A propos de l’édito de Endnotes 3 : LA CONTRADICTION ET SON DOUBLE
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LA CONTRADICTION ET SON DOUBLE
Dans l’éditorial de Endnotes No.3 on peut lire cette critique de Théorie Communiste : « Dans leur tentative de réconcilier une approche féministe à deux systèmes avec leur théorie précédemment élaborée, TC s’est perdu dans un débat interne quant à savoir combien il y avait de contradictions dans la société moderne. »
Pour ma part, je ne crois pas que Théorie Communiste cherche combien il y a de contradictions dans la société moderne mais comment la question des genres peut s’articuler à la totalité de l’exploitation qu’est la contradiction sans faire disparaître les classes comme Endnotes semble y parvenir : « Pour nous, il n’y a pas plus lieu de parler de contradiction entre ouvriers et capital qu’entre femmes et hommes. »
La contradiction qu’est l’exploitation dans le mode de production capitaliste a toujours pour fondement le rapport travail/surtravail même si elle peut se matérialiser dans la valeur et ainsi prendre la forme fétiche d’une « contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange » pour reprendre les termes d’ Endnotes. C’est parce que la capital a besoin d’augmenter la part de surtravail par rapport au travail nécessaire qui, lui, diminue tout en restant pourtant nécessaire que le prolétariat est la classe qui est de trop et qui par conséquent est en mesure d’abolir les classes en abolissant le capital. Ici, parler de la contradiction entre « ouvrier et capital » c’est parler de la contradiction comme totalité qui se scinde en elle-même dont l’un des pôle produit l’autre comme sa contradiction en lui-même et fait que l’autre pôle tire toute son existence et sa raison d’être à l’intérieur de cette contradiction; sans la contradiction entre « ouvrier et capital» il n’y a plus contradiction comme exploitation mais seulement une contradiction qui «donne naissance à de nombreux antagonismes, dans les sociétés capitalistes, au rang desquels l’antagonisme de classes. » Contrairement à ce qui est dit sur Théorie Communiste, Endnote ne cherche pas à savoir combien il a de contradictions puisque la contradiction se résume à plusieurs antagonismes qui submergent et noient la contradiction de classes elle-même : « la race, le genre, la sexualité, la nation, le métier ou la qualification, la foi religieuse, le statut migratoire, etc »
Mais il y a plus, dans cette confusion où le tour de magie consiste à faire apparaître une contradiction en faisant disparaître les classes, Endnote cherche par dessus tout à nous faire croire qu’il répond à la question des genres sans même l’avoir posée. Ici, il ne s’agit pas tant de savoir comment la question des genres, dans la société capitaliste, s’articule et se réactive « en rapport avec la logique du capital » mais pourquoi le rapport de genres existent et comment il s’articule avec le rapport de classes comme une seule totalité contradictoire. En posant les genres comme un antagonisme social parmi d’autres qui s’articule et se réactive par rapport au capital, Endnote renoue avec l’idée que la question des genres est une question secondaire par rapport à la question des classes… À moins de faire disparaître les classes dans le concept d’antagonisme social qui n’a plus rien à voir avec le capital.
Donc, pour ne pas être reléguée au second rang, la question des genres doit poser la contradiction comme une dynamique ne produisant pas seulement un rapport de classes mais également et de façon simultanée un rapport de genres. C’est en posant la contradiction qu’est l’exploitation comme une dynamique qui produit à la fois le rapport de classes et le rapport de genres qu’il est possible de parler de deux contradiction comme le fait Théorie Communiste. En fait, pour éviter tout mal entendu, ce n’est pas de deux contradictions indépendantes et se suffisant en elles-mêmes qu’il s’agit, mais d’une contradictions qui se dédouble en gardant la même dynamique qu’est l’exploitation; car, enfin de compte, qu’il soit question de genres ou de classes c’est toujours de travail et de surtravail qu’il s’agit et c’est de là qu’il faut partir pour comprendre ce dédoublement de la contradiction.
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QUAND LE RAPPORT DE GENRES ENGENDRE DES CLASSES
Maintenant, quand il est question de dédoublement de la contradiction, il faut le comprendre comme une contradiction qui est produite par deux rapports différenciés qui s’engendrent l’un par l’autre et qui nous donne à voir deux contradictions… Pour ne pas dire à voir double. La contradiction a fondamentalement une seule dynamique mais qui se retrouve à l’intérieur de deux rapports qui s’engendrent mutuellement et simultanément : rapport de genres et rapport de classes. L’idée que la contradiction apparaît simultanément dans deux rapports est très importante car il ne s’agit pas de savoir quel rapport engendre en premier l’autre mais de saisir comment est produit la contradiction dans chacun des rapports.
Du côté genres, la contradiction apparaît comme un antagonisme de classes car elle est le produit d’une hiérarchie entre deux catégories sexués d’individus. Comme le souligne Christine Delphy, ce n’est pas la catégorie de Femme qui produit l’opportunité d’une hiérarchie des sexes mais le rapport hiérarchique réel qui produit un groupe subordonné sur la base d’une catégorie sexuelle : les femmes. La division sexuelle et asymétrique de la communauté en catégories Homme/Femme est le produit nécessaire d’un rapport hiérarchique qui a pour fondement l’exploitation du travail des femmes. Si les femmes se voient assigner et sont définit par un ensemble d’activités restreintes dont elles ne possèdent ni le pouvoir de définir ni celui de choisir c’est parce qu’elles sont embarquées dans un rapport où la production de surtravail est la source de leur activités qui est par la même occasion devenu travail. Ici, ce surtravail apparaît comme ce qui fait qu’il y a des rapports sociaux; au niveau politique, cela peut prendre la forme de la survie de l’espèce, de la tradition des anciens, de la loi divine, etc.; au niveau économique, c’est la division sexuelle du travail et la répartition inégale des richesses et des pouvoirs. En somme, c’est l’objectivité d’une communauté qui domine ses membres, en particulier féminins.
Dans le rapport des genres, le surtravail devient privilège et pouvoir pour les hommes. Il y a donc exploitation d’une classe par une autre, car les hommes profitent bel et bien du travail des femmes : plus grandes part de nourritures et souvent de meilleure qualité; salaire supérieur pour un travail égal; accès privilégié à des outils et lieux plus prestigieux; activités rituelles et cérémoniales consommant davantage de richesses; travaux plus nobles et rapportant davantage de reconnaissance; liberté de déplacement hors territoire pour la chasse et la guerre; exclusivité des fonctions de pouvoirs; et j’en passe. C’est sans compter le travail gratuit des mères au sein de la famille et les échange économico-sexuels qui dépassent de loin le simple travail du sexe. Au travers tous ces exemples, il s’agit bien d’un rapport de classes engendré par un rapport de genres ou dit autrement, le rapport de genres produits nécessairement le rapport de classes comme son double différencié dans laquelle la contradiction apparaît.
