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“Bienvenue en première ligne”, au delà de la violence et de la non-violence.

Tactiques et stratégies de manifs qui se répandent et se répondent, de Hong Kong au Chili, des Etats-Unis en feu à la France des gilets jaunes… Une excellente analyse de la revue Chuang sur les fameuses “premières lignes” qu’on a vu apparaitre ici et là, à Hong Kong, lors un certain premier mai à Paris,  dans les manifs de l’an dernier, à Minneapolis et ailleurs….. Une intelligence collective des affrontements semble montrer son nez….Traduction dndf

Bienvenue en première ligne : Au-delà de la violence et de la non-violence

Au cours des deux dernières semaines, les États-Unis ont connu certaines des manifestations et émeutes les plus importantes et les plus offensives depuis des décennies. Le mouvement, qui s’étend désormais à l’ensemble du pays a débuté à Minneapolis à la suite du meurtre de George Floyd par la police. La colère qui a suivi a conduit à des manifestations de masse, des affrontements avec la police, des incendies criminels et des pillages, des manifestations de deuils et une rébellion qui se sont répandus dans tout le pays en quelques heures. Le bâtiment de la troisième circonscription de Minneapolis, où les meurtriers travaillaient, a été réduit en cendres, et des voitures de police ont été incendiées de New York à Los Angeles, causant les dommages les plus importants de ce siècle aux édifices répressifs de l’État américain, alimentés par des décennies de colère contre les pratiques policières racistes et le flot incessant de meurtres de Noirs par la police. Aujourd’hui, même la gauche électorale réformiste discute sérieusement d’une version adoucie de l’abolition de la police au niveau national, ré-imaginée comme “définancée”, et le conseil municipal de Minneapolis s’est engagé à “dissoudre” le service de police de la ville. Il n’y a pas si longtemps, une telle revendication aurait été considérée comme utopique.

Alors que le mouvement contre les violences policières et l’institution de la police elle-même se déploie rapidement à travers les États-Unis, nous y avons déjà vu les marques d’autres émeutes et luttes de masse qui ont émergé à travers le monde l’année dernière, du Chili à la France, en passant  par le Liban, l’Irak, l’Équateur et la Catalogne, pour n’en citer que quelques-uns. Ici, toute analyse générale de la rébellion aux États-Unis serait prématurée, car les feux des émeutes brûlent littéralement encore dans les villes du pays. Nous aimerions plutôt faire quelques brèves observations sur les luttes à Hong Kong, que nous avons fait de notre mieux pour suivre de près, en nous concentrant sur une innovation tactique particulière qui, selon nous, pourrait contribuer utilement aux manifestations en cours aux États-Unis et ailleurs. Nous avons déjà vu des gens dans la rue adopter des leçons éparses de Hong Kong et d’autres points chauds dans le cycle mondial de rébellions de l’année dernière : une  barricade de caddies , sans doute de style hongkongais, devant le bâtiment du troisième district de Minneapolis, des techniques d’extinction des gaz lacrymogènes à Portland, des rapports faisant état de lasers qui ont ébloui les caméras et les visières de la police dans plusieurs villes, des parapluies qui ont été aspergés de gaz poivré lors de manifestations à Columbus et Seattle, et des graffitis à destination des Hongkongais sur les façades de magasins envahis ou pillés dans plusieurs villes. Les similitudes étaient si frappantes, en fait, qu’elles ont conduit le rédacteur en chef paranoïaque du tabloïd chinois The Global Times, Hu Xijin, à conclure que “les émeutiers de Hong Kong ont infiltré les États-Unis” et “ont orchestré” les attaques.

Nous ne pouvons (ni ne voulons) faire grand-chose pour guider le déroulement de ce mouvement, mais nous espérons que certains des outils et tactiques employés par nos amis et camarades de Hong Kong pourront être utiles à ceux qui se trouvent dans les rues d’autres villes.(1) Nous vous proposons en particulier d’examiner l’évolution du rôle de la “première ligne” dans le mouvement de Hong Kong, dans l’espoir qu’il puisse être utile pour combler les écarts entre les militants « offensifs » et les participants pacifiques dans les rues d’autres villes.

Comme dans les mouvements précédents, il y a déjà eu des désaccords importants sur la manière de s’affronter aux forces de l’État aux États-Unis. Comme pour d’autres mouvements depuis Ferguson et avant, certaines organisations militantes officielles (mais pas toutes) ont commencé à s’engager avec l’aile “modérée” de l’appareil répressif local, se lançant dans l’action afin de freiner le militantisme du soulèvement initial : Les “leaders communautaires” collaborent avec la police, conduisant la foule dans des embuscades et des impasses, et signalant littéralement les manifestants “violents” dans la foule. Pendant ce temps, les gouvernements locaux de tout le pays affirment que ceux qui ont initié la destruction des biens ou qui ont combattu la police sont des “agitateurs extérieurs”, le maire de Seattle tweetant qu'”une grande partie de la violence et de la destruction, ici et dans tout le pays, a été instiguée et perpétuée par des hommes blancs”. Mais il est clair que la rage refoulée contre la police est extrêmement répandue, et dans les rues, un large consensus s’est dégagé pour dire qu’il faut s’y opposer.

