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Revue STOFF : « La Lutte au sein de la lutte. Notes de travailleurs d’entrepôt sur un soulèvement »

Dernière publication sur le blog de la revue STOFF.

Une critique par stoff du texte « La Lutte au sein de la lutte »

Le texte « Lutte au sein de la lutte », dont nous publions une traduction française faite par un camarade, appelle à notre avis quelques remarques. S’il faut en effet critiquer l’avant-gardisme, et garder à l’esprit la tendance des structures comme le parti à s’autonomiser et donc à s’opposer à la classe, il nous paraît en revanche que ce texte tombe dans le travers inverse. Refuser en bloc la politique et invoquer l’émergence d’un general intellect ne saurait suffire. Ce qui manque ici, c’est une réflexion autour des médiations inévitables entre le moment de l’émeute et celui de la rupture.

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On peut lire, dans la huitième thèse du texte : « Mettre tous les travailleurs sur la même longueur d’onde pour déclencher une véritable grève suppose de longues conversations, sérieuses et complexes, un échange substantiel, mais aussi de convaincre celles et ceux qui ont des situations matérielles différentes. »

Cette analyse prend donc acte de l’hétérogénéité de la classe. Fini le temps où la concentration industrielle et la rationalisation croissante du procès de production produisait la classe prolétarienne (massivement composée d’anciens paysans) comme un pôle consolidé de l’affrontement de classes. L’atomisation sape l’identité ouvrière, elle ôte toute vraisemblance à la fiction d’une convergence des luttes particulières sur la base d’une commune nature ou vocation révolutionnaire. Elle interdit, par conséquent, de penser la révolution comme transcroissance des luttes.

On peut faire remarquer dès le départ que le statut même de cette hétérogénéité n’est pas pensé. N’est-elle pas une donnée conjoncturelle ? Après une phase d’essor de ce qu’on a appelé la classe moyenne, nous entrons aujourd’hui dans un nouveau cycle où ce qui s’était à peine élevé par rapport au statut de prolétaire tend à y retomber misérablement. Le déclassement de ceux qui s’étaient laborieusement reclassés vers le haut montre la friabilité du bloc social central, sur lequel repose toute la politique technocratique et européiste de ces quarante dernières années. Mais voilà un autre chantier théorique.

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Dans tous les cas, il est manifestement moins évident d’affronter un patron « auquel il faut parler tous les jours » que d’aller casser des vitrines dans la rue. Affronter un patron, c’est porter la lutte sur le lieu du travail, par exemple en organisant une grève. C’est difficile, ça demande des discussions, ça demande d’avoir au moins un semblant de perspective commune au-delà de la diversité des conditions.

Ce qui revient à dire que, de plus en plus, la révolte s’exprimera à la manière de l’émeute, dans la rue, avec toujours le risque de fétichiser l’affrontement contre l’État et ses représentants. A moins que le general intellect nous sauve la mise. Nous y reviendrons.

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Malheureusement, une émeute, c’est par définition éphémère. Car l’émeute est passagère, ou alors elle n’est plus une émeute. Une émeute qui se donne les moyens de pérenniser ses résultats — par exemple la prise sur le tas de ce dont les prolétaires ont besoin pour faire leur journée — n’est plus une émeute, c’est une insurrection. Et quand une insurrection gagne, quand elle institue un nouveau rapport social, cela s’appelle une révolution.

La rupture avec l’ancien est dans le même temps un geste instituant. Il faut conserver ce qui vient d’être soustrait au régime de la propriété privée, se protéger des manœuvres de la contre-révolution. Il faut neutraliser les forces de l’ancien monde, et pour cela mettre en mouvement des forces en sens contraire. Tout cela demande une coordination, une stratégie, et donc de nombreuses discussions pour parvenir, une fois encore, à dégager une perspective commune au-delà de la diversité des conditions de vie d’un prolétariat atomisé.

Cet effort révolutionnaire est de nature essentiellement politique. C’est un effort qui vise à assurer la médiation entre aujourd’hui et demain. Il peut prendre différentes formes au nombre desquelles on ne voit pas pourquoi il faudrait a priori exclure la forme du parti, ni d’ailleurs en quoi ce dernier serait invariablement identifié aux milieux activistes masculins.

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Il est dit dans le texte que : « Le general intellect de la lutte ne se manifeste pas dans l’intelligence politique du parti, mais existe de manière latente au niveau de la classe dans son ensemble : ce sont les tendances historiques de la société capitaliste qui l’entraînent et, périodiquement, la font éclater à la surface. »

Manifestement, le general intellect n’a pas voulu s’attarder sur le lieu de travail. Il a curieusement tourné le dos à la grève, alors même, nous dit-on, que « Nous avons rarement connu une période où les “travailleurs essentiels” disposent d’autant de moyens de pression évidents qu’aujourd’hui. » Dommage.