QUAND LE RAPPORT DE CLASSES ENGENDRE DES GENRES
Inversement, du côté des classes, la contradiction apparaît comme un antagonisme de genres car la catégorie Femme est une nécessité fondamentale à la reproduction de l’exploitation. En fait, l’exploitation du travail dans le but de produire du surtravail ne peut se réaliser qu’en reproduisant les conditions fondamentales de cette exploitation : la population comme principale force productive. Ici, contrairement à ce que j’ai déjà affirmé ailleurs (cf. De la reproduction du prolétariat), la reproduction des conditions du renouvellement de l’exploitation ce n’est pas seulement la reproduction de la force de travail, c’est la reproduction de tout ce qui rend possible la disponibilité et l’exploitation de la dite force de travail. C’est-à-dire l’ensemble des connaissances accumulées qui se réalise dans les outils et les machines ainsi que dans l’organisation du travail; le niveau de coopération et d’échange dans la communauté qui permet un certain développement de la production et de la distribution; et enfin, la quantité et la qualité de la force de travail disponible. Tous ces facteurs ont pour fondement l’activité générale de la population, c’est pourquoi la population se présente comme la principale force productive et que son augmentation est garante d‘une plus grande somme de travail transformée en surtravail.
Dans le rapport de classes, le surtravail devient donc une contrainte au développement des force productive et donc à l’augmentation de la population. Pour y arriver, l’appropriation des femmes, de leur corps et leur assignation aux seules activités procréatives et maternelles est le passage obligé dont elles subissent toute la violence et l’exploitation. Comme l’a très bien démontré Paola Tabet, les hommes font tout pour maximaliser les périodes de fécondités des femmes et dans ce processus de maximalisation, le mariage polygame en est le parachèvement. C’est en raison de cette nécessité pour le rapport de classes de faire travailler les femmes à produire des enfants que la contradiction apparaît dans le rapport de classes comme surpopulation. Dans le rapport de classes, le population excédentaires est la manifestation concrète de la contradiction car le rapport de genres est son double différencié où la contradiction apparaît. Ici, Endnote ne mesure pas tout ce qu’implique pour la question des genres cette simple phrase qu’il cite dans leur texte: « En produisant l’accumulation du capital, et à mesure qu’elle y réussit, la classe salariée produit donc elle-même les instruments de sa mise en retraite ou de sa métamorphose en surpopulation relative. »
Finalement, il semble que la contradiction soit quelque peu quantique : non seulement elle apparaît dans deux rapport à la fois, mais elle apparaît dans chaque rapport comme son double différencié… Bien entendu, tout ça reste à encore à creuser.
Amer Simpson
Endnotes #3 « TC s’est perdu dans un débat interne quant à savoir combien il y avait de contradictions dans la société moderne. »
Tout au contraire je me souviens de TC argumentant contre le “démocratisme radical” et son rêve de faire converger toutes les dominations, exploitations, aberrations… définissant la “société moderne” selon cette idéologie de “l’anti-capitalisme”.
Le problème de l’articulation entre exploitation de classe et domination de genre a été traité, par TC, dans une recherche du “modèle” dialectique le mieux à même d’en rendre compte. Je ne suis pas entièrement convaincu par la thèse du “sur-travail”. Elle me paraît nécessaire mais insuffisante.
De là, ‘note finale’, à jeter l’eau de la classe avec le bébé du genre…
Remarques que je place là, sans présupposer de différence entre le texte d’Amer Simpson et les thèses de TC dans le genre&classe dont je ne sais pas où trouver une dernière expression
Quand on considère la théorie côté ‘classes’, qu’on le prenne au niveau général, particulier… on finit toujours par s’y reconnaître, s’y situer, en tant qu’individu singulier. On n’a aucun mal à trouver des exemples – je dis bien des exemples, pas des “luttes théoriciennes” alimentant la théorie – de toutes catégories sociales, sous tous les horizons du monde, qui s’inscrivent dans le panorama, d’autant mieux avec le zonage du capitalisme mondialisé, etc.
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Quand on prend la théorie du côté ‘genre’, il y a un problème. Pourquoi ? On trouve maintes situations, à commencer par la sienne, qui résistent à entrer dans le cadre de cette analyse. Suffit-il de répondre “il ne faut pas partir de cas singulier”. Problème : la relation entre un homme et une femme, est, in fine, toujours singulière, sexuée ou pas. On peut considérer qu’elle s’inscrit dans le rapport général “hommes-femmes”, mais est-ce comparable à l’exploitation, qui elle ne se comprend que collective, même si chaque prolétaire est exploité ?
Mon hypothèse est que l’explication par le sur-travail, la population comme première force productive, si elle donne le cadre général de la condition féminine dans le capitalisme, n’épuise pas la question. La question du genre pour toutes les femmes (et les hommes) qui ne font pas d’enfants, n’en veulent pas, et ne s’en portent pas plus mal, sauf…
La théorie marche bien pour toutes les mères, les femmes battues, les femmes convoitées et qui s’en servent ou pas…
Bref, il y a un reste qui résiste. À commencer tous ceux qui ont du sexe sans le genre, si j’ose dire.
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Une autre chose qui résiste, c’est qu’une fois cette théorie exposée en général, personne n’en parle, personne ne l’alimente si ce n’est des trucs les plus habituels, et par chance, des femmes voilées le poing levé, ‘la structure qui descend dans la rue’…
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Pour en causer, il va falloir descendre dans l’arène, avec autre chose que des généralités, ou pire, des généralisations.
“Le plus difficile, en théorie, c’est de redescendre…”
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‘Marie, quand tu auras fini de monter des cendres, tu descendras mon thé’
J’essaye de modéliser la (ma) question, par une représentation simple, la géométrie des ensembles (deux cercles qui se recoupent, une partie commune, deux non et séparées)
C = lutte de classe
G = contradiction de genre
Trois cas :
G avec C : la théorie de TC, le résumé d’AS ci-dessus, nul n’y échappe “tous les hommes s’approprient toutes les femmes”, tous sont partie prenante du rapport capitaliste
C non G : il existe des individus qui ne sont ni hommes ni femmes, ou ne se comportent pas selon les lois du genre, et des sexes. Ils n’échappent pas à la lutte de classes, ni personne.
G non C : plus difficile à concevoir… par définition de C
Résultat d’étape, la lutte de genre est contenue dans la lutte de classes.
