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Istanbul : le mouvement est faible, la répression est forte. (18 juin)

Le camarade d’Istanbul nous a fait parvenir un second texte

On sait depuis longtemps que rien n’est plus étranger à une lutte que sa propre fin. Mais à voir tout un tas de zozos qui tentent de poursuivre la protestation en se transformant en statue silencieuse (qui parfois tient un smartphone à la main), on constate à quel point la chose est littéralement pétrifiante.

Il semble bien que les affrontements et les manifs nocturnes du week-end aient constitué le baroud d’honneur du mouvement. L’expension/extension qui seules auraient pu lui permettre de se poursuivre n’ont pas eu lieu.

 

Ces derniers jours, le pouvoir a montré les crocs. Après avoir délibérément déployé un très haut niveau de violence dans l’expulsion de samedi (usage de gaz dans les canons à eau, chasses à l’homme, attaque de l’hôtel qui servait d’hôpital…), il a annoncé le déploiement d’unité de flics et de gendarmes rapatriés du Kurdistan à Istanbul. Dimanche, les rues de tous les quartiers entourant la place Taksim étaient saturées de keufs qui dispersaient tous les groupes qui se formaient pour tenter de faire front. Beaucoup de civils, beaucoup d’arrestations (600 selon plusieurs sources), beaucoup de blessés encore. Des groupes pro-AKP ont commencé à se former, intimidant les manifestants, un molotov a été envoyé sur les manifestants (d’un bateau à un autre). Le gouverneur d’Istanbul a menacé de déployer l’armée, Erdogan a dit aux manifestants : vous avez tel et tel quartier avec vous, mais nous avons tel, tel et tel autre. L’ambiance est à la menace du retour aux années sombres, à la suspension des usages démocratiques. Le pouvoir joue sur la peur de la guerre civile, alors même que la situation est très loin d’être insurrectionnelle. On peut supposer que ça fait peur à beaucoup, étant donnée la composition sociale de la contestation – des gens que l’état de droit protège de fait.

Lundi, grève et manif appelées par plusieurs syndicats de gauche, essentiellement dans la fonction publique. La grève est peu suivie, les syndicats décident de dissoudre les cortèges, guère massifs, dès lors qu’ils sont bloqués par les flics. Les syndicats ont clairement peu mobilisé, ce mouvement ne colle guère avec leur agenda politique. Ils ne sont pas enclins au rapport de force avec le gouvernement, et n’y sont pas forcés par leur base. Les forces politiques d’opposition cafouillent, elles étalent leur faiblesse, elles n’ont jamais su comment tirer profit du mouvement. Elles ne cherchent aucune victoire dans l’immédiat – tant mieux, sans doute, mais elles savent quand même affaiblir la dynamique d’affrontement dès lors que le mouvement n’a jamais cherché à les en exclure.

Mardi matin, rafle au sein des organisation d’extrême gauche, qualifiés de terroristes par le pouvoir, qui dit vouloir condamner des gens à la prison à vie. Le chef des ultras de Çarsi est également arrêté. Ce n’est sans doute pas fini.

La répression sait choisir ses cibles. On évoquait dans le précédent texte (« compte-rendu et analyse parcellaire de la situation à Istanbul ») la double composition du mouvement : d’un côté les militants de la mouvance d’extrême-gauche (maos, trortskos, Kurdes) plus ou moins autonomisés, auxquels se sont adjoints des ultras « anarchistes » rodés à l’affrontement de rue ; de l’autre la classe moyenne européenne de la ville. Ces deux composantes se sont impliqués avec des modalités assez clairement distinctes ; et désormais la répression creuse le fossé entre elles. La première composante a été frappée durement et va continuer à l’être. Certes, tout le monde a mangé du gaz et les arrestations ont été massives, dépassant le noyau dur des activistes et des « violents », mais pour la plupart, les garde à vue ont été de courte durée et sans suite. Le traitement est clairement différent, surtout depuis une semaine, et le mouvement s’en défend guère.

