“En Egypte, les Black Bloc détrônent les révolutionnaires”
Cette organisation, inspirée des mouvements anarchistes européens, a fait son apparition en janvier dans le pays.
Un camion de police calciné trône au milieu de la place Tahrir. Comme dans un parc d’attraction, les gens font sagement la queue, lundi 28 janvier, pour se faire prendre en photo, perchés sur le trophée du jour. La veille, en début de soirée, des manifestants se revendiquant de la révolution avaient dérobé ce véhicule à des forces de l’ordre.
Peu avant, à la fin d’une marche jusque-là pacifique à l’initiative des forces d’opposition, ils avaient failli décrocher un lot plus gros encore en capturant un officier de police après qu’une voiture a renversé deux jeunes. L’homme d’une soixantaine d’années s’en est sorti in extremis et a pu rentrer dans la porte dérobée d’un hôtel, extrait de la foule furieuse par d’autres révolutionnaires, 27 personnes ont été arrêtés.
Comme depuis trois jours mais avec une intensité variable, les heurts se sont poursuivis toute la nuit sur la corniche, juste devant les hôtels de luxe offrant vue sur le Nil. Les mal inspirés touristes de passage, ont surtout pu voir des jeunes, des très jeunes, échanger des pierres avec la police qui répondait par des gaz lacrymogènes et des tirs de grenaille.
La violence fait partie du quotidien
Le pont Qasr el Nile, situé juste à côté, offre aux voyeurs et aux moins courageux un panorama d’exception de ce spectacle animé mais un peu répétitif. Quand les tirs sont espacés de plusieurs minutes, cela fait dire aux habitués que les choses sont calmes. La violence fait désormais partie de la vie quotidienne des Egyptiens. Plus rien d’étonnant à voir des pneus flamber au bord de la route, le bruit des tirs ne fait plus très peur.
Ahmed, 22 ans, est fier de pouvoir dire qu’il peut distinguer avec certitude, le son d’un feu d’artifice, d’un tir de gaz, d’un pistolet à plomb ou à balle réelles. La fameuse place de la révolution ne ressemble plus à grand chose. Il y a toujours les tentes plantées le mois dernier mais elles ont pris l’eau et leurs habitants réguliers, proches des mouvements politiques de gauche, sont invisibles.
Sur une estrade, un homme d’une trentaine d’années s’efforce de scander des slogans anti-Morsi, mais sa voix est trop éraillée et le public trop peu nombreux pour que cela crée une effervescence. Comme si la politique n’accrochait plus, comme si l’affrontement avec les forces de l’ordre était devenu une fin en soi.
Apparition des Black Bloc
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les médias égyptiens accordent plus d’attention aux ultras et aux Black Bloc qu’aux révolutionnaires traditionnels. Apparu début janvier, les Black Bloc comptent déjà 20.000 fans sur Facebook. On sait peu de choses sur cette organisation inspirée des mouvements anarchistes européens sinon que l’identité de ses membres est secrète et qu’elle aurait été créée en réponse aux affrontements de décembre dernier.
Des partisans des Frères musulmans étaient venus déloger manu militari les protestataires installés devant le palais présidentiel, dix personnes étaient mortes au cours de cette journée de violences. Les Black Bloc se caractérisent par leurs actions coup de poing, spectaculaires et bien organisées. Le problème est que depuis une semaine, le mouvement est devenu une mode et on a pu voir des groupes cagoulés et vêtus de noir tout casser pour le plaisir en se revendiquant des Black Bloc, ce que ces derniers ont démenti.
Le prix de la cagoule grimpe
Conséquence logique : le prix de la cagoule a augmenté ces derniers jours sur Tahrir. Un révolutionnaire confie son sentiment d’impuissance : “On ne comprend plus très bien ce qui se passe. Jusque-là, on n’arrivait à peu près à orienter cette violence ou au moins à l’inscrire dans un discours politique, là, on se sent un peu dépassé par les évènements.”
Mais poursuit-il, “il faut se placer à une autre échelle de temps, ce sont des phases, cela ne veut pas dire que la révolution est perdue mais au contraire qu’elle continue.” Ces scènes de violences incontrôlées n’ont pas lieu que sur Tahrir mais aussi dans le reste du pays.