Hong Kong peut offrir une voie qui échappe à l’apparente obligation de débats sur la violence, la non-violence et la manière d’engager le rapport de force avec les forces de l’État. Pour ceux qui cherchent un nouveau moyen de combler les écarts entre les formes de participation offensives et pacifiques, nous pensons que l’une des contributions les plus importantes de la ville à la nouvelle ère de luttes a été le développement de rôles et de formations particulières à déployer dans les rues, ainsi que les structures qui les sous-tendent et qui ont permis de mieux relier ceux qui veulent combattre les flics aux autres membres du mouvement. Nous voulons en particulier mettre en lumière le concept des “frontliners” de Hong Kong, qui ont non seulement développé de nombreuses techniques efficaces pour affronter la police, mais aussi établi un nouveau type de relations entre les éléments offensifs et non violents des actions de rue grâce à de nombreux mois d’expérimentation.

Que signifie être “en première ligne” ? Ce terme est devenu incroyablement populaire ces derniers mois dans toutes les langues et tous les domaines sociaux, notamment en ce qui concerne les travailleurs médicaux et autres personnes particulièrement vulnérables à la pandémie actuelle. Cela a occulté la montée en flèche de la popularité de ce terme dans la couverture médiatique de l’année dernière, où il faisait référence à des manifestants dans différentes parties du monde. Les applaudissements officiels pour les travailleurs qui sortent de leurs postes à Wuhan et à New York nous font penser à des échos étranges, orchestrés par l’État, de l’acclamation “vivan los de la primera línea !” qui avait accueilli les manifestants revenant des combats avec la police au Chili l’automne dernier. Ce qui a permis les mobilisations polyvalentes, et apparemment opposées, de ce terme, c’est précisément sa capacité à intégrer efficacement des activités par ailleurs divisées, en proposant une unité définie non pas par l’homogénéité mais par le soutien à la lutte globale, symbolisée par ceux qui sont en “première ligne”. Aujourd’hui, avec le retour des émeutes aux États-Unis, il semble possible que l’utilisation de ce terme se tourne à nouveau vers ceux qui font face à la police : dans le Connecticut, une file de manifestants vêtus de noir fait face à la police en portant des masques qui devaient d’abord servir à empêcher la propagation du virus, et dans une capture d’écran floue du moment, une femme tient un panneau sur lequel on peut lire “les seuls alliés sont ceux qui sont en première ligne”.

L’idée de base permettant au concept de  première ligne d’intégrer le mouvement au-delà des anciennes divisions entre violence et non-violence, ou “diversité des tactiques”, est que ceux qui sont devant prennent des risques personnels pour protéger ceux qui les entourent, idéalement avec (mais souvent sans) un équipement de protection distinctif, et que ces risques contribuent à faire avancer l’ensemble du mouvement. C’est également la raison pour laquelle le concept s’est si facilement étendu à la réponse à la pandémie, car la logique de base du risque personnel à l’appui de la lutte est plus ou moins identique. Mais dans ces cas, l’État avait un intérêt évident à mobiliser le terme pour coopter les réponses populaires ou déguiser sa propre incompétence, le tout dans le but ultime de mettre fin à la pandémie. Aujourd’hui, cependant, l’État n’a plus cet intérêt, puisqu’il ne partage pas le même objectif que les manifestants qui invoquent le concept de première ligne. A la place  il parler des “chefs de communauté”, et peut-être même les dépeindra-t-il comme ayant été “en première ligne” du mouvement d’une certaine manière, mais il n’est même pas nécessaire de prétendre soutenir ceux qui sont réellement en conflit avec la police. Cela signifie que le terme a la capacité de revenir au sens qu’il a acquis à Hong Kong, défini par les risques pris pour défendre tout le monde ou l’acte de mettre sa vie en danger pour assurer la sécurité de tous et simultanément faire avancer la lutte.

Au cours de l’escalade des affrontements de rue tout au long de l’année 2019, les manifestants de Hong Kong ont produit des innovations à effet rapide, notamment l’invention de nouveaux équipements et de formations distinctes avec des positions tactiques spécifiques à remplir dans le corps de la manifestation. Dans ce contexte, la première ligne est apparue comme un rôle reconnaissable pour ceux qui, avec des stratégies de blindage et d’atténuation des gaz lacrymogènes, se sont positionnés directement contre la police, soutenus par des camarades de deuxième et troisième lignes.

Cette innovation tactique s’est rapidement répandue, d’abord au Chili, puis dans d’autres contextes latino-américains. Le premier saut de Hong Kong au Chili s’est probablement  traduit par du riot-porn téléchargé sur YouTube ou simplement transmis par l’air enivrant du cycle de révolte de 2019. Un participant d’un “clan” chilien de première ligne indique clairement que les tactiques utilisées par son groupe ont été inspirées de Hong Kong. Très vite, d’autres émeutiers locaux ont mis au point des tactiques remarquablement similaires, notamment des boucliers, des slogans, la construction inventive de barricades et l’adaptation généralisée de pointeurs laser de grande puissance comme outils pour perturber les caméras et la vision de la police (ainsi que, dans un cas mémorable, la destruction d’un drone de police). Au-delà de ces adaptations spécifiques, la structure du mouvement chilien a également été organisée selon des lignes reconnaissables : après une période de manifestations contre l’augmentation des prix des transports publics, y compris par de vastes refus tarifaires organisés et des grandes marches, une répression policière a ensuite déclenché des manifestations et des émeutes massives qui sont largement qualifiées au Chili d'”explosion sociale”. Dans la vidéo d’une manifestation sur la Plaza Italia à Santiago du Chili, un homme sur un bâtiment surplombant la place fait remarquer avec enthousiasme que la manifestation “n’est possible que grâce à un groupe de jeunes”, qui se sont organisés “pour arrêter les forces répressives”.

