Les luttes étudiantes dans la fin du «compromis éducatif » (Edu-deal)
Depuis la révolte étudiante massive en France, en 2006, contre le Contrat Première Embauche (CPE), et la « vague anormale »en Italie en 2008, la protestation des étudiants a cru dans presque toutes les régions du monde, suggérant une reprise de l’euphorie de 1968. Elle a atteint un crescendo à l’automne et l’hiver 2009, lorsque les grèves de campus et les occupations se répandent de la Californie à l’Autriche, l’Allemagne, la Croatie, la Suisse et plus tard, au Royaume-Uni. Le site Tinyurl.com/squatted-universities compte 168 universités (principalement en Europe) où des actions ont eu lieu entre le 20 Octobre et la fin de Décembre 2009.[print_link]
Et la progression est loin d’être terminée. Le 4 Mars 2010, aux Etats Unis, à l’occasion d’une journée d’action nationale (la première depuis mai 1970 pour la défense de l’enseignement public, une des organisations de la coordination listait 64 campus différents ayant vu une forme de manifestation. (Defendeducation.org). Le même jour, le Congrès des étudiants d’Afrique du Sud(SASCO) tentait de fermer neuf universités, appelant à l’éducation universitaire gratuite. La manifestation à l’Université de Johannesburg s’est avérée être la plus agitée, la police chassant les étudiants d’une barricade en feu avec des canons à eau.
A l’origine des mobilisations les plus récentes, on trouve les compressions budgétaires que les gouvernements et les établissements universitaires ont mis en place dans le sillage de l’effondrement de Wall Street et la hausse des frais de scolarité qui s’en est suivi, jusqu’à 32 pour cent à l’Université de Californie et des augmentations équivalentes dans certaines universités britanniques. En ce sens, le nouveau mouvement étudiant peut être considéré comme la principale réponse organisée à la crise financière mondiale. En effet, «Nous ne paierons pas pour votre crise» – le slogan des étudiants italiens en grève – est devenu un cri de guerre international. Mais la crise économique a exacerbé un mécontentement général qui a des sources plus profondes, découlant de la réforme néolibérale de l’éducation et la restructuration de la production qui ont eu lieu au cours des trois dernières décennies, qui ont affecté tous les aspects de la vie étudiante dans le monde.(1)
La fin du « compromis dans l’éducation » ( l’Edu-Deal )
Les éléments les plus remarquables de cette restructuration ont été la privatisation des systèmes universitaires, et la commercialisation de l’éducation. Les universités « a but lucratif »sont encore une minorité sur la scène universitaire, mais le « business à venir» du monde universitaire est bien avancé, en particulier aux États-Unis, où il remonte à l’adoption de la loi Bayh-Dole de 1980, qui a permis aux universités de demander des brevets pour des «découvertes» faites dans leurs laboratoires que les entreprises auraient à payer pour les utiliser. Depuis lors, la restructuration du milieu universitaire comme entreprise lucrative a progressé sans relâche. L’ouverture des laboratoires universitaires à l’entreprise privée, la vente de la connaissance sur le marché mondial (par l’éducation en ligne et l’enseignement off-shore), la précarisation du travail académique et l’introduction de la hausse constante des frais de scolarité, forçant les étudiants à s’endetter toujours plus, sont devenus les caractéristiques standards de la vie universitaire aux États-Unis, et, avec des différences régionales, les mêmes tendances peuvent désormais être enregistrées partout dans le monde.
En Europe, la lutte symbolisant le nouveau mouvement étudiant a été celle qui lutta contre le «processus de Bologne», un projet européen qui institue une ère européenne de l’enseignement supérieur, et favorise la circulation de la main-d’œuvre au sein de son territoire grâce à l’homogénéisation et la standardisation des programmes d’enseignement et des diplômes. Le processus de Bologne place sans vergogne l’université au service de l’entreprise. Il redéfinit l’éducation comme production de travailleurs mobiles et flexibles, possédant les compétences que les employeurs exigent ; il centralise la création de normes pédagogiques, supprime le contrôle des acteurs locaux, et dévalorise les connaissances et les préoccupations locales. Des développements similaires ont eu lieu dans de nombreux systèmes universitaires en Afrique et en Asie (Taiwan, Singapour, Japon) qui sont également en cours d’«américanisation» et standardisés (par exemple, à Taiwan par l’imposition de la Social Science Citation Index pour évaluer les professeurs) – de sorte que les multinationales peuvent utiliser des « travailleurs du savoir » indiens, russes, sud-africains ou brésiliens, au lieu des américains ou de européens, avec la certitude qu’ils sont aptes pour le job. (2)
Il est généralement reconnu que la privatisation du système universitaire a été en partie une réponse aux luttes étudiantes et mouvements sociaux des années 60 et 70, ce qui a marqué la fin des politiques de l’éducation qui prévalaient à l’ère keynésienne. De même que les campus, de Berkeley à Berlin, étaient devenus le foyer d’une révolte antiautoritaire, dissipant l’illusion keynésienne que l’investissement dans l’enseignement collégial serait rentable sous la forme d’une augmentation de la productivité générale du travail, l’idéologie de la l’éducation comme une préparation à la vie civique et un bien public devait être écarté. (3)
Mais le nouveau régime néolibéral représentait également la fin d’un rapport entre les classes. Avec la suppression des allocations, des indemnités et des frais de scolarité gratuits, le coût de «l’éducation», à savoir le coût de son « auto préparation » au travail, a été imputé carrément sur la main-d’œuvre, ce qui équivaut à une baisse massive des salaires, particulièrement onéreuse étant donné que la précarité est devenue la relation de travail dominante, et que, comme toute autre marchandise, la connaissance «achetée» est rapidement dévaluée par l’innovation technologique. C’est également la fin du rôle de l’État en tant que médiateur. Dans les facs privées, les étudiants font désormais face au Capital directement, dans des classes surchargées où les enseignants ne peuvent guère faire correspondre les noms sur les listes avec des visages, dans l’expansion de l’enseignement d’appoint et, surtout, dans l’endettement croissant qui, en transformant les étudiants en serviteurs sous contrat des banques et / ou de l’État, agit comme un mécanisme disciplinaire sur la vie étudiante, jetant également une ombre sur leur avenir.
Pourtant, dans les années 1990, les effectifs étudiants ont continué de croître à travers le monde sous la pression d’une restructuration économique qui faisait de l’éducation une condition pour l’emploi. Il était devenu un mantra, au cours des deux dernières décennies, de New York à Paris et Nairobi, de prétendre que, avec la montée de la « société de la connaissance »et la révolution de l’information, coûte que coûte, l’enseignement collégial était un « must » (Banque mondiale 2002).
Les statistiques semblaient confirmer la sagesse de gravir les échelons scolaires, montrant un différentiel de 83 pour cent aux États-Unis entre les salaires des diplômés des collèges et ceux des travailleurs ayant un diplôme d’études secondaires. Mais l’augmentation des inscriptions et de l’endettement doit également être lue comme une forme de lutte, un rejet des restrictions imposées par l’assujettissement de l’éducation à la logique du marché, une forme cachée de crédit, qui se manifeste dans le temps par l’augmentation du nombre de personnes en défaut de remboursement de leurs prêts.
Il n’y a pas de doute, dans ce contexte, que la crise financière mondiale de 2008 visait cette stratégie de la résistance, balayant les dernières garanties, par le biais des compressions budgétaires, des licenciements, et la massification du chômage. Certes, le « edu-deal », qui promettait des salaires plus élevés et la satisfaction au travail en échange de la prise en charge par les travailleurs et leurs familles du coût de l’enseignement supérieur, se dissout ainsi. Dans la crise, le Capital renie ce « deal », certainement à cause de la prolifération des défauts (de paiement.ndt) et parce que le capitalisme d’aujourd’hui refuse toute garantie, tels que la promesse d’un salaire élevé pour les futurs travailleurs de la connaissance.
La crise financière de l’Université (l’augmentation des frais de scolarité, les coupes budgétaires, les lock-out et les licenciements) est directement destinée à éliminer la garantie des salaires qui formalisait que l’enseignement supérieur était censé apporter et à apprivoiser le «cognitariat». Comme dans le cas des travailleurs immigrés, l’attaque contre les étudiants ne signifie pas que les travailleurs du savoir ne sont pas nécessaires, mais qu’ils doivent encore être discipliné et prolétarisés, grâce à une attaque contre le pouvoir qu’ ils ont commencé à revendiquer, en partie du fait de leur position dans le processus d’accumulation.