Il y a encore beaucoup de traces du mouvement : dans les quartiers des classes moyennes occidentales, on continue à crier des slogans, à siffler et à taper dans des casseroles à heure fixe, et désormais on adopte ce truc débile de la pétrification. Mais c’est là une contestation morte, dénuée de rapport de force réel, et qui porte plus que jamais la marque d’une identité sociale et culturelle spécifique liée à la bourgeoisie kémaliste. De fait, l’ensemble de cette frange de la population a soutenu le mouvement parce qu’elle est naturellement opposée à l’AKP. Elle y a aussi participé, elle a été présente, mais il y avait aussi là quelque chose de l’ordre d’une affirmation de son existence en tant qu’élite sociale de ce qu’elle perçoit comme étant « son » pays menacé par un gouvernement qu’elle rejette. La distinction entre l’activité de lutte et la démonstration du soutien à son égard a souvent été flou – noyé dans un effet de masse censé porter le rapport de force.

Cette activité de lutte a elle-même été limitée. Assemblée, occupations, grèves, blocages ont été inexistants. Certes, le parc a été durant toute la durée de la lutte un « espace libéré », et l’expulsion de la police du périmètre en a fait un lieu d’échange, de réappropriation du temps et de l’espace, d’élaboration de certaines pratiques d’expression, et de défense commune – et cette occupation a provoqué un blocage de fait, même si ce n’était pas son but assumé. Une puissance collective a bien été là ; elle a suscité de l’euphorie même chez les militants les plus aguerris – et d’un point de vue extérieur on a eu l’impression d’assister un sacré truc. La réaction à l’expulsion samedi soir (manifs nocturnes spontanées dans toute la ville avec blocage de certains axes) a même laissé entrevoir la possibilité d’une explosion de l’espace d’affrontement. Mais l’incapacité du mouvement à se doter d’autres perspectives – qui auraient supposé le développement d’un affrontement en son sein même – a provoqué son affaissement progressif, que le pouvoir a voulu mettre en scène comme un écrasement violent – pour des raisons qui lui sont propres.

Les barricades sont maintenant déblayées et le parc est désormais gardé par des cohortes de flics. Des civils hantent la zone ; ils s’affichent ; ils contrôlent.  Alors qu’il y a quelques jours encore la moitié des gens que l’on croisait dans le secteur se baladaient ouvertement avec des casques de chantiers, des lunettes de plongée et des masques à gaz, il n’est maintenant pas bon que ce type de matériel soit découvert au cours d’une fouille inopinée.

Les concerts de sifflets à heures fixes dans les quartiers « laïcs » cachent mal le processus de normalisation ; les gens statufiés rendent éclatante la fin du mouvement. Peut-être le mouvement affaibli politiquement le pouvoir en place ; peut-être aura-t-il un coût électoral pour lui. Alors la bourgeoisie kémaliste évoquera avec nostalgie ce « réveil » qui aura marqué son retour sur la scène politique.

Peut-être aussi que beaucoup auront appris de ce mouvement, que des lignes de force au sein de la société turque auront bougé, qu’un esprit contestataire se sera ancré au sein de la jeunesse. Tout cela, il est trop tôt pour le dire – mais la fin d’un mouvement ne contient que rarement la force du suivant. A l’heure actuelle, ceux qui subissent la répression  – et doivent désormais s’organiser face à elle en tant que fraction distincte au sein du mouvement – ne ressentent que trop bien ce que signifie la victoire de l’Etat.

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  1. greg
    19/06/2013 à 10:13 | #1

    le camarade d’Istanbul est il venu en solidarité, et porte une analyse extérieure, où est ce un camarade impliqué dans le mouvement depuis le début (c’est à dire plusieurs années) qui écrit depuis “l’intérieur du mouvement” ?

    merci de votre réponse, car il me semble que ca peut expliquer certains points de vue qui sont discutable, quand aux suites à donner au mouvement, et à la perspective à donner à ce texte,

    A première vue, l’article ressemble beaucoup à une analyse à partir du point de vue français (et c’est aussi utile !)

  2. CLN
    19/06/2013 à 11:30 | #2

    A première vue, l’article ressemble beaucoup à une analyse à partir du point de vue français (et c’est aussi utile !)

    le camarade qui nous en envoyé les deux textes écrit en tout cas d’un point de vue communiste ( communisateur)

    pour le reste, reporte toi à son premier texte ou il écrit très clairement :

    Les quelques remarques qui suivent essayent donc de faire un bilan d’étape alors que le mouvement est à un tournant ; elles découlent de l’observation du mouvement autour du parc à Istanbul au cours de la semaine écoulée, cela sans parler la langue et sans être familier du pays. Elles sont donc nécessairement très parcellaires.