Au cours de la période suivante, alors que l’état d’urgence était déclaré dans les villes de tout le pays, l’espace de manifestation pacifique était défendu par une première ligne de manifestants prêts à combattre la police. Comme à Hong-Kong, ces lignes de front ont été organisées principalement en fonction de leur rôle : porteurs de boucliers, lanceurs de pierres, médecins, “mineurs” (produisant des projectiles), manifestants en ligne arrière avec des lasers pour perturber la vision ou les caméras de la police, et barricadeurs pour bloquer les avancées. Contrairement aux développements ultérieurs de la stratégie “be water” de Hong Kong, qui mettait l’accent sur l’usure de la police par des mouvements constants, le mouvement chilien a commencé par l’établissement et la défense de lignes spécifiques autour de la “zone zéro” ou “zone rouge” pour empêcher les flics de pénétrer dans les zones où d’autres manifestants étaient rassemblés (Be water : « être comme l’eau, cela veut dire qu’on est flexible, décentralisé, imprévisible, insaisissable, qu’on s’adapte au terrain, à l’adversaire » dndf). Cependant, à mesure que la répression s’intensifiait, les affrontements quotidiens sont devenus essentiellement des batailles de rue entre les fronts organisés et la police. L’’importance de la première ligne comme outil de manifestation a été largement reconnue par ceux qui se trouvaient à l’intérieur et à l’extérieur du mouvement, les “représentants de la ligne de front” étant vivement applaudis lorsqu’ils étaient invités à participer à des talk-shows. Tout comme à Hong Kong, les personnes en première ligne qui ont formé des groupes autonomes pour défendre le mouvement ont été soutenues par des participants extérieurs, à la fois de manière anonyme et en groupe, comme s’en sont plaints certains médias de droite.

Des tactiques similaires ont également été adoptées en Colombie via le Chili et Hong Kong, les groupes s’organisant sur Facebook ayant reconnu qu’il était nécessaire de protéger les manifestants du mouvement étudiant de la violence policière. Cependant, les premiers membres des groupes de première ligne les plus importants ont déclaré qu’ils agiraient de manière purement “défensive” plutôt que d’attaquer directement la police. Cependant, à mesure que le mouvement populaire plus large décroissait, les opinions sur ces groupes (caractérisés par leur bouclier bleu) ont commencé à changer. Les leaders ont consciemment adopté la stratégie “be water” de Hong Kong, mais cela a été perçu par beaucoup dans les mouvements étudiants comme un abandon physique du mouvement étudiant, qui n’avait pas fait les mêmes choix tactiques. Plus généralement, les leaders des manifestations étudiantes colombiennes ont été perçus comme opportunistes, cherchant à donner un spectacle médiatique et à détourner les marches des itinéraires convenus. En fin de compte, ce type de “première ligne” très inorganique s’est aliéné le soutien qu’il avait reçu du reste du mouvement.

L’amour pour la première ligne dans les graffitis de protestation chiliens

Dans ces différents contextes, le développement du rôle de la première ligne a marqué une avancée significative dans les tactiques de confrontation de rue avec la police. Ces tactiques doivent, bien sûr, changer pour s’adapter à des situations particulières, mais nous pouvons tirer des enseignements de la connaissance mondiale toujours croissante de la lutte. Dans la dizaine d’années qui a suivi le déclin du mouvement altermondialiste, les discussions sur les tactiques de lutte contre la police se sont largement transformées en débats sur le “black block”. Né dans l’Allemagne des années 1980, le black block désigne la tactique consistant à porter des tenues de manif assorties, entièrement noires, qui empêchent la police de repérer un individu dans une foule. En partie à cause de son succès pratique, les actions du black-block aux États-Unis et dans une grande partie de l’Europe ont fait l’objet de débats interminables qui se résument finalement au rôle que l’action offensive devrait jouer dans les manifestations de rue. Aux États-Unis, le résultat final a été un accord selon lequel les manifestants qui soutenaient l’offensive et ceux qui ne pouvaient que soutenir une action non conflictuelle sont allés jusqu’à diviser des zones de la ville pour empêcher l’interaction entre les groupes. Les affirmations selon lesquelles le black block protège les manifestants non violents (soit directement, soit en attirant la répression policière et les ressources ailleurs) ont été des points de discorde communs, mais n’ont jamais fait l’objet d’un consensus. Au mieux, on plaide pour une “diversité de tactiques”, peut-être la meilleure expression pour décrire cet accord fragile.