La révolte des étudiants est donc profonde, dans la perspective de l’esclavage de la dette aggravée par un avenir d’insécurité et un sentiment d’aliénation causée par une institution perçue comme mercenaire et bureaucratique qui, dans le marché, produit une marchandise soumise à une rapide dévaluation.
Revendications ou occupations ?
Le mouvement étudiant est toutefois confrontée à un problème politique, de façon évidente aux États-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe. Il possède deux âmes. D’un côté, il exige des études universitaires libres, de faire revivre le rêve d’une « scolarité de masse » financées sur fonds publics, proposant ostensiblement de revenir au modèle keynésien. D’autre part, il est en révolte contre l’université elle-même, appelant à une sortie de masse de celui-ci sans l’intention de transformer le campus en une base pour la production de connaissances alternatives qui soient accessibles à « ceux du dehors». (4)
Cette dichotomie, que certains caractérisent comme un retour à la formule du passé «réforme contre révolution», est devenue plus visible dans le débat déclenché par les grèves de l’Université de Californie l’an dernier, autour de « revendications ou occupations », qui cette fois a pris un ton agressif, ces termes étant devenus des signifiants complexes pour les hiérarchies et les identités, les différents niveaux de pouvoir, et ce que cela implique pour la prise de risque.
Le contraste n’est pas purement idéologique. Il est enraciné dans les contradictions de tous les mouvements antagonistes aujourd’hui. La restructuration économique a fragmenté la population active, approfondi les divisions, et, et ce n’est pas le moindre, elle a augmenté l’effort et le temps requis pour la reproduction quotidienne. Une population étudiante tenant deux ou trois jobs est moins encline à s’organiser que ses pairs les plus riches dans les années 60.
Dans le même temps il ya un sens, entre autre, dans le faitqu’il n’y a plus rien à négocier, que les exigences sont devenues superflues puisque, pour la majorité des étudiants, acquérir un certificat n’est pas une garantie, dans un avenir qui annonce tout simplement plus de précarité et un auto recyclage permanent. Beaucoup d’étudiants se rendent compte que le capitalisme n’a rien à offrir à cette génération, qu’aucun « compromis » n’est possible, même dans les zones métropolitaines du monde où la plupart des richesses sont accumulées. Bien qu’il y ait une tentative généralisée de la faire revivre, la politiques keynésienne de revendications et de compromis est morte depuis longtemps.
Comme le slogan «occupons tout» – construire l’occupation est considéré comme un moyen d’auto-émancipation, comme création d’espaces que les étudiants peuvent contrôler, comme une pause dans le flot de travail et de valeur au travers duquel l’Université élargit sa portée, et la production d’un « contre pouvoir » étudiant préfigurant les relations communisantes que les étudiants d’aujourd’hui veulent construire.
Il est difficile de savoir comment le débat « revendications/occupations » au sein du mouvement étudiant sera résolu. Ce qui est certain, c’est que c’est un défi majeur que le mouvement doit surmonter afin d’accroître son pouvoir et sa capacité à se connecter avec d’autres luttes. Ce sera une étape nécessaire si le mouvement veut obtenir le pouvoir de récupérer l’éducation des mains des autorités académiques et l’État. Comme prochaine étape, il ya actuellement beaucoup de discussions sur la création de «biens communs du savoir », dans le sens de créer des formes de production du savoir autonome, pas finalisé ou conditionnée par le marché et ouverts à l’extérieur des murs du campus.
En attendant, comme Edu-Notes a reconnu,
« déjà le mouvement étudiant est la création d’un « commun » à part dans le processus même de la lutte. À la vitesse de la lumière, des nouvelles de la grève, rassemblements et occupations, ont circulés dans le monde entier, provoquant un tam-tam électronique mondial des communiqués échangés, des slogans, des messages de solidarité et de soutien, entraînant un volume exceptionnel d’images, de documents, d’histoires ».v(5)
Pourtant, le principal «commun» que le mouvement devra construire est l’extension de sa mobilisation à d’autres travailleurs dans la crise. La clé de cette construction sera la question de la dette qui est le modèle même d’ «anti-communs », puisque c’est la transformation du surplus collectif, qui pourraient être utilisés pour libérer travailleurs, en outil de leur asservissement. L’abolition de la dette des étudiants peut être le lien entre ce mouvement et les autres qui luttent contre les saisies aux États-Unis et le plus grand mouvement contre la dette souveraine, internationalement.
George Caffentzis
George Caffentzis est membre de “Midnight Notes Collective”.
1) Edu-factory Collective, Towards a Global Autonomous University, Brooklyn, NY: Autonomedia, 2009
(2) See, Silvia Federici, George Caffentzis, Alidou, Ousseina, A Thousand Flowers: Social Struggles Against Structural Adjustment in African Universities, Trenton, NJ: Africa World Press, 2000, Richard Pithouse, Asinamali: University Struggles in Post-Apartheid South Africa, Trenton: Africa World Press, 2006 and Arthur Hou-ming Huang, ‘Science as Ideology: SSCI, TSSCI and the Evaluation System of Social Sciences in Taiwan’, Inter-Asia Cultural Studies, Volume 10 2009, Number 2, pp. 282-291.
(3) George Caffentzis, ‘Throwing Away the Ladder: The Universities in the Crisis’, Zerowork I, 1975, pp. 128-142.
(4) After the Fall: Communiqués from Occupied California, 2010, Accessed at www.afterthefallcommuniques.info.
(5) Edu-Notes, ‘Introduction to Edu-Notes’, unpublished manuscript
(traduction rapide: dndf (émile soutier, le frère de l’autre))
Sous certains aspects, ce texte de George Caffentzis est fort intéressant en ce qu’il permet de visualiser comment les institutions universitaires pour ne pas dire l’ensemble du système scolaire sont maintenant complètement intégré au marché mondial et donc, comme l’ensemble des capitaux, ne peuvent plus se boucler sur un aire national. C’est ce dernier aspect que l’on retrouve dans ce que le texte dénomme le «processus de Bologne» : « un projet européen qui institue une ère européenne de l’enseignement supérieur, et favorise la circulation de la main-d’œuvre au sein de son territoire grâce à l’homogénéisation et la standardisation des programmes d’enseignement et des diplômes. Le processus de Bologne place sans vergogne l’université au service de l’entreprise. Il redéfinit l’éducation comme production de travailleurs mobiles et flexibles, possédant les compétences que les employeurs exigent ; il centralise la création de normes pédagogiques, supprime le contrôle des acteurs locaux, et dévalorise les connaissances et les préoccupations locales. »
J’avais déjà souligné ailleurs qu’au Québec et en Ontario, la hausse des frais de scolarité cachait ou plutôt s’inscrivait dans un processus d’ouverture des instituions scolaires d’étude supérieur au marché international des étudiantEs étrangéEs prenant ainsi « pour modèle l’Australie où l’éducation internationale est aujourd’hui la troisième industrie du pays. » Je disais également que « cette nouvelle perspective du système d’éducation non seulement entraine une hausse des frais de scolarité mais rend totalement caduque toute opposition étudiante contre cette hausse pour la simple raison que le gouvernement ne s’intéresse plus à faire étudier ses propres concitoyens… Que la population canadienne ne fréquente plus ses écoles publiques ne dérange aucunement le gouvernement puisqu’il va remplacer son bassin d’étudiants locaux par un bassin d’étudiants internationaux. De plus, en diminuant le bassin d’étudiant locaux, le gouvernement économise sur le système de prêt et bourse et évite les coûts reliés au développement d’infrastructures additionnelles. » Bien entendu, cette ouverture sur le marché mondiale, comme le souligne le texte de George Caffentzis lui-même, ne pouvait que historiquement signifier « la fin politiques de l’éducation qui prévalaient à l’ère keynésienne. »
De plus, ce que je concluais de cette mondialisation du marché scolaire, à savoir que « le mouvement étudiant ontarien et québécois se retrouvent dans une situation où leurs revendications deviennent « illégitimes » et pour ce faire entendre devront non seulement faire grève mais occuper les établissements et embarquer les étudiants étrangers dans leur lutte… », ce constat donc fait hasardeusement échos à ce que l’auteur George Caffentzis constate lui-même « dans le fait qu’il n’y a plus rien à négocier, que les exigences sont devenues superflues puisque, pour la majorité des étudiants, acquérir un certificat n’est pas une garantie, dans un avenir qui annonce tout simplement plus de précarité et un auto recyclage permanent. »
L’auteur du texte a également le mérite de comprendre que cette illégitimité de la revendication fait partie, sans le nommé ainsi, d’un cycle de lutte qui a définitivement mit au rencart ce qui composait l’ancien cycle de lutte : « Bien qu’il y ait une tentative généralisée de la faire revivre, la politiques keynésienne de revendications et de compromis est morte depuis longtemps. »
Toutefois, ce que l’auteur décrit comme une situation dichotomique du mouvement étudiant dans son âme : « D’un côté, il exige des études universitaires libres, de faire revivre le rêve d’une « scolarité de masse » financées sur fonds publics, proposant ostensiblement de revenir au modèle keynésien. D’autre part, il est en révolte contre l’université elle-même, appelant à une sortie de masse de celui-ci sans l’intention de transformer le campus en une base pour la production de connaissances alternatives qui soient accessibles à « ceux du dehors » me semble plus correspondre à une évolution du dit mouvement qui correspond à l’ascension et au déclin du démocratisme radical ou du moins à une certaines forme de ce démocratisme radical. En fait, cette hypothèse d’une évolution entre deux mouvements de nature différente, je l’ai constaté en étudiant les différences entre la grève générale étudiante de 1996 et celle de 2005 au Québec.
