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CHINE – Du bon usage de la force

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Après une série de bavures, la police chinoise a été sommée de tempérer ses méthodes d’intervention. D’autant plus que l’agitation sociale risque de s’accentuer en 2009.
Le 29 novembre 2008, dans un hypermarché Carrefour de Kunming, dans la province du Yunnan [dans le sud-ouest de la Chine], un tireur d’élite de la police a abattu un forcené qui avait pris une femme en otage. Quelques mois plus tôt, le 18 juin, la police de Guiyang, dans la province du Guizhou [également dans le Sud-Ouest], avait ouvert le feu sur un malfrat qui tenait en respect les passagers d’un bus. Ces affaires spectaculaires ont contribué à alimenter le débat en cours sur le droit des policiers à faire usage de leurs armes. “Aujourd’hui, le métier de policier est devenu très difficile ! Même si nous nous en prenons aux criminels en respectant les lois, nous sommes l’objet de nombreuses critiques”, nous a confié un policier de Kunming après l’incident de Carrefour.[print_link]

En novembre 2008, dans un article publié dans Qiushi, revue officielle du Parti communiste, le ministre de la Sécurité publique, Meng Jianzhu, a appelé les officiers de police à la prudence. Il expliquait que, face à des manifestants, “il faut absolument faire attention aux méthodes adoptées, ­utiliser avec prudence les armes et les mesures coercitives, éviter d’envenimer les antagonismes en faisant un mauvais usage de la force policière, en surestimant la gravité de la situation ou en adoptant des méthodes inappropriées. Il faut éviter à tout prix de verser le sang.” “Meng Jianzhu a tenu ses propos pour le bien de la police, mais, sur le terrain, en première ligne, celle-ci se retrouve souvent en position très délicate, entre le marteau et l’enclume”, observe un membre de la police antiémeute du Yunnan.

Le 19 juillet 2008, des incidents ont opposé les forces de l’ordre à des habitants à Pu’er, dans la province du Yunnan. Quinze paysans travaillant dans des plantations d’hévéas ont été blessés et 2 ont péri sous les tirs de la police, qui a, quant à elle, déploré 41 blessés dans ses rangs et 9 véhicules détruits. L’affaire a fait grand bruit au niveau national. Le maire adjoint de Pu’er a expliqué que les policiers avaient ouvert le feu en “état de légitime défense” et par conséquent ne seraient pas jugés pour cela. Les familles ont reçu une “certaine” indemnité. “La police a ouvert le feu en premier, en disant que nous avions pénétré à l’intérieur du cordon de sécurité qu’ils avaient établi, mais nous ­paysans, nous ne savions pas du tout ce que cela signifiait… C’est seulement après les ­premiers tirs que nous nous en sommes pris aux véhicules”, raconte la fille d’une des victimes. “La police a prétendu que nous étions armés de couteaux pour les attaquer, mais nous avions juste nos outils de travail, comme tous les matins, ce n’étaient pas des armes !”

Yang Jinkun, le maire adjoint, reconnaît que ces heurts violents trouvent leur origine dans de vieux conflits d’intérêts entre les travailleurs des plantations d’hévéas et les sociétés exploitant le caoutchouc. “Mais ce que je ne comprends pas, c’est comment les tensions entre les salariés et le patronat ont fini par opposer les pouvoirs publics à la population ?” lance un villageois. Pour “prêter main forte” à la police de Menglian, la municipalité de Pu’er a fait venir plusieurs centaines de policiers d’autres districts.

Remplacer la répression par la négociation

Ce déploiement de forces, loin d’avoir eu l’effet dissuasif escompté, a abouti à une escalade de la violence. Le secrétaire adjoint du comité provincial du Parti, Li Jiheng, a eu des mots très durs après coup envers les dirigeants locaux. “Si plus personne ne les écoute, si plus personne ne les suit et si leurs administrés les attaquent à coups de couteau, ils feraient mieux de se jeter à la rivière !” a-t-il déclaré. “Le fait que la police se présente armée et fasse rapidement usage de ses armes contribue à aggraver des conflits qui sont souvent sans gravité au départ. Ces méthodes méritent d’être revues”, estime un chercheur de l’Ecole des officiers de police de Kunming. “La police chinoise a un statut quasi militaire. Obéir aux ordres de la hiérarchie fait partie des obligations professionnelles des policiers, et seuls les comités du Parti et les pouvoirs publics sont habilités à leur donner l’ordre d’intervenir”, note pour sa part un policier antiémeute du Yunnan.

Or, faute de contre-pouvoir et de supervision démocratique, les policiers sont de plus en plus critiqués pour leur comportement brutal et primaire. Dès qu’un affrontement éclate, ils se déplacent en nombre sur le terrain. “Nous avons bien conscience que les pouvoirs publics utilisent parfois les forces de l’ordre pour masquer leur inaction, leur incompétence, voire leurs ­malversations, mais nous ne pouvons pas aller à l’encontre des ordres reçus”, explique un policier de Kunming. Toutefois, selon un chercheur attaché à la police du Sichuan [dans le Sud-Ouest], si les autorités de Weng’an [qui, en juin 2008, après la mort d’une jeune fille, avaient conclu à un suicide alors qu’un proche d’un policier gradé avait initialement été mis en cause] et de Menglian sont devenues de mauvais exemples en matière de gestion des troubles, leurs homologues de Chongqing ont été bien plus habiles lors des négociations pour mettre fin à une grève des chauffeurs de taxis. Elles ont traité cette affaire comme un phénomène social normal et inévitable dans n’importe quelle société. Elles ont réussi à résoudre le conflit sans recourir à la violence, en faisant des concessions et en respectant les principes d’équité et de pluralité. De toute évidence, il faut que cesse l’usage abusif de la machine répressive publique. Les agents de l’Etat doivent apprendre à utiliser les ressources législatives, exécutives et judiciaires, ainsi que les médias pour résoudre les conflits d’intérêts et satisfaire les revendications des acteurs sociaux.
Yin Hongwei
Nanfeng Chuang
Tendance
L’année 2009 sera-t-elle l’“année des affrontements” ? C’est la question qu’a posée l’hebdomadaire officiel Liaowang, préconisant que davantage d’attention soit prêtée aux classes sociales vulnérables. En ces temps de crise, où la précarité s’aggrave et où le mécontentement augmente, le moindre incident peut mettre le feu aux poudres. C’est ainsi que, le 8 février, de violents heurts se sont produits dans un bourg de Guizhou entre des jeunes et la police, qui les avait empêchés de pratiquer la danse du dragon pour célébrer le nouvel an chinois.

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