On pourrait se demander, dès lors, comment articuler une « réponse spontanée et rationnelle de larges segments de la classe à l’aggravation de ses conditions » avec les moyens par lesquels cette réponse pourrait déboucher sur des conditions durablement différentes. Mais ce n’est pas la direction que prend le texte. Au lieu de penser les médiations qui de toute évidence manquent entre la révolte et ses résultats escomptés, entre la réponse spontanée et les moyens de cette même réponse, ou encore entre « l’humiliation quotidienne » et la communauté insurgée, animée de violentes et irrépressibles aspirations révolutionnaires, voilà que cela débouche sur une critique unilatérale de la politique.

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On s’enferme donc dans l’alternative qui est la suivante : d’un côté le « general intellect de la classe qui existe de manière latente », et de l’autre le parti et ses militants « convaincus de l’importance révolutionnaire des meetings et des ateliers ». Ce qui existe de manière latente, tout en s’absentant curieusement du lieu de travail, devrait donc produire, sans médiation, sans politique, sans discussion finalement, la rupture. C’est comme si le communisme était produit par la contradiction de catégories abstraites. Un peu comme la rencontre d’une masse d’air chaud et humide avec un front froid produit un gros nuage. On remplace la politique par la météorologie.

Le présupposé implicite de ce texte, comme d’autres de la mouvance de la communisation, est que cette contradiction objective se conforme à une définition du communisme pour laquelle la persistance d’une subjectivité centrale (celle du mouvement ouvrier, autour de l’identité ouvrière) serait nécessairement exclusive et par conséquent excluante des autres subjectivités. En refusant les médiations autres que celle d’ordre purement spéculatif — le communisme est le produit d’une classe strictement déterminée dans et par le rapport d’exploitation — on se refuse à penser tout ce qu’une telle rupture doit encore au monde tel qu’il existe, avec par exemple une distribution inégale de l’importance des pratiques de chacun concernant les moyens d’assurer la survie non seulement de soi-même mais aussi de masses immenses de prolétaires.

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Il nous semble pour notre part que l’insurrection est d’abord une insubordination. Elle est un refus d’obéissance là où l’obéissance est la plus impérieusement exigée : dans la production. Ce geste de refus constitue une puissance, une identité dans et par la lutte, qui est avant tout — mais pas exclusivement — une identité de travailleurs et de prolétaires. C’est là la longueur d’onde sur laquelle il faut se régler pour se comprendre entre travailleurs et organiser, par exemple, une grève. L’objectif qui s’établit consiste donc, dans ce cas, en premier lieu, à affronter le patron, et au-delà de celui-ci à attaquer la racine du rapport social d’exploitation. Cela étant, l’attaque contre le travail, qui a pris très majoritairement la forme du salariat dans les économies centrales, entraîne nécessairement dans son mouvement la totalité des prolétaires, puisque comme nous le disions ailleurs,

« …ce que l’on nomme prolétariat continue de structurer, autour de lui et un peu partout dans le monde, un bloc social que l’on appelle pudiquement « les classes populaires », c’est-à-dire les travailleurs et travailleuses susceptibles d’effectuer, à un moment ou à un autre de leur vie, un travail productif et reproductif, c’est-à-dire un travail qui engendre de la plus-value ou qui rend possible cet engendrement. » (Substance du capital et lutte des classes, seconde partie)

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A notre avis, le communisme est un mouvement qui s’inscrit dans le cours des luttes et qui vit par elles. Il est par conséquent, au niveau de la subjectivité collective du camp prolétarien, une idée du futur qui se construit contre l’idéologie du présent, contre la croyance que les choses sont telles qu’elles sont et ne pourraient être autrement. Disons-le encore une fois : la contradiction de catégories abstraites ne produit rien par elle-même. Ce sont les prolétaires qui donnent corps à un nouveau rapport social, et ils y mettent ce qu’ils pensent, ce qu’ils espèrent, ce qu’ils rêvent. Ce mouvement n’est donc pas muet ni privé d’imagination : il va construire son récit (contre l’idéologie de la fin des grands récits), il va repérer ses traditions dans les luttes passées, produire ses justifications morales et philosophiques, et finalement s’inventer comme mythe d’exportation à portée universelle.

Le fait que le prolétariat ne soit pas ou ne soit plus homogène ne change rien à son affaire. Il naît dans la production, déborde des lieux de production, entraîne de toute façon avec lui d’autres fractions d’autres classes toujours plus larges, et c’est dans ce mouvement que se constitue le general intellect, qui rassemblera le dernier des exécutants avec le premier des ingénieurs, dans une communauté politique qui se forme pour et par l’affrontement. Soit dit en passant qu’entre toutes les choses concrètes et abstraites que la rupture devra encore au vieux monde, se compte inévitablement la division du travail, c’est-à-dire les connaissances, les pouvoirs et les statuts inégalement répartis entre les individus. Cette division est bien sûr immédiatement menacée dans le cadre de l’association libre et non finalisée à l’extraction de plus-value, mais de la menace à l’extinction il y a un moment de latence où peut s’engouffrer la contre-révolution.

