La Chine veut promouvoir le travail décent contre l’instabilité sociale
Des statistiques dérangeantes poussent les responsables politiques à s’interroger sur les faibles salaires et les conditions de travail, facteurs d’instabilité sociale.
« Il est manifeste qu’il y a une malformation dans le mécanisme de distribution des richesses sociales et que les travailleurs n’ont pas assez de pouvoir de négociation de leurs salaires ». Celui qui a fait cette déclaration, le 12 mai, n’est ni un activiste, ni un dissident. Il s’agit de Zhang Jianguo, un officiel haut placé de la Fédération des Syndicats de l’Ensemble de la Chine, organisation aux ordres du Parti et qui a le monopole de la représentation syndicale en Chine. Elle n’est pourtant pas reconnue par la Confédération Internationale des Syndicats libres, qui considère qu’elle ne représente pas vraiment la voix des travailleurs chinois.[print_link]
Mais ces derniers temps, il semblerait dans « l’atelier du monde », la tendance soit au ménagement. Une éclaircie s’était déjà faite sentir en février. Plusieurs provinces industrielles côtières avaient annoncé une augmentation du salaire minimum. Elles comptaient ainsi rester attractives pour les travailleurs migrants, désormais en sous nombre.
En marge du Forum national sur les relations du travail qui vient de se tenir à Hangzhou, les déclarations officielles promettant des améliorations des conditions de travail ont été nombreuses. Et comme le montrent les statistiques publiées à l’occasion par le “syndicat”, il reste fort à faire, car la part du gâteau de la croissance reçue par les travailleurs peu qualifiés n’a cessé de diminuer depuis une vingtaine d’années.
Des statistiques accablantes
Selon Zhang Jianguo, la part des salaires dans le PIB, qui était de 56,5% en 1983, est passée à 37% en 2005. « Cette proportion n’a pas beaucoup changé depuis. En contraste, la proportion des retours sur investissement dans le PIB a augmenté de 20% entre 1978 et 2005 », a précisé M. Zhang au Quotidien du Peuple.
Pourtant, selon lui, « les salaires des travailleurs sont en général supérieurs de 20 à 50% au salaire minimum. La plupart de cet argent vient des heures supplémentaires ». Les heures supplémentaires, souvent obligatoires et non payées, sont en effet le quotidien de la plupart des travailleurs chinois, cols blancs compris.
Selon un rapport publié en mars par le Bureau National des Statistiques, 90% des travailleurs migrants travaillent plus que les 44 heures maximales imposées par le code du travail. En moyenne, les « mingongs » travaillent 58,4 heures par semaine, 26 jours par mois.
Parallèlement, les revenus des 10% de Chinois les plus riches, qui étaient 7,3 fois supérieurs à ceux des 10% les moins riches en 1998, ont augmenté. En 2007, ils étaient 10 fois supérieurs à ceux des 10% les moins riches.
Instrument de mesure de l’inégalité dans la répartition des richesses, le coefficient de Gini est aujourd’hui de 0,47 en Chine, au delà du seuil d’alerte établi à 0,4, selon des experts affiliés au Gouvernement.
« Le Coefficient de Gini n’a cessé d’augmenter en Chine après avoir atteint le seuil d’alerte il y a dix ans », a déclaré Chang Xiuze, chercheur à l’Académie de Recherches en Microéconomie, selon le Quotidien du Peuple.
Augmenter les salaires pour éviter les troubles sociaux
Va t-on assister à une amélioration tangible de la condition des travailleurs chinois ? Plusieurs déclarations officielles récentes le laissent entendre. Selon le Global Times, pour Zhang Jianguo, les travailleurs ordinaires ne gagnent pas assez pour mener une vie décente, ils devraient pouvoir négocier leurs salaires.
Selon le Quotidien du Peuple, le vice-ministre des ressources humaines et de la protection sociale Yang Zhiming a déclaré mercredi dernier que « la Chine est prête à promouvoir dans tous les domaines le « travail décent » en élargissant la couverture du contrat de travail, en augmentant le salaire des travailleurs de première ligne et en améliorant les conditions de travail ». « Pour le moment, le plus important est d’apporter une solution au problème de l’envoi non réglementaire de main-d’œuvre par certaines grandes et moyennes entreprises », a t-il ajouté.
En faisant ces déclarations, le gouvernement chinois espère apaiser un malaise social grandissant dans le pays, qui se traduit par ce que les autorités qualifient pudiquement par d’incidents de masse.
Dans une interview donnée jeudi à Phoenix TV à propos des récentes attaques meurtrières dans les écoles, le premier ministre lui même a exprimé son inquiétude. Wen Jiabao a estimé que la motivation des assassins était « d’exiger une revanche sur la société et de mettre en lumière des problèmes sociaux tels que le chômage et la distribution injuste des richesses ».
le 17/5/2010 à 11h42 par Benoît Guivellic (Aujourd’hui la Chine)
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