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(Re)lecture de circonstance

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 (Re)lecture de circonstance :

“Dans la crise de la société sala­riale, les luttes qui se déroulent autour de la dis­tri­bu­tion désigne l’État comme le res­pon­sable de l’injustice. Cet État, c’est l’État déna­tio­na­lisé, tra­versé par et agent de la mondialisation.

La citoyen­neté devient alors l’idéologie sous laquelle est menée la lutte des classes, nous voyons par­tout des drapeaux. Dans la « période for­diste », l’État était en outre devenu « la clé du bien-être », c’est cette citoyen­neté qui a foutu le camp dans la restruc­tu­ra­tion des années 1970 et 1980. Si la citoyen­neté est une abs­trac­tion, elle réfère à des conte­nus bien concrets : plein emploi, famille nucléaire, ordre-proximité-sécurité, hété­ro­sexua­lité, tra­vail, nation. C’est autour de ces thèmes que dans la crise de la société sala­riale se recons­truisent idéo­lo­gi­que­ment les conflits de classes. […]

En tant qu’idéologique, la citoyen­neté natio­nale répond au pro­blème réel de son époque : la crise du rap­port sala­rial deve­nue crise de la société sala­riale, la crise de l’État dénationa­lisé, l’opposition irré­duc­tible entre les gagnants et les per­dants de la mon­dia­li­sa­tion. Mais le recours à la citoyenneté natio­nale est alors l’aveu même dans les luttes sur la base et à l’intérieur de la société sala­riale que ces luttes opèrent sous une idéo­lo­gie. D’une part, la citoyen­neté nationale répond au pro­blème réel de la crise de la société sala­riale ; d’autre part, elle ne lui cor­res­pond pas, car elle la traite de façon « inauthen­tique » comme repré­sen­ta­tion d’autre chose : la perte des valeurs, la décom­po­si­tion de la famille, l’identité natio­nale, la com­mu­nauté du tra­vail. C’est-à-dire qu’elle ne répond qu’à ses propres questions. […]

La mon­dia­li­sa­tion et la déna­tio­na­li­sa­tion de l’État créent de vastes ter­ri­toires péri­phé­riques et exclus des pro­ces­sus écono­miques majeurs. A l’automne 2013, c’est ce sen­ti­ment d’exclusion ter­ri­to­riale qui a fédéré la révolte bre­tonne, dite des « bon­nets rouges », contre l’écotaxe et les fer­me­tures d’entreprises. […] Dans la recons­truc­tion idéo­lo­gique des conflits, le local est au car­re­four de plu­sieurs autres déter­mi­na­tions dont il sera ques­tion plus loin : il ras­semble le « peuple authen­tique » contre les élites, les « intel­los », ce qui est étran­ger, ceux qui pro­fitent du sys­tème social et des impôts des autres. Dans ce type de révolte, le sen­ti­ment d’abandon des zones rurales et péri-urbaines, face à l’hégémonie des métro­poles met en cause la légi­ti­mité de l’État déna­tio­na­lisé, il rejoint « l’exaspération contre la pres­sion fis­cale » et le « car­can réglemen­taire » sous la volonté géné­rale de mettre fin au « dum­ping social » et de « conser­ver l’emploi au pays ».”

– TC, “Une séquence particulière”, n°25.

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