Au début de ces mouvements, la diversité des tactiques permet une coexistence ténue des manifestations offensive et pacifique, puisqu’il y a beaucoup de participants et de multiples marches, ce qui permet aux gens de se répartir dans les endroits où leur marque préférée prévaut. Le terme imagine en fait des sphères entièrement différentes dans lesquelles des “tactiques diverses” peuvent être utilisées. Mais ce n’est souvent pas le cas. À mesure que la répression de l’État s’intensifie et que l’élan initial se ralentit, les deux sphères sont contraintes de fusionner. C’est précisément à ce stade que des tactiques plus agressives sont nécessaires pour défendre le mouvement dans son ensemble contre la police, et pour continuer à faire avancer les choses à mesure que l’énergie des participants diminue. D’une part, c’est à ce moment-là que la fonction répressive de l’État est activée, la police locale étant réapprovisionnée et recevant le soutien des niveaux supérieurs du gouvernement. Mais d’autre part, c’est aussi le moment où l’État mobilise son appareil de contrôle « modéré » sous la forme de dirigeants communautaires, d’organisations à but non lucratif et de politiciens “progressistes”, qui jouent tous un rôle essentiel dans la rupture de la fragile alliance tactique qui existait à l’origine. Ce sont eux, après tout, qui réussissent le mieux à promouvoir le mythe de “l’agitateur extérieur”, à tourner en dérision la destruction des biens par les “anarchistes blancs” et à intervenir littéralement pour empêcher les attaques contre la police ou même pour faire arrêter d’autres manifestants, à encourager après coup les gens à remettre des vidéos de dénonciation montrant qui a lancé des bouteilles sur la ligne de police et à inonder les médias sociaux de messages affirmant que ce sont les flics ou même les nationalistes blancs qui ont brisé les premières vitres.

Lors des manifestations de 2019 à Hong Kong et au Chili, cependant, de différentes manières et à des rythmes différents, l’affirmation selon laquelle le bloc protège les autres s’est transformée en un élément de notoriété clair et indéniable. Cela a été possible en partie grâce à l’effacement de toute signification antérieure attachée à la protestation du black blok et à son remplacement par le rôle de la première ligne : cette manifestante qui, en se soumettant à un grave danger et à des gaz lacrymogènes omniprésents, n’a agi qu’en défense de tous les autres lors de la charge de la police. Cela représente un changement : il n’y a plus une grande séparation géographique en deux corps de manifestants (une zone de protestation pacifique et une autre de confrontation), mais un seul corps fusionné, protégé en première ligne par ceux qui ont fait de leur rôle d’être là. Dans un sens encore plus large, et peut-être plus important encore, les manifestations de Hong Kong et du Chili ont totalement reconfiguré le rôle des manifestants vêtus de noir, masqués et offensifs, prêts à combattre la police. Contrairement à la situation aux États-Unis, où il est souvent possible pour les médias et la police de collaborer pour isoler les offensifs, les dépeindre comme séparés du corps principal des “bons manifestants” et encore plus éloignés du corps politique dans son ensemble, les leaders en sont également venus à être largement (sinon complètement) compris comme agissant en défense de tous les autres, manifestants et non-protestants, en permettant de résister à un statu quo intenable.

La construction d’une solidarité efficace entre les ” courageux combattants”  et les adeptes de la “non-violence pacifique et rationnelle” n’a pas été le résultat automatique du mouvement de montée en puissance de Hong Kong en 2019, net ne s’est pas non plus produite du jour au lendemain. Comme c’est le cas aux États-Unis, les mouvements précédents à Hong Kong étaient divisés selon les lignes idéologiques de l’offensive et de la non-violence, ainsi qu’entre ceux de la rue et l'”opposition contrôlée” des partis pan-démocratiques au sein du Conseil législatif (LegCo) (2). Il faut rappeler que les manifestations de 2019 sont arrivées après des années d’expérimentation, notamment l’émergence et l’échec du Mouvement des parapluies de 2014 : une manifestation tout aussi massive et largement “pacifique” qui a coché toutes les cases préconisées par les partisans libéraux de la non-violence.

Lorsque ce mouvement a été battu de manière si décisive, la jeunesse de Hong Kong a commencé à s’agiter de nouvelles manières – d’abord dans des actions de rue à beaucoup plus petite échelle, comme les étranges et toujours controversées “émeutes du Fishball” de 2016. Dans ces actions, nous avons vu quelque chose comme la première ligne coupée de sa base lors d’une manifestation de masse. Les jeunes, encore sous le choc de l’échec lamentable de la “paix, de l’amour et de la non-violence” de 2014, se sont plutôt lancés dans une confrontation directe, déclarant la guerre aux flics, empilant et jetant des briques, puis pilotant la stratégie “be water” qui consiste à refuser de tenir la distance. En même temps, ils n’ont pas attendu d’être rejoints par d’autres manifestants, et ils n’ont fait aucun effort pour recruter. Le résultat a été que les lignes de front des émeutes du Fishball, telles qu’elles étaient, n’avaient aucune des connotations de défense des autres qu’elles ont maintenant. Ce cas d’émeute est toujours controversé parmi les Hongkongais au sein du mouvement de protestation car son caractère isolé en a fait une sorte d’aventurisme risqué (sans parler du rôle joué par l’extrême droite nationaliste dans les émeutes). Aujourd’hui, cependant, nous voyons des tactiques très similaires redéployées et perfectionnées, mais dans un contexte étonnamment différent. C’est comme si les tactiques expérimentées lors des actions (relativement) pacifiques de 2014 et des confrontations (relativement) violentes avec la police de 2016 étaient finalement contraintes de se combiner en une synthèse efficace.