Corollaire : la réciproque est difficile…
Résultat d’étape 1 : présenter le problème sous une forme symétrique ( QUAND LE RAPPORT DE GENRES ENGENDRE DES CLASSES / QUAND LE RAPPORT DE CLASSES ENGENDRE DES GENRES ) n’est pas satisfaisant, et présente l’inconvénient de ne pas discerner une différence fondamentale entre les deux rapport, et qui tourne autour de l’INDIVIDU, de l’INDIVIDUALITÉ.
Cette conclusion n’est pas surprenante, dans la mesure ou la communisation, si elle fait bien son boulot, supprime les médiations qui nient les individus, et elle ne peut le faire qu’en tant qu’en tant qu’ils sont hommes, femmes,…
Résultat d’étape 2 : il faut envisager une théorie de l’individu adéquate à la perspective communisatrice. Je ne dis pas qu’elle n’existe pas, mais pas en tant que telle.
Résumé : on ne peut penser la question du genre sans penser l’individu. L’individu ce n’est pas “l’intime”, peut-être l ‘”extime”
PS : je vois tous les inconvénients d’un tableau aussi simpliste, au regard d’une dialectique raffinée. Toute l’eau de la mer n’étanche pas ma soif… Il me suffit parfois d’un verre.
Je ne suis pas satisfait de mon précédent message. À le suivre il y aurait un ensemble G (le genre) inclus dans l’ensemble C (le capital, les classes).
Pourtant, j’affirme aussi que C est compris dans le genre G, qui le déborde.
On a deux inclusions “réciproques”, mais pas symétriques. Il faut une topologie plus dynamique (dialectique, contradictions) pour se représenter la chose. Mais celles qu’on lit sont tellement complexes qu’on n’arrive pas à se les représenter plus simplement. Dès qu’on tente de les résumer, on laisse de côté des relations importantes que permettent les textes longs. Après, on peut toujours en extraire des “formules” censées condenser le résultat théorique, c’est la porte ouverte aux n’importe quoi interprétatifs. Peut-être que la longueur des textes traduit celle du temps avant de pouvoir le tirer au clair, dans une pratique de l’abolition du genre ? Peut-être qu’on est à la limite de thèses abstraites, qui pourraient ‘prendre corps’ dans quelque évènement plein de sens théorique ?
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Pour revenir à la singularité de l’INDIVIDU, il appartient à diverses particularités (il est homme, agent public/privé retraité, gentleman français, bavard, etc.), mais jamais ne se réduit à la somme de ces particularités, telles qu’on peut les décrire. Sans quoi la diversité des individus ne seraient qu’une combinatoire de particularités.
La hiérarchie ‘généralité, particularités, singularités’ ne fonctionne pas comme des inclusions. La singularité est… singulière. Quelque chose en échappe aux classements de rang ‘supérieur’ (particularités, généralité).
Un exemple concret : plusieurs prolétaires confrontés à la même situation ne vont pas réagir de la même façon. Leur engagement est in fine imprévisible. Des luttes traversent dans la lutte commune. On croit annoncer que selon qu’on est ‘homme’ ou ‘femme’, cela va déterminer des choix. Mais là encore il y aura “des femmes” qui feront ce qui est “prévu”, d’autres non. On ne se risque pas à annoncer ce que feraient “les hommes”, puisque puisque jusque-là, “tous les hommes s’approprient toutes les femmes”, en attendant la mutation…
Mutation, métamorphose communisatrice dans laquelle les “classes”, le “genre”, se dissolvent, s’auto-abolissent, femmes et hommes prolétaires ensembles face au capital, femmes face aux hommes au sein du prolétariat, et même hors de la classe (contre “la bourgeoise”).
Non, les deux contradictions ne sont pas leur ‘double’ réciproque, ou plutôt ça ne nous avance pas de le modéliser comme ça. On est ramené à regarder ce qu’elles ont en propre.
Des femmes qui ne font pas d’enfant ne sont pas prises dans la “nécessité pour le rapport de classes de faire travailler les femmes à produire des enfants [] comme première force productive”. Peut-être qu’elles n’intéressent pas la théorie, puisqu’elles n’ont pas à se débarrasser de cette détermination ? Peut-être que la théorie ne s’intéresse qu’à ce qui est utile au capital et à son abolition, au genre en tant qu’il est utile à cette double abolition ?
Mais à l’inverse peut-être que des “femmes” qui ne font pas d’enfant ou ne sont pas ‘désirables’, inutiles au capital si ce n’est comme prolétaires comme les autres, peuvent intéresser la théorie comme annonce d’une vie aux limites, avant de n’être plus considérées comme ‘des femmes’. C’est bien ici, avec elles, que l’on comprend la lutte d’abolition du genre comme incompatible avec tout “féminisme”, comme une lutte pour la reconnaissance (la conquête) d’une INDIVIDUALITÉ à part entière, sans attache gendrée, sexuée.
PS : Peut-être que je n’ai rien compris. Je n’en serais qu’à moitié étonné.
Patltoch, pourrais tu envoyer tes commentaires autrement que par salves
ici on ne suis plus et cela nuit à la compréhension
un de la salle des machines
Entendu. Je vais y réfléchir. Ma pensée étant ‘salvatrice’, je ne pense pas dépasser le stade de de ce questionnement pour atteindre celui d’une élaboration aboutie, à confronter à d’autres, mais je vais trouver un moyen d’être plus économe du temps des autres.
Je reformule mon interrogation à partir de formules d’un texte de TC (chantier), certes sorties de leur contexte, mais portant sur ce que je pointe comme nécessaire mais insuffisant, non du point de vue du genre pour le capital, mais du point de vue du genre au-delà du capital.
“C’est du surtravail que viennent les hommes et les femmes, leur distinction donc leur contradiction”
“Entre le prolétariat et le capital, c’est l’existence même du travail comme force productive (la contradiction entre hommes et femmes) qui est, dans les termes du rapport, ce devenir du rapport conflictuel en contradiction : le travail comme unique mesure et source de la richesse.”
“C’est la définition des femmes c’est-à-dire la contradiction entre les hommes et les femmes (la définition est en elle-même la contradiction) qui se joue sur le travail.”
“Entre les hommes et les femmes, c’est l’existence du surtravail et de sa relation au travail nécessaire (la contradiction entre les classes) qui est, dans les termes du rapport, ce devenir du rapport conflictuel en contradiction. Le surtravail et sa relation au travail nécessaire font que le conflit entre hommes et femmes a pour dynamique et objectif l’abolition des conditions inhérentes à l’individualité que sont être une femme ou un homme, ce qui est le capital comme contradiction en procès. Autrement dit : cette contradiction entre surtravail et travail nécessaire est celle par laquelle la population comme principale force productive (la distinction de genres) est abolie comme nécessité.”