Pour commencer, la grève générale étudiante de 1996 fut le point crucial d’une vague de luttes qui prit son envole avec les luttes entourant la réforme canadienne du ministre Axworthy et ses déclinaisons provinciale. La réforme s’attaquait non seulement au régime d’assurance chômage mais également à l’argent que le gouvernement fédéral redistribue aux provinces pour financer les programmes sociaux. Bref, le tout fut une attaque générale touchant la santé, l’éducation, les garderies, l’aide sociale, l’aide juridique et j’en passe. Cette période de luttes fut également marquée par une vague d’émeute sans précédent.
En ce qui concerne la grève elle-même, par rapport à celle de 2005, il est clair que le mouvement semble beaucoup plus unitaire, ou du moins la division du mouvement de grève en est assez classique entre la bureaucratie syndicale et le syndicalisme de base. Les militantEs de bases, un mélange entre milieu étudiant et milieu populaire, parlent en générale d’une seule voix et revendique ni plus ni moins qu’une éducation gratuit et accessible à tous. De ma connaissance, aucun discours ne remettait en cause le statut estudiantin des revendications. Les méthodes de luttes allaient essentiellement des manifs à quelques occupations d’édifices gouvernementaux et aucune action ne divergeait ou ne contredisait le mouvement dans son ensemble.
Maintenant, pour ce qui est de la grève générale étudiante de 2005, il y a de toute évidence des similitudes comme par exemple, la division classique entre la bureaucratie syndicale et le syndicalisme de base, quoi que ce dernier semble beaucoup moins influent malgré l’ampleur du mouvement. Toutefois, il y a de la nouveauté qui annonce que quelque chose à changer dans la dynamique des luttes. Premièrement, la composition du mouvement déborde le secteur des études supérieures pour impliquer les adolescentEs de l’école secondaire. Ensuite, le mouvement ne se contente plus des manifs, certains occupent les institutions scolaires (parfois avec barricades) et tandis que d’autres se lancent dans le blocage d’autoroutes. Quelques uns ont même poussé l’audace de vouloir occuper ou du moins vandaliser les bureaux du syndicat étudiant officiel afin de le discréditer aux yeux du mouvement. Ce qui semble ressortir de cette grève générale étudiante c’est qu’aucune revendication n’avait la capacité d’unir ni d’encadrer la diversité du mouvement, diversité qui s’exprimait aussi dans le discours. Si le syndicalisme de base avait encore la gratuité scolaire comme revendication, d’autres refusaient tout simplement de s’enfermer dans la revendication et de défendre le cadre scolaire en lui-même. En sommes, le semblant d’unité que la grève générale de 1996 avait été en mesure de produire n’existe absolument plus dans celle 2005.
Bien que se soit là un exemple mineur, je crois quand même que l’éclatement et la remise en cause de la revendication qui apparait dans la grève de 2005, soit près de dix ans après celle de 1996, est symptomatique de cette évolution dont je parlais au début et qui correspond à la période d’ascension et de déclin du démocratisme radical. Mais bon, tout ceci n’est qu’une hypothèse et ne concerne que partiellement la centralité de ma critique du texte de George Caffentzis.
Maintenant, avant de poursuivre, j’aimerais m’attarder un peu sur le tract de ceux et celles qui remettaient en cause le cadre revendicatif et estudiantin du mouvement de grève générale de 2005, car il y a là des éléments qui me serviront dans la critique du présent texte.
Voici quelques extraits de ce tract qui a pour titre : « Exigeons tout ! N’attendons rien ! »
« L’Éducation publique : nous n’en voulons pas! ; même gratuite, n’en reste pas moins l’éducation aliénée et aliénante. Et nous entendons bien nous battre contre ceux qui voudraient mieux l’emménager, qui voudraient apaiser notre colère afin que la société puisse reprendre son cours normalement. » (…) « Avec leurs revendications, les étudiants et partisans de l’éducation gratuite ne se rendent pas compte qu’ils défendent (en bon bourgeois ou bureaucrates en puissances) une institution de régulation de la société capitaliste. (…) En défendant le statut étudiant, on lutte pour le maintient d’un statut d’opprimé. Un statut d’aliéné qui ne peut penser sa lutte avec celle des autres autrement que par des convergences, des unions des « forces » qui maintiennent intact la séparation. » (…) « Nous ne considérons pas notre éducation ou l’acquisition de nos savoirs comme une partie séparée de notre existence. Nous voulons d’une vie et d’une éducation qui soit organique, en dehors des institutions. Dans les institutions, il n’y a pour nous que le conflit. » (…) « Nous cherchons à nous réapproprier le savoir pour faire consister les liens qui nous permettent d’exister en dehors et contre l’Université qui le met au travail, qui le marchandise. Et toute marchandise se pille, se vole, s’exproprie, à condition de déjouer les contrôles. De même que tout lieu, tout espace peut être occupé. »
Comme nous allons le voir pour le texte de George Caffentzis, les auteurs de ce tract confonde l’abolition de la division du travail et du rapport d’exploitation avec la prise en main du travail intellectuel et son auto-organisation en « contre-pouvoir ». Ici, le moyen de sortir du ghetto scolaire se perd dans une stratégie où la production de connaissances est libérée des institutions pour être insérée, toujours en tant que catégorie sociale séparée, dans un mode de vie alternatif qui se veut à la fois autonome et à la fois en compétition avec la société existante. Tout se passe comme si le communisme n’était pas le mouvement qui abolit les conditions présentes mais simplement un autre chemin peu fréquenté qui côtoie celui du capitalisme.
En effet, lorsque George Caffentzis parle des occupations, il prend la même tangente autogestionnaire. À mon avis, l’auteur ne reconnait pas dans l’occupation l’aspect auto-organisationnel qui reproduit le cadre scolaire comme limite du mouvement. C’est pourquoi il nous parle d’un « contre pouvoir » créant des espaces que « les étudiants peuvent contrôler » et « préfigurant les relations communisantes que les étudiants d’aujourd’hui veulent construire. » Non seulement les occupations ne préfigurent aucun écart, aucune remise en cause de ce qui est organisé au travers la lutte, le savoir en tant que travail intellectuel, mais au contraire, les occupations sont la limite même du mouvement lorsqu’il s’enferme dans l’auto-organisation. C’est pourquoi, quand il cherche à résoudre le problème de son expansion toujours à partir de sa propre reproduction comme secteur auto-organisé, le mouvement des occupations parle de créer des connections comme autant de ponts entre les différentes catégories sociales, ou comme l’exprime l’auteur lui-même lorsqu’il dit : « Ce qui est certain, c’est que c’est un défi majeur que le mouvement doit surmonter afin d’accroître son pouvoir et sa capacité à se connecter avec d’autres luttes. » Mais comme cette expansion du mouvement ne nécessite aucune rupture, il s’agit alors d’y aller par étape : « Ce sera une étape nécessaire si le mouvement veut obtenir le pouvoir de récupérer l’éducation des mains des autorités académiques et l’État. Comme prochaine étape, il y a actuellement beaucoup de discussions sur la création de «biens communs du savoir », dans le sens de créer des formes de production du savoir autonome, pas finalisé ou conditionnée par le marché et ouverts à l’extérieur des murs du campus. »
Ainsi donc, peu importe où il se manifeste, le mouvement des occupations se bute à lui-même. Et je ne crois pas me tromper si je dis que le soulèvement populaire qui à secoué la Grèce en décembre 2008 est probablement l’exemple le plus frappant de cette incapacité du mouvement d’occupation à sortir de son ghetto sans se remettre lui-même en cause au travers les catégories sociales qu’il met en mouvement. En effet, bien que ce soulèvement ait mit en mouvement étudiants, chômeurs, précaires et travailleur émigré, soit les principaux concernés par les nouvelles modalités d’exploitation, son champ d’actions s’est limité aux occupations, à la guérilla urbaine et à quelques appels de solidarité qui masquaient très mal le fait qu’il y avait très peu d’ouvriers dans la lutte. Pourtant, puisque « la précarité est devenue la relation de travail dominante », il va de soi qu’il est désormais légitime pour l’ensemble des prolétaires, comme par exemple ceux et celles qui participèrent au soulèvement en Grèce, de s’imposer à l’ensemble de la société non pas en tant que catégorie sociale mais en tant que classe. Je m’explique.