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Il n’y a donc pas lieu de séparer la rupture et la politique, ni le négatif de l’émeute du positif du parti. La négativité institue autant qu’elle destitue. Une politique réformiste et masculiniste reflète assurément la limite des luttes, mais elle ne dit rien des limites de la politique. Au contraire, aussi longtemps qu’elle est portée par la poussée révolutionnaire, l’organisation des exploités et son intelligence stratégique sont tournées vers la lutte contre le bloc bourgeois et ses alliés, contre la répression contre-insurrectionnelle et contre le piège réformiste parlementaire. En attaquant le salariat, le marché du travail et tout ce qui en découle en termes de segmentations autoritaires de la force de travail, une lutte qui part de la production a toutes les chances de faire cesser les jeux de rôle habituels qui amusent les « petits bourges avec avec un impressionnant pedigree d’identités exotiques sur leur CV ».

La politique n’est plus alors la forme vampirisée de « l’énergie et de la négativité prolétariennes ». Elle constitue au contraire l’activité qui produit la rupture en unifiant ce qui jusqu’ici demeurait séparé et impuissant. Elle vise, en définitive, à asseoir la souveraineté d’une classe sur la société de classes, afin qu’elle puisse organiser dans des conditions autres que barbares la disparition des classes, de la division du travail et des catégories fondamentales de l’exploitation.

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En mai 2020, ce qui avait été jusqu’à présent une conclusion théorique pour le moins marginale défendue par les plus excentriques des communistes (et dont les différentes déclinaisons s’inspiraient de Postone, de Monsieur Dupont ou encore d’Endnotes) appartient dorénavant à l’arsenal du monologue médiatique et étatique, mais est également devenue un fait indéniable de la vie quotidienne – la plus grande partie du travail effectué en temps normal aux États-Unis est parfaitement superflue à la reproduction matérielle élémentaire de la société. Seule une minorité des forces de travail était considérée comme essentielle, et ceux et celles qui produisent ou déplacent les valeurs d’usage impérieusement nécessaires ont dû continuer à se présenter au travail, tandis que les travailleurs superflus restaient chez eux, confinés par la pandémie de covid-19.

Nous appartenons à cette caste intouchable des travailleurs essentiels, qui, avec des gants, produisent, emballent et livrent les vivres sur les paliers des travailleurs superflus, et cette situation a fait apparaître à la lumière crue du jour que :

Nos vies en tant que telles sont tout sauf essentielles. On pouvait envoyer un excédent de prolétaires interchangeables sur les lieux de production, jour après jour, pour y mourir. Ce qui est essentiel, c’est notre rôle.

C’est sur nos épaules et nos épaules seules que reposait le peu de travail « essentiel » à assurer en dernière instance, et ce à cause de la société de classe et non d’une quelconque nécessité technique imposée par la division du travail. Si ce noyau restreint d’activités dites « essentielles », déterminé par les besoins humains plutôt qu’imposé par la tyrannie de la valorisation, était réparti dans toute la population, personne n’aurait besoin de travailler plus que quelques heures par semaine pour subvenir aux besoins de la société. Les conditions objectives du communisme sont donc non seulement mûres depuis des décennies au moins, mais elles pourrissent sur pied tandis que d’immenses quantités de temps de travail superflu sont extraites de la grande masse des prolétaires.

Nous, « travailleurs essentiels », disposions d’un pouvoir potentiel considérable. Chaque jour, nous nous entendions dire que les fonctions les plus fondamentales de la société reposaient sur notre travail héroïque. Que se passerait-il si nous refusions ce travail ? Si nous nous emparions de nos lieux de production, et les faisions tourner différemment, dans d’autres buts ?

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Nous travaillons sur une chaîne d’emballage dans un entrepôt, à mettre en paquets des biens qui sont ensuite livrés à domicile. En mai 2020, les travailleurs de l’entrepôt avaient toutes les raisons du monde de refuser de continuer à bosser. Le confinement a entraîné une explosion de la demande, multipliant par trois le volume de production pré-pandémique, bien au-delà de ce que l’infrastructure pouvait supporter. Nous n’avons obtenu qu’une ridicule prime de risque hebdomadaire, mais nos maigres salaires sont restés en berne, alors que la durée des journées a grimpé à plus de dix heures d’un travail harassant. Il était impossible de mettre en œuvre les mesures sanitaires nécessaires ; les conditions de travail sont devenues inhumaines ; une rage amère, désespérée et nihiliste a commencé à se répandre tout au long de la chaîne, comme si nous étions des bêtes en cage destinées à l’abattoir. Nous nous mettions souvent à chanter « brûlons tout » et à fantasmer, durant ce long mois, de réduire en cendre l’entrepôt ou d’abattre le patron dans sa bagnole de luxe, récemment achetée avec les profits du covid. Plusieurs collègues ont évoqué la possibilité de faire grève pour réclamer de meilleurs salaires, une meilleure répartition des heures de travail, ou autre. Mais la grève est restée un fantasme au même titre que les autres, plus grandioses et violents.

