Pétrification partielle de la lutte des classes ?
Traduction de l’éditorial de Endnotes n°4
english version below
Depuis la dernière édition d’EndNotes en 2013, le train-épave de l’économique mondiale a avancé en cahotant. Pas de vraie reprise, mais pas non plus de retour à des conditions ressemblant à la dépression. On ne sait pas combien de temps cette période intérimaire va durer. L’emballage de mesures exceptionnelles a été décrété à plusieurs reprises, le plus récemment en Septembre 2015, où l’on attendait que la Réserve fédérale américaine relève son taux directeur (ce mouvement aurait mis fin à une séquence de six ans pendant laquelle le taux des fonds fédéraux était à zéro). Mais cela fut également annulé à la dernière minute. Dans une scène désormais familière, des technocrates qui s’agitent sur scène, quelques papiers froissés, puis l’agitation à nouveau. Un autre cycle d’assouplissement quantitatif est prévu. Avec peu de changement, les économies des pays à revenu élevé continuent de tourner au ralenti. Pendant ce temps, l’incertitude et la turbulence économique s’étendent eux-mêmes des pays à revenu élevé à ceux à faible revenu, qui ne sont plus pensés comme le lieu d’une éventuelle “dissociation” économique. Aujourd’hui, les nouvelles en provenance du Brésil paraissent sombres, et les nouvelles de la Chine s’assombrissent chaque mois. Ceci a déjà un impact à travers le monde sur les économies à faible revenu, tant celles ci dépendent de la demande de la Chine pour les matières premières. Sommes-nous sur le point de voir une autre «crise de la dette du tiers monde”, comme nous l’avons vu en 1982?
Plus encore que lorsque nous avons publié EndNotes 3, il est difficile de prévoir ce qui est susceptible de se produire. Des développements complexes sont en cours, qui ont l’air tout à fait différents vus de Ferguson dans le Missouri, d’Athènes en Grèce ou le long de la route de réfugiés fuyant la Syrie sur le chemin de l’Allemagne. Dans certains endroits, de nouvelles luttes sociales se déroulent; dans d’autres, il y a eu un retour au calme; dans d’autres encore, il y a la guerre civile sans fin. Certains pays ont vu la résurgence d’une gauche parlementaire mollassonne, mais l’ordre dominant reste décidément inébranlable. L’ÉQUIPE EN VOL reviendra dans un moment avec un autre tour de BOISSONS … Le monde est apparemment toujours piégé dans les termes de la structure contrainte que nous décrivions dans EndNotes 3.
Ce modèle est défini par une pétrification partielle de la lutte des classes, accolée à une pétrification similaire de la crise économique. Cette stase sociale n’a été maintenue que par l’intermédiaire d’interventions massives des états, qui ont veillés à ce que la crise reste celle de certaines personnes, dans certains pays, au lieu de se généraliser à travers le monde. Pendant combien de temps ce modèle de contraintes peut-il être maintenu? Comme ils l’ont fait dans les premières années de la décennie, les Etats continuent à dépenser de grandes quantités d’argent afin de conjurer la catastrophe. À la fin de 2014, les niveaux de la dette en pourcentage du PIB étaient encore en hausse dans les pays à revenu élevé, atteignant 90 % au Royaume-Uni, 95 % en France, 105 % aux États-Unis, et 132 % en Italie (à l’exception de l’Allemagne, où le niveau de la dette a chuté de 80 % en 2010 au niveau encore élevé de 73 % en 2014). Pourtant, toutes ces dépenses de l’Etat n’ont pas conduit à la reprise économique. Après une période initiale de croissance en 2010-11, les économies des pays à revenu élevé sont une fois de plus revenus à un état de relative stagnation. Les principales exceptions sont les États-Unis et le Royaume-Uni ou une petite reprise a eut lieu (Voir «The Holding Pattern», EndNotes 3, Septembre 2013). En revanche, en Europe continentale et au Japon (nonobstant les manœuvres de la banque centrale européenne et les « Abe-conomies ») les taux de croissance sont restés faibles ou négatifs. Le PIB de la Grèce a, bien sûr, diminué de manière significative. Ces développements médiocres constituent une tendance qui dure depuis des décennies: dans les pays à revenu élevé, les taux de croissance du PIB par habitant ont toujours eu une croissance plus lente sur une décennie, passant de 4,3% dans