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“Enfin une révolution sociale dans la Belle Province”

Depuis quatorze semaines, plus du tiers des étudiants du Québec sont en grève et manifestent par milliers, paralysant les rues de Montréal tandis que klaxonnent les automobilistes coincés dans leur voiture et que des citoyens du haut de leurs balcons agitent le fameux carré rouge, symbole du mouvement. L’augmentation de 75 % des frais de scolarité sur cinq ans ne passe tout simplement pas.

Le gouvernement du Québec, dirigé par le premier ministre Jean Charest, ne s’attendait pas à une telle résistance. Il croyait rééditer son coup de 2005, date de la précédente grève étudiante, et semer la discorde entre les associations étudiantes pour réussir à écarter des négociations la plus revendicatrice d’entre elles, la Coalition large pour une solidarité syndicale étudiante (la Classe), et s’entendre avec les deux autres.

Mais cette stratégie a fait long feu. Des Québécois de toutes allégeances et de tous les milieux se sont levés pour appuyer les étudiants tandis que d’autres, soupçonneux de cette élite en devenir, réclament un rapide retour en classe.

Depuis, la situation pourrit.

Le gouvernement formé par le Parti libéral, dont l’histoire récente a été entachée de soupçons de malversation, de corruption et de complaisance envers de grandes entreprises étrangères (à qui l’on s’apprête à brader les ressources minières et forestières du Grand Nord québécois dans le cadre du “Plan Nord” engagé par le premier ministre), voyait, depuis des mois, les sondages montrer un taux d’insatisfaction à son égard dépassant les 70 %.

Assuré de perdre les prochaines élections, prévues avant la fin 2013, il a sauté sur l’occasion pour tâcher de se relancer en faisant preuve d’une fermeté qu’on ne lui connaissait pas et en réprimant le mouvement de manière musclée.

Le premier ministre a refusé pendant dix semaines de négocier avec ceux qu’il appelle des “enfants rois” ne voulant pas payer leur “juste part”. Puis, à la onzième semaine du conflit, il a convoqué les leaders étudiants pour concocter un plan de sauvetage.

Mais ses offres ont été massivement rejetées par les assemblées générales étudiantes, à hauteur de 80 % de leurs membres. Ce sont maintenant les tribunaux qui se chargent de mettre de l’ordre.

En apparence, du moins, puisque certains réclament auprès des juges des injonctions personnelles ordonnant aux directions des collèges et facultés d’offrir les cours auxquels ces étudiants “ont droit”, tandis que d’autres continuent de faire grève et les empêchent d’entrer. Droit individuel contre droits collectifs.

Ces injonctions prévoient de fortes amendes aux contrevenants et même des peines de prison. C’est donc escortés de policiers que certains étudiants se rendent à leurs cours, devant des professeurs médusés et contraints d’enseigner la démocratie à ceux qui la nient.

Pendant ce temps, les fractions les plus radicales du mouvement étudiant s’impatientent et commettent des actes qui les isolent. Quatre bombes fumigènes placées dans le métro ont paralysé la circulation à Montréal pendant deux heures le 10 mai. Tout de suite, de manière quasi miraculeuse, des photos de suspects ont été diffusées par la police et relayées par la presse. Des accusations de méfaits et de simulation d’acte de terrorisme seront déposées contre eux.

Terrorisme. Le mot est lâché. Ce n’est pas rien. Comme disait Robert Charlebois : ” A soir, on fait peur au monde !”

Déjà, au début du conflit, le gouvernement libéral avait tenté de discréditer le mouvement de grève en parlant de boycott. Jamais, dans toute l’histoire du Québec, cela ne s’était produit.

Jamais on n’avait remis en question la légitimité des assemblées générales étudiantes. Jamais on n’avait voulu briser le lien qui unit les étudiants et les étudiantes d’un même collège, d’une même université, et cet exercice démocratique qui en est l’expression.

C’est cette négation de la démocratie étudiante qui a envenimé un conflit qui s’étend maintenant bien au-delà de la stricte augmentation des frais de scolarité. Car il apparaît qu’au Québec, la démocratie n’appartient qu’à ceux qui détiennent le pouvoir, et pas à ceux qui le contestent.