Si la précarité est devenu le mode d’exploitation dominant c’est parce que tout ce qui constituait l’identité ouvrière est définitivement disparu, qu’il n’existe plus d’enracinement possible à un milieu de travail précis, que l’éclatement des grands complexes industriels signifie que la société elle-même est devenu l’usine par excellence, que la force de travail qui cherche à se vendre n’est plus en relation avec un seul patron ou un seul capitaliste mais avec l’ensemble des capitalistes comme classe, que les catégories sociales bien qu’elles existent concrètement sont de moins en moins étanchent entre elles, que le prolétariat industriel traditionnel n’est plus au centre du procès de production ou du moins n’a plus le poids qu’il avait étant donné qu’il n’est qu’une masse infime du prolétariat mondial, sans compter qu’il est en bonne voie de disparition… ce qui a pour conséquence de rendre caduque l’idée qu’il faille attendre que la classe ouvrière se lève d’elle-même comme un seul homme pour amorcer un bouleversement de la totalité du système productif. Ce que je cherche à dire et qui n’est pas facile je vous l’avoue, c’est qu’un groupe d’étudiants, de chômeurs, de précaires et de travailleur émigré ont maintenant autant le pouvoir et la légitimité d’imposer une grève à n’importe qu’elle entreprise que n’importe quel travailleur de cette entreprise, puisque qu’aucun ne peut prétendre être le salarié à vie d’une seule entreprise. De la même façon que les ouvriers de Fiat en 1969, même s’ils ne représentaient qu’un secteur particulier de l’entreprise et donc qu’ils étaient minoritaires, considéraient légitime de défiler dans l’entreprise, de stopper les machines et d’imposer une assemblée aux autres secteurs, je crois qu’il est aujourd’hui aussi légitime pour des étudiants, des chômeurs, des précaires ou des travailleur émigré de rentrer dans une entreprise, de stopper les machines et d’imposer une assemblée sur le champ, car chaque entreprise n’est plus maintenant qu’un sous-traitant de la production mondiale. J’espère que c’était compréhensible.
Cette position peut paraître incongrue, mais je crois qu’elle a le mérite de réfléchir l’expansion des occupations en ne négligeant pas de critiquer la reproduction des catégories sociales qu’elle contient, qui la limite et qui fait qu’il y a parfois conflit entre diverses couches du prolétariat. D’autant plus qu’il semble y avoir dans certaine situation une réelle opposition entre la masse des précarisés en lutte et la minorité des travailleurs qui conservent encore quelques privilèges; il suffit de lire l’article Loren Goldner sur la Corée du Sud (« La classe ouvrière coréenne : de la grève de masse à la précarisation et au reflux ») pour s’en convaincre.
En terminant, la position que propose George Caffentzis en conclusion de son texte me paraît discutable. Car si l’endettement est un « commun » qui touche effectivement beaucoup de monde au travers la crise, est-ce qu’à l’inverse elle n’est pas aussi la clé qui permet de dénoncer les abus du système financier sans remettre en cause le rapport d’exploitation qui seul rend possible « la transformation du surplus collectif, qui pourraient être utilisés pour libérer les travailleurs, en outil de leur asservissement » ? Par conséquent, si l’abolition « de la dette des étudiants peut être le lien entre ce mouvement et les autres qui luttent contre les saisies aux États-Unis et le plus grand mouvement contre la dette souveraine, internationalement », elle peut être également le mouvement qui réclame l’annulation de l’endettement et s’oppose à toute mesure communisatrice. Il ne faut jamais oublier que la contre-révolution se construit sur le terrain de la révolution.
Très bonne critique de Caffentzis et des limites de la non-revendication même qui débouche sur un alternativisme. Ce qui me paraît discutable c’est de dire d’une part que “le prolétariat ouvrier traditionnel” est en voie de disparition; ce n’est plus celui de l’indentié ouvrière mais c’est toujours des ouviers (voir la Chine). D’autre part, imposer une grève qu’est ce que c’est? on peut bloquer les transports les communications et donc les entreprise mais ce n’est pas “imposer une grève”. Il me semble que la précarisation gnéralisée et surtout l’achat à priori de la force de travail n’abolit pas l’entreprise même si elle est largement diffuse grâce à la sous-traitance. la question n’est pas vraiment celle de la légitimité de blocages par exemple mais plutôt de leur faisabilité.
Il est certain que la demande d’abolition de la dette est une revendication typique du démocratisme radical mais il me semble que, par exemple en Grèce jusqu’à maintenant, il n’y a pas de demande d’abolition de la dette. il y a colère contre l’Etat Grec plus que contre le FMI et l’UE l’époque de l’anti-impérialisme est révolue et même celle du démocratisme radical.
Sans faire de pronostics impossibles peut-être va-t-on, dans les 2 ans, vers la déclenchement d’une récession aggravée avec une agitation permanente rendant inopérantes les “mesures” et amenant l’Etat à se déclarer en cessation de paiements,
la lutte de classe se développe et se radicalise dans par et contre la cise de l’exploitation qu’est la crise économique et c’est ainsi qu’elle devient crise de l’économie dans laquelle et contre laquelle sont prises des mesures communisatrices
La révolution se construit précisemment sur les limites de la lutte de classe en d’action de classe même. Le dépassement c’est le dépassement du caractère de classe par l’abolition des rapports de classe ce qui signifie immédiatement abolition des rapports de genres
Délicieuse irruption du “abolition du rapport de genre” comme un poil dans le whisky… La suite dans TC 23?? Annoncé pour la fin mai!
“comme un poil”
De quel genre ?
Très drôle! Qu’est ce se marre sur DNDF!
Anonyme “Le dépassement c’est le dépassement du caractère de classe par l’abolition des rapports de classe ce qui signifie immédiatement abolition des rapports de genres”
Cette phrase où la question des genres apparaît comme un “poil dans le whisky” (my Husband…) affirme une dimension incontournable du processus révolutionnaire : pas d’abolition des classes sans abolition de la domination socialement gendrifiée, domination masculine sur la base d’une distinction sexuelle construite historiquement, sur une base essentiellement économique (cf “Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était” > http://patlotch.free.fr/text/1e9b5431-1356.html ). Domination que reformule le capitalisme, puisque la reproduction humaine (faire des enfants) tend à être réellement subsumée sous la contrainte à reproduire (dans l’enchaînement des générations) la force de travail (c’est l’amère victoire de Jeannette Thorez-Vermesch). Faire des enfants est devenu un élément de la reproduction des présuppositions capitalistes (l’embryon a un destin de classe…).
Cela étant, la dialectique d’intrication entre question de classes et question de genres ne peut se poser de façon symétrique ou simplement réciproque, comme double condition nécessaire et suffisante. Pourquoi ? Parce que la base de constitution (historique) des classes et celle de la constitution des genres n’est pas la même, et ne porte pas sur le même arc historique. Commun au deux, sous le prolétaire et sous l’homme et la femme gendrifiés, l’être humain, c’est-à-dire l’animal humain, avec ses caractéristiques sexuelles différenciées et complémentaires dans la reproduction de la vie (animale-humaine).
