et l’avoir assimilée en pratique, en technique instrumentale, et s’en servir en mettant immédiatement son jeu individuel au service du jeu collectif, par l’écoute et la réactivité, où la seule application de connaissances et de savoirs ne permet pas de dépasser les limites acquises.

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