Les racines de cette synthèse peuvent être mieux vues vers la fin du Mouvement des Parapluies, qui a pris forme à travers des interactions parfois conflictuelles entre des organisations formelles et des dizaines de milliers de participants autonomes. Pendant les occupations du Central et, plus tard, de Mong Kok, certains éléments du mouvement ont été organisés de manière centralisée, les occupations étant concentrées autour d’une “grande scène”  qui était essentiellement contrôlée par de grandes organisations politiques, en particulier les deux groupes d’étudiants : la Fédération des syndicats d’étudiants et le Scholarisme de HK (groupe fondé par des lycéens), ainsi que les principaux partis électoraux du camp pan-démocratique et une foule de militants d’ONG établis. Alors que ces occupations n’auraient jamais pu commencer – et encore moins se poursuivre – sans une énorme quantité de travail et d’actions autonomes, les organisations officielles ont tenté de maintenir un certain contrôle sur la forme du mouvement et, dans certains cas, ont tenté d’annuler des actions spécifiques, dont certaines se sont de toute façon poursuivies sans leur soutien. Néanmoins, les personnes en position de leadership étaient les groupes qui ont finalement entamé des négociations avec le gouvernement. Comme dans de nombreux contextes occidentaux, ces organisations étaient largement orientées vers ce qu’on appelle la “non-violence rationnelle”. Cependant, les tensions entre les radicaux et ceux qui contrôlaient la scène se sont accrues tout au long du mouvement, atteignant un pic à la suite d’une attaque des manifestants sur le bâtiment du LegCo, après quoi les manifestants et les organisateurs non violents ont qualifié tous les offensifs d’agents secrets de Pékin ou de “démolisseurs”. De l’autre côté, certains manifestants ont commencé à faire circuler des slogans demandant le démantèlement de la scène principale (et du centre de pouvoir qu’elle représentait), et le démantèlement des piquets qui avaient tenté de mettre fin aux attaques contre le LegCo .

Suite à l’échec du Mouvement des Parapluies et à l’autorisation des occupations, la première période du Mouvement Anti-Extradition 2019 – depuis la proposition de loi en mars 2019 jusqu’à la marche de deux millions de personnes le 16 juin – a toujours considéré la non-violence rationnelle comme la tactique dominante. Cependant, suite à la réticence du gouvernement à retirer la loi face au mouvement non-violent de masse, et suite à la répression policière de plus en plus violente, un consensus approximatif s’est dégagé autour de quelques principes de base : tirant les leçons des échecs du Mouvement des Parapluies, les nouvelles manifestations ne devraient pas être organisées autour d’un organe central et ne tenteraient pas de prendre et de tenir  l’espace. Cette forme d’organisation a été spécifiquement comprise en référence aux principales étapes du Mouvement des parapluies, avec la “décentralisation” comme slogan et le principe d’organisation rendu en cantonais par “sans grande scène”(3).

En même temps, les expériences de la violence de la répression policière ont créé une atmosphère de solidarité entre les manifestants. Sur la base de revendications unifiées – d’abord pour la rétractation du projet de loi sur l’extradition, puis pour une enquête sur les brutalités policières, la fin de la classification des manifestants comme émeutiers, l’amnistie des personnes arrêtées et le suffrage universel – les participants sont parvenus à un large consensus sur le fait que le succès exigerait un niveau d’unité entre les offensifs et les manifestants pacifiques : “pas de divisions, pas de renoncements, pas de trahisons” ou, plus positivement, “chacun combattant à sa manière, nous gravissons la montagne ensemble”  et “les pacifiques et les courageux sont indivisibles, nous nous soulevons et nous tombons ensemble” . Les sondages réalisés début juin auprès des participants au mouvement ont montré que 38 % des personnes interrogées estimaient que les “tactiques radicales” étaient utiles pour faire en sorte que l’État écoute les demandes des manifestants, mais en septembre, ils étaient 62 %. Lorsqu’on leur a demandé si les tactiques radicales étaient compréhensibles face à l’intransigeance de l’État, près de 70 % étaient déjà d’accord en juin, et en juillet, ce pourcentage était passé à 90 %. En septembre, seulement 2,5 % des personnes interrogées ont déclaré que l’utilisation de tactiques radicales par les manifestants n’était pas compréhensible. Dans le même sondage, en septembre, plus de 90% des participants étaient d’accord avec l’affirmation selon laquelle “la combinaison d’actions pacifiques et offensives est le moyen le plus efficace d’obtenir des résultats” (4). Un point de basculement similaire pourrait se dessiner aux États-Unis, puisque près de 80 % des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage national demandant si la colère qui a conduit à la vague actuelle de protestations est “justifiée” répondent par l’affirmative, et 54% déclarent que la réaction à la mort de George Floyd, y compris l’incendie d’un bâtiment de la police, est justifiée.

