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Chine : Comment garder nos riches ?

Les riches filent, les classes moyennes sombrent, les pauvres sont déjà sous l’eau. Le site Jingji Guancha Wang dresse dans un éditorial le constat d’une société chinoise en pleine déliquescence. En cause : un pouvoir qui se mêle de tout.

L’institut de recherche du groupe Hurun [fondateur d’un palmarès annuel des Chinois les plus riches] a publié son Rapport sur le patrimoine des Chinois en 2011 début novembre. On y apprend que “près de la moitié des Chinois dont le patrimoine excède 10 millions de yuans [soit 1,18 million d’euros] envisageraient un départ à l’étranger”.

Selon des médias étrangers, même si le développement économique de ces trente dernières années en Chine a permis l’émergence de plus de 950 000 riches ayant une fortune supérieure à 10 millions de yuans, le système éducatif sclérosé, un climat social détérioré et les dangers liés l’alimentation sont autant de problèmes qui poussent tous ces gens “ayant les moyens” à opter pour l’émigration. La chaîne américaine CNN cite des observateurs qui estiment que l’économie chinoise risque l’effondrement si elle ne réussit pas à faire revenir en Chine tout l’argent que ces gens seraient susceptibles d’emporter avec eux.

Le rapport 2011D’après le rapport, plus de la moitié des personnes interrogées invoquent comme raison à un éventuel départ de Chine la recherche de meilleures conditions d’études pour leurs enfants. Cependant, si l’on creuse un peu la question, on constate que c’est surtout pour assurer leur sécurité personnelle et celle de leurs biens que les millionnaires chinois décident de déménager à l’étranger leur fortune et leur famille, car chacun sait bien que si c’était seulement pour des questions éducatives, il leur suffirait d’envoyer leurs enfants dans une université étrangère.

Pourquoi donc ces Chinois aisés qui détiennent la majeure partie des ressources économiques de la société sont-ils paradoxalement confrontés à autant d’éléments d’incertitude sur le plan de leur sécurité personnelle et pour leurs biens ? La réponse est assez simple : certains hauts fonctionnaires se comportent comme des voyous, et s’en prennent toujours à ceux qui se sont enrichis en premier. Si l’on pousse un peu plus loin la réflexion, on peut se demander pourquoi les accidents liés à la production en Chine, en particulier les drames dans les mines, sont-ils si fréquents ? Pourquoi le taux d’utilisation des ressources et la protection de l’environnement en Chine sont-ils sans doute les pires au monde ? Pourquoi les chefs d’entreprise chinois ne soutiennent-ils pas ardemment les causes caritatives ? Pourquoi la responsabilité sociale des entreprises et l’éthique sont-elles des notions si peu importantes en Chine ?

En fin de compte, la réponse est toujours la même : “La constance dans la vertu repose sur des biens stables” [d’après Mencius, penseur chinois du IVe siècle avant J.-C.]. Dans une nation où les règles du droit ne s’appliquent pas, où le pouvoir s’immisce trop profondément dans les activités microéconomiques, où les politiques ne sont pas du tout stables, les chefs d’entreprises privées chinois sont relégués durablement à un niveau où leurs besoins sécuritaires de base sont mal satisfaits. Et cela, quelle que soit l’ampleur de leur fortune ! Les entrepreneurs chinois sont contraints d’agir dans l’urgence en privilégiant leurs intérêts à court terme, ce qui les conduit à tuer la poule aux œufs d’or. L’erreur ne vient pas du capital ni du marché, mais bien des fonctions gouvernementales mal définies et d’un pouvoir trop grand.

Dans de telles circonstances, qu’est-ce que cela change pour le pays, pour la société et pour les gens ordinaires que les millionnaires émigrent ou non ? En amassant leur fortune, ils ont déjà pillé toutes les ressources des montagnes et des cours d’eau de Chine, et ne laissent qu’un pays à l’environnement naturel dévasté. Ils ont emporté toutes les belles valeurs morales et humaines, et ne laissent qu’un environnement économique et social où les uns entraînent les autres au fond du gouffre. Ils ont aussi miné la confiance des citoyens en leur pays et dans le futur, et ne laissent qu’inquiétude et perplexité, les couches moyennes sombrent tandis que les classes les plus basses sont déjà complètement noyées.

Le plus tragique est qu’au lieu de comprendre les raisons qui forcent les riches à émigrer, on rejette sur eux toutes les responsabilités et on appelle une nouvelle fois à un renforcement des pouvoirs administratifs et à une intensification des “contrôles” sur les riches candidats à l’émigration.

courrier international

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