les années 1960, à 2,9 % dans les années 1970, 2,2 % dans les années 1980, 1,8 % dans les années 1990, à 1,1 % dans les années 2000. Les années 2010 semblent appelées à voir se poursuivre cette tendance quantitative, avec un taux de croissance de l’ordre de 1,0 % entre 2011 et 2014. Cependant, il ya des signes, à l’heure actuelle que nous sommes à un tournant qualitatif; l’économie mondiale menace de s’effondrer, sur le mode Titanic. On peut voir partout les politiciens essayer d’écoper le navire en perdition. Mais ils le font avec un ensemble de seaux qui fuient. Comme nous l’avons soutenu en 2013, ces politiciens sont enfermés dans une danse de la mort, pour les raisons suivantes. Les états recourent à l’endettement pour prévenir l’apparition d’une spirale d’endettement et de déflation; Cependant, leur capacité à générer cette dette est fondée sur la promesse de la croissance économique future. Une combinaison de croissance lente et de niveaux d’endettement déjà élevés a signifié que les responsables gouvernementaux se sont trouvés pris au piège entre deux pressions opposées. D’une part, ils ont besoin de dépenser d’énormes quantités d’argent pour empêcher la récession de devenir une dépression. D’autre part, ils ont déjà tellement dépensé au cours des dernières décennies qu’ils ont peu de choses à donner. Ainsi, au lieu de dépenser encore plus, les gouvernements des pays riches s’engagent dans des campagnes d’austérité: pour montrer à leurs créanciers qu’ils gardent le contrôle de leurs finances, ils ont coupé dans les services sociaux en même temps qu’ils distribuaient de l’argent aux banquiers.
L’austérité a eu des conséquences dévastatrices pour les travailleurs. Des employés du secteur public eux mêmes se sont retrouvés sans emploi. Les coûts des soins de santé ont augmenté et l’éducation tout comme les revenus des ménages ont été rabotés. Pendant ce temps, sans un coup de pouce à la demande de biens et services, l’épargne privée a stagné. Les pays créanciers ont remarquablement réussi à empêcher tout départ de cette ligne vers les débiteurs.
UN PROBLÈME DE COMPOSITION
Cette logique contradictoire, comme nous le disions, a façonné la crise en cours, et donc aussi les luttes qui ont éclaté en réponse à cela. Beaucoup de gens ont prétendu que les représentants des gouvernements ont agi bêtement ou même follement: n’aurait-il pas fallut que les banques paient pour renflouer les gens, plutôt que l’inverse? La principale raison invoquée pour expliquer cette irrationalité était que les gouvernements étaient pris au piège par les intérêts financiers; la démocratie avait cédé la place à l’oligarchie. C’est ainsi que la forme de la crise a déterminé la forme de la lutte de classe dans cette période: c’est devenu la course à une véritable démocratie contre l’austérité. La vraie démocratie pourrait, selon la logique des revendications, forcer l’Etat à intervenir dans l’intérêt de la nation, plutôt que dans celui des capitalistes copains. En réalité, les gouvernements ont peu d’options à leur disposition, peu importe qui est à la barre, cette crise n’en est pas une d’un capitalisme de «copinage» ou « néolibéral », mais plutôt du capitalisme lui-même. Ce dernier est en proie à des taux toujours plus lents de croissance économique. Comme les niveaux de productivité continuent d’augmenter dans ce contexte, le résultat a été une production continue de populations excédentaires aux côtés du capital additionnel, excès que l’économie a du mal à absorber. L’ordre social persiste, mais il se défait lentement. Les catégories de notre monde sont de plus en plus indistinctes. Lorsque les manifestants se rassemblent dans ce contexte, ils ont généralement du mal à localiser un terrain commun sur lequel construire leur lutte, car ils subissent la crise de différentes façons – certaines pire que les autres. Les perspectives du vieux mouvement ouvrier sont mortes et enterrées, et donc pas disponible comme une base importante pour une action commune. Comment rendre compte de l’échec de ce mouvement pour le relancer lorsque les travailleurs sont partout coincés? Dans cette édition, nous reconsidérons en profondeur la longue émergence et la dissolution de l’affirmation de l’identité ouvrière (et, avec elle, la crise de «la