  3. Stive
    19/06/2013 à 13:12 | #3

    Difficile de faire un pronostic sur ce mouvement social. D’autant que les mouvements sociaux se répondent, se répandent, et brouillent tous nos repères, surtout si nous n’avons pas de cadre d’analyse, et qu’on ne reste pas le nez sur les événements sans les intégrer dans une dynamique d’ensemble. Je rejoins aujourd’hui ceux qui pensent qu’il faut partir de la crise/restructuration du capital qui détermine les formes de la lutte des classes (et pas l’inverse même si le capital et le travail sont dans l’implication réciproque) pour tenter de comprendre la nature du cycle de lutte dans lequel nous sommes.
    Il faut constater que le mouvement ouvrier historique (visible à la surface de la société) semble se dissoudre, laissant le terrain aux couches prolétarisées (dites classes moyennes) dont les revendications ou l’absence de revendications sortent du cadre qui a été le nôtre après-guerre.
    Je pense aussi que la fin du programmatisme s’exprime dans la passivité de la classe ouvrière face aux mouvements sociaux qui apparaissent depuis quelques années, sans pour autant que les luttes pour les conditions salariales et conditions de vie aient cessé, surtout là où le salaire permet à peine de se nourrir Tunisie, Algérie, etc) mais la revendication salariale ne fait plus système.

  4. 19/06/2013 à 15:42 | #4
  5. CLN
    20/06/2013 à 08:57 | #5

    7822 Blessés dont 59 dans un état grave

    Médecins Union turque (TTB) a publié une déclaration disant qu’au moins 7822 personnes ont été blessées dont 59 dans un état grave. 4 manifestants ont perdu la vie et 11 perdu la vue

    Doctors Union says 7,822 Injured with 59 in Serious ConditionActNOW! 2013-06-20 [Bianet]

  6. pepe
    20/06/2013 à 12:48 | #6

    greg :

    le camarade d’Istanbul est il venu en solidarité, et porte une analyse extérieure, où est ce un camarade impliqué dans le mouvement depuis le début (c’est à dire plusieurs années) qui écrit depuis « l’intérieur du mouvement » ?

    Tu pourrais un peu développer ce genre de critique?? Jusqu’à ce que l’on puissse fournir une critique “de fond” du point de vue développé ici, ta critique est hors de propos.
    Qui que ce soit qui la produise, d’où qu’elle soit écrite, quelle que soit la proximité de l’auteur avec les acteurs, une position théorique est légitime et nous intéresse pour ce qu’elle dit, explique, exprime. Ce qui n’empêche pas de la démonter, critiquer, attaquer. Mais surement pas de ce point de vue démago.

  7. teuz
    21/06/2013 à 21:58 | #7

    La question posee par Greg ne me semble pas absurde, meme si la chose etait clairement dite dans le premier texte (mais pas dans le 2e). Mon point de vue est de fait “exterieur”, et ce n’est sans doute pas sans impliquer des erreurs d’analyse importantes. De fait avoir une vue d’ensemble d’un mouvement est deja difficile quand on y est pris, c’est encore autre chose quand on y debarque et qu’on essaye d’y faire son trou en s’appuyant sur quelques contacts (on raconte pas les memes conneries, maıs on en raconte potentiellement des plus grosses encore). D’autant plus que j’aı pas eu acces a grand chose d’autre que ce qui se passaıt autour de Taksim, et il s’y passait des choses surement tres differentes.

    Je pense que ce qui est le plus diffıcile a evaluer, c’est les histoıres de “composition de classe” du mouvement (justement parce que c’est un mouvement et que ça remue de partout). En l’occurence je pense avoır ete peut-etre un peu categorique sur les histoires de classe moyenne : se survisibilite est en elle-meme un marqueur de classe, ça ne veut pas dire que ça ne remue pas aussi, autrement, chez les prolos. Et il faut aussı redire la base sociale incomparablement plus grande de l’extreme gauche turque dans des franges de ces derniers que chez nous.