Est-ce que la définition du rapport hommes-femmes par le (sur-)travail épuise la question du genre ? Du point de vue du capital, oui. Je ne mets pas en question la pertinence de cette construction, de l’articulation des deux contradictions. En tant que la contradiction du genre est définie par le sur-travail, quelque chose tend à la boucle logique : on trouve comme résultat ce qu’on a posé – et certes dans ce cadre démontré, ce n’est pas un postulat, une hypothèse – au départ.
Ce qui n’est pas montré (ou que je ne vois pas), c’est que cela contienne toute la problématique du genre. Toutes les femmes ont un utérus, mais ne s’en servent pas toutes. Tous les hommes ont de quoi contribuer à la reproduction de la population ou à prendre leur plaisir, mais ne le font pas tous. Cela fait du monde, des deux sexes, question d’âge, de type de sexualité ou d’absence de sexualité… Ce n’est pas qu’une question de queer.
Je ne sais pas si on pourrait le dire comme ça : le genre n’est pas entièrement subsumé sus le capital.
Autrement dit, cela laisserait la possibilité d’une permanence de la question du genre au-delà de la communisation dans les termes où la pose TC, comme double abolition simultanée des classes et du genre.
“Toutes les femmes ont un utérus, mais ne s’en servent pas toutes. Tous les hommes ont de quoi contribuer à la reproduction de la population ou à prendre leur plaisir, mais ne le font pas tous. Cela fait du monde, des deux sexes, question d’âge, de type de sexualité ou d’absence de sexualité… Ce n’est pas qu’une question de queer.”
Quand, sur la planète, plus de 95% des femmes en capacité de procréer le font, on est obligé de faire appel à l’essence, à la nature, ou de convenir que le dispositif de construction du groupe “femmes” est formidablement efficace! Quand au fait que “les hommes ne le font pas tous”, là aussi la réalité concrète montre que la quasi totalité des hommes se comportent comme porteurs du Phallus, quand bien même ils ne tapent pas tous sur la tronche de leur conjointe. Le Phallus, ça passe aussi par l’expression, la création, l’écriture loghorréique, la grandiloquence, le pouvoir du discours scientifique, etc, etc…. et pas seulement par les comportements machos de base. Alors, oui, la construction théorique de TC autour des distinctions de classe et de genre semble couvrir la totalité de l’activité humaine. Cela ne veut pas dire qu’elle est vraie. Mais elle est bougrement pertinente!
Ces arguments répondent à quelqu’un qui nierait la contradiction de genre. Ce n’est pas mon cas :
1) Je ne fais nulle part « appel à l’essence, à la nature » et oui, « le dispositif de construction du groupe « femmes » est formidablement efficace! ». Le fait de posséder un utérus et des caractères sexuels féminins ne les réduit pas à une fonction de reproduction. Ils ne définissent pas le genre, ni un groupe social, mais un sexe porté individuellement. L’attirance sexuelle n’est pas que de nature, mais pas que de culture non plus, et ce n’est pas une spécificité capitaliste.
2) L’abolition du genre engendre-t-elle la disparition du phallus ?
3) « l’expression, la création, l’écriture loghorréique, la grandiloquence, le pouvoir du discours scientifique, etc, etc… » ne sont pas spécifiques aux hommes, et si elles sont majoritairement mâles, la condition féminine l’explique plutôt bien, en relation avec la domination de genre. Elles ne sont pas un de “la bourgeoise”. Affirmer ces caractères comme masculins serait nier la formidable présence des femmes dans le discours, l’art, la littérature, la science, et leurs capacités d’expression, MALGRÉ les contraintes du capital et de la domination masculine.
4) « bougrement pertinente » n’est pas une qualification suffisante pour une théorie.
Je ne remets pas en cause la distinction sociale de genre, ni la contradiction entre classes, mais j’interroge précisément la construction qui les relie STRICTEMENT dans la « construction de TC » (tout le dispositif est réciproque). Les deux peuvent « couvrir [à elles deux] la totalité de l’activité humaine », ça ne signifie pas qu’elles sont en tout reliées, et reliées par le « sur-travail » (TC n’en fait d’ailleurs pas une preuve, ou peut-être implicite, je ne sais pas).
Par ailleurs, considérer l’existence d’un groupe « femmes », dans la distinction de genre, suppose d’en prendre en compte toutes les caractéristiques, qu’elles nous plaisent ou non. Les ‘femmes’ ont développé, à travers l’histoire, des caractères majoritaires, qu’on peut considérer comme autant de moyens de défense contre la domination masculine, le machisme sous toutes ses formes. Ils ne sont pas tous pour autant à verser au compte d’une quelconque positivité contre le capital, ou même contre l’existence sociale de la distinction de genre, au contraire…
L’abolition du genre suppose la disparition de caractéristiques spécifiques aux groupes ‘femmes’ et ‘hommes’, sans lesquelles on ne pourrait pas en parler comme d’un « dispositif formidablement efficace ». Disparition de spécificités (toutes?) dans la production d’une nouvelle forme d’individualité. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire la critique exclusive du « machisme » mais aussi celle de la construction du groupe ‘femmes’ dans ses éléments propres, sans a priori positif sur ce qu’ils sont.
Je ne vois pas en quoi il est dérangeant pour la révolution que chacune de ces composantes, bien que liées, suppose des combats sur les deux fronts, ensemble ou séparément. Être confrontés aux deux, c’est bien ce qui attend les prolétaires hommes.
Bref, le fait que la théorisation de TC soit « bougrement pertinente » n’interdit pas de la discuter. Quant à la logorrhée, si je devais le prendre pour moi, TC élabore sa théorie en centaines de pages (je les lis à 95%). J’en suis encore loin. Cela ne veut pas dire que ma déconstruction est vraie, mais j’attends une démonstration qu’elle manque de pertinence.
1) les arguments ne sont pas obligatoirement ad hominem. Personne ne t’accuse d’essentialisme
2)Oui, l’abolition du genre suppose la disparition du Phallus, la castration de l’instrument symbolique de la puissance des hommes
3)Je ne prétendais pas que ces modes d’expression de la puissance étaient spécifiquement masculins mais qu’ils venaient en complément des expressions typiques, violents, dominants de l’appropriation des femmes. Que des femmes aient pu se glisser en force dans des espaces moins verrouillés, dans la sphère publique, ne change pas grand chose au problème.
4) quand j’émets un avis sur une position théorique, je me contrefous que cela soit une “qualification suffisante”. Tout n’est pas toujours passé au crible de la norme académique. C’était dit sans prétention, quoi…..