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Quand tout a démarré à Minneapolis, et que les prolos se sont effectivement mis à foutre le feu (après qu’un énième épisode de violence raciste manifeste de la part de l’État ait allumé la mèche), les « travailleurs essentiels » comme nos amis de l’entrepôt étaient plus que prêts à en découdre. Dans la ville, le week-end a donné libre cours à deux nuits entières d’insurrection prolétarienne spontanée, la seconde plus intense (et plus grandiose) encore que la première. La majorité de la foule n’était pas constituée des sempiternels activistes habitués des manifestations. Et la foule hurlait, ce n’était pas l’habituel dialogue prémâché avec l’État. Les gens se parlaient, s’enjaillaient, déterminaient les itinéraires à emprunter, prenaient soin les uns des autres. Peu de temps perdu dans des face-à-face toujours rejoués avec les flics devant des cibles symboliques ; la police était prise pour cible pour permettre à l’émeute de continuer tranquillement. Les magasins de part et d’autre des avenues étaient saccagés et pillés, les biens distribués, les prolos se hissaient sur les bagnoles en criant « fuck le 17 », le tout en buvant des bouteilles volées après des mois perdus dans les transports entre des lieux de travail violents et dangereux et la routine de la quarantaine.

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Aujourd’hui, on parle de « rébellion George Floyd », comme s’il s’agissait d’un unique évènement qui se serait déroulé tout au long de l’été. C’est faux sur toute la ligne. Il y a eu un hiatus manifeste entre l’insurrection initiale (avec des différences sensibles de durée selon les villes) et une seconde phase de type « mouvement social » [0], elle-même en proie à de nombreuses tensions internes.

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L’insurrection initiale est morte entre les mains de la violente répression d’État. Un couvre-feu a été décrété dès la fin de la première semaine d’émeutes, imposant à toute personne qui se déplaçait à pied ou en voiture après une certaine heure d’avoir avec elle des documents justifiant son statut de « travailleur essentiel » devant se rendre au taf. Les flics ont violemment appliqué le couvre-feu, ignorant souvent les papiers des personnes appréhendées, interpellant les gens au hasard pour les enfermer pendant des heures et des heures, parfois dans des fourgons sans fenêtres. Cette répression a effectivement mis fin à l’auto-activité de masse qui a présidé à l’explosion initiale – les prolos ne sont pas stupides, et une fois que les risques pris en sortant de chez soi pour se joindre à l’émeute sont plus grands que les bénéfices possibles, nous sommes pour la plupart restés cloîtrés chez nous. La composition prolétarienne multiraciale des premières foules a soudainement changé – seuls les activistes dévoués qui s’étaient fait un devoir moral de se sacrifier au nom d’abstractions comme « le peuple » ou « les vies noires » [black lives] ou « la justice » ont considéré qu’il valait la peine de passer une nuit au poste (et une place assurée dans un certain nombre de fichiers de police) pour aller défiler et scander des slogans[1].

La répression d’État a séparé ce segment militant et idéologique – le parti – de la classe prolétarienne, et une fois la scission entre le parti et la classe confirmée, l’unité historique de la dynamique insurrectionnelle initiale était brisée.

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Le parti lui-même est déchiré de l’intérieur. Ce n’est pas un groupe distinct (et certainement pas un groupe cohérent), mais un positionnement séparé par rapport aux luttes de classe. Une fois ouverte la phase de « mouvement social » centrée autour du parti, la lutte au sein même de la lutte, ou les luttes pour l’appropriation de la lutte, n’ont fait que s’intensifier. Ce sont précisément ces luttes qui ont permis aux éléments « militants » conscients au sein de parti d’avoir le sentiment (faux) qu’ils portaient avec eux l’esprit de l’insurrection initiale (par opposition à la police politique pacifiste et libérale, dont la « manière douce » se résumait à une longue litanie de discours et de pancartes) bien qu’en réalité, les deux approches n’ont fait qu’accélérer sa dégénérescence en son contraire[2].

Le parti n’existe pas « hors » de la classe – il la traverse de part en part. C’est un rôle dans lequel les prolos peuvent se retrouver absorbés, qui se nourrit comme un vampire de l’énergie et de la négativité prolétarienne pour la régurgiter sous la forme de la Politique.

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Le soulèvement initial, ce moment où le prolétariat a comme sujet (potentiel) montré les muscles, a été une expérience émotionnelle immensément puissante, surtout après une vie passée à se sentir corvéable à merci, seul et désespéré, et sans l’espoir de pouvoir un jour participer à quelque chose de plus grand, une communauté de lutte. L’explosion initiale a offert un avant-goût de ce qu’une communication sociale et une réelle solidarité rendaient possible.

De nombreux collègues qui étaient dans la rue ces premières nuits voulaient que ça continue, et étaient prêts à tout pour prolonger cette ivresse.

Des personnes qui auparavant n’en avaient rien à foutre de la Politique – avec un P majuscule – ont vendu leur âme au parti contre la promesse d’un autre fix.

