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Sur « Théorie Communiste »

23/05/2010

Au monent ou sort Théorie Communiste 23, et en particulier son éditorial “franchir le pas” (qui sera publié sur dndf au moment de l’arrivée de TC 23 en librairie, arrivée prévus le 9 juin), il nous paraît important de relire cette critique que Daredevil adressait à TC en 2007.

(Publié à l’origine sur le site de l’angle mort , le 9 décembre 2007
Repris sur la nouvelle version du site d’Echanges  et mouvements)

Depuis mes dernières brèves interventions « théoriques », j’ai pas mal lu, je me suis mis à la philo (comme le conseille C.Charrier) et surtout j’ai lu systématiquement « Théorie Communiste » (je peux me laisser aller à adopter leur style). C’est évident, c’est la seule production théorique actuelle qui « tiennent la route » (il faudrait aussi considérer « Temps Critiques » qui a un souci équivalent de « cohérence systématique »). Mais, c’est justement là, dans son « triomphe », que TC fait faillite.[print_link]

TC n’est pas systématique et ce systématisme n’est pas spéculatif parce que la théorie de cette revue voudrait tout embrasser et faire de l’ensemble du réel, nécessairement fragmentaire, fini, un tout cohérent, comme en gros le leur reproche TropLoin et La Matérielle. L’essentiel n’est pas que la théorie de TC soit formellement systématique, mais réside dans le fait que le cœur du « système TC » est spéculatif de par sa proposition fondamentale : la contradiction entre le prolétariat et le capital est identique au développement du capital. C’est cette identité qui constitue le rapport entre prolétariat et capital en contradiction. Avec le taux de profit comme contradiction entre les classes, la contradiction entre prolétariat et capital est une contradiction interne du développement du capital, c’est là que la contradiction devient un processus rationnel. C’est cette identité qui constitue également le développement du capital en contradiction. Cette contradiction par son identité à la première devient « signification historique du capital ». La contradiction entre les classes par ce système d’identité devient un processus dialectique de réalisation. La révolution est déjà là, elle ne fait que se perdre dans le développement du capital qui n’est que son « aliénation ». C’est d’avoir créé cette identité qui constitue chacun de ses termes et l’ensemble en processus rationnel, en contradiction (cf. sur le site l’Angle Mort le texte sur la dialectique de Hegel, Marx et la contradiction).

Ceux qui critiquent TC comme objectiviste se trompent et passent à côté de l’essentiel. De même que dire qu’Hegel a créé un idéalisme objectif oublie que ce concept d’idéalisme objectif ne peut en être un (il peut désigner un fait mais pas sa connaissance dans la mesure où les deux termes se contredisent – j’ai lu Althusser – ) ; de même TC n’est pas objectiviste et a réellement dépassé l’objectivisme et le subjectivisme. Mais le dépassement effectué par TC, dans l’identité fondamentale qui est le cœur de son discours, est un dépassement irréel, seulement dans la pensée (comme l’idéalisme objectif), dans la mesure où ce dépassement a laissé de côté, simplement comme le faux que l’on laisserait au bord du chemin (selon une formule de TC), à la fois l’objectivité et la subjectivité. C’est en cela que TC est spéculatif et tautologique. Le mode de production capitaliste est une objectivité que TC ne peut plus reconnaître que du bout des lèvres, mais surtout le prolétariat comme sujet, c’est-à-dire les luttes du prolétariat (toujours singulières, en dehors des luttes on ne peut que « mettre entre parenthèses » son « essence ») ne peuvent être reconnues qu’en les absorbant dans l’identité fondamentale qui leur dénie leur caractère « productif » (comme pourtant aime à le dire TC). Le systématisme spéculatif est dans le fait que les moments objectif et subjectif ne sont reconnus que pour être entrainés dans un flux indifférencié dans lequel ils ne jouent plus aucun rôle en tant que tels, dans lequel on ne les reconnaît plus, chacun passant sans cesse dans l’autre comme sa définition même. Dans sa récente « Théorie de l’écart » (critiquable au niveau des faits, mais ce n’est pas l’essentiel) TC a senti le problème, mais ne paraît en sortir que pour y retomber : l’écart (élément dynamique) n’est qu’une détermination interne de la limite. On ne sort du Tout indifférencié que pour y retourner, que pour le reproduire de façon encore plus totalitaire en ce qu’il a absorbé la différence. La production spéculative s’en remet alors à la « rupture » qui par rapport au système global semble relever de l’intervention magique, le moment de basculement. Plus TC s’enferme dans la totalité, plus elle fait appel à la « rupture » qui bien que qualifiée de « dépassement produit » n’est là que pour sauver le système de façon incantatoire.

Dans l’emballement actuel que semble subir la « pratique théorique » de TC, c’est cette théorie fondée sur cette identité qui leur échappe, qu’il ne maîtrise plus, c’est elle qui s’est emparée d’eux (« Zeus rend fou ceux qu’il veut perdre » écrit RS quelque part). Ils ont simultanément un point de vue particulier à défendre, mais ils ne peuvent le défendre sans contrevenir à l’identité fondamentale qui est au cœur de leur dispositif théorique. « Théorie naturelle » de l’époque, la théorie de TC ne l’est que parce qu’elle devient pour ses auteurs non-maîtrisable et s’emballe.

L’identité entre la contradiction prolétariat-capital et le développement du capital trouve sa forme idéale dans le panthéoricisme, tout est alors théorique. En effet, ce tout qui coiffe l’identité ne peut être que théorique. Mais alors la théorie de TC est entrainée dans un emballement du monde qu’elle ne peut plus maitriser. S’étant proclamé le Tout, TC est renvoyée par lui à sa théorie qui en tant que telle est toujours particulière, mais TC ne peut plus la comprendre et la « pratiquer » comme particulière en même temps que TC ne peut réellement faire autrement que la produire dans sa particularité. D’où une attitude schizophrène qui au nom de la critique de toute norme et du caractére théoricien des luttes ne fait paradoxalement que tailler dans le vif des luttes actuelles et de toutes les autres productions théoriques. Pour récupérer le coup, les pirouettes dialectiques sur la « dynamique » et la « limite » sont hasardeuses.

Dans cette contradiction, toute production théorique est TC, mais TC doit séparer le vrai du faux tout en considérant le faux comme partie intégrante de sa théorie. Ainsi Dauvé, La Matérielle, Aufheben, l’autre courant de Meeting, cette critique même, etc. sont pour TC du TC. TC se retrouve comme l’Idée Absolue qui est la totalité et son aliénation pour se retrouver. Pour TC cette critique même sera du TC en mouvement.

Mais, n’est-ce pas cela la théorie adéquate (naturelle) à la période ? Peut-on faire une autre théorie que celle de style TC ? N’est-ce pas inhérent à la théorie ? Ne lui demande-t-on pas d’être autre chose que ce qu’elle peut être ? Est-ce que la critique du systématisme spéculatif n’est pas la critique de la théorie ou la revendication de faire de la « mauvaise théorie » ? On peut critiquer la théorie « técéiste », peut-on en faire une autre ?

Je n’ai pas de réponse…

Daredevil

(petit message personnel : il est dommage de ne plus avoir eu aucune nouvelle de Daredevil!! dndf)

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