gauche») dans «A History of Separation ». Les socialistes et les communistes européens avaient espéré que l’accumulation du capital à la fois élargisse la taille de la force de travail et, dans le même temps, unifie les travailleurs comme sujet social: le travailleur collectif, la classe en soi et pour soi. Cependant, au lieu d’incubation du travailleur collectif, l’accumulation capitaliste a donné naissance à la société séparée. Les forces de l’atomisation ont maîtrisé celles de la collectivisation. La civilisation capitaliste tardive se déstabilise désormais, mais sans encore appeler, tout de suite, de nouvelles forces sociales qui pourraient être en mesure, enfin, de la dissoudre. Un apport de Chris Wright, « Its Own Peculiar Decor », s’intéresse à la même histoire à travers la « suburbanisation » aux États-Unis. Les premières vagues de prolétarisation qui ont réunis les gens dans les usines et les villes, la construction du travailleur collectif, ont fait place à un « suburbanism », où l’absence de tout lien vers la campagne a été combinée avec un quasi parachèvement de l’atomisation sans fin. Ce fut une péri-urbanisation construite sur un rejet des pauvres indisciplinés, les non propriétaires, et à travers la racialisation inévitable de ces catégories. Dans EndNotes 3, nous avons décrit cette structure de rejet et de racialisation dans le contexte des émeutes anglaises de 2011 comme un processus d’abjection. (Voir «A rising tide lifts all», EndNotes 3, Septembre 2013). Le mouvement étudiant britannique et le mouvement Occupy aux USA -qui étaient initialement la lutte de la classe moyenne blanche contre son appauvrissement en cours – ont été suivis par des luttes de la part des populations racialisées dont l’appauvrissement et l’exclusion avait été longtemps une réalité quotidienne.
Dans «Brown v. Ferguson”, nous suivons le déroulement de Black Lives Matter, situant ce mouvement dans l’histoire de la politique et des luttes raciales aux États-Unis. Nous examinons le sens du décalage de l’identité noire dans un contexte de populations excédentaires croissantes générées par l’incarcération et la violence de la police. Mais il serait trop hâtif de déduire de ces luttes l’émergence d’une nouvelle figure, potentiellement hégémonique d’un « excédent prolétarien », ou du sujet de « l’abjection », à laquelle nous pourrions accrocher nos aspirations révolutionnaires. Plutôt que d’unifier tous les travailleurs derrière un sujet spécifique, la croissance des excédentaires a entraîné une décomposition de la classe en tellement de situations -fragments particuliers parmi les fragments- opposant les intérêts de ceux qui ont des emplois stables aux travailleurs précaires, les citoyens contre les migrants sans papiers, et ainsi de suite. Prolétaires de plus en plus confrontés à un « problème de composition», dépourvu de toute base solide pour l’unité d’action. Dans ” An Identical Abject-Subject? », nous considérons la signification politique de des populations excédentaires.(3 les luttes n’essayent pas toutes de résoudre ce problème de la même manière). Dans ” Gather Us From Among the Nations “, nous jetons un regard sur un mouvement qui a peu été couvert à l’international: les manifestations en Février 2014 en Bosnie-Herzégovine. Lorsque les travailleurs des usines privatisées -dont les revendications ont été ignorées par les autorités pendant des années – ont été agressés par la police à Tuzla, des milliers de personnes sont descendues dans les rues, prenant d’assaut les bâtiments du gouvernement du canton. Pendant les mois suivants, les citoyens ont tenu de grandes assemblées, où ils ont rejeté les divisions ethniques qui avaient empoisonné le pays depuis plus de deux décennies. Les participants à ces assemblées ont essayé de résoudre le problème de la composition d’une manière inhabituelle, en mobilisant la multiplicité des revendications qui proliféraient, de sorte que personne ne soit oublié (Ce texte met à jour notre décompte des populations excédentaires dans « Misery and debt’», dans EndNotes 2, Avril 2010.). Mais on ignorait à qui ces revendications pouvaient être adressées et, surtout, qui pourraient être en mesure de leur répondre. Cela soulève des questions clés sur le rapport des manifestants à l’Etat.
