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L’humain d’abord ?

Voici la version intégrale d’un texte d’un camarade de “Il Lato Cattivo”

L’humain d’abord ?

 

« On dirait que l’ancienne profondeur s’est étalée, est devenue largeur: Le devenir illimité tient tout entier maintenant dans cette largeur retournée. Profond a cessé d’être un compliment […] Les événements sont comme les cristaux, ils ne deviennent et ne grandissent que par le bords, sur les bords […] Et s’il y a rien a voir derriére le rideau, c’est que tout le visible, ou plutôt toute la science possible est le long du rideau, qu’il suffit de suivre assez loin et assez étroitement, assez superficielement, pour en inverser l’endroit […] »

Gilles Deleuze, Logique du sens

Introduction

Il faut apposer différentes prémisses à ce texte, dans lequel – comme on peut déduire du titre – on va articuler une critique de l’humanisme. La première est qu’il n’a pas la prétention de dire grande chose de nouveaux ou d’”original”, parce que, en premier lieu, les fondements de cette critique ont déjà été posés depuis longtemps, et – à notre avis – elle est déjà (au moins en partie) partagée par ce milieu, qui est la rédaction de SIC ; donc il s’agit surtout – pour nous –  d’insister et d’approfondir certains aspects.

La deuxième prémisse est que de façon prévisible, dans la mesure où les hypothèses exprimées par la rédaction de SIC sur le présent et le futur de l’actuel cycle de luttes sont correctes, dans la mesure où la théorie de la communisation sera de plus en plus une “détermination objective”[1] incontournable de l’actuel cycle de luttes, la nécessité de se présenter avec clarté devant les cercles d’individus et groupes jusqu’ici restés en dehors du débat sur la communisation, mais qui vont manifester de l’intérêt à propos de “nos” formulation, sera de plus en plus urgent ; à notre avis, dans le développement de ces rapports, l’antihumanisme sera très souvent, de façon implicite ou explicite, le “nœud” à partir duquel les accords et les discordes, les rapprochements et les séparations vont se produire; pour cette raison, nous avons considéré qu’un texte sur l’humanisme pouvait se révéler utile.

Dès la citation en exergue, le style du texte – et celle-ci est la dernière prémisse – pourrait paraître plutôt “philosophique” ; en réalité, plutôt que de faire de la philosophie, il s’agit de sonder les manières dont nous lisons la réalité, voire la réalité actuelle : ce qui est en jeu, donc, c’est toujours la compréhension de la phase où nous sommes. En outre il faut tenir compte que le concret, quoiqu’il soit à tout instant une prémisse du processus de pensée, il ne se donne jamais à lui de façon immédiate : il peut paraître juste à la fin d’un processus spécifique, comme “produit”. Nous ne pouvons pas garantir si ce qui va suivre sera une simple spéculation “philosophique”  ou un moment réel (bien que limité) de théorie du prolétariat – elle aussi conçue comme processus. Mais quiconque écrit sur la révolution ou le communisme, même en termes plus probablement “concrets”, ne peut  avancer, sur ce point, aucune garantie.