Dès lors, les formules raccoucies “abolition des classes” et abolition des genres” portent une fausse symétrie qui rend la question confuse, et ce n’est pas une dialectique de papier même raffinée mais encore structuraliste qui abolira la difficulté du problème. Ce qu’est aujourd’hui une classe sociale, on n’a pas trop de mal à le savoir. Ce qu’est un genre, et qui n’est pas strictement un sexe, c’est plus compliqué et ça ne renvoie pas qu’à un volontarisme abolisateur : on n’abolit pas des déterminations sexuelles génétiques (encore que, c’est aussi une option, mais communiste ?…). Chaque fois dans l’histoire que la famille a changé de forme, les conditions et fondements ont pu être très diversifiés comme les formes auxquelles elle a aboutie ici ou là à telle ou telle époque. Mais toujours l’équilibre se cale dans le temps sur les nécessités économiques et les structures spatio-temporelles, souvent très localisées, et toujours, quelle que soit la place et le rôle des femmes, il y a “en dernière analyse” pouvoir masculin pour l’économie, la politique et la guerre. Les (r)évolutions de la famille et des rapports de genre n’ont jamais été le produit à proprement parler d’abolitions, même s’il y a eu des conflits collectifs et privés, mais bien des évolutions déterminées selon des nécessités externes à la question de genre. Ce n’est que récemment (un à deux siècles et plus rapidement et massivement trois à quatre décennies dans les pays du centre) que se pose la question de façon volontariste (féministe), avec des recherches de modes de vie qui vont un peu dans tous les sens, mais tous accompagnent la crise de la famille traditionnelle occidentale provoquée par l’évolution économique même (il n’est que de considérer la question du temps de travail et les mesures “pour les femmes” comme fer de lance de la fluidification de l’exploitation de tous).
Dans le processus révolutionnaire, la question clef est la question de classe (de la valeur etc), et c’est quand elle se pose en grand (soir et matin) qu’avec elle se posent les autres (homme-femme et humain-nature) et que celles-ci déterminent en retour la possibilité d’une révolution qui fassent plus que détruire le capital. Discuter du communisme positivement se conçoit davantage dans la perspective de ces rapports que dans celle strictement destructrice des déterminations capitalistes et marchandes.
En résumé, ce dont j’ai l’intuition, c’est qu’autant “abolition du capital” comporte une dynamique négative suffisante pour générer d’autres rapports sociaux positifs de “production sans productivité” (Astarian); autant parler d'”abolition des genres” est chargé de subjectivisme et, derrière la formule et le mot “genres” à la mode débouchant sur le mot d’ordre de leur abolition, ouvre un gouffre aux rapports hommes-femmes libérés. Toujours est-il que cela me semble une façon très intellectuelle de poser un problème dont toute la teneur est pratique et cerise sur la tarte à poil, de nature immédiatement inter-individuelle… où l’on retrouve comme par hasard la question de l’individu “immédiat” dans les rapports communistes d’existence qui s’organiseront néanmoins pour produire des enfants et assurer leur reproduction d’animaux humains trop humains, mais déprolétarisés.
Très certainement l’abolition des genres est ici plaquée mais sa liaison avec l’abolition des classes n’est pas simple redoublment du même; car l’abolition de la classe prolétarienne est ici synonyme de l’abolition des genres ( le terme “genre” n’est pas ici un suivisme de mode mais l’expression condensée du caractère toujours sexué de la société de classe – et il n’en est pas d’autre) le salariat est masculin quelque soit le nombre des femmes salariées et l’abolition de l’appartenance de classe – contient comme un obstacle à dépasser – l’appartenance de genre MASCULINE, les ouvriers doivent abandonner leur genre pour ne plus être ouvriers la défense de l’appartenance de genre masculine sera la dernière défense de l’appartenance de classe et son dépassement sera le contenu d’un conflit dans la classe en voie de ne plus l’être. Il est évident que l’action anti domination masculine des femmes sera la forme féminine du dépassement des genres. Les ouvrières se battrons pour ne plus l’être c’est dire ni prolétaires ni femmes et pour cela s’opposeront aux ouvriers qui penseraient pouvoir ne plus être prolétaires tout en restant des hommes, mais qui se faisant défendront l’identité prolétaire. Les humaines et les humains feront sans doute encore des enfants mais on ne peut pas en dire plus maintenant
Quelques remarques, même si ce n’était pas à l’origine le sujet du fil.
Il est intéressant de noter que parallèlement à ces discussions, DNDF ressort les commentaires de Daredevil en 2007 sur “Théorie communiste” > http://dndf.org/?p=7072
Il y est souligné la place que tient dans cette théorie l’identité entre la contradiction prolétariat-capital et développement du capital. Dans la vision totalisante du réel que construit TC, toute contradiction disons secondaire -opposition de pouvoir, dominations… – est rapporté selon des modalités spécifiques à la contradiction princiapel de l’exploitation. Avec la théorisation de l’abolition de genre, le challenge pour TC était de faire entrer cette dimension jusque-là absente de sa théorie, en lui donnant toute son importance – essentielle -sans briser la logique interne de sa théorie des classes, c’est-à-dire une place qui ne ressorte pas du même type de relation : la domination masculine – la question des genres donc – est d’une nature différente des dominations politiques, raciales, etc.
Inévitablement, de manière “condensée” (BL est un grand condensateur), cela réintroduit cette identité : « l’abolition de la classe prolétarienne est ici synonyme de l’abolition des genres ».
Retour à ma question du message précédent : qu’est-ce que le genre, le concept de genre selon TC, puisqu’il n’est pas – je suis d’accord – la caractéristique physique-biologique distinguant un homme d’une femme, mais « l’expression condensée du caractère toujours sexué de la société de classe ». Cette définition pose un problème car la domination masculine – même si elle en devient par la suite une condition sociale participant de l’apparition des classes sociales – existe ici ou là dans l’histoire avant la formation des “sociétés de classes” (et de l’Etat). La question des genres est donc plus ancienne que celle des classes, et s’il y a aujourd’hui “identité”, c’est que le développement du capital et la contradiction prolétariat-capital (ie l’exploitation), l’a construite, de même que la théorie de TC le reconstruit spéculativement (dans son identité en tant que théorie au cours du capital, qui en fait de sa cohérence une adéquation permanente au réel, et non une pure abstraction totalisante).
Rien n’est véritablement critiquable dans cette courte intervention de BL. Rien n’y est faux et sûrement pas la nécessité, pour les femmes et les hommes, de se défaire d’un même mouvement des habits de genre et de prolétaires. Mais marteler comme ça cette nouvelle face de l’identité, si c’est pour que tout devienne indistincts, est-ce pour (se) convaincre de l’essentialité d’une question qu’on peine pourtant à intégrer dans le présent de la critique théorique (ex “Le moment actuel”), à quoi ça sert ? Je crains un rien de glissement mécaniciste dans la volonté de condenser le raisonnement pour provoquer la pensée.
A quoi sert, entre autre, une formule provocatrice telle que « le salariat est masculin », si ce n’est à bousculer l’apparence trompeuse qui fait le salariat masculin ET féminin à des yeux trop communs ? Sans aucun doute ce genre de formules veulent-elles “condenser” le résultat de développements théoriques écrits ailleurs; jeter un pavé dans la mare, un pavé anticipant la communisation comme lutte croisées des classes et des genres.
Glissement de la formule condensant la théorie à celle qui introduit le flou conceptuel, et qui justifiait ma première intervention : « Les ouvrières se battrons pour ne plus l’être c’est dire ni prolétaires ni femmes et pour cela s’opposeront aux ouvriers qui penseraient pouvoir ne plus être prolétaires tout en restant des hommes. » Tout le monde aura compris ici “femme” et “homme” pour ce qu’ils sont constitués en “genres”, et non dans leurs caractères différenciés physiquement, bio-génétiquement. Retour à la case départ donc… J’attends sans impatience d’observer des femmes ne voulant plus être “femme” affrontant des hommes voulant rester “homme” dans une entreprise révolutionnaire qui ne soit pas une castration généralisée (aujourd’hui j’enlève le haut, demain je coupe le bas). J’en reste là en queue de poisson.