ΣYPIZA IS GREEK FOR DESPAIR
Si, rétrospectivement, 2012-13 fut la fin de l’acmé des mouvements des places, ces mouvements n’ont pas vraiment disparu dans les années suivantes. Pourtant, leur développement ne nous a donné aucune raison d’être particulièrement optimiste. Le coup de Sisi en Egypte -enveloppé dans le linceul de Tahrir- a ajouté les fusillades au répertoire des mouvements. L’année suivante, une autre place ensanglantée à Maidan, cette fois défendue par des groupes fascistes. Peu de temps après, Occupy Bangkok organisé par les chemises jaunes royalistes, réussirent un coup d’Etat militaire en Thaïlande. Les conclusions de nombreuses luttes sociales ont été données par la manœuvre géopolitique. Différentes puissances ont réussi tirer les marrons du feu de situations déstabilisées. Dans Maidan, les tensions entre nationalistes et libéraux pro-européen couvaient depuis des mois, mais ils n’eurent pas beaucoup le loisir de jouer ensemble, car, dès qu’Ianoukovitch démissionnait, la Russie – confrontée à la perspective de l’extension de l’Union européenne et de l’OTAN dans un autre pays de son « proche voisinage »- envahissait la Crimée et commençait une guerre par procuration dans l’Est de l’Ukraine. À ce moment là, la rébellion était devenue une guerre civile. En Egypte, les conflits entre les radicaux et les Frères musulmans, ou entre musulmans et coptes, qui s’étaient développés à la suite de la chute de Moubarak, ont finalement été noyés dans un grand jeu de puissance régionale, le soutien financier saoudien aidant l’Etat de l’Egypte profonde à se rétablir. Ailleurs, de la Syrie à Bahreïn, au Yémen et en Libye, les espoirs du printemps ont été étouffés dans la guerre civile, l’intervention militaire ou les deux. Des limites similaires ont été rencontrées par les parlementaires de gauche en Europe. Là aussi, c’est finalement l’hégémonie régionale qui décidera du sort des mouvements sociaux, tout ce qui venait de leurs assemblées et des référendums publics. Pour comprendre la nature tiède des propositions de Syriza – appelant à un excédent primaire de 3 plutôt que de 3,5 %- il est nécessaire de reconnaître que la Grèce ne peut pas se nourrir sans commerce extérieur. En outre, le moindre signe de défaillance unilatérale priverait le pays de revenu imposable. Ceci laissa peu de choix à Syriza, si bien que leurs «modestes propositions » pouvaient facilement être ignorées par la troïka des créanciers. Pendant que nous finalisions ce numéro, un développement analogue à l’évolution Syriza semblait être en préparation au Royaume-Uni avec l’arrivée surprise d’un membre de l’aile gauche longtemps marginalisée à la tête du parti travailliste. Les discours politiques saluant ces développements se sont remplis de vides distributions rhétoriques sur l’ancien et le nouveau, mais ce qui est certain c’est que les forces sociales et la situation qui ont propulsé Jeremy Corbyn à la victoire sont différentes de celles qui ont provoqué la montée et la chute de Tony Benn dans les années quatre-vingt. Les freins institutionnels ont bien sûr été mis pour mettre fin à cette irruption et sont susceptibles d’être couronnés de succès à court terme. Mais un parti qui a déjà été à la recherche de cadavres pendant des années peut-il éviter le une perte encore plus grande de légitimité dans le processus? La question clé pour la politique anti-politique demeure: combien de ces navires se brisant sur les rochers faudra t-il encore pour produire quelque chose de qualitativement différent, et ce que ce que cela adviendra? En réalité, malgré les offres des économistes marxistes « de sauver le capitalisme européen de lui-même » (Yanis Varoufakis, «Comment je suis devenu un marxiste erratique», The Guardian, le 18 Février 2015), les états continueront à trouver qu’ils ont très peu de marge de manœuvre, car ils sont assaillis par des niveaux d’endettement élevés et une croissance lente. Il sera donc difficile pour les gouvernements de faire face aux événements catastrophiques à venir, nouvelles crises économiques, ou conséquences déjà émergentes du changement climatique mondial, qui que ce soit qui gouverne. Ces conclusions pessimistes sont maintenant ordinaires, d’une manière qui n’était pas vraie en 2011-12, ce qui marque une transition importante dans le discours public. Une partie, petite mais croissante, de la population comprend maintenant que l’Etat -même un véritable Etat démocratique-ne sera pas capable de faire revivre les économies capitalistes. Pour mettre un terme au naufrage, les passagers ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
english version
Since the last edition of Endnotes in 2013, the global economic train-wreck has juddered forward. No real recovery has taken place, but neither has there been a return to depression-like conditions. It is unclear how much longer this interim period will last. The wrapping-up of extraordinary measures has been declared many times, most recently in September 2015, when the us Federal Reserve was expected to raise its prime rate (this move would have ended a six-year stretch in which the fed funds rate was at zero). But this, too, was cancelled at the last minute. In a by-now familiar scene, technocrats shuffled onto the stage, shuffled some papers, and then shuffled off again. Another round of quantitative easing is anticipated. With little changing, the high-income countries’ economies continue to tick over.