À Hong Kong, la nature décentralisée du mouvement, combinée au sentiment croissant d’un objectif unifié partagé entre les manifestants pacifiques et offensifs, a permis la formation et la reproduction de rôles reconnaissables dans lesquels les participants pouvaient se soutenir mutuellement dans des groupes organisés de manière autonome, coordonnés de manière anonyme par des outils en ligne comme Telegram et des forums comme LIHK.org. Ces outils et ces structures organisationnelles méritent en soi une enquête séparée ou un guide de manifestation à source ouverte : Telegram permet de créer des structures extrêmement souples tout en préservant l’anonymat, ce qui a permis aux manifestants et aux sympathisants de développer tout un écosystème numérique qui a été crucial pour déjouer la police en temps réel. La fonction “Canaux” de Telegram a permis la création de deux énormes salons de discussion à grande échelle, similaires à la fonction de commentaire du logiciel live Stream que les manifestants utilisent aux États-Unis. Toutefois, si ces “mers publiques”  ont pu fournir des informations utiles, elles étaient considérées comme étant sous surveillance policière en raison de leur nature publique, et l’organisation sensible s’est faite dans des canaux de discussion avec des amis de confiance.

Les manifestants ont également créé d’autres canaux spécifiques pour partager les emplacements de la police et les itinéraires d’échappement, qui ont finalement atteint des dizaines de milliers de manifestants. Dans ces canaux, l’affichage est limité aux administrateurs ou à des robots spécialement désignés, qui relaient des informations vérifiées sur l’emplacement et la disposition des forces de police, contribuant ainsi à réduire le phénomène de rumeur, courant dans toute manifestation. Ces informations sont elles-mêmes fournies par des personnes agissant comme observateurs en marge des manifestations, qui envoient des mises à jour sur des canaux désignés selon un format spécifique, afin qu’elles puissent être facilement normalisées et transmises à des agrégateurs de données qui surveillent à la fois les canaux de reconnaissance et les flux de données en direct, publiant des mises à jour sur les canaux d’annonce et des cartes en temps réel des emplacements de la police.

Au-delà des fonctions de compte rendu, les canaux de Télégram créés pour des actions spécifiques ont également permis aux participants de relayer des informations sur les besoins (médecins nécessaires à ce carrefour, outils d’atténuation des gaz lacrymogènes nécessaires prochainement) et de prendre des décisions collectives sur les réponses en temps réel grâce à des fonctions de vote. Ces dernières ont permis de faire des choix rapides, par exemple sur la voie de sortie à emprunter pour éviter une attaque policière. Il est important de noter que ces méthodes d’organisation ont attiré à la fois les offensifs et ceux qui ne voulaient pas ou ne pouvaient pas (en raison de leur statut d’immigration, d’un handicap ou d’une autre vulnérabilité potentielle à la violence policière) participer en première ligne : tandis que les forces de l’ordre affrontaient la première ligne et l’escalade de la violence, les partisans non violents participaient aux marches, en tant que médecins ou en fournissant un soutien logistique (transport de matériel pour les barricades, d’outils pour lutter contre les gaz lacrymogènes ou de vêtements pour que les forces vêtues de noir puissent se changer), en tant que surveillance des flics avec des caméras vidéo ou en tant qu’éclaireurs fournissant des informations aux autres partisans travaillant en tant qu’agrégateurs de données.

De nombreuses manières,  les personnes “hors” des lignes de front ont fourni un soutien matériel direct aux  premières lignes : dans certaines actions, les manifestants sans équipement formaient des murs humains, parfois avec des parapluies, pour protéger les militants de première ligne pendant qu’ils enlevaient l’équipement qui les marquait pour le chemin du retour. D’autres, bien que ne participant pas directement à l’action en tant que membres de la ligne de front, facilitent les dégâts matériels en utilisant leurs parapluies pour protéger des caméras les personnes qui brisent les vitres. Plus tard dans le mouvement, les manifestants hors des lignes de front ont amené les composants des cocktails Molotov, et ont formé des chaînes humaines fournissant aux lignes de front des matériaux pour un réapprovisionnement rapide en bouteilles, essence, sucre et chiffons.

Au-delà de ces actions de soutien spécifiques, le simple fait de rester dans la rue pendant les interdictions de rassemblements publics a finalement été compris comme un moyen de soutenir le mouvement : un ami raconte l’histoire d’un employé de bureau anonyme âgé en pause cigarette qui, après avoir lu sur Telegram qu’un groupe de personnes en première ligne près de son immeuble avait besoin de gagner du temps avant de s’engager avec la police, s’est dirigé directement vers la ligne de police et a essayé de se battre avec les flics, pensant que son identité de personne âgée et bien habillée diminuait  ses chances d’être arrêté et lui fournissait un alibi s’il le faisait. Cependant, cette généralisation de la lutte est également considérée par certains comme l’une des raisons pour lesquelles la police s’est finalement tournée vers la stratégie plus récente de bousculade et d’arrestation massive de tout le monde dans une zone donnée : on peut désormais supposer que toute personne dans la rue participe à cette stratégie, ou du moins qu’elle déteste les policiers.

