« Marx et la théorie de l’Histoire » Agitations
Communes et colonialisme
D’abord fervent partisan de l’expansion du capitalisme qui devait être le prélude à la constitution d’une classe révolutionnaire mondiale, Marx a évolué vers des positions moins tranchées à la fin de sa vie, pour finir par formuler une critique acerbe de la destruction systématique des rapports sociaux précapitalistes par les puissances coloniales. Ce basculement, dont témoigne l’étude de ses Cahiers ethnographiques ou de sa lettre à la populiste russe Vera Zassoulitch, est le fruit d’un long cheminement théorique et d’une attention toute particulière portée aux sociétés dites primitives. La relecture de ces notes que nous a laissées Marx revêt des enjeux politiques actuels, puisqu’elles posent la question de la possibilité concrète de la révolution en l’absence d’un prolétariat majoritaire et unifié. Pendant toute l’époque du mouvement ouvrier, la vision téléologique et eurocentrée de l’Histoire a prédominé et affirmait que la révolution ne pourrait venir que des centres capitalistes occidentaux en raison de la concentration industrielle qu’ils abritaient. Aujourd’hui, il est flagrant que ce n’est pas (plus) le cas, et que les soulèvements d’ampleur ont davantage lieu dans les Suds.
Cet article est un développement du texte que nous avions publié sur l’ouvrage de Kevin Anderson, Marx aux antipodes, et dont nous recommandons la lecture pour plus d’éclaircissements.
Difficile de s’expliquer la publication d’un texte aussi nul autrement que par copinage ou volonté de votre part de nourrir l’actualité du courant communisateur sans être trop regardant sur la qualité de la marchandise théorique. C’est en tout cas décevant. Vous aviez pourtant publié en 2015 un texte d’Il Cattivo qui montrait très bien en quoi cette façon de déterrer le vieux Marx était une escroquerie : http://dndf.org/?p=14467. Rejetez vous aujourd’hui cette critique ?
Non non! La critique d’Il Lato Cattivo reste très pertinente et peut effectivement s’appliquer à ce texte de re-re lecture de textes de Marx écrits dans leur contexte historique à partir d’enjeux prétendument actuels.
Non,la “conception téléologique et unilinéaire de l’histoire” et “l’abandon du «progressisme historique » ne nous paraissent pas obligatoirement au centre des préoccupations théoriques du moment. Reste que, non, ce texte n’est pas nul et qu’il est proposé par une revue “amie”, au milieu de beaucoup de productions actuelles. Nous avons déjà publié plus éloigné de nos préoccupations…..dndf
Publier des choses éloignées de vos préoccupations immédiates, ce n’est évidemment pas le problème, et ça peut même être très bien, mais vous savez très bien que ce n’est pas le sujet ici. Vous admettez que le propos d’Agitation rentre pile poil dans les dérives crapuleuses pointées par Il Cattivo, mais en dehors de ça, il n’est pas nul… Je serais curieux de savoir ce qu’il y a sauver alors, parce que là, c’est un peu difficile à suivre.
Ce qui est “à sauver” c’est de relayer des textes du milieu de la communisation même si nous ne nous reconnaissons pas dedans, dans un soucis de controverse théorique, de débats et polémiques. Le qualificatif de crapuleux ne faisant pas partie de notre registre de vocabulaire en général. Rien d’infamant dans le texte d’Agitation. Et merci d’avoir du coup signalé la réponse “ante festum” d’Il Lato Cattivo
Je pense que l’article d’Agitations soit evidemment symptomatique d’une dérive a-classiste potentielle et que çà serais bien de ne publier ces genres de textes qu’accompagné d’une critique explicite.
Dérive a-classiste parait un peu rapide comme diagnostic. En revanche, on peut clairement craindre que le bébé “lutte des classes” soit jeté avec l’eau du bain “programmatisme”. Cela rejoint le grand débat qui traverse le milieu sur l’inter-classisme et les classes moyennes dans les conflits récents et actuels (Gilets jaunes entre autres)…et dont nous avons fait longuement état ces derniers mois.
