ÉTATS-UNIS • Pour en finir avec les saisies immobilières
Devant la multiplication des expulsions, la mobilisation prend de l’ampleur. Une association amène notamment les banques à renégocier les conditions de leurs prêts avec les petits propriétaires en difficulté.
La tournée Save the Dream [Sauvons le rêve] organisée par la Neighborhood Assistance Corporation of America [NACA, Société américaine d’assistance aux quartiers, organisation à but non lucratif dont le siège est à Boston] est devenue un phénomène national. Cet été, elle a attiré plus de 180 000 propriétaires en difficulté à Cleveland, Chicago, Saint Louis et Atlanta – dans cette dernière ville, les gens ont fait la queue sur plus de 3 kilomètres autour du stade du Georgia Dome. La NACA propose un service itinérant de renégociation de prêts immobiliers. Les propriétaires menacés de saisie viennent avec leur dossier et repartent avec un crédit plus abordable.[print_link]
Du 16 au 20 octobre, elle s’installera dans la région de la baie de San Francisco, plus précisément dans l’immense Craneway Pavilion, une ancienne usine d’assemblage Ford située à Richmond, sur le front de mer. “A Richmond, nous devrions accueillir plus de 50 000 personnes. Il y aura des gens qui viendront non seulement de la baie de San Francisco, mais aussi de toute la Californie”, assure Bruce Marks, président et fondateur de la NACA. “Chacune de ces manifestations coûte entre 700 000 et 1 million de dollars [entre 476 000 et 680 000 euros]. A Los Angeles, nous avons loué les 7 500 mètres carrés du centre de convention et nous y avons fait venir 360 personnes de notre organisation, plus 200 représentants de banques, ainsi que 1 500 personnes supplémentaires en back office. Le tout pour obtenir chaque jour des milliers de renégociations de prêts”, ajoute-t-il.
Des rassemblements qui resteront dans l’histoire
Les saisies immobilières font désormais partie de notre paysage quotidien, et la tournée Save the Dream en est l’une des répercussions les plus spectaculaires. De même que les Hoovervilles [bidonvilles] et les soupes populaires étaient emblématiques de la crise de 1929, les grands rassemblements liés aux saisies resteront dans l’Histoire comme un symbole de la récession actuelle.
Alors que plus de 1,5 million de prêts immobiliers sont aujourd’hui impayés, de tels événements – qu’il s’agisse des ventes aux enchères de masse organisées par les banques ou des manifestations dirigées contre ces mêmes banques – continuent de se multiplier. Le révérend Jesse Jackson a organisé, en août, une veillée de prière devant le bâtiment de la Réserve fédérale de San Francisco. Des groupes religieux appellent régulièrement à manifester. Mais, de toute évidence, la tournée de la NACA, avec ses affluences record, est le champion toutes catégories des initiatives liées à la crise immobilière. Son attrait est évident. Pour les propriétaires, c’est l’espoir d’une renégociation immédiate de leur crédit immobilier.
“Nous faisons ce qu’il faut pour soutenir les petits propriétaires, explique Bruce Marks. Nous avons des accords avec chaque grand prêteur : Wells Fargo, Bank of America, JPMorgan Chase. Nous orientons environ 500 propriétaires en même temps, puis ils passent individuellement devant des conseillers de la NACA ; ils nous montrent leur dossier et nous l’examinons. Nous calculons le montant des traites qu’ils sont en mesure de payer, puis nous soumettons leur dossier à leur gestionnaire de crédit. Le propriétaire rencontre ensuite son gestionnaire, installé juste à côté de la zone de conseil jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.” Il assure qu’en général les participants décrochent des prêts abordables sur une durée de trente ans à des taux d’intérêt avantageux, parfois de l’ordre de 2 %.
Comment amènent-ils les banques à coopérer pour faire bénéficier les participants de meilleures conditions et d’un service plus rapide que les clients qui contactent directement leur établissement bancaire ? “Obama implore les banques, il les supplie et leur graisse la patte, mais ça ne marche pas”, explique Bruce Marks, qui ne mâche pas ses mots. “Nous, on ne leur fait pas confiance. On les oblige à agir par un terrorisme non-violent. Nous allons voir les directeurs de banque et nous les mettons face à leurs responsabilités concernant les dégâts qu’ils provoquent. Nous frappons à leur porte et nous déménageons leurs meubles sur la pelouse.” [Il s’agit de leur faire ressentir l’humiliation infligée aux victimes de saisie.]
Un mouvement suivi par les banques
Ces méthodes énergiques portent leurs fruits. La NACA semble avoir beaucoup d’influence à la fois sur la classe politique et sur les banques. Elle obtient des fonds fédéraux pour financer sa tournée et les banques envoient d’importants contingents de personnels à chacun de ses rassemblements. “Nous trouvons ces rassemblements […] très utiles”, commente Jason Menke, porte-parole de la Wells Fargo. “Ils permettent de venir en aide à des propriétaires qui ont des difficultés à rembourser un prêt. Les participants font preuve de bonne volonté, et l’outil informatique nous permet d’accéder à toutes les informations nécessaires pour prendre des décisions.” “Nous sommes ravis de participer à de tels événements”, opine Tom Kelly, porte-parole de JPMorgan Chase. “Cela nous permet de voir si nous pouvons aider des clients qui se démènent avec les prêts immobiliers dont nous assurons la gestion.”
Bruce Marks estime que 80 % des participants repartent avec un crédit renégocié. Mais certains journaux ont rapporté que seulement la moitié des gens ayant participé à un événement organisé par la NACA à Columbia (Caroline du Sud), il y a quelques mois, avaient obtenu de l’aide dans les six mois. Bruce Marks précise que la NACA poursuit le travail pour trouver des solutions aux dossiers qui n’ont pas encore été réglés.
15.10.2009 | Carolyn Said | San Francisco Chronicle
sur courrierinternational.com
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