A part ça, un détail de l’histoire, « Les humaines et les humains feront sans doute encore des enfants mais on ne peut pas en dire plus maintenant ». Dans un accès d’optimisme, on peut dire qu’ils auront le bon goût d’abolir le capital avec beaucoup de classe et sans mauvais genre, et qu’ils seront peut-être encore, quelque part derrière l’horizon – ce paravent pour la théorie – des hommes et des femmes.
Il me faut préciser ce que veut dire très empiriquement l’abolition des genres. C’est l’abolition des 2 sphères sociales que sont la vie privée et la vie publique. Les hommes sont fondamentalement les acteurs de la vie publique, ils y existent en tant que travailleurs et citoyens ( voir le débat sur le droit de vote pour les femmes pendant la révolution française) et de ce point de vue la démocratie (ie le système politique le + adéquat au capitalisme) a été pendant très longtemps dans l’incohèrence principielle totale puisque elle n’assumait pas ses postulats individualistes.
Le 2 sphères existent toujours même si, peut considérer que comme le reste elles sont crise et c’est là que le salariat est masculin – le fait qu’il y a 80% des femmes qui sont salariées ne change pas le fond ( d’ailleurs les formes du salariat feminin sont aménagées pour maintenir le lien essentiel des femmes avec la sphère privée et donc avec la reproduction et plus précisement s’agissant des “prolétariennes” de la reproduction de la force de travail reproduction venant abaisser sa valeur et augmenter la plus-value ( avec le bénéfice secondaire de créer du temps libre pour le mari prolétaire) le salariat est donc essentiellement masculin comme toute la sphère publique, l’abolition de la sphère privée est l’abolition de la famille et cette abolition est synonyme de celle de la sphère publique dans l’action communisatrice qui est la création de la communauté immédiate à ces membres dans par et pour la lutte conte le capital. C’est ce qu’on peut appeller le dépassement du 1er moment de la révolution celui de l’auto-organisation. la défense d l’auto-organisation sera la défense de l’existence d’une sphère publique “politique” distincte des autres activités c’est là que les hommes prolétaires pourront penser dépasser leur conditions de salariés tout restant des “hommes”
C’est une intervention qui pose beaucoup de questions de divers ordres, dont la moindre n’est pas de savoir si ces considérations relèvent encore de la théorie, du moins dans le genre rigoureux auquel nous a habitué ‘Théorie communiste’.
Ici BL va plus loin que précédemment où “l’abolition de la classe prolétarienne est synonyme de l’abolition des genres” : “… très empiriquement l’abolition des genres. C’est l’abolition des 2 sphères sociales que sont la vie privée et la vie publique”. Ou encore “l’abolition de la sphère privée est l’abolition de la famille et cette abolition est synonyme de celle de la sphère publique dans l’action communisatrice qui est la création de la communauté immédiate à ces membres dans par et pour la lutte conte le capital”. Une nouvelle identité pour TC dans la totalité que définit le capitalisme ? À trop affirmer que tout est dans tout, ne court-on pas le risque ne plus rien dire ?
Abolir la famille ? Quelle famille, quand on sait toutes les formes qu’elles a traversées, et traverse encore ? S’il s’agit de la famille traditionnelle – disons le modèle occidental – ça me semble couler de source dans de nouveaux rapports débarassés de la production et de l’échange de valeur. Qu’est-ce qui peut se construire alors comme relations autour de la maternité-paternité, je n’en sais rien. Quid d’un “dépassement produit”, dans ce domaine ? Abolissons donc, en attendant la novlangue communisatrice, le mot famille.
Remarque en passant : peut-être qu’avec la vie SDF (qui est presque entièrement publique, sur la voie du même nom), le téléphone portable et les dits “réseaux sociaux” sur Internet, où la vie privée s’affiche et s’affirme publiquement, les moeurs sous le capital annoncent-il la fin de cette séparation entre vie privée et vie publique (au sein de laquelle on peut discerner le travail -la vie professionnelle- et l’activité non privée en dehors – ex le temps dit libre)…
La “vie privée” se limite-t-elle à la famille (avec toutes ses formes en crise) ? Ne recouvre-t-elle pas aussi la vie intime, sexuelle, interindividuelle… Que s’agit-il d’abolir, d’autres que des mots enfermés dans leur signification présente (capitaliste) ?
Que tous ces rapports soient complètement chamboulés dans un processus révolutionnaire sortant la vie des relations sociétales (Etat, société, politique, citoyenneté…), et marchandes (production capitaliste fondée sur la valeur et ses échanges…), me semble évident.
Je peux souscrire au raisonnement qui aboutit à “le salariat est masculin”. Bien que je trouve la formule réductrice par rapport à ce qu’elle recouvre, elle a le mérite de souligner le caractère dépendant de l’économie du travail domestique (considéré ou posé essentiellement comme “féminin”), cad d’expliciter le lien historique entre exploitation de classe et domination masculine – domination de genre – dans le capitalisme. Un aspect du salariat comme masculin s’observe dans les fonctions de direction, d’encadrement ou de management occupées par des femmes, qui sont gérées selon les mêmes rapports de pouvoir que ceux établis chez les hommes (de pouvoir, si ce n’est pas un pléonasme) : le modèle structurel aspire cette “libération” de la femme occupant ces fonctions. Certaines féministes, considérant que c’était du fait de leur minorité, ont exigé, et obtenu (en principe), la parité…
Finalement, je pourrais me ranger à l’idée d’abolition des genres, y compris sous la terminologie de “femmes” et “hommes”, si je considère que ces termes définissent l’assignation sociale propre à la domination de genre. Mais il faut dire que cela relève d’un choix terminologique militant. Restera donc, disons, des êtres humains mâles et femelles, qui fera peut-être des enfants. Sans famille, of course, communauté oblige. Oblige…
Pour revenir au début (abolition des sphères privées et publique), je suis dubitatif. L’idée est très audacieuse, puisqu’elle dépasse me semble-t-il celle-même selon laquelle le communisme n’est pas une société. A ce niveau de généralité, ça ne mange pas de pain, mais en tant qu’homme du présent – cad du passé – j’avoue ma difficulté à considérer que communauté immédiate des individus aboutisse à abolition de la sphère privée, sauf si on réserve ce terme à ce qu’elle est dans le capital. On peut tout aussi bien considérer que l’immédiateté inter-individuelle peut au contraire ouvrir de nouveaux champs aux relations privées, sans quoi la communauté peut friser une sorte de collectivisme…
Dernière remarque. Je fais mal le lien entre l’affirmation par TC que la question de la communisation doit être posée au présent (récente intervention de RS, ici), sur la base de ce que nous pouvons observer aujourd’hui, et le type de prospective avancée ici par BL, d’autant que d’autres se font systématiquement ramasser, ou botter en touche, dès qu’ils entreprennent de penser les questions qui se pourraient se poser dans le processus communisateur (Astarian par RS récemment ici).
Globalement, je sens comme une sorte de fuite en avant un peu alléatoire, tranchant à la serpe des questions difficiles, bizarrement de la part de théoriciens qui considérent qu’au-delà d’un certain point, on n’a pas de visibilité théorique sur la base du présent. C’est peut-être un des signes d’une crise d’une façon de faire de la théorie, ou du moins du rapport de certains à cette théorie, ou tout simplement d’un trop grand isolement, et de la poussée quasi mystique qui en résulte. Je comprends mieux que le deuxième tome de Théorie du communisme, vol. 2 par RS chez Senonevero s’intitule “Tout ce qui existe mérite de périr”.
Puisqu’il y a deux sujets sur la même liste de commentaires, c’est-à-dire la question des genres et celui des occupations étudiantes, je suis quelque peu contraint de répondre en deux parties distinctes. Ceci étant dit, voici mes commentaires.
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Sur la question des genres, j’avoue que je trouve passablement difficile et complexe à comprendre la façon dont il est proposé de faire rentrer cette question dans la théorie de la communisation. Je suis loin d’être convaincu que le salariat soit de nature « homme » parce qu’il est la sphère publique opposée à la sphère privée du travail domestique qui lui est non rémunéré. Pour moi le salariat fait partie du mouvement d’abstraction qui subsume chaque activité sous le dénominateur commun du travail général dont le temps/valeur est l’équivalence et l’activité domestique n’y échappe pas même si elle est cachée dans la reproduction de la force de travail. Donc, selon moi, le salariat contribue plutôt à détruire le caractère sexuel du travail, car s’il est vrai que la division sexuelle du travail fut depuis des temps immémoriaux au cœur du développement économique, il est aussi vrai que le capitalisme a produit les conditions sociales qui rendent caduque cette même division sexuelle du travail.