C’est donc bien ce que je disais au début, il s’agit de nourrir l’actualité du courant communisateur en publiant les copains, de faire vivre le « milieu », quitte à ne pas être trop regardant sur le contenu. Sur le plan des exigences politiques, le minimum serait, comme le dit Jack Ma, de publier le texte avec une critique explicite en amorce pour qu’on sache au moins que vous n’y adhérez pas. J’ajouterais qu’il serait aussi intéressant de savoir en quoi vous jugez qu’il contribue malgré tout à « la controverse théorique », ce qui risque d’être plus difficile.
Car bien sûr que ce texte est crapuleux. Si Agitation (et ceux dont ils s’inspirent puisqu’ils n’ont même pas le mérite d’être originaux) veulent remettre en cause la conception marxienne de l’histoire, très bien, libre à eux. Mais qu’ils le fassent en apportant des arguments et pas en se servant de la figure d’autorité du “maître” pour lui faire dire le contraire de ce qu’il a dit. Elle est là, la crapulerie. L’instrumentalisation des idoles n’a rien à voir avec la critique. Les bêtises sur le « dernier Marx » sont du même tonneau que le livre lamentable de Tévanian qui tordait les propos de Marx pour montrer qu’au fond il était plutôt favorable aux religions. Et ce n’est pas comme si cette tendance était nouvelle chez Agitation, c’est même ce qui caractérise leur production. Ils sauront citer du Bordiga pour briller, mais sont antifas. Ils dissertent sur Debord, mais sont incapables de critiquer l’université. Ils prennent des postures critiques vis-à-vis du syndicalisme, mais en appellent aux syndicats lorsque les Gilets Jaunes déboulent fin 2018. Bref, ils passent leur temps à utiliser des références radicales tout en les vidant de leur substance critique.
Les réflexions autour de la communisation ne méritent-t-elles pas mieux que ce genre de tartufferies ? Question sans doute naïve après que le mot “milieu” ait été jeté dans la discussion, mais tout de même.
Je remarque que j’ai écorché par deux fois le nom du collectif Il Lato Cattivo, je corrige donc.
Extrait conclusif de « Marx et la commune agricole » de il lato cattivo sur dndf
Contrairement à ce qu’écrivit Marxs pour celles du 19e siècle, aucune révolution ne tire sa poésie seul et uniquement du futur; la révolution du XXI siècle ne fera pas exception. Mais, de toute évidence, cela n’a pas grand-chose à voir avec les écrits de Marx sur l’obscina, écrits essentiellement centrés sur les rapports de production et non sur l’histoire de la lutte des classes. Que l’on traite de Marx ou de nos contemporains, pour démontrer qu’une rencontre entre le prolétariat et la commune agricole «aurait été possible», il ne suffit pas d’établir une abstraite «communauté d’intérêt» qui n’existe que dans la tête de celui qui la proclame; il faut aussi être en mesure de démontrer qu’une telle rencontre s’inscrivait dans la pratique des principaux intéressés, ce qui est bien loin d’être une évidence. De toute manière, le «saut» communautaire au-delà des horreurs capitalistes n’est pas advenu, et la correspondance Marx-Zassoulitch n’ajoute rien d’essentiel à la critique de l’économie politique; compte-tenu de ce qui précède nous pouvons donc abandonner cette correspondance, au moins pour le moment, à la «critique rongeuse des souris»… surtout si elle nous dispense de se préoccuper de ce qui est réellement advenu, et de ce qui est possible aujourd’hui sur ces bases.
@Stive
Salut
le commentaire de Stive c’est de la théorie efficace et sans fioritures. Sortir de la vision de la grande Histoire et de ses articulations “possibles” et poser la question au niveau de “l’inscription dans la pratique des principaux intéressés”.
R.S