Cela dit, tout à fait d’accord sur les deux fronts auxquels les hommes devront se coltiner….
Et bien sur qu’il faut continuer à discuter les positions de TC, et surtout de les discuter sous forme d’échanges plus “directs”, comme ici. Cela nous sort un peu des énormes productions qui tombent comme des sommes incontestables….
Désolé Pepe, je savais pas que ça venait de toi, sans quoi je l’aurais sans doute mieux compris. Je l’ai pris comme une réaction à mon questionnement, “ad hominem” ne me gênerait pas. Je vais soigner ma parano ;-)
J’ai compris “phallus” dans le sens banal (ou restreint) de pénis. Donc nous sommes d’accord sur « l’abolition du genre suppose la disparition du Phallus, la castration de l’instrument SYMBOLIQUE de la puissance des hommes ». La communisation ne castre donc pas le pénis, et les problèmes liés au sexe ne sont pas tous abolis(sables) dans la seule perspective d’abolition du capital (sous l’angle du sur-travail).
J’ai l’impression d’avoir souvent entendu, de la part de TC, que tel aspect “ne change pas grand chose au problème”. Il y a dix ans, le genre ne changeait pas la théorie des classes…
Dont acte pour “qualification suffisante”, ma remarque n’était pas indispensable. “Sans prétention” bien d’accord. Difficile de trouver une forme d’expression juste et courte. Perso, le peu d’échanges des derniers fils m’a permis d’y voir plus clair, et j’espère de cerner/formuler de façon compréhensible où je vois un problème.
Je suis le premier à regretter qu’il n’y ait pas davantage “d’échanges plus « directs », comme ici”, et j’ai quelques scrupules face à la visionneuse ‘Patlotch’ dans les forums. J’y réfléchis. Mais bon, en 2 ans d’absence, je n’ai pas vu d’avantage de discussions. “Autour d’une bière” reste à inventer en virtuel.
Les aléas des pseudos!!!
Si t’avais choisi Eugénie Soutière, j’aurais même pas osé intervenir.
À part ça j’ai récréé un site perso, donc je mettrai un lien si j’ai du long, bien que ce soit improbable. Je reste un salvateur dans l’âme.
http://choisislavie.free.fr/foiquitue.htm
Je pensais, par exemple, à la sur représentation des noirs dans l’expression artistique étasunienne, ou à l’élection d’Obama, qui ne changent pas grand chose, sur le fond, à l’irréversible distinction des races aux Etats Unis.
Je vois le parallèle.
Peut-être que le meilleur exemple « qui ne grand pas grand chose » est la situation des couches moyennes dans le rapport entre classes antagonistes.
S’agissant d’une contradiction, elle concerne ou non tous les individus de la catégorie.
Tous les rapports sociaux sont déterminés par la lutte de classes, mais tous les individus ne sont pas prolétaires ou capitalistes. Beaucoup échappent au rapport d’exploitation, sont plus ou moins opprimés ou dominants.
Toutes les femmes, tous les hommes, sont pris dans la contradiction de genre, même s’ils n’y participent pas ‘activement’. Elle détermine à des degrés divers les rapports objectifs et subjectifs entre hommes et femmes.
Ma question n’est pas interne à chaque contradiction, mais dans l’articulation des deux.
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Dans ton exemple, il faut d’abord considérer que le rapport de ‘races’ n’est pas une contradiction, du moins pas dans le sens de parties constituant une totalité, avec une dynamique conduisant à l’abolition des « races ». Il y a une question raciale, mais il n’y a pas de races, seulement racisation sur une base de contradictions de classes.
Sur l’exemple précis, « la sur-représentation des Noirs dans l’expression artistique étasunienne », il faudrait distinguer. Si l’on prend le jazz (blues, gospel, soul, etc), elle existe au début par qu’il s’agit de l’expression d’une communauté, pour aller vite. On ne dit pas que les Gitans sont sur-représentés dans le jazz manouche. Dès les années trente, et ça n’a pas cessé, il y a autant de « Blancs » (notamment d’origine italienne ou juive) qui jouent du jazz, et aujourd’hui ni plus ni moins des « Noirs » ou des « Blancs »). Dans les années 1960, une frontière raciale existe entre Rn’B, et Rock, expressions musicales des deux communautés, pour faire court. L’expression communautaire s’est déplacée vers la soul, le funk, le rap, le hip-hop, etc, surtout dans le prolétariat ‘noir’ et autres « minorités raciales’ », qui tendent à être majoritaires aux Etats-Unis (avec les « latinos »), majoritaires aussi dans les prisons. Mais les causes relèvent d’abord du rapport de classes. Et ces “expressions artistiques” sont déterminées par l’économie du spectacle, la musique comme marchandise, opium des peuples, expression de la détresse et protestation contre cette détresse.
Dans la littérature, la peinture, le cinéma… la question ne se pose même pas, et renvoie à la production massive d’une couche moyenne « noire » à partir des années 1970.
Quoi qu’il en soit, l’expression artistique ne relève pas fondamentalement d’une contradiction sociale.
Obama… Il n’y en a qu’un, et la logique de son élection renvoie aux évolutions démographiques des ‘communautés’ comme à la montée d’une couche moyenne ‘noire’, dont les déterminations ne se distinguent pas essentiellement de la White Middle Class.
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La question que j’ai posée est celle de femmes, et d’hommes, qui ne sont pas pris dans l’intersection des contradictions de genre et de classe, sous l’angle du sur-travail. Admettons qu’ils appartiennent aux couches moyennes, non prolétaires. Leurs relations sociales sont néanmoins déterminées par ces contradictions, comme le contexte sur-déterminant l’époque.
La bonne critique de ce point de vue (‘le problème dans la question’) serait de considérer qu’ils sont pris dans le processus historique déterminant l’évolution du monde, du monde capitaliste, du monde de la domination des femmes par les hommes. Ceux qui semblent y échapper appartiennent à des catégories dont les activités sociales balancent entre prolétariat et « bourgeoisie », sans changer grand chose à la contradiction, qu’en termes quantitatifs de « prolétarisation » dans la crise.
Sous cet angle, mon point de vue serait effectivement dépourvu de pertinence, pour ne pas intégrer la nature déterminante en essence des contradictions motrices, des rapports sociaux de classe et de genre. Et parce que la relation des deux est construite, par l’existence du sur-travail, sur la base de “l’augmentation de la population comme principale force productive”, dans la dynamique du procès historique, et non à l’instant “t”, de façon statique.
PS : Point de détail. Espérons que “la distinction des races aux Etats Unis” n’est pas irréversible. Elle serait d’ailleurs plutôt réversible, y compris au niveau mondial, sur fond de perte de contrôle du capitalisme par l’Occident ‘blanc”.
