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Le mouvement social chez Ikea illustre un regain des conflits sur les salaires

Depuis qu’il s’est implanté en France, le groupe Ikea n’avait jamais été confronté à un mouvement social aussi dur. Sur les 26 magasins gérés par le vendeur de meubles suédois dans l’Hexagone, 23 ont été plus ou moins perturbés, samedi 13 février, par une grève des salariés. Elle a été suivie par 512 personnes sur les 5 500 censées travailler ce jour-là, selon un porte-parole de l’entreprise. “Nous étions plus de 1 000 à faire grève, sur environ 2 600 salariés qui devaient être à leur poste samedi”, avance Marylène Laure, déléguée syndicale centrale CGT.[print_link]

Le conflit résulte d’un désaccord entre la direction et les syndicats sur les augmentations de salaire. A l’origine, Ikea proposait des hausses individuelles (indexées sur les performances) de 1,2 % ; les syndicats exigeaient des majorations collectives (appliquées à tous) et plus généreuses. Le 11 février, le groupe a fait une nouvelle offre : + 2 % pour les employés (dont 1 % de hausse collective) et + 2 % pour les cadres et les agents de maîtrise (uniquement individuelle). Nouveau refus des représentants du personnel.

Lundi, la direction et les syndicats devaient se rencontrer pour discuter sur les conditions de travail et les relations sociales dans les magasins, indique un porte-parole d’Ikea. La direction départementale du travail des Yvelines devait recevoir la directrice des ressources humaines de l’entreprise, puis des responsables syndicaux. D’après Mme Laure, le mouvement pourrait s’étendre aux trois dépôts d’Ikea situés à Châtres (Seine-et-Marne), Metz et Saint-Quentin-Fallavier (Isère).

Ce conflit confirme la recrudescence des tensions sociales liées aux salaires. Déjà mis en évidence par une note récente des services du ministère du travail (Le Monde du 22 janvier), le phénomène semble prendre de l’ampleur depuis quelques semaines. De l’enseigne de restauration rapide Kentucky Fried Chicken au sidérurgiste ArcelorMittal en passant par la société d’autoroutes Escota, de nombreux secteurs sont concernés.

Bien souvent, la fiche de paie ne constitue pas l’unique source du mécontentement. Chez Sanofi-Aventis, par exemple, où les syndicats enchaînent appels à la grève et aux rassemblements depuis la mi-décembre 2009, l’emploi est une revendication prépondérante. En juin 2009, les personnels du laboratoire pharmaceutique avaient déjà été ébranlés par l’annonce d’une restructuration de la recherche qui prévoit la fermeture de quatre sites en France et des centaines de départs volontaires. La proposition de la direction, à la fin de 2009, d’accorder de modestes augmentations a été “la goutte d’eau qui a fait déborder le vase”, explique Christian Billebault, coordonnateur CFTC pour le groupe.

A la Société générale, une grève a été lancée, le 24 novembre 2009, sur deux mots d’ordre : le salaire et la dégradation des conditions de travail. “Après l’affaire Kerviel, une partie de la clientèle s’est montrée très agressive pendant plusieurs mois, rapporte Pierre Cuevas, délégué syndical national adjoint CFDT. Parallèlement, la direction nous a fixé des objectifs commerciaux élevés.”

Cette montée de la “conflictualité” survient en pleine saison des “négociations annuelles obligatoires” sur les salaires. Même si la loi n’impose aucun calendrier en la matière, de nombreuses entreprises organisent ce rituel à la fin et au début de chaque année civile.

Dans le même temps, les grands groupes publient depuis quelques jours leurs résultats pour l’exercice 2009. Certains ont réalisé des performances enviables : Total (7,8 milliards d’euros), Sanofi-Aventis (8,4 milliards d’euros), Danone (1,36 milliard d’euros)… En outre, la France a terminé 2009 avec une croissance relativement soutenue : + 0,6 % au quatrième trimestre, selon l’Insee.

“La musique de fond a changé en ce début d’année, commente Michel Yahiel, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). La perspective, même lointaine, d’une sortie de crise est en train de se dessiner.” Du coup, alors que les conflits sociaux portaient surtout sur la préservation de l’emploi, la fiche de paie redevient un sujet de tensions de plus en plus fréquent depuis la mi-janvier, poursuit M. Yahiel. Un phénomène similaire s’était produit “après le recul du PIB en 1993 et le ralentissement de 2003-2004”, souligne le responsable d’un cabinet de conseil en management.

La question salariale s’avère d’autant plus sensible que le smic a été faiblement revalorisé : + 0,5 % au 1er janvier 2010. Aucun coup de pouce gouvernemental n’a été accordé. Selon le ministre du travail, Xavier Darcos, le pouvoir d’achat du smic a progressé de 1,3 % sur les douze derniers mois si l’on tient compte de la hausse de juillet 2009. Trop faible, jugent les syndicats, qui redoutent une inflation des prix plus forte dans les prochains mois. Une inquiétude renforcée par les derniers chiffres que les services du ministère du travail ont publiés, le 12 février, sur le salaire mensuel de base : il n’a progressé que de 0,2 % au quatrième trimestre 2009 (après + 0,5 % au troisième, + 0,4 % au second et + 0,8 % au premier).

Bertrand Bissuel
Article paru dans l’édition du 16.02.10

LE MONDE | 15.02.10 | 13h40  •  Mis à jour le 15.02.10 | 13h40

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  1. Patlotch
    16/02/2010 à 01:50 | #1

    Putains de travailleurs ikeastisés infoutus de réclamer autre chose que les moyens de vivre !

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