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Nous sommes bien évidemment retournés au turbin. Nous avions nos certificats de « travailleurs essentiels », puisqu’on terminait à dix heures du soir, bien après le début du couvre-feu. Les rues étaient un champ de bataille au cours de cette première semaine, et les avions et les hélicoptères tournaient au-dessus de nous. Il était donc absurde d’accepter comme une fatalité de se présenter à l’entrepôt à neuf heures du matin pour emballer des colis. Et pourtant, c’était possible… C’était possible de brûler des voitures mais pas de dire au patron : « cette semaine, on arrête tout ! »

Il y a un siècle de ça, la grève était l’arme qui faisait intuitivement sens : elle appartenait à l’intelligence collective de classe. Bien sûr, les gens font encore grève parfois, quand ils sont complètement désespérés, mais la grève semble à la plupart des travailleurs une chimère tout droit sortie des livres d’histoire.

Nous avons rarement connu une période où les « travailleurs essentiels » disposent d’autant de moyens de pression évidents qu’aujourd’hui, mais la lutte au niveau de la production semble complètement exclue. Le travail restait le travail, et nous ne sortions dans la rue qu’une fois la journée terminée, pour relâcher un peu la pression pendant le temps libre, au lieu d’aller au bar (tous les bars étaient fermés). Le temps libre ce n’est pas le travail et le bar c’est le bar. Tu ne vas pas au bar pendant que tu es au boulot.

Mettre tous les travailleurs sur la même longueur d’onde pour déclencher une véritable grève suppose de longues conversations, sérieuses et complexes, un échange substantiel, mais aussi de convaincre celles et ceux qui ont des situations matérielles différentes (qui ont davantage besoin de ce job que d’autres, etc.) de parier sur notre force collective. Manifester c’est davantage un sport extrême et solitaire, mais à plusieurs : moins de paroles, plus de casse. Esquiver les balles en caoutchouc, haïr ensemble un vague ennemi sans visage, la flicaille en uniforme anti-émeute comme pur et simple « bâtard » malfaisant – ce qui est plus évident que d’affronter un patron auquel il faut parler tous les jours, avec lequel on a été forcé de composer, que tu perçois peut-être comme un gars sympathique qui fait ce qu’il peut, qui utilisera toutes les entourloupes possibles pour te faire croire que ses intérêts de classe ne sont pas si différents des tiens.

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La possibilité que la lutte s’étende des rues aux lieux de travail semblait en elle-même exclue. En réalité, la lutte ne pouvait accomplir ce saut depuis les mobilisations de rue, entièrement codifiées, d’une poignée de militants pour envahir la vie quotidienne de l’immense majorité de la population dans quelque sphère que ce soit, pas seulement dans la production. Alors que la phase de « mouvement social » se prolongeait, elle devenait toujours davantage un passe-temps d’une petite clique d’activistes, tandis que le reste de la population poursuivait son existence, comme si de rien n’était, à l’endroit même où la ville était cernée par les hélicoptères, là où le parti pensait être en état de guerre. Cela a conduit à des images absurdes : les gens attablés mangent à la terrasse d’un café et, tandis que le soleil se couche, des gaz lacrymogènes s’immiscent depuis une place voisine où des manifestants sont torturés par la police (une scène de BDSM publique et nocturne) – une nuisance, certes, mais un évènement naturel, comme le climat orageux. Des joueurs de ukulélé se rassemblent dans un parc tandis que dans une ruelle voisine, des militants vêtus de noir se cachent des projecteurs des keufs.

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Au bout d’un certain temps, descendre dans la rue n’était même plus une distraction excitante après de longues et éprouvantes journées de travail, comme aller au bar, mais un pur et simple second job. Toute la vie de nombre de nos collègues ne tournait plus qu’autour du milieu social militant et de ses querelles. Le parti se renforçait. Les meetings se multipliaient, sans fin. Les concepts d’« avant-garde » et d’« édification des masses », sous couvert d’une « décentralisation » pour le moins floue, s’insinuaient partout. Le délire de grandeur enflait au fur et à mesure que la réalité sur le terrain devenait plus rébarbative, pathétique et inutilement risquée[3]. Tout ça devenait assommant.

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Quiconque a assisté à la dégénérescence de la lutte connaît la chanson. Les plaintes à l’encontre des formes les plus flagrantes de cooptation ont été répétées tant et tant de fois que nous nous en abstiendrons ici ; ne serait-ce que l’évoquer est devenu source d’ennui, plus particulièrement si ce n’est pas votre premier tour de piste. Le niveau d’intensité particulièrement élevé du soulèvement initial et sa teneur particulière, à savoir une extension inédite à de nombreuses villes dans le monde frappées par des émeutes, méritent qu’on s’attarde sur cet évènement particulier. Les premiers jours ont vu une réaction en chaîne de surenchère internationale. Des villes observaient avec fébrilité ce qui se déroulait dans d’autres endroits, quelques nuits auparavant, avant de rentrer à leur tour dans la danse et de faire monter les enchères dans une sorte de compétition bienveillante : s’emparer des commissariats, incendier des bâtiments, parfois des trucs vraiment cools comme l’occupation d’un hôtel pour en transformer l’usage (enclenchant ainsi un processus d’expropriation et de réorientation des moyens même de la vie). Nous ne savions pas jusqu’où tout cela irait – en tant que travailleurs de la logistique, une idée nous a traversé l’esprit : si les choses deviennent sérieuses, on s’empare de l’entrepôt, on prend les camions et on distribue les moyens de subsistance.

