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Les pays en voie de développement voient fondre l’argent des travailleurs migrants

auvaise nouvelle pour les pays en développement. Après des années de croissance, les sommes d’argent, souvent vitales, envoyées par les quelque 200 millions de travailleurs migrants à leurs familles s’amenuisent. Les banques de développement observent avec inquiétude les chiffres qui leur parviennent au compte-gouttes : moins 10 % au Mexique en décembre 2008 ; moins 8 % au Guatemala au quatrième trimestre…

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“On s’attend à 283 milliards de dollars
(221 milliards d’euros) en 2008, grâce à un bon premier semestre. Mais en termes réels, ces transferts devraient tomber de 2 % du PIB des pays concernés en 2007 à 1,8 % en 2008″, analyse Dilip Ratha, économiste en chef à la Banque mondiale. En 2009, ce flux d’argent devrait baisser de 1 % à 6 % dans le monde, selon les prévisions. Les économistes s’accordent sur un point : le ralentissement va s’aggraver.

Après une croissance moyenne de ces transferts de 17 % par an depuis dix ans, l’atterrissage est brutal. Surtout, le fait même que ces envois soient touchés inquiète les économistes. “Habituellement, même quand tous les indicateurs s’effondrent, les remises de fonds sont le dernier secteur à résister : cet argent est trop crucial pour les familles qui le reçoivent, ce sont les travailleurs migrants qui absorbent le choc en se serrant la ceinture ou en multipliant les emplois”, explique Pedro de Vasconcelos, expert à l’International Fund for Agricultural Development (IFAD).

Mais dans les pays industrialisés, la crise est passée par là. La montée du chômage ravive la préférence nationale et touche de plein fouet les travailleurs immigrés. Conséquence : la générosité décline. “En Amérique latine, on observe une baisse d’environ 10 % du montant des envois : au lieu de 200 ou 250 dollars par mois en moyenne, les migrants vont envoyer entre 180 et 220 dollars”, relève l’économiste de l’IFAD.

A cela s’ajoute le durcissement des politiques migratoires dans de nombreux pays d’Europe et aux Etats-Unis, limitant l’arrivée de nouveaux migrants capables de compenser le manque à gagner. Un facteur déterminant, alors que, ces dernières années, c’est bien la croissance du nombre de migrants qui a alimenté la manne des transferts, et non l’augmentation des montants individuels.

Pourtant, personne ne prédit l’effondrement de ces envois. “Les nouveaux arrivants ne représentent qu’une petite partie de la population totale de migrants”, souligne M. Ratha : 2 % en moyenne aux Etats-Unis ; 4 % dans l’Union européenne ; 5 % dans les pays du Golfe. Autrement dit, boucler les frontières ne fermera pas le robinet des transferts. “On risque aussi de voir augmenter le nombre de travailleurs immigrés en situation irrégulière, ajoute l’économiste de la Banque mondiale, grâce à quoi les transferts de fonds informels compenseront en partie la baisse des envois officiels.”

Pas de quoi se rassurer pour autant. “Même modeste, le déclin des remises de fonds aura des conséquences graves”, prévient Alfredo Calcagno, économiste à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). “La misère va s’aggraver, surtout dans les pays où cet argent constitue un pourcentage important du PIB comme au Bangladesh (10 %), au Salvador (18 %), à Haïti (20 %) ou au Honduras (25 %)”, précise-t-il.

Le scénario redouté : des dépressions économiques en cascade déclenchées par la chute de la consommation de produits de première nécessité (70 % à 90 % des achats financés par l’argent des migrants), mais aussi l’arrêt de l’investissement.

“Une part des transferts sert à financer une activité économique, à acheter de la matière première, des semences, des outils de production”, précise Pedro de Vasconcelos, à l’IFAD. Une part menacée, si ne subsiste que de quoi faire face à l’urgence. “C’est d’autant plus alarmant que nous essayons de faire valoir ces envois comme garantie auprès d’institutions financières comme le microcrédit : cela permettrait aux familles d’emprunter pour financer des investissements plus significatifs.” Une mécanique désormais grippée.
Grégoire Allix

LE MONDE | 09.02.09 |

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