L’identité du prolétariat

Le problème de l’identité du prolétariat obsède la théorie révolutionnaire depuis sa première apparition. Pour le léninisme l’identité prolétaire était le fruit de l’organisation construite par la direction politique des ex-intellectuels bourgeois devenus révolutionnaires de profession. Le populisme et certains courants de l’anarchisme ont vu cette identité dans la permanence de certains caractères liés aux métiers, aux particularités locales, à la sensibilité de la classe ouvrière. Pour d’autres courants de l’anarchisme et pour le conseillisme elle est implicite dans la condition du prolétariat même, qui pendant les moments les plus intenses de la lutte de classe révélerait sa propre autonomie et sa propre inclination naturelle à reconstruire la société sur d’autres fondements. Le rôle historique de ces théories a été celui d’avoir affirmé – de façon diversifiée et conflictuelle aussi – l’existence du prolétariat, et d’avoir exprimé son aspiration à exercer son hégémonie sur la société, à une époque (subsomption formelle et première phase de subsomption réelle du travail sous le capital) dans laquelle le contenu de la révolution communiste était vraiment celui-ci : les différents courants ici citées répondaient de façon différente aux mêmes questions. Cependant, ils ne pouvaient ne pas traduire en termes théoriques les contradictions réelles liées à la faillite de l’affirmation du prolétariat comme contenu de la révolution : de la “trahison” sociale-démocrate de 1914, jusqu’au massacre de mai 1937 à Barcelone par un Front Populaire à participation anarchiste, c’est toujours le mouvement ouvrier qui détruit la révolution. Parmi les courants révolutionnaires, seules les Gauches communistes “italienne” et “allemande-hollandaise” (l’ultragauche) se sont rapprochées à la compréhension de la contrerévolution dans toute sa profondeur : elles se sont ainsi retrouvées dans la position inconfortable de devoir désigner comme contrerévolutionnaires presque toutes les manifestations empiriques du prolétariat de cette période[2]. Dès lors, ces courants se sont déchirés en attendant une apparition limpide et non mystifiée du prolétariat ou une reformation totale du mouvement ouvrier. Dans ce geste – celui de faire appel à l’action de classe, en désignant comme contrerévolutionnaires toutes les formes empiriques de l’existence de la classe – ils sont entrés dans une sorte de contradiction avec elles-mêmes, contradiction qui est arrivée à se résoudre seulement pendant la période 1968-1977, surtout à partir de certaines caractéristiques des luttes d’alors (déclin des conseils ouvriers, refus du travail etc.) il a été possible pour quelques camarades, qui ont rompu avec l’horizon classique de l’ultragauche, de commencer à thématiser la révolution non plus comme affirmation du prolétariat comme pôle absolu de la société, mais comme négation du prolétariat et de toutes les autres classes. Selon cette rupture dans la théorie du prolétariat, il ne s’agit plus, pour le prolétariat, de se reconnaître en tant que classe autonome (de la “classe en soi” à la “classe pour soi”), mais de supprimer, au cours même du processus révolutionnaire, précisément tout ce qui le définit comme prolétariat, c’est-à-dire comme une détermination du mode de production capitaliste. Le communisme – abolition de la valeur, du travail, de la propriété, de l’État – en tant que but final de la révolution devient le moyen même de la révolution (faillite du programme révolutionnaire et de la transition). Le communisme n’est plus un projet ou un résultat, c’est la révolution elle-même et son contenu. À partir de cette nouvelle perspective il a été possible de définir ce qu’il y avait de téléologique et d’humaniste dans la compréhension théorique des théories révolutionnaires du passé, et de redéfinir le concept même de matérialisme. Bien sur, le milieu anti-capitaliste ne manque certainement pas de continuateurs ad infinitum d’ordinaires litanies du marxisme plus ou moins léniniste, de l’anarchisme et de l’ultragauche. Mais la reprise ou la continuation de ce qu’on est convenu d’appeler “programmatisme” est devenue manifestement un archaïsme qui devient tous les jours de plus en plus obsolète : l’affirmation d’une identité prolétaire méconnue est en train de perdre tout fondement. D’un côté, le prolétariat actuel manifeste son excentricité par rapport au travail productif de plus-value dans le sens restreint (tertiarisation d’une partie du prolétariat, salarisation de la petite bourgeoisie, immense armée de réserve), de l’autre il vit le déclin de l’identité prolétaire qui est la conséquence de ses défaites antérieures (restructuration = contrerévolution) ; son milieu, aujourd’hui plus que jamais, n’est donc pas celui d’une contradiction simple entre deux hégémonies, entre deux formes de gestion etc., mais celui d’une contradiction complexe, dont la dissolution implique la suppression de ses deux pôles en même temps. La prolétarisation qui aujourd’hui se manifeste dans la société capitaliste sur l’onde longue de la crise/restructuration est très différente de celle connue dans les théories révolutionnaires du passé. Il semblerait que les prolétaires d’aujourd’hui n’arrivent à affirmer aucune identité sinon celle de “capital variable” (« en dehors du rapport salarial, nous ne sommes rien »), et tous ceux qui essaient de leur donner cette identité prolétaire de l’exterieur ils échouent invariablement; d’autre part, elle ne semble pas du tout être leur propriété secrète. Toute tentative de définir l’identité du prolétariat actuel finissent par se graver dans son passé, dans une prétendue essence préexistante et définitive, plus ou moins latente.