Plus les espoirs sont grands, plus l’éclair du possible est aveuglant, plus dure est la redescente.

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L’insurrection de la fin mai appartient à une dynamique historique déterminée. Il s’agit d’une réponse spontanée et rationnelle de vastes segments de la classe à l’aggravation de ses conditions, au caractère jetable de la vie prolétarienne racialisée qui a été imposée avec virulence sur tous les fronts, à la terreur d’État légalisée et à la sourde contrainte économique du travail quand celui-ci peut s’avérer mortel. Le confinement n’a fait qu’augmenter la pression. Cette dynamique contenait des potentialités immanentes (parfois même communistes, bien que de manière diffuse) qui esquissaient un possible dépassement d’elles-mêmes, offrant à notre regard une image du futur possible de prochaines insurrections, si l’étalon historique est dépassé à nouveau. Hors de cette dynamique historique, en l’absence de cette composition sociale précise, la destruction des biens et des bâtiments n’est pas stratégiquement significative ni efficace, et penser le contraire c’est se rapporter de manière fétichiste à la « lutte » – l’émeute comme rapport social disparaît derrière un ballet autonomisé de pavés et de bris de verre ; le « qui » disparaît au profit du « quoi ».

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Des mois plus tard, durant l’été, les membres du parti tentaient toujours de déterrer la hache de guerre, dans une nouvelle série d’émeutes, sans autres participants qu’eux-mêmes.

Peu importe, ce sont les personnages d’un jeu vidéo – alors qu’importe s’ils n’arrivent pas à attirer à eux des PNJ : casser des vitrines et taguer les murs, c’est comme ça qu’on marque des points, et c’est toujours possible de le faire soi-même. Le refrain bien connu des activistes se fait alors entendre : « au moins, on fait quelque chose ». Les rues sont vides. Il ne se passe rien dans les rues où les prolétaires vivent en fait et où tout a commencé. L’agitation a changé de terrain, s’attaquant aux espaces abstraits des quartiers des affaires, des bâtiments municipaux, des cours des commissariats, des places surplombées par des monuments à la gloire de figures indéfendables de l’histoire nationale, des lieux abandonnés la nuit si ce n’est par les manifestants en route pour leur second job. Obsédés par le mirage du pouvoir d’État, ils le poursuivent là où ils pensent qu’il traîne, comme un spectre, le boss final du niveau. Ils s’en prennent à ses accessoires.

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Descendre dans la rue étant devenu un travail, celui-ci a naturellement reproduit la division sexuée qui lui correspond. Quasi automatiquement, nous nous sommes retrouvées à prendre en charge les tâches auxiliaires de meufs. On a mélangé et mis en bouteille des quantités astronomiques de malox, on a emballé des centaines de casse-croûtes, on s’est procuré et on a distribué du matériel médical, on a mis sur pied des cantines pour ceux qui manifestaient au retour de leur « travail » de nuit, quand ils prenaient la pose devant les commissariats. Toutes les critiques que nous formulons ici, nous les avons formulées à l’époque ; nous avons essayé de les partager avec nos amis et nos collègues qui se sont laissé prendre par cette dramaturgie politicienne et qui se sont exposés au risque d’incarcération (et de surveillance interminable) des mois après la défaite de l’insurrection. Mais évidemment, nous n’étions que des filles qui lisaient trop, réfléchissaient trop et parlaient trop, des rabat-joie qui ne saisissaient pas l’importance de leur militantisme[4] ou qui n’avaient pas les couilles de faire ce qu’ils faisaient, alors il fallait se contenter de rester aux fourneaux pour « aider le mouvement », ou la fermer et se casser.

Plutôt que de répondre aux critiques conséquentes formulées par des femmes de leur entourage, ils montaient des ateliers « militants » (tenus par des petits bourges avec un impressionnant pedigree d’identités exotiques sur leur CV) consacrés à « remettre au centre les voix des plus marginalisés », aux « violences de genre », et blablabla.

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La structure des rôles genrés est sous-jacente au rapport politique aliéné du parti à la classe dans sa totalité ; la politique elle-même est un reflet de la division sexuée fondamentale entre public et privé, la séquestration à domicile, la subordination et le contrôle de la reproduction. Dans une société radicalement sexiste, là où il y a des rapports de sujet à objet, l’objet est féminisé.

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Les garçons-partisans parlaient sans arrêt de leur sex-appeal, à l’occasion de tel ou tel acte de destruction minime de biens ou de bâtiments : une « blague » récurrente qui n’avait rien d’une plaisanterie. Le couronnement de tout ça consistait dans l’idéal à tromper, à persuader et à amadouer les prolétaires pour qu’ils sortent dans la rue – ce qui supposait une accumulation sans fin de flyers, de mèmes, de comptes instagram, de tags et même une campagne de cartes postales. Le parti se définit par ses intrigues interminables pour faire « sortir dans la rue » la classe – c’est cette partie de la classe qui se pense comme l’acteur politique conscient en charge d’une mission essentielle au sein de « l’espace public », en cherchant à obtenir des autres, les masses passives, la satisfaction qu’elle poursuit sans relâche. Le parti est ainsi le moment « masculin » de la classe ; il est sa séparation d’avec elle-même, son redoublement politique, ce qui produit (le reste de) la classe comme inerte, matériau passif, autre féminisé. Le parti est aveugle à ce que fait ou projette de faire la classe. Il est inaptitude à la communication. Le parti produit le prolétariat comme cette femme à qui il ne peut jamais s’adresser.