La subsomption de chacune des activités en catégorie du travail abstrait a fait en sorte de miner les fondements sociaux de la division sexuelle du travail, donc de remettre en cause les places qu’occupaient traditionnellement les hommes et les femmes dans la société. C’est parce que le capitalisme détruit toute nécessité produisant la division sexuelle du travail qu’il est maintenant possible de poser l’abolition des genres comme réponse au dépassement de la caducité de cette division sexuelle du travail. Le mouvement féministe ainsi que le mouvement queer sont donc des produits historiques produit par le mouvement de cette caducité jamais réalisée et qui probablement disparaitront avec le capitalisme.
De plus, s’il est dit que la communisation est le mouvement qui non seulement détruit les conditions présentes mais produit dans le même processus la singularité des individus dans l’immédiateté de leurs relations sociales c’est parce que ce mouvement abolit les abstractions normatives qui définissent et structurent les individus dans leur reproduction comme classe, genre et race. En d’autres mots, la communisation produira des individus qui se définissent dans ce qu’ils font de leur vie immédiatement, par conséquent leur identité ne sera plus reproduite et fixée selon des normes par rapport aux quelles ils sont impuissants donc contraint d’agir et de se conformer. C’est pourquoi la communisation sera aussi abolition de l’hétérosexisme et de la monogamie, deux éléments fondamentaux à la notion de famille. Bien évidement, il y aura toujours des hommes et des femmes biologiquement parlant, car il y aura toujours nécessité de produire l’avenir de l’humanité en mettant au monde des enfants… à moins de se lancer dans la fabrication de nouveau-né par des méthodes scientifiques comme les bébés-éprouvettes ou encore le clonage, ce qui à mon avis est pur délire. Toutefois, cette identité biologique risque fort d’être très limitée car il va de soi que certains hommes auront des vagins et certaines femmes des pénis, ce qui rend d’autant plus difficile la normalisation.
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Maintenant, j’aimerais faire quelques commentaires sur la question des occupations étudiantes.
Quand je dis qu’il est devenu « légitime » pour des catégories de travailleurs qui ne cadrent pas avec l’identité ouvrière d’imposer des grèves, je ne fais qu’un constat théorique qui rend compte que la dynamique qui veut que la classe ouvrière (celle qui pointe à l’usine) soit le seul sujet révolutionnaire (contre toutes les autres catégories) qui puisse légitimement mener la révolution jusqu’au bout est à mon avis dépassé; cette dynamique est morte avec le programmatisme. D’après moi, la classe ouvrière qui existe aujourd’hui tend de plus en plus à se confondre avec l’ensemble des catégories du prolétariat (chômeur, précaire, étudiant, clandestin et j’en passe…). Ceci dit, ce qui est maintenant « légitime » ne veut pas dire que c’est ce qui se passe ou devrait se passer, et sa « faisabilité » est une question qui ne peut que se poser dans les luttes elles-mêmes. Si j’ai soulevé cette question de légitimité c’est pour montrer que la nécessité de réfléchir l’expansion des luttes, ici les occupations, se pose souvent dans les termes du programmatisme avec d’un côté la folklorique classe ouvrière et de l’autre le reste de la société et que poser dans ces termes, elle mène à l’impasse.
Je sais pertinemment que la fin de l’identité ouvrière n’est pas la fin de la classe ouvrière, mais cette classe n’est plus ce qu’elle était, car elle est traversé de tout part par les autres catégories, ses contours sont de moins en moins rigides, opaques et tranchés, sa composition n’est plus aussi monolithique… de la même façon que je sais bien que l’entreprise n’est pas abolit, puisqu’elle est la propriété de chacun des capitalistes, elle même partie d’un réseau de sous-traitance et d’échange mondiale mais qui en même temps et pour cette raison ne peut plus prétende à aucune autonomie ni indépendance… En fait, s’il y a exagération dans mes propos c’est bien volontaire, car j’emprunte une méthode d’analyse que Gunther Anders a mis de l’avant et que je trouve pertinent pour la simple raison « qu’il y a des phénomènes qu’il est impossible d’aborder sans les intensifier ni les grossir ».
Sur la question ‘genres et communisation’, quelques commentaires sur les remarques d’amersimpson.
À moins que je n’interprète mal la formulation, il me semble difficile d’affirmer que “le capitalisme a produit les conditions sociales qui rendent caduque cette même division sexuelle du travail.” La domination masculine dans le travail demeure massive (types d’emplois, conditions de travail, montant des salaires). Que cela pose la nécessité d’abolir cette domination, sur la base où elle existe au sein de la contradiction de classe, ne fait pas que la division sexuelle du travail a déjà disparu, serait déjà “caduque”. Dépasser cet état exigera une activité révolutionnaire spécifique et explicite, ni plus ni moins que l’abolition des classes proprement dit.
La “subsomption en travail abstrait” revêt des modalités tout à fait concrètes où se discernent des différences selon les particularités, sexuelles (et raciales par ailleurs, mais celle-ci est une fabrication historico-économico-politique qui n’a pas de base génétique réelle).
Il me semble erroné d’affirmer que “le capitalisme détruit toute nécessité produisant la division sexuelle du travail [si bien] qu’il est maintenant possible de poser l’abolition des genres comme réponse au dépassement de la caducité de cette division sexuelle du travail”, c’est bien que cette division n’est pas encore caduque. Et si elle ne l’est pas, c’est qu’elle est encore utile, indispensable au capital, pour assurer la reproduction des prolétaires (ce que j’ai appelé l’amère victoire de Jeannette Thorez-Vermersh, qui condamnait la contraception et l’avortement, au motif que les prolos devaient faire un maximum de futurs révolutionnaires).
Je me méfie de cette notion de “mouvement de la caducité jamais réalisée”, parce qu’elle semble suggérer qu’une dynamique serait engagée, vers l’abolition des genres, par un type d’actions ou de comportements spécifiques. Or pour moi, et c’est tout l’intérêt des réflexions engagées sur la question par Théorie communiste, ces problèmes ne peuvent pas être posés, et encore moins résolus, indépendamment des questions de classes, et de l’action révolutionnaire d’abolition du capital.
Je partage l’idée que ” la communisation produira des individus qui se définissent dans ce qu’ils font de leur vie immédiatement, par conséquent leur identité ne sera plus reproduite et fixée selon des normes par rapport aux quelles ils sont impuissants donc contraint d’agir et de se conformer. ” Par contre je trouve difficile d’envisager une sorte d’anti-norme, qui déterminerait des formes dans lesquelles les individus ne peuvent pas choisir librement leurs types de relations, répartition des rôles, etc. Certes nous disons des choses très générales et ni amersimpson ni personne n’affirme un quelconque modèle… -, mais n’avons-nous pas une tendance à penser, modéliser le communisme sous une forme générale quasi unifiée ? Je pense que l’abolition de l’Etat et des médiations sociales étatiques et politiques conduira bien plutôt, assez logiquement, à une extrême diversification des relations humaines, à des choix que feront les uns et pas les autres, sans que cela ne dérange personne dans la mesure où l’exploitation de l’homme par l’homme et la domination de la femme par l’homme n’existeraient plus. Du moins est-ce ainsi que je conçois l’immédiateté inter-individuelle, comme une “ère de la liberté”, c’est-à-dire d’une grande possibilité de création de rapports nouveaux dans des formes inventées librement par les individus eux-mêmes.
Je ne dis pas que la division sexuelle du travail n’existe plus, je dis que le mode de production capitaliste produit les conditions sociales de sa caducité mais ne la réalise pas, c’est en quelque sorte une contradiction en mouvement et c’est ce mouvement contradictoire qui produit la nécessité de son dépassement. En d’autres mots, il y a nécessité de répondre à une question que pose notre époque, celle de la division sexuelle du travail et de son dépassement, parce que les conditions historiques que produise le capitalisme crée cette nécessité.
La difficulté, c’est de préciser cette caducité dans le double mouvement de la lutte des classes et de la lutte des genres, et de montrer la dialectique qui les lie.
Quand tu affirmes, as, “le salariat contribue plutôt à détruire le caractère sexuel du travail”, ce n’est qu’un versant de la question, parce que d’un autre côté il la fait perdurer, par la nécessité d’intégrer le travail domestique, massivement féminin mais consommateur et non créateur de valeur-travail, et de reproduire la force de travail de génération en génération, fonction des femmes dans le capital. En ce sens oui, la domination masculine pénètre le rapport salarial, et je comprends comme ça la formule de BL “le salariat est masculin”, alors qu’ “il y a 80% des femmes qui sont salariées”.