    Je redis en tout cas que tout ça decoule de conversations informelles et d’impressions, c’est peut-etre completement a cote de la plaque sur certains trucs.

    Et desole pour les accents.

  8. greg
    24/06/2013 à 09:42 | #8

    merci pour les réponses à ma question, qui n’était pas une critique mais une demande d’éclaircissement (effectivement je n’avais pas lu, le 1er article et était “tombé” tout de suite sur le 2ème…).

    Comme le dit Teuz dans son dernier message, la “lecture” du mouvement est trop rapide du côté de sa composition : cette fameuse “double composition du mouvement” mise en avant dans l’article de manière un peu hasardeuse qui divise le mouvement entre d’un coté les “militants” et de l’autre coté la “classe moyenne européenne”. La réalité est en fait beaucoup plus complexe, avec la participation de milliers de personnes qui viennent des quartiers périphériques, dont certaines ex-favelas (ex-zone libérée comme le quartier du 1er mai à Ümraniye dont l’histoire devrait d’ailleurs intéresser les partisans de la communisation en tant qu’expérience historique). Un texte récent de Badiou est intéressant à ce sujet, qui met en garde de ne pas se tromper de contradiction.

    D’autre part, on a l’impression de lire entre les lignes ce que l’auteur aimerait voir, c’est à dire une insurrection généralisée, avec du feu, des cocktails, tout ca, et dénigre un peu rapidement d’autres formes d’actions sans chercher à comprendre. Prenons, les concerts de casserolles, dont une explication a circulé ces derniers jours “dans l’histoire de la Turquie, il y a une connexion délicate entre les tambours, les armes et les ustensiles de cuisine. La garde d’élite connue comme les Janissaires, détenait de grands pouvoirs dans l’Empire ottoman. Les janissaires avaient l’habitude de lever des chaudrons pour commencer une émeute, renversant complètement le chaudron à soupe, et frappant dessus avec des louches comme sur un tambour. L’organisation janissaire était basée sur le modèle d’une cuisine. Les officiers de haut rang étaient appelés çorbac (des hommes de la soupe). D’autres grades militaires étaient désignés par des termes culinaires asçibasi (le chef coq), le karakullukçu (le laveur de vaisselle), le çörekçi (le boulanger) et le gözlemeci (le faiseur de crêpes). Le corps entier était connu comme l’ocak (l’âtre de feu) et le chapeau du janissaire était orné d’une cuillère. Les décisions importantes étaient prises en se réunissant autour du chaudron sacré. Donc transformer le chaudron en tambour frappé par la cuillère signifiait plus que ce qu’il faisait entendre. C’était une pure rébellion. Aucun Sultan ne pouvait fermer les yeux ou garder les oreilles sourdes au son du chaudron frappé par les janissaires.(…) Ainsi, frapper sur des chaudrons pourrait bien être la réponse turque aux politiciens sourds qui refusent d’écouter la voix du peuple. Beaucoup de sultans ont souffert de conséquences mortelles avec des chaudrons provoquant des émeutes. Pourquoi ne pas répéter l’histoire ? Laissez aller le rythme, Renversez le chaudron, frappez sur votre batterie de cuisine…C’est la musique de la liberté (…)”

    bref, c’est juste une invitation à prendre un recul utile lorsqu’on prend un mouvement “en cours de route”. Ca fait vraiment plusieurs années qu’il y a des luttes dans les quartiers contre les expulsions, et du coup voir un article titré “le mouvement est faible”, parce qu’il y a une retraite stratégique de la place Taksim, pour se replier sur des positions “tenables”, c’est parait un peu léger…

  9. CLN
    24/06/2013 à 11:15 | #9

    salut Greg, tu écris

    le quartier du 1er mai à Ümraniye dont l’histoire devrait d’ailleurs intéresser les partisans de la communisation en tant qu’expérience historique).

    as tu des infos ou peux tu donner des références pour trouver l’histoire de ce quartier

    Merci

  10. Adé
    24/06/2013 à 20:32 | #10

    @Greg
    L’histoire- le conte- des janissaires n’est pas mal du tout, cependant des casserolades il y en a, et il y en a eu. Par exemple en Algérie avant l’indépendance, pendant la guerre, on tapait algérie algérienne ou algérie française (6 coups /5 coups), il est vrai que le pays fut sous domination ottomane…on a casserolé pas mal en Amérique du Sud, également en Espagne, je pense que c’est assez répandu, même en dehors de ces continents, ça ne m’étonnerait pas que les Chinois/es, ou les Indien-nes…
    Que vient faire Badiou là-dedans, de quel texte s’agit-il ?
    Salut.