Meanwhile, uncertainty and economic turbulence are extending themselves from the high-income countries to the low-income ones, which not so long ago were thought to be the scene of a possible economic “delinking”. Today, the news from Brazil looks grim, and the news from China is getting grimmer by the month. This is already impacting economies across the low-income world, so much of which depends on China’s demand for commodities. Are we about to see another “Third World Debt Crisis” unfold, as we did in 1982? EDITORIAL Endnotes 4 2 Even more so than when we published Endnotes 3, it is hard to say what is likely to happen next. Complex developments are taking place, which look quite different when viewed from Ferguson, Missouri, or Athens, Greece—or along the route of refugees fleeing Syria on their way to Germany. In some places, new social struggles are taking place; in others, there has been a return to calm; in still others, there is unending civil war. Some countries have seen the resurgence of a milquetoast parliamentary left, yet the prevailing order remains decidedly unshaken.
THE IN-FLIGHT TEAM WILL BE COMING AROUND IN A MOMENT WITH ANOTHER ROUND OF DRINKS…
The world is apparently still trapped within the terms of the holding pattern that we described in Endnotes 3.1 This pattern is defined by a partial petrification of class struggle, attendant on a similar petrification of the economic crisis. This social stasis has been maintained only by means of massive ongoing state interventions, which have ensured that the crisis remains that of some people, in some countries, instead of becoming generalised across the world. How long can this holding pattern be maintained?
As they did in the earlier years of the decade, states continue to spend vast quantities of money in order to stave off catastrophe. At the end of 2014, debt levels as a percentage of gdp were still rising across the high-income countries, reaching 90 percent in the uk, 95 percent in France, 105 percent in the us, and 132 percent in Italy (the exception was Germany, where debt levels fell from 80 percent in 2010 to a still-high 73 percent in 2014). Yet all this state spending has not led to economic recovery. Following an initial period of growth in 2010–11, high-income countries’ economies have once again returned to a state of relative stagnation. The main exceptions are the us and uk, where a 1 See ‘The Holding Pattern’, Endnotes 3, September 2013. small measure of recovery has taken place. By contrast, across continental Europe and in Japan —ecb manoeuvres and “Abeconomics” notwithstanding— growth rates have remained low or negative. Greece’s gdp has, of course, shrunk significantly.
Such lackluster developments continue a trend that has been in place for decades: in the high-income countries gdp-per-capita growth rates have been ever slower on a decade by decade basis, falling from 4.3 percent in the 1960s, to 2.9 percent in the 1970s, to 2.2 percent in the 1980s, to 1.8 percent in the 1990s, to 1.1 percent in the 2000s. The 2010s seem set to continue this quantitative trend, with a growth rate of around 1.0 percent between 2011 and 2014. However, there are signs at present that we are at a qualitative turning point; the world economy is threatening to go down, in a Titanic fashion. Politicians can be seen, everywhere, trying to bail the inflowing water out of the sinking ship. But they are doing so with a set of hand pails which are themselves leaking. As we argued in 2013, these politicians are locked into a dance of the dead, for the following reasons.
States are taking out debt to prevent the onset of a debt-deflation spiral; however, their capacity to take out this debt is based on the promise of future economic growth. A combination of slow growth and already high debt levels has meant that government officials have found themselves trapped between two opposed pressures. On the one hand, they have needed to spend huge quantities of money to prevent recession from becoming depression. On the other, they have already spent so much over the past few decades that they have little left to give.