Ainsi ceux et celles qui refusent de livrer le Québec à la rapacité néolibérale ont joint leurs voix à celle des étudiants. Même des manifestations d’ampleur historique ne sont pas parvenues à ébranler le gouvernement, qui tentera bientôt de se poser en “sauveur de l’ordre” en maîtrisant, par la force s’il le faut, ce chaos social dont il est en grande partie responsable.

Et voilà le Québec déchiré en deux. Nous en avions l’habitude, depuis près de quarante ans. Mais cette déchirure avait plutôt pour cause ce qu’il est convenu d’appeler “la question nationale “, entre défenseurs de l’unité canadienne et partisans de l’indépendance du Québec. Ce débat nous a fait oublier que nous pouvions nous battre pour autre chose.

C’est que le Québec n’a jamais vécu de véritable révolution. Il en avait fait l’économie. Au Québec, semblait suffire une “révolution tranquille”, comme on en est venu à désigner la période de modernisation accélérée qu’a connue la Province au cours des années 1960. Elle aurait suffi, si nous étions allés au bout de nos idées. La gratuité scolaire était d’ailleurs l’un des principaux objectifs affichés.

Mais ces idées ont été détournées. De l’éducation gratuite à la nationalisation de nos ressources naturelles, de ce filet de protection sociale à cette volonté d’égalité des chances, les Québécois ont vu les adeptes du néolibéralisme lentement mais sûrement désosser ce projet jusqu’à ce qu’il ne ressemble plus qu’à ces fameuses “enveloppes brunes ” employées pour distribuer des pots-de-vin, comme le laissent entendre de récents scandales qui lieraient le secteur du bâtiment au Parti libéral.

La grève étudiante se réglera, d’une manière ou d’une autre, sans doute au détriment de ceux qui se sont le plus investis dans ce mouvement historique. Mais même si les étudiants retournent bientôt en classe, ils auront suffisamment secoué le cocotier québécois pour que, dans les années à venir, les choses ne soient plus tout à fait pareilles. Des politiques injustes n’en restent pas moins injustes parce que les gens “en ont assez”.

La colère s’est implantée dans de nombreux coeurs. Les étudiants, les médias, les responsables politiques, les voisins, les frères et les soeurs, tous ont dû prendre parti et afficher leurs couleurs. Voilà qui ne s’oubliera pas de sitôt. Les Québécois s’impatientent et réclament de pouvoir de nouveau discuter collectivement de leur avenir et de leurs valeurs, qui ne sont peut-être pas exactement celles du libre marché. Ça risque de brasser !

LE MONDE | 15.05.2012 à 14h49 • Mis à jour le 15.05.2012 à 15h40

Par Jean Barbe, écrivain, éditeur et journaliste chroniqueur.

Ecrivain, éditeur et journaliste chroniqueur

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  1. 19/05/2012 à 10:32 | #1

    C’est un peu du n’importequoi ce texte… je ne vois pas ce qu’il fait sur un site de communisation… il ne montre pas du tout à quel point le mouvement a dépassé sa propre tradition de lutte. Au moins 5 ou 6 émeutes et des dizaines d’affrontements, des manifestations tout les soirs sans exception depuis trois semaine à Québec et a Montréal, des cégeps qui ont voté la grève jusqu’à la gratuité scolaire. Il faut aussi notez une participation acru, mais prévisible vu le contexte, de travailleurs/chomeurs/précaires et des manifs étudiante en support à des grevistes d’usines. En se prononceant sur le retour en classe des étudiants l’auteur montre qu’il n’a rien compris à ce qui se passe et qu’il applique ses vieux cadres d’analyse soixantehuitard à un mouvement qui lui est étrangé.

  2. pepe
    19/05/2012 à 11:35 | #2

    On attend depuis pas mal de temps que quelqu’un produise quelque chose sur ce mouvement au Québec. En tout cas autre chose que de la stricte info ou des incantations insurectionnalistes. Nous sommes donc preneurs de toute analyse pertinente.
    En attendant, comme dndf n’est pas le site d’une église, on peut y trouver… n’importe quoi!!

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