  11. Greg
    25/06/2013 à 09:52 | #11

    Casserolades : effectivement ce n’est pas unique à la Turquie, c’était juste pour dire qu’il peut y avoir des “mémoires collectives” de certains types d’actions, que l’on peut rappeler parfois, avant de les dénigrer d’un trait.

    Le texte de Badiou sur les contradictions internes au mouvement http://yarinhaber.net/news/3977 , ainsi que quelques perspectives. Il a pas mal circulé à Istanbul, juste avant la décentralisation du mouvement.

    Sur les “zones libérées”, il n’y a pas grand chose en français, et c’est plutôt une histoire méconnue en europe occidentale, qui pourtant s’est répété à plusieurs endroits dans le monde (voir Villa El Salvador au Pérou), et encore aujourd’hui. Voici quelques infos tirée d’un texte d’Aslan:

    “Le quartier du 1er Mai est un quartier réquisitionné dans la deuxième moitié des années 70 quand il était un terrain vide utilisé comme un dépotoir par la sous préfecture d’Umraniye à Istanbul. Il est distribué gracieusement aux propriétaires modestes en divisant la terre. Dans ce quartier, les besoins fondamentaux comme l’électricité et l’eau sont fournis d’une manière illégale. Le réseau de distribution est détruit plusieurs fois par la police mais reconstruit à chaque fois et il a pris place dans le système urbain en devenant légal à la fin de l’année 1988. Le quartier compte aujourd’hui une population de 50 000 personnes. (…)

    “La zone libérée est une notions importantes et intéressantes du processus d’urbanisation de la Turquie. Cela revient à construire et à contrôler un site ou un logement en dehors du système. Dans ce contexte, les quartiers des différentes zones où les groupes socialistes interviennent directement et où ils établissent leur propre contrôle en dehors du système légal sont définis comme “une zone libérée” (…). ”

    “Le quartier du 1er Mai a inspiré la construction d’autres quartiers à Cayan et Güzeltepe de la sous-préfecture d’Eyüp et le quartier Gülsuyu de la sous-préfecture de Maltepe. (…) Ces habitations sont liées entre elles par une série de liens politiques culturels et elles se distinguent des autres quartiers de la ville en raison de ces caractéristiques communes. (…). Les socialistes prenaient de la main de la mafia les terrains destinés ou non à la construction et ils les distribuaient au peuple en les divisant. Ümraniye/ Cakmak, les alentours des logement de Türk-Is, les alentours d’Emirgan/Resit et Kagithane/Nurtepe étaient des sites ayant la même vocation. ”

    “Tous ces quartiers étaient connus à cette époque comme “les zones libérées”, comme le produit de la pratique collective issue d’une mentalité qui considère le sol comme un terrain public, au cours de la deuxième moitié des années 70 et qui considère que c’est légal de l’utiliser pour des objectifs d’intérêt général; enfin qui perçoit comme nécessaire l’engagement d’un conflit avec le système qui se pose comme obstacle face à cette légitimité. Le mouvement de contestation venant d’en bas a désigné ces sites, bâtis par l’entremise des organisations centrales, au moyen d’images fortes telle que le Quartier où le Soleil Frappe, le Quartier du 16 Juin. (…)”

    “Dans ce tissu physique et social compris comme un territoire urbain doté d’une organisation, à peu près tous les problèmes trouvaient des solutions à partir de la structure sous-jacente à leur organisation.”

    “Ils avaient formé des comités dotés de membres qui pouvaient proposer des services publics en faveur de ces nouveaux territoires, par le biais de relations avec les pouvoirs centraux et locaux. Des écoles, des petits hôpitaux et des commissariats sont fondés comme les premières associations publiques de la fin des années 70, par le truchement de ces comités. Il est vrai que, d’une manière étrange, ces quartiers n’avaient pas encore d’identité légale. Leur présence n’était pas signalée sur les documents officiels mais l’école, le petit hôpital et le commissariat de l’Etat étaient bien implantés là-bas. Ils avaient pris place dans ce nouveau contexte urbains comme des habitations officielles et non officielles. Ces quartiers ont été connus et identifiés du fait de leur seule réputation.”

