Du citoyen Charlie à la « dernière instance »
(sur le commentaire n° 10 de Rataxès)
Je suis désolé de la longueur de cette réponses, mais les questions soulevées par Rataxès, parfois en un ou deux mots, nécessitent d’ouvrir beaucoup de tiroirs pour y répondre.
Je suis en gros d’accord avec le commentaire (n° 10) de Rataxès (R) : « chaque classe sera renvoyée à sa propre situation », c’est aussi ce que suggère, paraphrasant la citation des Luttes de classes en France, la fin de ma réponse précédente (commentaire 9). Mais comment se fait ce « renvoi », quel est sa mécanique et au final : qu’est-ce qu’une classe ?
C’est là où j’ai du mal à partager la belle assurance de R ou celle de Marx dans La Sainte Famille (voir plus loin). Comme si ce qu’il se passe n’était finalement qu’une sorte de mauvais moment à passer, je ne parle pas ici forcément de la situation actuelle mais plus globalement de la relation entre d’une part le cours quotidien de la lutte des classes, les formes dans lesquelles elle n’apparaît pas « en clair » et, d’autre part, son concept dans lequel existerait ce que l’on sait comme nécessaire de son aboutissement (ce qui devrait bien un jour ou l’autre nous « tomber sur la tête du fait de la loi de la pesanteur » comme dit R).
Dans l’appréhension ordinaire, convenue, allant de soi de la lutte de classe, tout se passe comme si on avait d’un côté les classes dans leur situation, leur contradiction, ce qu’elles doivent être et faire conformément à leur être. Comme disait Marx dans La Sainte famille : « Il ne s’agit pas de savoir quel but tel ou tel prolétaire, ou même le prolétariat tout entier, se représente momentanément. Il s’agit de savoir ce que le prolétariat est et ce qu’il sera obligé de faire, conformément à cet être. » (Marx, op. cit., éd. Soc., p. 48. ) ; et de l’autre, des circonstances, des dires, des façons d’être immédiates, des idéologies, en un mot des accidents. Et, entre les deux, rien. Comme si cet autre coté ne venait que comme une gêne ou une entrave momentanées, extérieures à l’être et à son devenir nécessaire. En bref, quelque chose dont on ne saurait pas trop quoi faire, sinon qu’il faut « faire avec ». Pour reprendre les questions abordées dans le texte A propos de Charlie c’est comme si l’on disait que l’ « ordre républicain », la citoyenneté nationale, la définition de « l’Autre » etc., ne faisaient que perturber désagréablement la structure des relations et des contradictions de classes qui ne sauraient manquer d’affirmer leurs prérogatives. C’est vrai, mais comment ? Lire la suite…
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