Au début du mouvement, cependant, avant l’intensification de la répression policière et des arrestations à la fin de l’été et à l’automne 2019, le rôle de la première ligne était relativement clair, les partisans pouvant choisir de rester à l’écart des confrontations directes avec la police en construisant des barricades, en fournissant des fournitures aux lignes de front lorsqu’elles éteignaient les gaz lacrymogènes ou en cachant les lignes de front à la police lorsqu’elles se mettaient en panne. Cette séparation reste cependant quelque peu problématique, car l’acceptation de la première ligne comme un segment central du mouvement donne à ceux qui combattent réellement la police une position de “mérite supérieur” à certains égards, certains manifestants pacifiques étant accusés de ne pas être assez offensifs. Mais à mesure que l’acceptation de l’action offensive s’est développée parallèlement à une violence policière toujours plus extrême, ces divisions ont commencé à s’effondrer. D’une part, les actions qui étaient auparavant considérées comme pacifiques sont devenues associées à un risque toujours plus grand de détection et d’arrestation.

Par exemple, la création et la protection des “murs Lennon”  (La version hongkongaise du « Mur Lennon » n’a pas recours à des graffitis considérés comme du vandalisme dans la région, mais à des post-it. En 2014, les Hongkongais en ont accroché des dizaines de milliers sur un mur d’escalier menant aux bâtiments du gouvernement.dndf.) d’art de protestation et d’expression personnelle étaient à l’origine considérées comme un mode de participation totalement “pacifique”, mais à mesure que le nombre d’attaques violentes contre les murs Lennon et d’arrestations des personnes qui y travaillent augmentait, il devenait difficile de continuer à participer sans être préparé physiquement et mentalement à la violence. Face à la violence policière et à la “terreur blanche” des attaques contre les manifestants par des voyous pro-Pékin, tout clivage entre ceux qui étaient prêts à mettre leur corps en danger et ceux qui étaient engagés dans une participation à moindre risque ou éthiquement non violente est devenu de plus en plus difficile à établir. Cela était particulièrement vrai alors que de plus en plus de manifestants étaient arrêtés. Pour certains amis, la décision de rejoindre la première ligne a été progressive et a résulté de l’érosion graduelle des différences entre les activités de la première ligne et les autres moyens de soutenir le mouvement. D’autres amis ont relaté des conversations difficiles qu’ils ont eues avec leurs parents âgés qui, voyant les arrestations de tant de jeunes, ont décidé de rejoindre eux-mêmes la première ligne pour combler le vide.

Bien que nous nous soyons délibérément concentrés sur les tactiques matérielles plutôt que sur l’identité politique, il faut reconnaître que les cinq formes d’action qui ont contribué à fournir une base d’unité admirable pour les manifestants à Hong Kong ont également dissimulé d’importantes divisions politiques. En particulier, le fait que le mouvement ait été si large signifie qu’il comprenait (et dans certains cas était dirigé par) un un sentiment de droite hongkongais. Contrairement aux Gilets jaunes en France, qui avaient une base de participation tout aussi large, l’escalade des tactiques militantes pour inclure les dommages matériels n’a pas servi à chasser les éléments de droite du mouvement. Au contraire, à Hong Kong, la situation s’est inversée et certains (mais pas tous) gauchistes ont limité leur participation au mouvement, refusant de scander des slogans aux côtés des nationalistes appelant à une révolution pour “restaurer” Hong Kong, ou de participer à des marches avec ceux qui agitent les drapeaux des États-Unis ou des régimes coloniaux britanniques.

Alors que la structure raciale de la politique américaine rend la participation de la droite au cycle de rébellion en cours pratiquement impossible (malgré les mensonges des politiciens), la structure du mouvement de Hong Kong autour d’un ensemble unificateur de cinq revendications (5) est également quelque peu étrangère au contexte américain. Alors que leur impossibilité même a donné au mouvement une marge de manœuvre pour se développer, l’utilisation de revendications même intenables est tombée en désuétude aux États-Unis. Après l’échec des premières manifestations anti-guerre au milieu des années 2000, la montée et la chute de l’Occupy quelques années plus tard ont défini ce qui allait devenir la norme, dans laquelle un excès de revendications a conduit à l’incapacité générale de “s’accorder” sur quoi que ce soit. Lors de la première vague de manifestations “Black Lives Matter” qui a suivi le soulèvement de Ferguson en 2014, un phénomène similaire s’est produit : les organisations à but non lucratif “officielles” du BLM ont demandé concrètement que les flics soient équipés de caméras corporelles et que de l’argent soit versé pour l’achat d’équipement militaire afin d’organiser des formations à la lutte contre le racisme et à la désescalade, mais ces demandes n’ont jamais été approuvées par la population dans les rues. Au lieu de cela, le mouvement s’est organisé autour non pas d’une revendication, mais d’une affirmation : que les vies noires comptent.