Au début du mois de juin 2020, la classe a ghosté le parti. Le parti a été abandonné, alors qu’il cherchait désespérément à retrouver un peu d’action, ou simplement à éjaculer.

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Ce qui est arrivé à nos collègues est précisément ce sur quoi la lutte devait idéalement déboucher selon les défenseurs du parti, et ce qu’ils espéraient voir se répéter à une plus vaste échelle : des prolos auparavant apolitiques (petits délinquants, criminels, abstentionnistes) se sont « politisés » – ils ont acquis une intelligence politique. À la fin de l’été, ils prenaient position lors d’élections municipales, leurs discours égrenaient tous les tics militants de rigueur, et ils étaient intimement convaincus de l’importance révolutionnaire des meetings et des ateliers qui occupaient dorénavant toutes leurs soirées et leurs week-ends, persuadés qu’ils étaient d’être à l’aube d’une fantasmatique « guerre civile » qui les opposerait (maintenant habillés sous les traits d’une avant-garde autoproclamée, une minorité consciente opposée aux masses ignorantes) aux milices fascistes.

Mais l’« intelligence politique est précisément intelligence politique parce qu’elle pense à l’intérieur des limites de la politique[5] ». Ce redoublement politique de la conscience prolétarienne ne constituait pas une question de « mobilité ascendante » hors de la classe ; la situation sociale réelle de nos collègues est restée inchangée – nous travaillons toujours tous dans cet entrepôt merdique – mais ils ont commencé à vivre dans le monde illusoire de la politique, par-dessus et contre lui, dans lequel l’agitation de leur devoir à accomplir et la puissance imaginaire de leur volonté révolutionnaire servent à détourner l’attention, à masquer et à compenser leur propre humiliation quotidienne, leur impuissance et leur dépendance à l’égard du salaire.

L’intelligence politique des prolétaires sert en fin de compte une fonction capitaliste :

« La “conscience” de la révolte et de la lutte pour changer la société ne se développe pas grâce à la “propagande” de minorités conscientes, mais par la propagande réelle et directe des évènements. Le chaos social accru met en péril la vie quotidienne de masses toujours plus grandes d’individus et transforme leurs idéologies. Tant que les minorités opèrent comme un groupe séparé de la masse, la masse n’est pas révolutionnaire, pas plus que la minorité. Ses “idées révolutionnaires” ne peuvent servir qu’une fonction capitaliste. Si les masses deviennent révolutionnaires, la distinction entre minorité consciente et majorité inconsciente disparaît, ainsi que la fonction capitaliste de la supposée “conscience révolutionnaire” de la minorité. La division entre minorité consciente et majorité inconsciente est elle-même historique[6]. »

La division que Paul Mattick pointe ici, la séparation politique entre parti et classe, appartient à la révolution bourgeoise. Mais l’ère des révolutions bourgeoises (ou de celles qui prétendraient s’y substituer) est close.

Il ne s’agit pas de la question anhistorique de l’aliénation politique des prolétaires qui serait « mauvaise » en tant que telle (bien que cette façon de poser la question s’imposait nécessairement dans des périodes antérieures, lorsque la tâche de la classe était de propulser le développement capitaliste là où la bourgeoisie ne pouvait le faire d’elle-même) ; au contraire, ce ne sera jamais par ce moyen que nous, prolétaires, pourrons abolir nos conditions d’existence, car cette séparation, qui nous pousse inexorablement du côté de l’objet du processus social, est une de ces conditions d’existence qu’un processus de communisation se devra de surmonter.

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Le chaos social actuel ne fera que s’accroître, cela ne fait aucun doute, et avec lui la mise en danger de la vie quotidienne d’une masse toujours plus grande d’individus. C’est ce qui entraînera une nouvelle vague insurrectionnelle, et non l’agitation politisée d’une quelconque « minorité agissante ». Tout ce que nous pouvons espérer, c’est que lorsque tout éclatera à nouveau, ce sera à une échelle plus grande, et avec une intensité plus forte, tout comme le soulèvement de mai 2020, dans son élan et sa simultanéité, représentait un nouveau seuil, après les précédents de Londres en 2011 et de Ferguson en 2014. Le general intellect de la lutte ne se manifeste pas dans l’intelligence politique du parti, mais existe de manière latente au niveau de la classe dans son ensemble : ce sont les tendances historiques de la société capitaliste qui le mettent en mouvement et, par moments, le font remonter à la surface. Bien d’autres défaites nous attendent. Mais les leçons que nous en tirerons s’accumuleront au fur et à mesure que nos vies deviendront plus invivables, la catastrophe plus pressante –  suffisamment menaçante, peut-être, pour détruire la séparation entre parti et classe. C’est un espoir terriblement maigre, mais c’est mieux que rien.