L’exemple de la sur représentation des noirs dans les activités d’expression artistiques ou d’Obama ne faisait pas de corrélation entre deux contradictions, bien sur. Pas de contradiction de races, OK.
Pour ce qui est de la distinction de genre, là, une vraie contradiction pour le coup, ou la contradiction de classes, je contestais l’idée que l’on puisse y échapper. Outre le fait que les comportements individuels isolés remettent peu en cause une hypothèse théorique, je maintiens que, pour ce qui est du genre, la distinction est d’une puissance hors du commun. Même si dans la sphère publique, on peut avoir le premier ministre d’Islande, lesbienne en couple public, ou Mme Lauvergeon, ou NKM, tous les indicateurs officiels montrent une sphère privée inamovible, dans laquelle est produite et reproduite la population, sous la domination du maître de maison, délégué à la surveillance du dispositif. Ce qui ne signifie pas que tout cela se passe sans heurts et luttes, bien sur, et la contraception et le droit à l’avortement sont surement le coin le plus extraordinaire dans le dispositif d’appropriation des femmes.
Et la montée du célibat dans les classes moyennes supérieures dans les pays riches ou les ridicules pourcentages de contre exemples divers NE CHANGENT RIEN à l’ensemble, je le maintiens!
Là j’arrête de discuter, devant tant de certitudes et d’ignorances près de chez soi, je n’ai rien à dire.
TC se félicite à juste titre d’appuyer ses thèses sur des faits, des chiffres, des témoignages, des “luttes théoriciennes”… Les ouvrages de Roland Simon en sont généralement alimentés et argumentés, à la manière des chapitres concrets du Capital de Marx.
Dans les textes sur la théorisation de la contradiction de genre, en relation avec la lutte des classes, je n’ai pas remarqué cette démarche. Il y a beaucoup de controverses avec d’autres théories du genre. Cela reste globalement abstrait, comme si les démonstrations relevait d’une évidence de constats.
Dans cette discussion, désolé, Eugène, tu n’argumentes pas, tu affirmes, tu assènes. Hé bien “maintiens”. Ce qui n’entre pas dans le moule est insignifiant et réduit à des exemples people. C’est sans appel. Que veux-tu que je (te) dise ?
Circulez, ya rien à voir.
Mais non, relaxe!!!! on peut être un peu excessif et péremptoire sans jeter le bébé avec l’eau du bain. Disons que je pense, peut être à tort, qu’il y a des vérités que nous n’avons pas à démontrer. Je pensais que la domination des femmes par les hommes en était une, comme la lutte des classes.
Sinon, c’est vrai qu’il existe un racisme anti blanc, des poissons volants, des hommes battus et des patrons de gauche.
Mais, comme dirait l’autre “ça n’est pas la majorité du genre”.
Pas Karl Marx, Michel Audiard.
« L’essentiel, c’est de râler. Ça fait bon genre.» Michel Audiard, pas Roland Simon.
J’ai accumulé depuis quelques temps une grosse documentation sur l’activité des femmes dans le jazz (et le blues…). Ça s’est fait dans un forum de discussions ouvert mais sans discussion. J’ai reconstruit le sujet de façon plus lisible. Tout y passe en revue, des premiers temps au moment présent, de la situation des femmes musiciennes dans cette musique “de libération des afro-américains” aux postures remettant en cause la domination masculine dans le jazz, soit en constituant des groupes “all-girl” (années 40 puis années 70-80) dans une attitude plutôt féministe, soit se posant comme ‘musicien’ à part entière, remettant en cause, plus ou moins explicitement, le “genre” tel qu’il affecte spécifiquement le monde du jazz, musique et terrain d’une supposée ‘libération’.
On trouve dans ces pages nombre de témoignages, des références à des livres ou études, souvent d’Outre -Atlantique ou d’Outre-Manche.
http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-84.html
Au bout de quelques mois de cette recherche documentaire, et d’une transmission d’abord improvisée, je pense pertinents – bien que variés d’extrêmes Orients en Occidents – les rapports entre cette (ces) situation(s) spécifique(s), la question sociale (économique) et la condition féminine. C’est un terrain limité, mais un terrain concret, somme toute aussi le terrain d’un conflit, pour ne pas dire d’un combat…
C’est je pense le caractère concret de mon “enquête” qui lui donne un intérêt dans le contexte de la théorie.
À vous de voir… Vous pouvez toujours écouter la musique…
PS : Il n’existe pas de travail équivalent sur internet, ni en France, ni ailleurs.
Depuis ces débats et d’autres, j’ai un peu avancé un chantier permanent et ouvert :
Comment mettre la question raciale sur la table des théories de la communisation ?
http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-491.html
Pour s’y retrouver, restructuration capitale et sommaire, liens actifs sur le site
1.1.1. Race Genre Classe : pour une mise à jour des théories de la communisation
. Comment mettre la question raciale sur la table des théories de la communisation ?
. éléments d’une sociologie anticonstitutionnelle universalo-française
. l’invention de la race, construction historique et sociale
. ‘On ne naît pas Noir, on le devient’
. sur les luttes de dominé.e.s/racisé.e.s en France : spécificités
. femmes dans les luttes de classes
. l’incontournable écoute de ses AutrEs par l’homme blanc, avec LeRoi Jones
– Classe Race Genre : autant de “planchers de verre” ?
– Genre et race (et classe) : Black Feminism…
– Pauvreté, racisme et exploitation
1.1.2. la méthode et son double, une vision d’hommes ? Pour une refondation en théorie communiste
1.1.3. la reproduction du capital, de la domination masculine, et des identités délétères
Documents et remarques bienvenu.e.s
Merci
@Patlotch : Tu n’ignores sans doute pas qu’Houria Bouteldja a tenu plusieurs fois des propos ambigus et orduriers, notamment sur le sionisme ou encore à propos de “l’affaire Merah” ; qu’elle et ses acolytes du PIR soutiennent les antisémites du Hamas … La citer en référence dans tes ébauches ne te pose aucun problème de conscience ? N’est-ce pas en faire une “caution intellectuelle” dont on pourrait fort bien se passer au même titre qu’Eric Hazan antérieurement cité ici et, plus globalement, que toute cette clique post-moderne légitimant bien des phénomènes réactionnaires (sacré, religions, famille…) ?
@nono
Merci pour l’info. Si, je l’ignorais.
Tu fais référence aux citations de Houria Bouteldja qui sont là « sur les luttes de dominé.e.s/racisé.e.s en France : spécificités » http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-493.html
D’une façon générale, est-ce que citer Untel-le dans mes ébauches en fait une « caution intellectuelle » ?
