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“Paris derrière les grandes oreilles de Kadhafi”

Rien d’exceptionnel dans cet article de Libé. simplement, il vient en complément des questions qui se posaient, au démarrage des révoltes arabes, au sujet du contrôle des réseaux sociaux et du Web par les Etats….

En 2007, Guéant et Takieddine ont négocié la vente d’un système de surveillance du Web à Tripoli.
La France a livré à la Libye, à partir de 2007, un système d’interception des messageries internet. Un contrat négocié dans la plus parfaite opacité par Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, en tandem avec Ziad Takieddine, intermédiaire fétiche des réseaux sarkozystes et au cœur de l’affaire des ventes d’armes au Pakistan .

Qui a donné le feu vert officiel, obligatoire en matière de commercialisation de matériel sensible ? S’en serait-on passé sous couvert de faire ami-ami avec Kadhafi ? C’est le sens de la plainte que s’apprête à déposer l’association Sherpa, fondée par l’avocat William Bourdon, soulevant la question qui fâche : «Aucune autorisation du gouvernement n’aurait été délivrée.» Et de demander au parquet de Paris d’ouvrir une enquête.

Catalogue. Ce contrat, signé par la société Amesys, basée à Aix-en-Provence et depuis fusionnée avec Bull, était évoqué depuis plusieurs mois par le site Reflets.info, en pointe sur le sujet. Fin août, le Wall Street Journal lui donne une singulière réalité. Son reporter à Tripoli visite le poste de commandement chargé de l’espionnage des opposants après la prise de la capitale libyenne par les rebelles. Au sol, des manuels d’utilisation d’Amesys ; au mur, des affiches placardées par l’entreprise française, enjoignant à ses usagers : «Help keep our classified business secret.»(«Aidez-nous à garder secrètes nos affaires classées»).

Sortant de son mutisme, Amesys concède alors un très pudique communiqué : «Le contrat concernait la mise à disposition d’un matériel d’analyse portant sur une fraction des connexions internet existantes, soit quelques milliers.» Pas de quoi mater la révolution libyenne. Sauf que, dans son catalogue, le directeur des ventes d’Amesys vante bien un «système d’interception électronique permettant à un gouvernement de contrôler toutes les communications entrant ou sortant du pays». Un ancien militaire français chargé de former ses collègues libyens au système confie même au Figaro : «Nous avons mis tout le pays sur écoute, on faisait du massif en interceptant toutes les données passant sur Internet, mails, tchats, navigations et conversations sur IP.»

Les révolutions arabes sont une malédiction pour ce type de prestataire, Amesys-Bull concédant benoîtement à propos de ses résultats au premier semestre 2011 : «Les événements survenus au Proche et Moyen-Orient ont impacté l’activité Security Solutions.» Acculée, la société française se replie sous l’ombrelle gouvernementale : «Amesys respecte strictement les exigences légales et réglementaires et a toujours privilégié les zones géographiques avec lesquelles la France ou l’Europe nouent des partenariats stratégiques.» D’où le retour à la question initiale : Qui, au gouvernement, aurait autorisé ce contrat ?

La loi française est limpide : le code pénal prohibe la «fabrication, détention ou vente» de tout matériel d’interceptions ou d’écoutes «portant atteinte à l’intimité de la vie privée ou au secret des correspondances». Sauf dérogation expresse du Premier ministre, et au profit d’entreprises triées sur le volet. François Fillon a-t-il signé un tel feu vert à Amesys pour vendre sa quincaillerie à Kadhafi ? Matignon renvoie la patate chaude au Secrétariat général de la défense nationale (SGDN), qui peut éventuellement signer à sa place.

Interrogé par Libération, le SGDN rétorque que ce «système d’interception internet» est soumis à autorisation pour «fabrication et commercialisation» sur le territoire français, mais pas pour l’exportation : «Ce que la boîte en fait à l’international ne nous regarde pas.»

Echelon. Tout semble s’être joué en 2007, lors des négociations initiales du contrat. A l’époque, Sarkozy envoie en Libye ses missi dominici : dont Takieddine, qui multiplie les allers-retours à Tripoli en vue de préparer une visite non officielle de Guéant.

Mieux, dès 2005, alors que Sarkozy était ministre de l’Intérieur, l’intermédiaire – dans une note aux autorités libyennes, révélée cet été par Mediapart – vantait déjà les mérites d’Amesys, qui permettrait à Kadhafi de contrecarrer le réseau Echelon, mis en place par les Etats-Unis pour surveiller la terre entière. Et Takieddine de préciser : «Le ministre français de l’Intérieur dispose d’une réelle connaissance corroborée par une collaboration avec la société spécialisée en ce domaine.»

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