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A Marseille, les militants s’interrogent sur la stratégie de leur syndicat

omment continuer la mobilisation ? Manifester, à quoi ça sert ? Nombre de militants se posent ces questions à la veille de la sixième journée d’action à l’appel des huit syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNSA), samedi 13 juin.

A Marseille, la trublione qui aime rivaliser avec Paris avec les chiffres de manifestants annoncés sur la Canebière, beaucoup pestent contre la succession de journées d’action : six en six mois. Dans tous les syndicats, on reconnaît avoir du mal à mobiliser. Beaucoup rêvent de mouvements ” victorieux “ mais avouent ne pas savoir comment faire. Certains ont fait la “grève de la grève”, le 26 mai, à l’occasion de la dernière journée d’action.[print_link]

Lors du comité départemental de la CGT des Bouches-du-Rhône, lundi 8 juin à Arles, le débat a été vif. Pour Yves Castino, secrétaire général de la fédération santé à Marseille, “il y a une vraie colère des salariés, partout, et le syndicat doit être capable de travailler aux convergences : beaucoup d’actions se déroulent les unes derrière les autres, ou à côté des autres, rien n’est coordonné”. Ce dirigeant, 51 ans dont 27 ans de service dans les hôpitaux, s’inquiète d’une stratégie qui s’inscrit trop dans la durée : “Attention au retour de manivelle si on attend trop, avec un gouvernement qui joue le pourrissement.” Pour lui, la journée du 26 mai, pour laquelle les huit syndicats prônaient des actions “locales et diversifiées”, c’était “la montagne qui accouche d’une souris”.

“ENTERREMENT DE PREMIÈRE CLASSE”

Même son de cloche pour Lionel Zaouati, secrétaire de la CGT des Caisses d’allocation familiale : “Le 26 mai a été un enterrement de première classe, les gens sont prêts à en découdre mais avec des chances de victoire, pas pour faire des barbecues, des sardinades”, dit-il .

Secrétaire du syndicat CGT des Mutuelles de Provence, Gérard Luigi est plus remonté encore. “On nous promène depuis des mois, la direction de la confédération ne veut pas en découdre avec le patronat et le gouvernement”, proclame-t-il. L’unité “historique” des huit est une bonne chose, “mais si cela débouche sur une journée d’action tous les deux mois, elle ne sert à rien”. Il préfèrerait “trois ou quatre journées consécutives, pour forcer le gouvernement à négocier”, mais il reconnaît dans le même temps que, dans son entreprise du privé, “pour une journée de grève, on appelle à une demi-journée afin que les gens ne perdent pas trop d’argent et aillent à la manif”.

Le responsable des marins CGT, Serge Melchione, dit que les choses sont compliquées. ” Le rapport de forces et la grève sont ancrés culturellement chez les marins, explique-t-il. Mais ce n’est pas facile d’amplifier le mouvement, de dire aux gens que s’ils ne bougent pas, ils n’auront rien. Et ce n’est pas forcément en appelant à la grève générale que ça peut mobiliser.” Ce débat traverse tous les syndicats. Claude Argy, responsable du puissant syndicat des territoriaux FO de Marseille veut “une grève générale franche”. Le 26 mai ? “On n’y a pas été, ce n’était pas à la hauteur de la situation”, dit-il. Et samedi, il n’ira pas non plus pour “préserver ses forces pour les combats à venir” explique ce dirigeant, 56 ans dont 38 de syndicat.

“UNE BATAILLE PLUS DURE”

La grève de la grève, certains l’ont faite. “Le 26 mai, je suis allée travailler, explique ainsi Brigitte Ibanez, militante SUD-PTT. J’en ai marre des actions ponctuelles et de perdre un jour de salaire pour rien.” Mais cette militante qui travaille depuis trente ans aux chèques postaux se dit ” prête à une bataille plus dure, plusieurs de jours de grève “.

A la CFDT, on s’interroge aussi sur les nouvelles formes d’action à trouver. Lydia Auer, responsable du syndicat marseillais de la propreté, en a “ras le bol”. “On fait, on fait, mais ça ne débouche pas et les gens nous disent ‘pourquoi ?‘, confie-t-elle. Ce serait bien de faire comme à la Guadeloupe, ce serait plus efficace, mais les gens ne suivraient pas, ils ont des crédits, ils doivent manger.”

Les directions nationales connaissent ces difficultés. Pour Marcel Grignard (CFDT), “s’il y a peu de critiques sur la stratégie, il y a un débat légitime sur l’efficacité d’une action au regard de ce qu’elle permet d’obtenir”. Et les mobilisations depuis janvier ont, selon lui, permis d’avancer. Annick Coupé (Solidaires) tempère ce sentiment : “Le bilan, c’est que les actions de l’intersyndicale n’ont pas permis de faire reculer le gouvernement et le patronat et c’est normal qu’il y ait des doutes.” Maryse Dumas (CGT) reconnaît une situation “compliquée”. “La crise dure, le débat sur la tactique des luttes se fait dans un contexte difficile, dit-elle, mais pour parler de reconduction ou de généralisation des grèves, il faut voir déjà qui est en grève une journée.”

Rémi Barroux

LEMONDE.FR | 12.06.09 |

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