C’est cette affirmation qui est revenue comme la force de cohésion du soulèvement d’aujourd’hui. Dans le même temps, il se peut que cela change quelque peu. Mais il n’existe pas encore d’ensemble cohérent de revendications qui pourraient unir les manifestants pacifiques et les offensifs qui se sont soulevés après le meurtre de George Floyd. Si de telles revendications devaient se présenter, elles seraient probablement fondamentales et il est peu probable qu’elles puissent être satisfaites sans “démanteler la grande scène” du business as usual aux États-Unis, un peu comme les cinq revendications de Hong Kong : amnistie générale, abolition de la police ou réparation pour des siècles de meurtres et de travail forcé sanctionnés par l’État. Les appels à “défaire la police” semblent avoir pris de l’importance maintenant après avoir été repris par des groupes d’activistes et des politiciens progressistes locaux. Mais une telle demande est loin de correspondre à l’appel plus populaire à l’abolition de la police, et permet aux dirigeants locaux de prétendre qu’ils “défont” les services de police alors qu’en fait ils ne procèdent qu’à des coupes budgétaires partielles. En ce sens, “défaire la police” semble prendre un caractère similaire à la demande de caméras corporelles en 2014.

Avec ou sans de telles demandes, nous considérons que l’innovation fondamentale du rôle de la première ligne s’inscrit dans les nouvelles relations qui deviennent possibles : entre la “ligne de front” et la deuxième ligne, la troisième, et les autres manifestants qui la soutiennent. Une similitude entre l’expérience des manifestants de Hong Kong et celle des manifestants dans les rues des États-Unis est que, si beaucoup d’entre eux connaissent depuis longtemps le fonctionnement de la répression policière, c’est pour beaucoup la première fois (ou du moins un des moments les plus graves) que la répression policière d’une manifestation pacifique est visible. Dans un certain sens, l’évolution du rôle de la police a en fait été forcée par l’action de la police. Une fois que la répression du mouvement à Hong Kong a dépassé un certain point, deux faits sont apparus : premièrement, la police est fondamentalement violente, et elle exercera cette violence que ses cibles protestent pacifiquement ou non. Deuxièmement, il est devenu évident que si le mouvement devait se poursuivre, les manifestants devraient être en mesure de se défendre.

Alors que la police et les renforts de la Garde nationale tentent de disperser les manifestations de manière incroyablement violente dans les rues de presque toutes les grandes villes des États-Unis, il semble possible que le pays connaisse un point de basculement similaire en termes d’ampleur et d’intensité de la répression. Pour ceux qui cherchent des moyens de soutenir nos amis et camarades, de travailler en solidarité, de faire le deuil des personnes tuées par la police et de s’assurer que cette violence systémique prendra fin un jour, une méthode pour poursuivre la lutte pourrait être trouvée en reconnaissant que le rôle de la première ligne est de protéger tout le monde. Nous disons donc : bienvenue aux premières lignes, mais aussi aux deuxième et troisième lignes, aux médecins et aux lignes d’approvisionnement, à tous ceux qui tiennent des espaces, aux illustrateurs, aux imprimeurs et aux distributeurs, aux diffuseurs en direct et à tous ceux qui tweetent des informations à partir des scanners de la police. Peut-être que cette fois-ci, nous pourrons tous y être ensemble.

Notes

  1. Cette analyse est le résultat de nombreuses conversations avec des amis à Hong Kong, au Chili et aux États-Unis, parmi lesquels nous aimerions citer Dashu et KW pour leur aide patiente dans la vérification des faits et la clarification des informations pour cet article. Ils espèrent que leurs expériences à Hong Kong pourront être utiles à la lutte contre la brutalité policière et la racialisation aux États-Unis et ailleurs.
  2. Alors que le camp pan-démocratique soutient la réforme électorale à Hong Kong, il soutient largement la politique gouvernementale existante, à l’exception du Parti travailliste et de la Ligue des sociaux-démocrates, les deux seuls partis membres à avoir un programme de gauche.
  3. Si ce principe d’organisation a joué un rôle important pour aider le mouvement à devenir plus offensif et à se maintenir, selon nos amis sur le terrain, il semble également être devenu un obstacle à la possibilité d’une politisation anticapitaliste, il ne faut donc pas le romancer : “Bien que cela semble horizontal ou anarchique, en pratique, cela n’a rien à voir avec les discussions démocratiques entre les participants, mais plutôt avec les nationalistes qui s’opposaient au groupe pan-démocratique qui était au pouvoir et contrôlait la scène. Finalement, le débat s’est répandu parmi la masse plus large des participants, qui craignaient que le conflit entre ces factions politiques ne mine le mouvement, et un consensus s’est dégagé sur le fait que personne ne devait prendre le pouvoir. […] Mais cela n’implique pas, et même empêche activement, le genre de diffusion sur place de différents points de vue normalement associés à des termes comme “horizontal” ou “mouvement sans leader””. (Extrait de “Remolding Hong Kong.”)
  4. Ces statistiques sont toutes tirées du rapport d’enquête sur le terrain “Anti-ELAB protest”
  5. Les cinq revendications:
    – retirer complètement des discussions politiques la loi sur l’extradition
    – retirer les termes « émeutes » et « émeutiers » qualifiant les manifestations et les manifestants, instaurés     par la cheffe du gouvernement, et par ce fait, libérer toute personne incarcérée (plus de 8000, selon les manifestants) en abandonnant toute poursuite judiciaire ;
    -relâcher tous les manifestants arrêtés ;
    – créer une commission d’enquête externe et indépendante, pour rédiger des rapports sur les violences policières et mettre en lumière toutes les disparitions non expliquées et les attaques répétées des triades chinoises sur les manifestants isolés
    – mettre en place le suffrage universel dans la démocratie de Hong-Kong.
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