Afrique du Sud: nouveau bras de fer mineurs-direction à Marikana
Trois jours après le massacre de la mine de Marikana, l’exploitant Lonmin a menacé dimanche de licencier les grévistes qui ne reprendraient pas le travail lundi matin, mais la majorité des mineurs ont rejeté cet ultimatum et entendaient poursuivre le mouvement.
Par ailleurs, le président sud-africain Jacob Zuma a annoncé une semaine de deuil national à partir de lundi, en mémoire des 44 victimes de la mine de platine.
Dix personnes dont deux policiers ont été tuées entre les 10 et 12 août dans des affrontements intersyndicaux, et 34 mineurs ont été abattus et 78 blessés par la police jeudi.
Dimanche matin, Lonmin a sommé les ouvriers de reprendre le travail lundi.
« L’ultimatum final a été repoussé au lundi 20 à la suite des événements de jeudi », a indiqué la société britannique, « l’ultimatum final donne aux employés une dernière chance de reprendre le travail ou de s’exposer à un possible licenciement ».
Les mineurs interrogés par l’AFP dimanche ont réagi avec colère.
« Je ne retourne pas au boulot. Où est l’argent? », demande David Sikonyela, 52 ans, mineur du Lesotho, en prenant connaissance de l’ultimatum.
« Est-ce qu’ils vont virer aussi ceux qui sont à l’hôpital et à la morgue? », s’emporte son collègue Thapelo Modima, 46 ans. « De toute façon, c’est mieux d’être mis à la porte parce qu’ici, on souffre. Nos vies ne vont pas changer. Lonmin se fiche de notre bien-être, jusqu’à maintenant ils ont refusé de nous parler, ils ont envoyé la police pour nous tuer ».
« Des gens sont morts. On est en colère. Si on reprenait le travail, ce serait comme s’ils étaient morts pour rien », ajoute Fezile Magxaba, un contremaître de Marikana, en faisant sa lessive à un robinet collectif.
Les mineurs, qui touchent en moyenne 4.000 rands (400 euros) par mois, réclament 12.500 rands (1.250 euros), soit plus qu’un triplement de leur salaire.
Dans cette petite communauté proche de Rustenburg, dans le nord du pays, des services religieux discrets se sont tenus dans la journée: « Beaucoup de gens ont peur d’être vus en train de se rassembler, même pour venir à l’église. Nous faisons attention à ce que notre service ne puisse pas être considéré comme un rassemblement politique ou syndical », explique un prêtre de l’Eglise Pentecôtiste, sous couvert de l’anonymat.
Non loin de là, à l’hôpital de la mine, des familles encore dans l’ignorance du sort d’un proche continuaient à venir s’informer.
« La nation est sous le choc et dans la peine », a déclaré le président en annonçant le deuil national.
« Cette semaine (…) nous devons nous unir contre la violence, quelle qu’elle soit. Nous devons réaffirmer notre foi en la paix, la stabilité et l’ordre, et dans la construction d’une société solidaire débarrassée du crime et de la violence ».
La présidence a également précisé que le jeudi 23 août serait le jour officiel pour les cérémonies commémoratives organisées dans le pays.
Dans le même communiqué, M. Zuma a par ailleurs annoncé la composition de la commission inter-ministérielle chargée d’enquêter sur la tragédie.
Un comité dirigé par les ministres des Ressources naturelles et de la Police doit se rendre lundi à la mine pour organiser le soutien logistique aux familles des victimes. « Il sera chargé de coordonner toutes les aides aux familles et aux proches, y compris l’identification des membres des familles (des victimes), le soutien psychologique et les funérailles », selon un communiqué de la présidence.
Avant l’annonce du deuil national, les commentaires politiques allaient bon train, accusant notamment le chef de l’Etat d’avoir été passif tout au long de la crise.
La vedette des journaux du dimanche était le jeune tribun populiste Julius Malema, soudain sorti de l’anonymat politique dans lequel il était tombé après avoir été exclu en avril de l’ANC, le parti au pouvoir, pour ses provocations répétées.
Samedi, l’ancien leader de la ligue de jeunesse de l’ANC s’est rendu auprès des mineurs et s’est adressé à eux, refusant toute forme de protection policière. Il a accusé le président Zuma d’être responsable du massacre et l’a appelé à démissionner.
« Zuma ne s’intéresse pas aux mineurs. Il est venu ici hier soir (vendredi) et il a rencontré des blancs. Il ne sait même pas si les mineurs sont sains et saufs ou pas », a-t-il lancé aux grévistes.
Malema, qui n’a plus aucune structure politique autour de lui, a très longtemps incarné l’aile radicale de l’ANC. Insatisfait de voir le chômage, la misère et les inégalités s’aggraver 18 ans après la chute de l’apartheid, il appelait notamment à la nationalisation des mines et à l’expulsion sans compensation des grands propriétaires terriens blancs.
Créé le 19-08-2012 à 12h46 –
Nouvel Observateur
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