L’insoumission devient la règle
L’insoumission et le non-respect des autorités sont devenus la règle et le couvre-feu décrété par Mohammed Morsi, qui devait débuter hier soir dans les villes du canal de Suez, a donné lieu à d’immenses manifestations, à Suez, Ismaïlia et Port-Saïd où plus de quarante personnes sont décédées ces trois derniers jours.
Dans cette ville, on a même pu voir à la nuit tombée un match de football entre la population et… des militaires. Et après les affrontements de samedi, un policier mettait directement en cause ses supérieurs et le ministre de l’Intérieur, accusés de lâcheté.
Selon des informations concordantes, des policiers ont d’ailleurs refusé que le ministre assiste aux funérailles des deux agents tués samedi. Tout cela crée l’étrange et inquiétante impression que les détenteurs de la violence légitime ne sont plus en situation de monopole et ne font plus grand cas de la légitimité.
Marwan Chahine – Le Nouvel Observateur
Au Caire, les flammes s’élevant de véhicules incendiés par des manifestants ont éclairé le ciel lundi soir.
L’armée égyptienne met en garde contre un effondrement de l’État
LE CAIRE – L’armée égyptienne a mis en garde mardi matin contre les risques d’effondrement de l’État alors que des manifestants ont défié le couvre-feu imposé par le président Mohamed Morsi dans trois villes situées le long du canal de Suez.
Aucun incident n’était signalé à Port-Saïd, Ismaïlia et Suez et un calme précaire régnait autour de la place Tahrir, au Caire, au sortir d’une nuit marquée par de nouveaux affrontements.
Le chef d’état-major de l’armée égyptienne a prévenu mardi matin que “la poursuite du conflit entre les forces politiques sur la marche des affaires de l’État risquait de conduire à l’effondrement de l’État”.
Les défis politiques et économiques de l’Égypte constituent une “menace réelle” contre la sécurité du pays, a ajouté le général Abdel Fattah al Sissi, également ministre de la Défense, sur la page Facebook de l’armée.
L’armée, qui a assuré l’intérim du pouvoir entre la chute de Hosni Moubarak, en février 2011, et l’élection de Mohamed Morsi, en juin dernier, demeurera “le bloc solide et cohésif” sur lequel “reposent les fondations de l’État”, a-t-il poursuivi.
Il a prévenu également que la protection du canal de Suez était l’une des priorités du déploiement militaire dans les villes du secteur.
CINQUANTE-DEUX MORTS AU MOINS DEPUIS JEUDI SOIR
Face aux violences meurtrières déclenchées la semaine dernière, le président égyptien a décrété dimanche soir l’état d’urgence dans les villes de Port-Saïd, Suez et Ismaïlia.
Mais le couvre-feu n’a pas été respecté, des postes de police ont été attaqués et deux hommes au moins ont été tués dans des affrontements qui se sont produits dans la nuit de lundi à mardi à Port-Saïd, épicentre des violences de ces derniers jours.
Cette nouvelle vague d’affrontements a éclaté à la veille du deuxième anniversaire, vendredi, du déclenchement de la révolution qui a emporté Moubarak. Elle a été attisée par la condamnation à mort, samedi, de 21 accusés impliqués dans la tragédie du stade de Port-Saïd où 74 personnes, dont des supporters d’un club de football cairote, avaient trouvé la mort en février de l’année dernière.
Au total, le bilan de ces nouvelles violences est d’au moins 52 morts.
“LA LOI MARTIALE N’EST PAS UNE SOLUTION”
Lundi, l’opposition a rejeté l’appel au dialogue lancé par Morsi et des foules nombreuses de manifestants ont défilé au Caire, à Alexandrie et à Port-Saïd, Ismaïlia et Suez.
“À bas Mohamed Morsi ! À bas l’état d’urgence !”, ont scandé les manifestants à Ismaïlia.
À Port-Saïd, des hommes ont attaqué plusieurs postes de police après la tombée de la nuit. De source proche de la sécurité, on indique que des policiers et des soldats ont été blessés. De source médicale, on parle de deux morts et douze blessés lors des affrontements, dont dix par balle.
Au Caire, les flammes s’élevant de véhicules incendiés par des manifestants ont éclairé le ciel lundi soir.