    “Auparavant, ces endroits de la ville étaient décrits comme des endroits farouchement étrangers au discours de la politique dominante. L’on ne disposait plus de nouvelles de ceux qui avaient fait le choix d’aller là-bas. Tandis que les comités ont beaucoup œuvré pour l’apport des services publics quand la presse s’en faisait largement l’écho.”

    “Bref, il est patent que ces sites conservent une place originale dans le système urbain et la structure sociale. Pour comprendre cette situation originale, il est nécessaire de faire appel aux deux notions clés : le territoire et la politique. Le lieu de la ville est le domaine du conflit et aussi le domaine où il y a des conflits en son sein. Autrement dit, il y a la politique du territoire dans le territoire (champ) de la politique. Les territoires politiques d’Istanbul sont le produit de ce processus engagé dans les deux dimensions.”

  12. CLN
    25/06/2013 à 20:14 | #12

    Les deux articles traduits en allemand se trouvent aussi sur le site suisse de langue allemande « l’age de glace »

    http://www.eis-zeit.net/

    Aufstand in der Türkei
    Juni 2013

    http://www.eis-zeit.net/?p=1131

  13. CLN
    28/06/2013 à 10:23 | #13

    Turquie: les manifestations continuent à Ankara, 4 arrestations
    28 juin 2013 à 08:40

    Par AFP
    La police anti-émeute turque a tiré des gaz lacrymogènes et fait usage de canons à eau tard jeudi dans le centre d’Ankara pour disperser des centaines de manifestants antigouvernementaux, procédant à quatre arrestations, ont indiqué des témoins et les médias.
    L’intervention de la police s’est produite dans le quartier résidentiel de Dikmen, théâtre d’accrochages depuis plusieurs semaines entre manifestants et les forces de l’ordre depuis le début, le 31 mai, de la fronde contre le régime islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2002.
    «Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées, ont conspué le gouvernement et n’ont pas voulu se disperser jusqu’à tard dans la nuit», a expliqué à l’AFP un manifestant.
    Les manifestants ont érigé des barricades sur une artère routière empêchant la circulation et poussant la police à disperser la foule, selon la chaîne d’information NTV qui a fait état de quatre manifestants arrêtés.
    Depuis le début manifestations quatre personnes sont mortes -trois manifestants et un policier- et près de 8.000 autres ont été blessées, selon le dernier bilan du syndicat des médecins turcs.
    La contestation à Istanbul, coeur de la fronde, s’est nettement apaisée mais les manifestations se poursuivent dans la capitale et la police procède quasi quotidiennement à des interventions dans la nuit.
    La répression de la contestation par la police turque a suscité de nombreuses critiques dans le monde et terni l’image du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui l’a ordonnée.

  14. CLN
    14/07/2013 à 09:53 | #14

    Turquie : nouveaux heurts entre les forces de l’ordre et les manifestants
    LE DIMANCHE 14 JUILLET 2013 À 08:33

    Par Sylvie Johnsson France Info

    Un mois après l’évacuation du parc Gezi, des centaines de manifestants ont tenté ce samedi soir de rejoindre le site. Les forces de l’ordre les ont dispersés avec des canons à eau, des grenades lacrymogènes et des billes en plastique.

    Interdit au public depuis son évacuation manu militari le 15 juin dernier,
    le parc Gezi a été rouvert en début de semaine. Mais les manifestations y restent interdites. Un rassemblement d’opposants au gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait été autorisé à quelques centaines de mètres de la place Taksim. Mais quelques centaines de jeunes ont tenté de rejoindre le parc Gezi et c’est à ce moment là que les affrontements ont commencé.

    Selon des évaluations de la police, près de 2,5 millions de personnes sont descendues dans la rue dans près de 80 villes pendant trois semaines
    pour exiger la démission du Premier ministre turc accusé de dérive autoritaire et de vouloir “islamiser” la société turque.

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