Le mécontentement populaire grandit en Chine
Dans un contexte d’inflation et de renforcement des inégalités, les Chinois sont de moins en moins satisfaits de leurs conditions de vie et remettent en cause la politique menée par le gouvernement, selon une étude de l’Académie des Sciences Sociales de Chine publiée cette semaine.
Publié chaque année par la prestigieuse Académie des Sciences sociales deChine, le « Livre Bleu de la Société Chinoise » n’est pas, dans son édition2011, un cadeau de Noël agréable pour les dirigeants chinois.
Comme toujours, il tente d’analyser les tendances sociales du pays, ainsi
que d’anticiper les principaux problèmes auxquels la Chine devra faire face.
Cette année, la politique menée par le gouvernement fait face à de plus en
plus de défiance.
Selon l’ASSC, le « niveau de satisfaction » des résidents a baissé cette
année dans les petites villes et les campagnes, avec respectivement 3,37 et
3,42 sur un maximum de 5.
L’année dernière, les habitants des petites villes avaient un niveau de
satisfaction de 3,59, contre 3,55 chez les ruraux.
Dans les grandes villes, ce niveau n’atteint que 3,41, mais le rapport ne
précise pas si cela représente un changement.
Selon les chercheur, la satisfaction générale des Chinois vis-à-vis du
travail, de la sécurité sociale ou du temps libre disponible sont à leur
plus bas niveau depuis 2006.
Par ailleurs, chez les habitants des campagnes, les espoirs de connaître une
amélioration des conditions de vie, qui étaient déjà inférieurs à ceux des
habitants des villes, ont encore baissé cette année.
Les citadins expriment une crainte de plus en plus grande quant aux
conditions dans lesquelles ils passeront leur retraite, tandis que pour les
habitants des campagnes, c’est l’amélioration globale des conditions de vie,
le travail, et en particulier le fait de trouver un emploi hors de
l’agriculture qui sont les principales préoccupations.
Le rapport met l’accent sur la nécessité de mieux contrôler l’urbanisation
rapide de la Chine, dont l’impact sur l’agriculture est préoccupant.
*
Les inégalités se creusent*
Une note positive, cependant : sur les neuf premiers mois de l’année, les
revenus des ruraux ont augmenté un peu plus vite que ceux des urbains (9,7%
contre 7,5%).
Mais malgré cela, les inégalités restent béantes. Selon le sociologue Chen
Guangjin, qui a collaboré aux recherches, le coefficient Gini est passé de
0,47 en 2007 à 0,5 en 2010. Selon ce coefficient, plus le chiffre attribué
s’approche de 1, plus les inégalités de distribution de revenus au sein d’un
pays sont fortes.
Le livre révèle que la politique économique du gouvernement a perdu la
confiance d’un grand nombre de Chinois, en partie déçus par l’inefficacité
de celui-ci à compenser les effets de l’inflation.
C’est également la conclusion d’un sondage effectué par la People’s Bank of
China sur les prix à la consommation. 73,9% des personnes interrogées ont
estimé que ces prix étaient « hauts et difficilement acceptables ».
Pas étonnant : alors que les prix de l’immobilier ont explosé, atteignant
des niveaux intolérables dans les grandes villes, le prix de plusieurs biens
de consommation courante, notamment les légumes.
*Un défi de taille pour le gouvernement*
En novembre, le gouvernement avait été contraint de prendre des mesures
d’urgence : dans 36 villes, le prix moyen d’une vingtaine de légumes avait
augmenté de 62,4% en un an !
Et si l’intervention de l’Etat a permis aux Chinois de recommencer à remplir
leur panier au marché, les légumes n’étaient malheureusement pas les seuls à
avoir vu leur prix augmenter : le prix des vêtements a souffert de la hausse
de celui du coton, tandis que les conducteurs ont vu leur budget essence
exploser.
Le défi est donc de taille pour les autorités, qui vont devoir s’efforcer de
redonner à leur action une légitimité.
Dès hier, le gouvernement chinois a d’ailleurs annoncé par la voix de Zhang
Ping, directeur de la Commission d’Etat pour la Réforme et le Développement,
qu’il accorderait en 2011 une importance encore plus grande à l’amélioration
des conditions de vie de la population, rapporte le Quotidien du Peuple.
Au programme, développement des logements sociaux, surveillance renforcée du
marché immobilier, création d’emplois et stabilisation des prix à la
consommation.
Reste à voir, comme toujours, à quel point ces belles paroles seront suivies
d’effets. Car en 2010, la Chine est encore bien loin d’être la société
“harmonieuse” vantée depuis le début de son mandat par le président Hu
Jintao.
Benoit Guivellic ( Aujourd’hui la
Chine)<http://chine.aujourdhuilemonde.com/auteur/benoit-guivellic-aujourdhui-la-chine-0>.
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