[0] Par « mouvement social », on entend ici un affrontement ritualisé avec l’État, organisé ou coopté par les grandes centrales syndicales ou les partis de gauche, et bien souvent respectueux de la légalité en vigueur. En France, on pense notamment aux grandes mobilisations pour la défense du service public qui ont émaillé le dernier cycle de lutte depuis 1995 — NdT.

[1] Une arrestation est un événement traumatique pour tout le monde, mais elle peut être plus tolérable pour quelqu’un qui est certain qu’une rencontre avec la police n’entraînera pas de nouvelles violences à caractère raciste, ou l’application d’une peine précédemment suspendue, ou encore d’être mégenré entre les mains de l’État. L’arrestation est une autre affaire pour quiconque n’a pas achevé (ou ne peut pas achever) une transition légale et bureaucratique de genre, ou pour quiconque est impliqué dans une procédure pénale en cours (travail du sexe, trafic de drogue), ou pour les travailleurs clandestins qui espèrent conserver un casier judiciaire vierge aussi longtemps que possible. De plus, une arrestation en rapport avec le soulèvement impliquait d’être placé sous la surveillance de l’État et de la société civile : les médias publiaient quotidiennement des listes de noms, d’accusations et de photos d’identité des personnes arrêtées la nuit précédente. Ces listes ont rapidement migré vers des fichiers tenus par l’extrême-droite et ont régulièrement déclenché des campagnes de harcèlement personnel, par des groupes miliciens, des personnes arrêtées.

[2] La fausse confiance de l’esprit militant a été justifiée par les odieux exemples de foules « pacifiques » dans tout le pays qui ont fait livrer les éléments « violents » indésirables (ou même simplement suspects) aux bons soins de la police anti-émeute, de l’autre côté de la ligne de front : les manifestants pacifiques ont fait passer la trahison et la délation pour une forme de solidarité avec une plus grande cause progressiste.

[3] Les militants se livrent à une obsession nocturne consistant à fomenter des actes mineurs et isolés de destruction de biens, en s’attirant toujours les foudres de la police. Pendant ce temps, dans la journée, Nancy Pelosi enfilait une étoffe kente et dénonçait la suprématie blanche ; des ONG/associations à but non lucratif recrutaient de jeunes noirs pour qu’ils ne participent pas aux manifestations et organisaient des happenings devant divers monuments pour permettre à certaines personnes de « sortir du racisme » ; BLM.com [BLM est l’acronyme de Black Lives Matter – NdT] est accusé d’avoir détourné un tas de dons ; des personnes d’origine palestinienne s’affichent pour que les Blancs puissent expier l’héritage colonial et s’en laver les mains ; etc.

[4] Nous étions donc généralement soupçonnées d’être des « libérales » complaisantes, parce que pour les activistes, qui réduisent les questions de fin à des questions de moyens, les libéraux et les « radicaux » – un mot qu’ils pensent à tort être synonyme de militants – ont fondamentalement les mêmes « objectifs » ou « idéaux »… mais le « libéral » à la petite semaine se contente de lire des livres, ou de voter ou de poster sur les réseaux sociaux ou ailleurs, tandis que le « radical » se salit les mains en cassant des trucs, en affirmant ses exigences (libérales) face à l’État.

[5] K. Marx, Gloses critiques marginales à l’article : « Le roi de Prusse et la réforme sociale par un Prussien », 1844. https://www.marxists.org/francais/marx/works/1844/07/prussien.htm

[6] P. Mattick, «Pannekoek’s ‘The Party & Working Class’ », 1941. https://www.marxists.org/archive/mattick-paul/1941/pannekoek.htm

  1. Paranosophie
    27/05/2023 à 02:13 | #1

    ’IL FAUT EN EFFET CRITIQUER L’AVANT-GARDISME ET GARDER À L’ESPRIT LA TENDANCE DES STRUCTURES COMME LE PARTI À S’AUTONOMISER ET DONC À S’OPPOSER À LA CLASSE”
    Au secours….

  2. schizosophie
    31/05/2023 à 14:29 | #2

    Vu que les pseudos des commentateurs deviennent de plus en plus trolls, je me permets de commenter à mon tour.
    Impression – sans ironie – le récit ma bien intéressé. Mais question, car réelle ignorance de ma part à ce propos : de quel “parti” est-il question ici ?
    1) Du “notre parti” en perpétuelle construction qu’évoquaient Engels et Marx dans leurs correspondances quand il ne s’agissait pas des Eisenachiens de la Critique du Programme de Gotha ?
    2) Du “parti absent” de la th. XXX des Commentaires sur la société du spectacle ?
    3) D’un PCUSa, parti communiste américain ?
    4) Du parti des communisateurs, éphémère assomption définitive ultérieure ?
    5) Du parti Arcal qui “cherchait simplement (…) à éjaculer” ?
    6) Des activistes militants réunis par le “au moins on fait quelque chose” ?

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