Mardi matin, des petits groupes constataient les dégâts autour de la place Tahrir, des jeunes se sont hissés sur une camionnette calcinée de la police, mais contrairement aux matins précédents, aucun incident n’était signalé.
Les manifestants accusent Mohamed Morsi et les Frères musulmans, dont il est issu, d’avoir trahi les idéaux de la “révolution du Nil”.
Les Frères musulmans ont remporté les cinq scrutins organisés depuis la chute de Moubarak (deux référendums, deux élections parlementaires et l’élection présidentielle qui a porté Morsi à la tête de l’État en juin dernier).
“La loi martiale, l’état d’urgence et l’arrestation de civils par l’armée ne sont pas une solution à la crise, c’est juste une provocation de plus pour la jeunesse”, a déclaré Ahmed Maher, du Mouvement du 6-Avril, en pointe dans le soulèvement de l’hiver 2011. “La solution doit être politique et s’attaquer aux racines du problème”, a-t-il ajouté.
Presse contre-révolutionnaire (Yasmine Saleh avec Tom Perry au Caire et Yusri Mohamed à Ismaïlia, Reuters, 29 janvier 2013)
Les bourgeois et autres démocrates aiment bien quand la politique sort dans la rue (“c’est un beau moment de politique” comme dirait Mélenchon) mais pas quand elle est mise à sac, même si c’est pour en chasser des tyrans. Ils aiment aussi parler de “révolution” à tout bout de champs, mais pas quand les exploités sortent les fourches de la paille.
[Actualité des Protocoles des Sages de Sion] Bon sang, mais c’est bien sûr ! Le Black Bloc est la créature du complot juif !
http://juralib.noblogs.org/2013/01/31/actualite-des-protocoles-des-sages-de-sion-bon-sang-mais-cest-bien-sur-le-black-bloc-est-la-creature-du-complot-juif/
« La révolution contre les Frères a commencé, elle va se poursuivre, elle sera plus violente que jamais, et il le faut ; je revendique cette violence, car contre le fascisme religieux, contre le terrorisme d’État, on ne peut se contenter, tout en restant chez soi, d’appeler tous les partis à la retenue »
Posted on 2 février 2013 by juralib
Nous sommes tous des Blacks Blocks !
Depuis plusieurs semaines l’Égypte est embrasée par des manifestations, qui contestent la mainmise des Frères sur tous les rouages de l’État, d’une constitution baclée, d’un référendum imposé par la fraude, d’une absence de l’État, au fil du temps, et compte tenu de l’absence de toute réponse à l’attente des populations et aux revendications légitimes de la révolution de janvier, la violence se substitue au mythe de la révolution non violente.
Ceux qui dénoncent la violence actuelle, ont la mémoire courte ; ils ont probablement oublié que la majorité des martyrs de la révolution du 25 ont été tués au vendredi sanglant de la colère, quand les révolutionnaires ont mis le feu aux postes de police et ont incendié le siège du parti national au pouvoir.
Ils ont oublié qu’entre le 25 et le 28 janvier, les affrontements à Suez ont fait des dizaines de morts, tant parmi les forces de l’ordre que ceux des manifestants.
Ils ont aussi oublié la chronologie des faits par la suite, sous le régime militaire, depuis l’attaque de l’armée contre les familles des martyrs, en passant par les événements de Maspero et le lynchage des femmes à la place Tahrir.
Ils ont oublié, les 900 morts de janvier à mars 2011.
Cette révolution n’a jamais été pacifiste, c’est un mythe.
Il y a certes une recrudescence de violences, contre les forces de l’ordre conduite par un ministre affilié aux Frères, qui reproduit à la lettre les méthodes de l’ancien régime
Les Égyptiens résistent et répondent à ces méthodes par la violence, ce qui est tout-à-fait légitime ; la révolution contre les Frères a commencé, elle va se poursuivre, elle sera plus violente que jamais, et il le faut ; je revendique cette violence, car contre le fascisme religieux, contre le terrorisme d’État, on ne peut se contenter, tout en restant chez soi, d’appeler tous les partis à la retenue.
No Pasaran
Mailing – Galila El Kadi, 1er février 2013