L’humanisme du mouvement ouvrier traduisait nécessairement l’affirmation de l’identité ouvrière dans une continuation laïque de la tradition théologique-métaphysique et finaliste de la pensée occidentale[3]. Les théories révolutionnaires classiques ont affirmé l’existence du prolétariat et le programme d’un pouvoir prolétaire à venir (parti, conseils ou autogestion) ayant des formes et contenus qui s’inscrivent dans le cadre de cet humanisme. L’Homme ayant déjà pris la place de Dieu, à la place de l’homme – modelé sur le bourgeois – elles ont mis le prolétariat, et ont placé son essence génériquement humaine (le “Gemeinwesen” du jeune Marx) et sa condition de classe du travail productif comme le donné latent à livrer. La révolution était comprise comme le dépassement des aliénations parcellaires et futur triomphe de l’identité, de l’absolu, de la totalité retrouvée. Le socialisme a été le rêve d’une grande maison divine où finalement on se retrouve, dans la reconnaissance de l’identité  commune de prolétaires. Le concept d’aliénation met toujours en cause une essence totale, avec la perspective de retrouver, au bout de l’histoire, la plénitude perdue. Donc, même la théorie marxiste est restée une téléologie : radicale dans son analyse logique du capitale, elle s’est trouvée dans l’impossibilité de dépasser la base anthropologique qui constituait le fondement de cette même logique[4]. L’”aliénation” est encore une affaire du sujet, même s’il est le sujet de l’histoire. C’est donc agréable qu’aujourd’hui résonne la bonne nouvelle : le sujet ne doit se retrouver, il doit s’abolir.

Forme-valeur et fétichisme

L’humanisme du mouvement ouvrier trouve une de ses expressions les plus fortes et historiquement significatives, et au même temps les plus subtiles, dans la théorie marxienne de la forme-valeur. Alors faisons un pas en arrière en la récapitulant brièvement. Chaque marchandise se montre, dans la société capitaliste, sous deux aspects : la valeur d’usage et la valeur d’échange. L’utilité d’un certain produit en constitue la valeur d’usage, qui n’est rien d’autre que le contenu matériel d’une richesse donnée. La valeur d’échange des marchandises ne peut dériver que de ce qui les rend comparables et commensurables, c’est-à-dire du fait d’être produits du travail. La substance de la valeur d’échange est donc le travail socialement nécessaire à la production des marchandises. Le profit est une fraction de la valeur crée par la force de travail des ouvriers et qui n’est pas payée avec le salaire. Le capitaliste prélève une partie qui devient la rente foncière du propriétaire du sol de l’entreprise, une autre partie qu’il verse sous forme d’intérêt à un prêteur ou à une banque, une autre qu’il doit à l’État sous forme d’impôt. Le solde constitue son profit d’entrepreneur. En montrant que le processus de production de la plus-value est l’origine commune des formes empiriquement visibles du profit capitaliste (rente, intérêt et profit d’entreprise) – quoiqu’il semble que certaines catégories de capitalistes n’aient aucune liaison directe avec le processus de production – Marx produit une image de l’articulation entre la structure du système et ses formes phénoméniques, ce que d’après lui-même fut l’objet de désir jamais obtenu par l’économie politique classique. Le problème est que dans le mode de production capitaliste tout se déroule comme si effectivement le salaire payait tout entier le travail de l’ouvrier et comme si un capital avait en soi la propriété d’augmenter automatiquement, d’apporter un profit à son propriétaire ; dans la pratique quotidienne, il n’y a pas aucune preuve directe du fait que le profit capitaliste soit travail ouvrier non payé, aucune expérience immédiate de l’exploitation du travailleur de la part du capitaliste. Tout se déroule, sous le yeux des capitalistes et des ouvriers, comme si le salaire payait tout le travail fourni par l’ouvrier :

« La forme salaire, ou payement direct du travail, fait donc disparaître toute trace de la division de la journée en travail nécessaire et surtravail, en travail payé et non payé, de sorte que tout le travail de l’ouvrier libre est censé être payé. Dans le servage le travail de corvéable pour lui-même et son travail forcé pour le seigneur sont nettement séparés l’un de l’autre par le temps et l’espace. Dans le système esclavagiste, la partie même de la journée où l’esclave ne fait que remplacer la valeur de ses subsistances, où il travaille donc en fait pour lui-même, ne semble être que du travail pour son propriétaire. Tout son travail revêt l’apparence de travail non payé. C’est l’inverse chez le travail salarié: même le surtravail ou travail non payé revêt l’apparence de travail payé. Là le rapport de propriété dissimule le travail de l’esclave pour lui-même, ici le rapport monétaire dissimule le travail gratuit du salarié pour son capitaliste. » (Karl Marx, Le Capital, Ed. Sociales, Paris 1969, Livre I, tome II, pp. 210-211).