Thus, instead of spending even more, governments in the richer countries engaged in campaigns of austerity: to show their creditors that they remained in control of Editorial 3 Endnotes 4 4 their finances, they cut social services at the same time as they handed out money to bankers. Austerity has had devastating consequences for workers. Public employees found themselves without jobs. The costs of education and healthcare rose just as households’ incomes were pinched. Meanwhile, without a boost to demand for goods and services, private economies stagnated. Creditor nations have been remarkably successful in preventing any departure from this line among debtors.
A PROBLEM OF COMPOSITION
This contradictory logic, we argued, shaped the unfolding crisis and so also the struggles that erupted in response to it. Many people claimed that government officials were acting stupidly or even crazily: shouldn’t they have been making the banks pay in order to bail out the people, rather than the other way around? The main explanation offered for this irrationality was that governments had been captured by moneyed interests; democracy had given way to oligarchy. It was in this way that the form of the crisis determined the form of class struggle in this period: it became a contest of real democracy against austerity. Real democracy could, according to the logic of the protests, force the state to intervene in the interest of the nation, rather than that of crony capitalists.
In reality, governments have few options available to them, regardless of who is at the helm, for this crisis is one not of “crony” or “neoliberal” capitalism but rather of capitalism itself. The latter is beset by ever slower rates of economic growth. As productivity levels continue to rise in this context, the result has been an ongoing production of surplus populations alongside surplus capital, excesses which the economy has trouble absorbing. The social order persists, but it is slowly unraveling. The categories of our world are increasingly indistinct. When protesters have come together in this context, they have typically found it difficult to locate a common ground on which to build their struggle, since they experience the crisis in such diverse ways —some worse than others. The perspectives of the old workers’ movement are dead and gone, and thus unavailable as a substantial basis for common action. How are we to account for the failure of that movement to revive itself when workers everywhere are getting screwed?
In this edition, we reconsider in depth the long emergence and dissolution of an affirmable worker’s identity (and, with it, the crisis of “the Left”) in “A History of Separation”. European socialists and communists had expected the accumulation of capital both to expand the size of the industrial workforce and, at the same time, to unify the workers as a social subject: the collective worker, the class in-and-for itself. However, instead of incubating the collective worker, capitalist accumulation gave birth to the separated society. The forces of atomisation overpowered those of collectivisation. Late capitalist civilisation is now destabilising, but without, as yet, calling forth the new social forces that might be able, finally, to dissolve it.
An intake from Chris Wright, “Its Own Peculiar Decor”, looks at the same story through the optic of suburbanisation in the United States. Initial waves of proletarianisation that gathered people in factories and cities, constructing the collective worker, gave way to never-ending suburbanism, where the absence of any link to the countryside was combined with a near fullachievement of atomisation. This was a suburbanisation constructed on a rejection of the unruly poor, the nonhomeowner, and through the inevitable racialisation of these categories.
In Endnotes 3 we described this structure of rejection and racialisation in the context of the English riots of 2011 as a process of abjection.2 Both the 2011 Editorial 5 2 See ‘A rising tide lifts all boats’, Endnotes 3, September 2013. Endnotes 4 6 British student movement and the us Occupy movement—which were initially struggles of a white middle class fighting against an ongoing impoverishment—were followed by struggles on the part of racialised populations whose impoverishment and exclusion had long been an everyday reality. In “Brown v. Ferguson”, we trace the unfolding of Black Lives Matter, situating this movement in the history of race politics and struggles in the us. We look at the shifting meaning of black identity in a context of growing surplus populations managed by incarceration and police violence.
