Gaza 2024, réponse à un commentaire
Nous avons reçu la réponse du camarade Minassian au commentaire de RS de la revue « Théorie Communiste » dans « Gaza 204 ». dndf
« Ouaip. Des choses dans le texte du camarade RS me semblent bien vues et d’autres me laissent plus perplexe (aux endroits où son texte commente le mien).
Je reconnais qu’il y a du normatif qui traîne dans la manière que j’ai (que j’ai eue) de me figurer les choses, en particulier dans la mise en avant d’un “il n’y a pas” (de lutte prolétarienne). C’est vrai que cette manière de penser ne va pas, et je suis d’autant plus reconnaissant au camarade RS de souligner la chose que ses remarques, quelque part, aident à combler un écart (si si) de positionnement dont je ne sais souvent que faire (un ultragauche franchouillard face à ce qu’il perçoit comme une forme de mystique nationale des “gens” là-bas).
Là où je pense être en porte-à-faux, c’est dans la manière dont RS pointe comme problématique “il y a” (des luttes autonomes). Là, c’est lui qui me semble poser quelque chose de normatif, de l’ordre de “tant que les prolétaires ne se suppriment pas leurs luttes reproduisent le rapport social”.
Au passage : par “autonomie”, je voulais, bien sûr, évoquer celle de luttes et non celle du prolétariat-en-tant-que-classe. Quelque chose de l’ordre de la “lutte dans la lutte”, contre l’encadrement, contre les hiérarchies au sein des directions politiques “nationales”, qui chemine à côté de la lutte entre fractions capitalistes. Ce n’est donc pas un “hors de l’embrigadement”, que je voulais pointer, mais du remue-ménage en son sein, la manifestation d’intérêts matériels divergents dans l’usage des drapeaux sous lesquels on se mobilise, des conflits qui portent un rapport de force matériel, une activité de lutte qui, en retour, implique une répression de la part de l’encadrement (national), cela sous le drapeau et l’idéologie dominants (nationaux). Aucune “pureté”, aucune auto-affirmation en tant que classe dans cette affaire, ou alors je ne me me comprends pas moi-même.
Le camarade RS évoque à plusieurs reprise “les Palestiniens” comme sujets. Il affirme que “la majorité des Palestiniens soutient le Hamas et se reconnaît en lui”. Là, je pense qu’il loupe quelque chose. Non que ça ne soit pas “vrai” (qu’en savons nous et qu’est-ce que ça voudrait bien dire ?), mais parce que je suis persuadé qu’il y a du sens à creuser derrière ce qui apparaît comme un “sentiment” national, à ne pas prendre pour argent comptant le cercle subjectivation-représentation.
En théorisant en mode (post-)ultragauche, on donne certes “notre” forme théorique à la division sociale dans l’ensemble national palestinien, mais, à côté de ça, non seulement les antagonismes existent, mais il me semble qu’elles sont vécues de manière primordiale, plus primordiale (c’est à dire plus active) que la subjectivation-représentation. Les contradictions sont mouvantes dans le temps et l’espace, se développent en se heurtant aux limites qu’elles portent – les antagonismes sociaux sont embrigadés ici, en incapacité de l’être ailleurs, silencieux souvent, et, oui, en Palestine elles butent presque nécessairement sur une forme de surdétermination nationale qui, ce n’est pas rien de le dire en ce moment, “existe”. Et je pense qu’il y a un intérêt à creuser et à comprendre l’activité de lutte des prolétaires comme dynamique dans les conjonctures données, parce que la passion du communisme, comme dirait l’autre, marche sur deux jambes : elle est une obsession pour le capital comme rapport social mais elle est aussi un regard porté sur les luttes depuis les vacillements de celui-ci.
Bref, mais tout ça ne dit rien de ce qui se passe de manière continue depuis le texte que RS critique (et encore une fois merci à lui, aussi parce que toute la profondeur historique qu’il donne dans la suite de son texte est précieuse). En novembre, j’avais envie d’interroger l’activité de lutte des surnuméraires (d’où la focalisation sur le rapport embrigadement-autonomie et le truisme du “y a/ ya pas”) ; à l’heure d’aujourd’hui, c’est la logique du massacre sans fin des surnuméraires, dans le cadre d’une “guerre” dont la forme me semble assez inédite dans l’histoire, qu’il serait avant tout nécessaire d’interroger, quitte, peut-être, à “ne rien dire des Palestiniens”. »
Minassian, le 28 août 2024
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