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“Quand on sort de la récession, la crise sociale apparaît “

Les négociations salariales entre le patronat et les syndicats du transport routier étaient dans l’impasse, jeudi 10 décembre. Faute d’accord avant vendredi, les routiers menacent de bloquer, à partir de dimanche soir, des entrepôts de la grande distribution.

Ce mouvement pourrait s’ajouter à celui des agents des musées, en grève déjà depuis début décembre contre des suppressions de postes, et à celui mené par certains syndicats de la RATP sur la ligne A du RER. Enfin, les transporteurs de fonds menacent aussi d’arrêter le travail pour obtenir une meilleure prime de risque. Jean-Marc Le Gall, consultant en stratégies sociales, analyse la montée de ce mécontentement.[print_link]

Selon un sondage BVA du 8 décembre, les trois quarts des Français soutiennent les chauffeurs routiers dans leurs revendications. Comment expliquez-vous cette sympathie du public alors qu’une grève pourrait perturber leur vie quotidienne ?

Lors des conflits violents qui ont eu lieu cette année (chez Continental, etc.), on a observé que l’opinion publique soutenait des catégories socioprofessionnelles plutôt défavorisées placées dans des situations jugées injustes. C’est aussi le cas des routiers, qui exercent un métier dur, avec une durée du travail peu contrôlée et des salaires perçus comme bas. Leurs revendications apparaissent donc légitimes dans l’esprit des salariés et du public en général, qui voient dans les routiers des travailleurs supportant autant, voire plus, de difficultés qu’eux-mêmes et souffrant d’un déficit de dialogue social et d’un manque de reconnaissance.

Y a-t-il des points communs entre les différents mouvements sociaux actuels ?

Dans un contexte de fort chômage, les salariés des entreprises privées ne peuvent pas bouger, même s’il existe chez eux aussi une montée des frustrations. Des analystes financiers estiment en effet qu’il n’y a pas eu une chasse aux coûts aussi forte depuis les années 1950, qui a considérablement durci les conditions de travail, engendré des mobilités forcées et une perte du pouvoir d’achat. Ceux qui peuvent bouger, faire grève, ce sont les salariés qui sont en contact avec le public ou au service du public, comme les routiers, les dabistes, etc., car ils ont un grand pouvoir de blocage et donc de négociation.

Ces conflits signeraient donc le retour de la question sociale ?

Je le pense. 2009 a été une année économiquement très dure mais relativement calme socialement, même s’il y a eu quelques conflits spectaculaires. Aujourd’hui, on ne cesse d’entendre que la France est sortie de la récession. Et c’est précisément à ce moment-là que la crise sociale apparaît, comme par un jeu de bascule. Il faut aussi prendre en compte plusieurs autres caractéristiques lourdes du climat actuel : la crise de l’organisation du travail et du management d’entreprise, qui existe à France Télécom et dans bien d’autres groupes ; toutes les frustrations salariales accumulées depuis dix-huit mois ; et le divorce entre les salariés et les dirigeants d’entreprise qu’a mis en évidence un récent sondage TNS-Sofres. Finalement, tout comme la crise financière a mis en lumière des pratiques qui ne se voyaient pas, la crise sociale dévoile une vraie crise du management et de confiance à l’égard des patrons.

Propos recueillis par Francine Aizicovici
Article paru dans l’édition du 11.12.09

LE MONDE | 10.12.09 |

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