Dans ce cas, on pourrait en déduire que je donne une “caution politique” ou “une caution idéologique” aux textes de Nahla Abdo, Maya Angelou, Amiri Baraka, Brenna Bhandar, Sophie Bessis, Robert Castel, Carole Boyce Davis, Angela Davis, Christine Delphy, Elsa Dorlin, George Fredrickson, Françoise Héritier, Gaston Kelman, Eric Mabanckou, Moulier-Boutang, Jean-Louis Sagot-Duvauroux, etc.
Autrement dit, une « caution intellectuelle » à des idées dont aucunes ne s’inscrivent dans la perspective de la communisation, et pour beaucoup en sont en quelque sorte « adversaires », dans la mesure où elles prônent le changement par la politique, la démocratie, la citoyenneté, la primauté de la lutte anti-patriarcale sur la lutte de classes, etc.
Exemple, sur le « forum féministe », des militantes « neutralisent » les liens vers des textes qu’elles citent. Chacun dans son coin peut toujours s’imaginer que ce dont on ne parle pas n’existe pas, avec l’illusion qu’interdire permettra d’éradiquer. C’est un point de vue militant, subjectiviste, et ce n’est pas le mien.
Mon objectif n’est pas, à ce stade du moins, d’ouvrir des controverses ou des polémiques avec ceux que je cite ou ce qu’ils portent, d’autant moins dans des activités qui sortent de ce débat. Il est de cerner l’articulation entre communisation et question raciale, en termes théoriques. Poser les bonnes questions de ce point de vue, puisque bien souvent en théorie, le problème est dans la question.
J’ai annoncé la couleur :
« Il s’agit de poser le problème spécifiquement français d’une universalité de droits en principe interdisant d’en mesurer l’application réelle. Ce n’est qu’une esquisse dont le but n’est pas de la combattre politiquement d’un point de vue citoyenniste, égalitariste et démocratique, mais de prendre la mesure de la domination raciale dans le rapport au travail et aux conditions de vie (et de mort) des racisé-e-s. Un constat sociologique. Non son utilisation idéologique, et pas davantage un combat contre elle, qui ne surgira pas d’un blog sur Internet.»
«Le fait de citer des sociologues, ou autres analystes et personnalités politiques, ne vaut pas approbation. M’intéresse d’abord le matériau y compris idéologique, la critique en est implicite et sa théorisation peut venir après. Il va sans dire que nombre de ces analyses relèvent d’un démocratisme radical souvent très soft (élues…). »
Pour revenir à Houria Bouteldja, ce petit texte, d’une interview par Christine Delphy en 2006, il est sur Wikipedia (combien de divisions sur Internet, la caution de Patlotch ?) :
« Demain, la société tout entière devra assumer pleinement le racisme anti-Blanc. Et ce sera toi, ce seront tes enfants qui subiront ça. Celui qui n’aura rien à se reprocher devra quand même assumer toute son histoire depuis 1830. N’importe quel Blanc, le plus antiraciste des antiracistes, le moins paternaliste des paternalistes, le plus sympa des sympas, devra subir comme les autres […] Le racisme structurel de la société française provoque un conflit d’intérêt entre les classes populaires indigènes et les classes populaires blanches, les premières se battant pour l’égalité des droits et pour le respect, les autres bien sûr pour préserver leurs acquis ou gagner des droits mais aussi pour maintenir leurs privilèges vis-à-vis des premiers. Ce conflit d’intérêt « blancs/non blancs » empêche les alliances entre les classes populaires et pousse les indigènes à s’organiser de manière autonome.»
Le « racisme anti-blanc » n’est pas le fait de poissons volants (en proportion des poissons qui ne volent pas).
Je ne suis pas anti-raciste. Je suis contre l’assignation de race. Je ne suis pas pour défendre les « racisé-e-s » en tant que tel-les. Je suis anti-racial. Et je pense que la communisation se fera contre la segmentation du prolétariat par la race : la communisation sera araciale ou ne sera pas.
De cette nuit : « Remarque d’étape : UN PARADOXE ‘STRUCTUREL OU THÉORIQUE ?
On parle, en France, de racisme ‘structurel’. On peut l’entendre au niveau historique, social, sociologique. Mais ce n’est pas au sens de la structure du capitalisme du marxisme traditionnel, pour faire court. On ne trouve a priori rien de spécifique à “la race” dans le rapport d’exploitation et dans le cycle de reproduction du capital. On ne le trouve pas si on ne le cherche pas en d’autres termes qu’une pureté de rapports entre prolétaires (tous les mêmes au sein de « LA classe ouvrière ») et capital.
Il en va différemment si l’on considère l’histoire concrète du capitalisme, de l’accumulation primitive à aujourd’hui, en passant par toutes les formes successives, de la traite aux colonialismes, au post-colonialisme, et à la distribution raciale du zonage actuel dans le capitalisme globalisé.
Il en va différemment si l’on considère le capitalisme dans son mouvement historique et en dynamique de moments présents, en prenant en compte le poids du facteur racial en termes de démographies, dans la segmentation du prolétariat au sein du zonage capitaliste, ses effets dans les luttes.
Autrement dit, pour mesurer la fonction du racisme dans le fonctionnement du capitalisme comme mode de production et de reproduction, il faut prendre en compte la “race” comme facteur déterminant un peu, beaucoup, passionnément…
– le capitalisme en mouvement sous les deux aspects de son cours historique et de ses dynamiques dans la succession de moments présents;
– les aspects quantitatifs (démographiques) du capitalisme et des luttes;
– la segmentation du prolétariat…
Comment cela peut-il s’intégrer à la théorie de la communisation telle qu’elle se présente chez ses théoriciens actuels ? Je n’en sais rien. Il me semble qu’on peut le faire, en dépassant la modélisation abstraite, structuraliste et dialectique, pour théoriser à un niveau de généralités plus proche des “luttes théoriciennes” concrètes.
Il semble que jusque-là, le facteur de la race n’était pas pris en compte par la théorie ou pas comme un élément théorique à part entière dans les analyses des “luttes théoriciennes”. On pourrait peut-être en tirer des considérations plus générales, pour autant qu’une synthèse ait un intérêt : la lutte de classe n’existe pas de façon générale, du moins pas en dehors de périodes révolutionnaires, précisément celles où le prolétariat, tendant à trouver son unité, peut dépasser les divisions antérieures dont celles produites par le racisme. Tel pourrait être le cas du moment conjoncturel communisateur (selon Théorie communiste), dans l’activité de crise du prolétariat (selon Bruno Astarian/Hic Salta), la défaisance* des rapports sociaux entre “races” dans celles des rapports de classes et de genres.