Si “le mode de production capitaliste produit les conditions sociales de [la] caducité de la division sexuelle”, c’est en tant que tel, par la médiation du rapport salarial en tant qu’exploitation de classe. La nécessité d’abolir la division sexuelle du travail est produite par la lutte de classes plus que par le capitalisme en tant qu’économie, qui la renforce. Sans doute est-ce les deux aspects d’une même contradiction, mais je préfère l’exprimer comme ça, plutôt que tendre à l’indifférencier avec BL dans l’identité des deux termes, comme si la dynamique allait de soi, le mouvement du capital comme nécrologie de la domination de genre.
C’est parce que les deux rapports se compénètrent, la double contradiction étant insécable, qu’on peut, et qu’on doit, “faire rentrer cette question [de l’abolition des genres] dans la théorie de la communisation”.
je suis bien d’accord, il est nécessaire qu’il y ait une lutte spécifique pour que le genre soit aboli Le lien avec le dépassement du 1er moment de la révolution) l’auto-organisation,) n’a pas été relevé dans la discussion et c’est domage parce que c’est là le lieu de l’ariculation des 2 abolitions
D’après moi le capitalisme à créé des conditions matérielles qui permettent la caducité de la division sexuelle du travail, mais cette division existe toujours car elle est une entité autonome qui peut se reproduire la Culture et les idéologies. Notre culture ayant toujours de forte tendance patriarcale continue donc de reproduire la division sexuelle du travail via la vie quotidienne (travail domestique, le soutient émotionnel, l’élevage des enfants, ect). La division sexuelle du travail pourrait exister hors du capitalisme et ne pas exister dans le capitalisme.
La dernière intervention ne voit pas du tout la question en discussion s’il on peut parler de travail il n’est pas question de communisme donc…
Justement je n’ai pas parlé de communisme quand j’ai dit “hors du capitalisme” et c’était voulu, parce que le capitalisme n’est pas la seule forme de société de classe et de société du travail. Les sociétés “primitives” basées sur la division sexuelle du travail, n’en permentant pas la caducité, en sont un exemble.
“Je me méfie de cette notion de « mouvement de la caducité jamais réalisée », parce qu’elle semble suggérer qu’une dynamique serait engagée, vers l’abolition des genres,”
Comme si le capitalisme était un système bien huilé qui n’aurait pas de “composantes superficielles”… Non justement la caducité jamais réalisée n’implique aucunement qu’une dynamique serait engagée, ça dit plutôt que certaines conditions objectives vers l’abolition de la division sexulle du travail ( je reviendrai à la question des genres plus loin) sont atteinte, mais qu’il en manque peut-être et qu’il manque aussi les réactions subjectives vers sont abolition: un changement assez drastique de mode de fonctionnement et dans la culture/idéologies pour anéantir certains composantes superficielles du capitalisme ( le communisme serait un exemple ou c’est tout le fonctionnement lui même qui serait subverti.)
Pour ce qui est de la question de l’abolition des genres c’est une question beaucoups plus complexe à mon avis, surtout compte tenu de l’omniprésence de l’hétéronormativité dans tout les mouvements de lutte. C’est facile comme position: “L’abolition des genres”, mais même si on ne peut pas la vivre complètement dans les limites capitaliste je pense qu’il est nécéssaire d’élaborer tout de suite des pratiques de “dégenrification”…
Elabore élabore toujours tu en parleras après
Ni pratiques de “dégendrification” ni “questions qui pourraient se poser dans le mouvement communisateur”. La question de l’abolition des genres dans la révolution se pose parce qu’au présent, même si c’est fugace, discret, et que les sources ne sont pas assez nombreuses sur des luttes détaillées à ce sujet, la question du genre et de la domination masculine se pose dans le présent et dans le présent des luttes de classe dans lesquelles les femmes sont remises à leur place par leurs camarades, et au sein desquelles le genre fait objection, en actes, à l’appartenance et aux pratiques de classe.
Une remarque de logique.
Pour être cohérent avec la chute de “Franchir le pas” > http://dndf.org/?p=7159 : ” On franchit ce pas en se confrontant à la seule question à laquelle tout se résume : comment une classe, agissant strictement en tant que classe de ce mode de production peut-elle l’abolir et abolir toutes les classes ? “, il faut en toute rigueur técéiste (Théorie communiste) réviser l’affirmation de BL (11 mai) : “Le dépassement c’est le dépassement du caractère de classe par l’abolition des rapports de classe ce qui signifie immédiatement abolition des rapports de genres “. On doit préférer ‘implique’ à “signifie”, et de même, éviter l’identité qu’il affirme (22 mai) :” l’abolition de la classe prolétarienne est ici synonyme de l’abolition des genres “.
Il y a certes une implication, mais si elle est réciproque, elle n’est pas symétrique. Abolir les classes implique d’abolir les genres (sans quoi c’est l’échec de la communisation). Abolir les genres nécessite d’abolir les classes (pas de “dégendrification” préalable), sans quoi cela reste un rêve égalitariste qui ne met pas en cause l’origine sociale, économique, de cette domination.
Si l’on ne tient pas cette dissymétrie, si l’on pose la question des genres comme “synonyme” à celle des classes, on ne peut plus parler ” de classe agissant STRICTEMENT en tant que classe “. Ce n’est plus tout à fait la même construction théorique, du moins, dans la précipitation de la formule ambigüe de BL.
Dans la formulation de Tarona, on a bien cette idée que l’existence des genres est un obstacle au dépassement de la limite d’appartenance de classe, et c’est au demeurant sur la base d’observations quant au présent des luttes de classes des femmes que l’on peut théoriser cette double implication comme réciproque mais dissymétrique. Peut alors être maintenu clairement ce qui est le point central de la “théorie lourde” de TC, qui fait la chute de “Franchir le pas”.
Dans ce que je disais, il y a non seulement le côté où effectivement l’existence des genres fait obstacle non seulement au dépassement de la limite d’appartenance de classe, mais surtout l’existence du rapport de genres fait obstacle à l’appartenance de classe et à l’action de classe strictement en tant que classe… Dans les luttes où les femmes sont impliquées et posent le rapport de genre comme problématique, elles font obstacle à l’action en tant que classe aussi au sens où cela fait émerger cette dernière comme limite, notamment du côté de ce que ça implique comme chamboulements entre sphère publique/sphère privée…
BL l’anonym à propos de Papule :
” Elabore élabore toujours tu en parleras après ”
C’est étrange cette propension qu’ont parfois les petits pontes de la communisation à se comporter en patrons, ou pour mieux cerner le scénario, en patrons de bistrot. J’ai revu un mauvais film il y a peu : Dupont Lajoie.
Atmosphère… atmosphère…
“Atmosphère… atmosphère… est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère?…”
pour rester dans le registre cinéma.
C’est vrai hélas, Stanislas, n’a pas tort.
C’est vrai que quelque fois on dérape devant l’incompréhension du sujet même de la discussion et c’est très dommage!
…devant l’incompréhension du sujet même…
T.C. n°23, p81 “T.C. Chantier”
“De deux choses l’une…soit c’est du côté de notre théorie de la lutte des classes et du dépassement du mpc qu’est le problème.”….
….Est-ce que NOUS ne somme pas parvenus à l’épuisement du système théorique T.C…
..qui NOUS pèse comme …J’ai le sentiment que la théorie du communisme que T.C. a inaugurée….(tout au moins pour MOI). Avec la théorie de l’écart NOUS pensons….
Il y a une rupture du NOUS (=T.C.) au JE-MOI (Qui ça ?).
Un écart syntaxique en somme.
Tu devrais faire de la correction. Quelle perspicacité: ça s’appelle une coquille. Désolé!
@pepe
Salut,
En fait, cela fait partie de mon travail : “Quelle perspicacité”…
Mais ce n’est pas UNE Coquille, c’est un élevage, disons : un parc…à coquilles.
Pas grave, je poursuis ma lecture du N°23, plusieurs chapitres très intéressants, j’espère pouvoir y revenir, notamment “Chantier” et les critiques d’un”camarade” : Troisième courant…
La conception du fétichisme m’intéresse beaucoup, pareil…