France : « une parenthèse en train de se renfermer » ?
Lu sur X anciennement twitter. Nous avons rajouté le point d’interrogation au titre, la question étant ouverte. dndf
« Je pense qu’il faut acter ça, et réfléchir à des formes politiques qui prennent en compte le fait que ces frontières de classe se sont réépaissies, je sais pas. C’est aussi une chance parce que ça apporte une clarification salutaire
D’où une sensation un peu bizarre qu’on a subitement changé d’époque : pour moi, elle est due à la fin de ce paradigme interclassiste et au début d’une nouvelle séquence de luttes où les classes moyennes et les prolétaires agissent bcp plus séparément
Depuis lors, les formes de militantisme visibles sont bcp plus centrés autour des intérêts des classes moyennes (les libraires contre Bolloré, le respect du droit international, la lutte contre “l’autoritarisme”, les luttes ds la culture, la juridicisation des luttes écolos..)
J’ai l’impression que la défaite de 2023 a acté pour de bon dans la tête des gens les limites de ces mouvements interclassistes de masse, qui se veulent consensuels, majoritaires, convergents, etc..
Mais ce modèle social protecteur est financé par ailleurs par l’approfondissement des logiques d’exploitation dans les secteurs des services, et dans des formes toujours plus rudes de prolétarisation de pans entiers de la population : on a pas l’un sans l’autre
Mais tout ça était quand même fondé sur un malentendu qui voulait que toutes les classes qui ont participé à ces mouvements avaient des intérêts, au fond, convergents, dans la défense du modèle social français
Je pense qu’il faut accepter de voir la séquence de conflictualité sociale en France qui court de 2016 à 2023 comme une parenthèse en train de se renfermer. Pendant 7 ans, de façon ininterrompue, les élites politiques ont mené contre le fameux “modèle social français” des coups de butoir qui furent quasiment tous victorieux. A part pour les GJ, toutes ces “batailles”ont été largement hégémonisées par les classes moyennes mais brassaient plus largement autour d’elles, ce qui pouvait mener à des configurations explosives dans la rue
Et j’ai aussi l’impression que les stratégies politiques “autonomes”, fondées sur le débordement et la conflictualité dans la rue étaient largement tributaires de cette séquence très spécifique de conflictualité.
Si la donne sociale qui permettait le débordement n’existe pas, c’est toute l’hypothèse du “débordement dans la rue” qui doit être remise en question, sans quoi, il y a le risque d’une déconnexion croissante entre les milieux autonomes et les luttes de classe existantes
Tout ça c que des hypothèses/questions si ça se trouve ça va pas du tout se réaliser mais jme dis que ça peut être bien de se poser la question »
« Oui assez d’acc
Il faut ajouter également que les émeutes pour Nahel dans la continuité mais bien différentes (en composition et pratique) des sauvages post 49-3 sont aussi le signe de cette séparation entre prolétariat et CMS »
Encore eût-il fallu que la parenthèse, telle que définie par l’interclassisme, ait été ouverte, du moins si tardivement (2016 selon l’auteur).
Quoi qu’il en soit, je trouve très optimiste de considérer l’achèvement de ce méli-mélo, avec l’idée que la politique du capital en aurait fini avec le bradage des “acquis”. On est quand même très loin en France d’avoir touché le fond.
Quand aux considérations sur la politique des autonomes et des débordements dans la rue, franchement, on s’en fout, de la stratégie de ceux qui se prennent pour le sujet révolutionnaire, comme s’il y avait eu une “connexion entre les autonomes et les luttes de classes existantes” autre qu’un leurre idéologique, en grande partie d’individus eux-mêmes issus des couches moyennes, cad participant de interclassisme.
On va pas passer son temps à se mordre la queue loin du prolétariat.
@Un passant
Les stratégies politiques autonomes sont un fait historique correspondant à une situation historique donnée, comme tout le reste, donc “on s’en fout” oui, autant que les articles sur dndf ou les numéros de TC, mais du point de vue des individus qui n’attendent pas juste que la lutte des classes comme Dieu de l’histoire règlent le problème pour eux, sans se faire d’illusions sur l’importance de l’action des groupuscules, on réfléchit à partir de sa situation objectivement donnée, càd comme participant à un sous-groupuscule de la “mouvance autonome”, car seule celle-ci accueille les éléments actifs (activistes ?) qui souscrivent à certaines des thèses de la “communisation” vu que seule cette mouvance rejette les médiations partisanes, syndicales etc. Cette tendance exaspérante à croire que la meilleure attitude face aux mouvements est de les analyser du dessus alors que la vérité c’est qu’on a pas le choix que d’être dedans et donc de se penser dedans aussi est plus l’expression de l’arrogance aveuglante du cynique que de l’analyse détaillée du fin théoricien.
Par ailleurs, les tweets en question ne posent pas le début de l’interclassisme en 2016, simplement d’une de ses formes politiques qui a produit des affrontements quasiment sans interruption avec l’État comme représentant de l’intérêt général entre 2016 et 2023. Sur l’optimisme de l’espérance de la fin de cette parenthèse, constat partagé : cet optimisme est d’ailleurs le fondement d’une lecture sans issue de tout ce qui n’est pas un mouvement “purement prolétarien” (les mouvements de ce type, à supposer que les révoltes à la suite du meurtre de Nahel en aient été, sont l’exception plutôt que la règle).