* j’utilise les “concepts” et la terminologie existante. Je ne vois pas la nécessité d’en inventer une autre. Pour le plaisir d’une singularité théoricienne ?
Ce qui suit est un « scoop ». Je l’improvise ici à chaud avant de le reprendre sur mon site.
Ce qui précède va me permettre de revenir sur la discussion avec le texte de BL « Utérus vs Mélanine », dans cette spirale dialectique de mes ébauches http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-491.html
1) Éviter l’analogie entre Genre et Race est incontournable pour poser spécifiquement leurs articulations avec la Classe.
2) Il existe plus que formelles entre Genre et Race, dans la mesure où les deux sont des constructions historiques et sociales.
Les races n’ont pas toujours existé, le genre oui. http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-495.html
« On ne naît pas femme, on le devient » (Beauvoir 1949) / « On ne naît pas Noir, on le devient » (Sagot-Duvauroux, 2004)
3) Le travail que j’ai engagé permet d’aller plus loin. Non seulement il faut éviter l’analogie entre genre et race dans leur construction historique, dans la réalité présente du capitalisme et des luttes mais il va falloir l’éviter dans la communisation. Pourquoi ?
L’enjeu des luttes pour « abolir la domination masculine » et pour « abolir le racisme » ne se pose pas dans le même rapport entre hommes et femmes (une vraie contradiction à dépasser), et dans le rapport entre « dominants » racistes ou pro-races contre « racisé-e-s ».
Pour le dire rapidement, il y aura des luttes nécessaires entre « hommes » et « femmes » prolétaires. Elles seront révolutionnaires. Il y aura des luttes internes au prolétariat sur une base de différences raciales. Elle seront contre-révolutionnaires. C’est à travers ces deux rapports croisés que se jouera l’unité du prolétariat pour son auto-abolition et celle du capital, des dominations masculines et raciales.
LA COMMUNISATION SERA ARACIALE OU NE SERA PAS.
PS : Concernant mes “problèmes de conscience”, je ne sais franchement pas quoi te dire, nono. Je vais ouvrir un débat intime ;-)
Suite à l’échange ci-dessus, j’ai modifié quelque peu le commentaire à l’interview de Houria Bouteldja. Ce que j’écris n’engage que moi, et n’a pas obtenu la caution des théoriciens évoqués.
http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-493.html
« Comme on le sent « en sous-texte », c’est le concept de patriarcat qui, sous son nom même, est miné de l’intérieur dans ses rapports aux classes et à la race. Du moins perd-il de sa pertinence delphyenne (selon Christine Delphy) comme contradiction unique entre « classes » d’hommes et de femmes (ceux qui n’en sont pas s’en tapent, quitte à en être frappés). La porte s’ouvre sur le plan théorique, à partir des luttes dans leurs réalités, d’une articulation avec la contradiction entre classes et la domination raciale comme ‘opposition’ ou ‘antagonisme’ au sens dialectique. Et l’on commence à saisir comment celle-ci informe la structure du capitalisme comme tout.
Il est à remarquer que Houria Bouteldja semble refuser d’en faire un enjeu d’abord militant. En ceci, sa posture évoque a priori celle des théoricien-ne-s de la communisation, qui ne font pas de la “propagande”, persuadé.e.s que ce ne sont pas les idées, mais les pratiques sociales, les luttes, qui font avancer le schmilblick dans le cours quotidien des luttes et du capitalisme tel qu’il est dans le moment présent. C’est néanmoins dans le cadre démocratique qu’elle pose le problème, et sa résolution. Et certes, nous ne parlerions pas comme à regret d’un «empêchement des alliances entre classes populaires ». À travers les segmentations, les luttes feront avec. Voir 13 janvier, à propos d’un reproche dans la discussion sur dndf une “caution intellectuelle” à Houria Bouteldja ? »
L’important dans ce texte de Houria Boutelja, c’est le rapport entre ce qu’elle dit et l’idéologie de l’anti-patriarcat, comme ‘ennemi principal’ (Christine Delphy), et bien souvent unique voire opposée à la lutte des classes. Pour le reste comme on lit, elle inscrit son combat (et à cette époque celui du PIR, Parti des Indigènes de la République, dans le cadre républicain, comme leur nom l’indique.
Parenthèse, et qu’on n’y voit pas une nouvelle “caution” au PIR, voici la position des Indigènes de la République sur l’«affaire Dieudonné».
“Dieudonné, les Juifs et Nous” http://indigenes-republique.fr/dieudonne-les-juifs-et-nous/
Retour à l’essentiel, actuellement, la théorie de la communisation selon TC n’établit pas de hiérarchie entre contradictions de genre et de classe. Le reproche que l’on faisait au marxisme traditionnel de tout soumettre à la “contradiction principale du capitalisme”, et reporter “légalité des femmes” au-delà de la prise de pouvoir par le prolétariat, ce reproche ne tient plus ici (bien qu’on me l’ait renvoyé sur le ‘forum féministe’ où les ‘veganes’ se préoccupent davantage de la santé des vaches que des femmes pauvres).
Reprenant ma réponse à nono, j’ai apporté quelques corrections et précisions.
http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-504.html
À propos de ma formule « Je ne suis pas anti-raciste. Je suis contre l’assignation de race. Je ne suis pas pour défendre les « racisé-e-s » en tant que tel-les. Je suis anti-racial.» J’aurais pu éviter cet anti-racial pas très clair, et dire pour des relations “araciales”.
J’ai précisé : « Je ne suis pas plus anti-raciste qu’anticapitaliste.»
C’est aussi une allusion au texte de BL/TC dans Meeting n°2, 2005 « Nous ne sommes pas “anti” »
http://meeting.communisation.net/archives/meeting-no-2/les-textes-publies-6/article/nous-ne-sommes-pas-anti
C’est après avoir choisi ce terme, ARACIAL, que j’ai trouvé sur Internet le texte “Raceless Like Me” accompagné de cette même photo d’une jeune fille : Black ? Biracial ? Aracial ?
http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-505.html
Quant à la liste de ceux et celles à qui je ne considère pas apporter une caution, mais que je cite, pour éviter toute ambiguïté quant à consonance de leurs noms, je peux la compléter des Canadien-ne-s Julie McMullin, Valerie Zawilski, Gerry Veenstra, Karen E. Travis et Toni-Michelle Rosenblum.
Leurs livres sont cités dans « classe race genre : autant de “planchers de verre” ? »
où l’on trouve également un lien vers le texte GENDER, RACE AND CLASS IN THE ISRAELI EDUCATIONAL SYSTEM, de Nahla Abdo, Sociology and Anthropology, Carleton University
http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-487.html