But it would be too hasty to deduce from such struggles the emergence of some new, potentially hegemonic figure of the “surplus proletarian”, or “the abjected”, to which we might hitch our revolutionary aspirations. Rather than unifying all workers behind a specific subject, growing superfluity has meant a decomposition of the class into so many particular situations—fragments among fragments—pitting the interests of those with stable jobs against precarious workers, citizens against undocumented migrants, and so on. Proletarians thus increasingly face a “composition problem”, lacking any firm basis for unity in action. In “An Identical Abject-Subject?” we consider the political meaning of surplus populations.3
Struggles do not all try to solve this problem in the same way. In “Gather Us From Among the Nations”, we look at a movement that received little international coverage: the February 2014 protests in Bosnia-Herzegovina. When workers from privatised factories—whose demands had been ignored by authorities for years —were attacked by police in Tuzla, thousands took to the streets, storming the Canton government buildings. During the following months, citizens held large assemblies, where they rejected the ethnic divisions that had plagued the country for more than two decades. Participants in these assemblies tried to solve the composition 3 This text updates our account of surplus populations in ‘Misery and debt’, in Endnotes 2, April 2010. problem in an unusual way, by marshalling an everproliferating multiplicity of demands, so that nobody’s plight would be forgotten. But it remained unclear to whom these demands could be addressed and, above all, who might be able to fulfill them. That raised key questions about the protesters’ relation to the state.
ΣYPIZA IS GREEK FOR DESPAIR
If, in retrospect, 2012–13 was the end of a high point in the movement of squares, these movements did not exactly disappear in the following years. Still, their development gave us no reason to be particularly optimistic. Sisi’s coup in Egypt —shrouded in the mantle of Tahrir—introduced mass-shootings to the movements’ repertoire. The following year saw another bloodied square in the Maidan, this time defended by fascist groups. Shortly thereafter Occupy Bangkok, organised by royalist yellow shirts, succeeded in bringing about a military coup in Thailand.
The conclusions of many social struggles were given by geopolitical manoeuvring. Various powers succeeded in taking the gains of destabilised situations. In the Maidan, tensions between nationalists and pro-eu liberals had been brewing for months, but they did not get much of a chance to play themselves out, for as soon as Yanukovych resigned, Russia—faced with the prospect of eu and nato extension to another country in its “near abroad”—invaded the Crimea and began a proxy war in Eastern Ukraine. At that point, the rebellion became a civil war. In Egypt the conflicts between radicals and the Brotherhood, or Muslims and Copts, which had developed in the aftermath of Mubarak’s fall, were ultimately submerged in a larger regional power game, as Saudi financial support helped Egypt’s deep state to reestablish itself. Elsewhere, from Syria to Bahrain, Yemen and Libya, the hopes of the Spring were snuffed out in civil war, military intervention or both. Editorial 7 Endnotes 4 8 Similar limits were encountered by left-wing parliamentarians in Europe. There too it was ultimately the regional hegemon that would decide the fate of social movements, whatever came of their assemblies and government referendums. To understand the tepid nature of Syriza’s proposals—calling for a primary surplus of 3 rather than 3.5 percent—it is necessary to recognise that Greece cannot feed itself without foreign exchange. Moreover, any sign of unilateral default would deplete the country of taxable revenue. This left Syriza few options, such that their “modest proposals” could easily be ignored by the troika of creditors.
As we prepared this issue for publication, an analogue of the Syriza developments seemed to be in preparation in the uk with the shock rise of a member of the Labour Party’s long marginalised left-wing to its leadership. The political discourses greeting these developments have busied themselves with empty rhetorical distributions of the old and the new, but what is certain is that the social forces and situation that propelled Jeremy Corbyn to victory are different to those that caused the rise and fall of Tony Benn in the early eighties. The institutional brakers have of course stepped in to halt this upsurge, and are likely to be successful in the short term. But can a party that has already been looking cadaverous for years avoid sustaining an even greater loss of legitimacy in the process? The key question for the current strain of political anti-politics remains: how many instances of these vessels crashing on the rocks will it take to produce something qualitatively different, and what will that be?
In reality, despite the offers of Marxist economists “to save European capitalism from itself”,4 states will continue to find that they have very little room for manoeuvre, since they are beset by high debt levels and slow growth. It will therefore be difficult for governments to deal with the catastrophic events to come, whether 4 Yanis Varoufakis, ‘How I Became an Erratic Marxist’, The Guardian, 18 February 2015. these are further economic crises, or the already emerging consequences of global climate change, regardless of who is in charge. These pessimistic conclusions are now becoming common, in a way that was not true in 2011–12, marking an important transition in public discourse. A growing, although still small portion of the population now understands that the state —even a real democratic state—will not be able to revive capitalist economies. To bring this onwards-grinding wreck to a halt, the passengers can only count on themselves.
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