Le salaire donne donc au travail non payé de l’ouvrier le semblant du travail payé. Dès que le salaire se montre sous la forme de prix du travail, le profit ne se montre plus sous la forme de travail non payé. Il se montre nécessairement sous la forme de capital. Il paraît donc que toute classe tire de la production le revenu dont elle a droit. Il n’existe aucune exploitation visible d’une classe de la part de l’autre. Les catégories économiques de salaire, profit, intérêt, etc. expriment donc les rapports visibles de la pratique quotidienne des affaires. Une telle “distorsion” n’est pas causée par l’incapacité de la conscience à “apercevoir” la structure, mais par la structure elle-même. Si le capital n’est pas une chose mais un rapport social, c’est-à-dire une réalité non sensible, celle-ci ne peut que disparaître quand elle se présente sous les formes sensibles des matières premières, des moyens de production, de l’argent, etc. Il n’y a donc pas de sujet qui se flatte, c’est la réalité qui le flatte et les illusions, sous lesquelles la structure du processus de production capitaliste se cache, sont le point de départ des représentations des individus. À une déterminée structure du réel correspond une déterminée façon d’apparition de cette structure, et cette façon d’apparaître est le point de départ d’une sorte de conscience spontanée de la structure dont ils ne sont pas responsables, ni la conscience ni l’individu. Malgré tout cela, dans la tradition marxiste – et, malgré la richesse de tout ce discours, aussi chez Marx[5] – le rapport entre la structure économique, les superstructures juridique-politiques et les formes de conscience sociale se réfère aux dichotomies classiques de la métaphasique occidentale – essence et apparence, substance et forme, chose en soi et phénomène –, ce qui a conduit à entendre le concept de structure comme une vérité cachée sous le “voile de Maya” des apparences, le fétichisme comme un déguisement des rapports réels, et la révolution comme le moment où cette vérité cachée en profondeur se dévoile : l’heure de la célèbre « détermination en dernière instance » (l’économie). Quant à la théorie, elle serait la mise à nu scientifique des rapports réels, l’anticipation théorique du dévoilement pratique:

« Il en est d’ailleurs de la forme “valeur et prix du travail” ou “salaire” vis-à-vis du rapport essentiel qu’elle renferme, savoir: la valeur e le prix de force de travail, comme de toutes les formes phénoménales vis-à-vis de leur substratum. Les premières se réfléchissent spontanément, immédiatement dans l’entendement, le second doit être découvert par la science. L’économie politique classique touche de prés le véritable état des choses sans jamais le formuler consciemment. Et cela lui sera impossibile tant qu’elle n’aura pas dépouillé sa vieille peau bourgeoise. » (Karl Marx, Le Capital, op. cit., p. 213)

Maintenant, il s’agit justement de réviser les notions marxistes qui nous utilisons afin d’éliminer tout déchet humaniste et téléologique. Tous le concepts fondamentaux de l’analyse marxiste nécessitent d’être révisés selon l’exigence – qu’elle-même a justement manifesté, en donnant priorité à l’attribution des “places” pour les éléments agents dans la structure – d’une critique et d’un dépassement de l’humanisme. Le point d’où l’analyse marxiste prenait toute sa force, et où aujourd’hui elle révèle toute sa faiblesse, est précisément sa manière d’entendre la distinction entre la valeur d’échange et la valeur d’usage, en supposant ainsi la présence, au-delà de l’abstraction de la valeur d’échange, d’une valeur concrète, d’une finalité humaine de la marchandise au moment de son rapport direct d’utilité pour un sujet. De plus, la force de travail étant une marchandise et en même temps un objet d’usage, le fait de concevoir le rapport entre la valeur d’usage et la valeur d’échange de la force de travail sous la forme d’une aliénation de cette valeur d’usage, il s’inscrivait naturellement dans la pratique du prolétariat, dans une phase historique où effectivement la révolution était la libération du travail, la domination du pôle travail sur le pôle capital, s’élever comme classe dominante. Marx lui-même utilise rarement le concept de valeur d’usage en dehors de la description de rapports d’échange (troc, petite production marchande, etc.) et attribue la priorité logique à la valeur d’échange; d’un autre coté, il garde à l’intérieur de cette structure, une sorte d’antériorité concrète, de positivité de la valeur d’usage, extremement naturalisée:

 « La nature est tout autant la sources des valeurs d’usage (qui sont bien, tout de même, la richesse réelle) que le travail, qui n’est lui-même l’expression d’une force naturelle, la force de travail de l’homme. » (Karl Marx, Critique du Programme de Gotha, Ed. Sociales, Paris 1966, p. 22)

« Le cercle M-A-M a pour point initial une marchandise et pour point final une autre marchandise qui ne circule plus et tombe dans la consommation. La satisfaction d’un besoin, une valeur d’usage, tel est donc son but définitif. » (Karl Marx, Le Capital., op. cit., livre I, tome I, p. 154)

« À l’ensemble des valeurs d’usage de toutes sortes correspond un ensemble de travaux utiles également variés, distincts de genre, d’éspece, de familles – une division sociale du travail. Sans elle pas de production des marchandises, bien que la production des marchandises ne soit pas point réciproquement indispensable à la division sociale du travail. » (Karl Marx, Le Capital, op. cit., p. 57)

Il ne faut donc pas être étonné du fait que le programme de transition du communisme soit conçu, en tant que libération de la valeur d’usage, comme conservation d’une certaine partie des rapports d’échange (à l’exception de l’échange entre capital et travail) et des catégories capitalistiques, c’est-à dire comme une sorte de retour socialement planifié du cycle M-A-M de la petite production marchande :

« Ce à qui nous avons affaire ici, c’est à une société communiste non pas telle qu’elle s’est développée sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste; une société par conséquent, qui, sous tous le rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancienne société des flancs de laquelle elle est issue. Le producteur reςoit donc indivuellement – les défalcations une fois faites – l’équivalent exact de ce qu’il a donné à la société. Ce qu’il lui a donné, c’est son quantum individuel du travail. Par example, la journée sociale de travail individuel de chaque producteur est la portion qu’il a fournie de la journée sociale de travail, la part qu’il y a prise. Il reςoit de la société un bon constatant qu’il a fourni tant de travail (défalcation faite du travail effectué pour le fonds collectifs) et, avec ce bon, il retire des stocks sociaux d’objects de consommation autant que coûte une quantité égale de son travail. Le même quantum de travail qu’il a fourni à la société sous une forme, il le reçoit d’elle, en retour, sous un autre forme. » (Karl Marx, Critique du Programme de Gotha, op. cit., p. 30)

Mais la valeur d’usage ne porte pas écrit sur le front ce qu’elle est : historiquement précédente, elle vaut comme positivité naturelle, mêlée à la simple utilité, lorsque le mouvement de valeur d’échange n’est pas encore arrivé à produire un monde à son image. Alors que le mode de production capitaliste parvient  à substituer ou absorber tout ses présupposés, alors que le travail mort arrive à surpasser le travail vivant dans le procès de production immédiat, alors que l’on ne peut plus distinguer le “travail” du “travail salarié”, parce que l’on n’a plus d’autres modes de production, même résiduels, ainsi, le rapport entre valeur d’usage et valeur d’échange n’est plus ce qui était :

« […] le rapport devient encore plus compliqué at apparemment plus mystérieux, quand, avec le développement du mode de production spécifiquement capitaliste, non seulement ces choses immédiatement matérielles – tout produits du travail; à considérer la valeur d’usage, conditions objectives du travail et produits du travail, à considerer la valeur d’échange, temps de travail général réalisé ou argent – se dressent face au travailleur et l’affrontent comme “capital”, mais que [en plus] le formes du travail socialement développé, la coopération, la manufacture (forme de la division du travail), la fabrique (forme du travail social organisé sur la base matérielle du machinisme) se présentent comme formes de développement du capital et que, par conséquent, les forces productives du travail développées à partir de ces formes du travail social, donc la science e les forces naturelles également, se présentent comme forces productives du capital. En fait, l’unité dans la coopération, la combinaison dans la division du travail, l’emploi, pour la production, des forces naturelles et de la science, au même titre que les produits du travail dans le machinisme, tout cela fait face aux travailleurs individuels eux-mêmes comme étant aussi étranger et chosifié, simple forme d’existence des moyens de travail indépendants d’eux et les dominant, que ces moyens de travail eux-mêmes qui, sous leur simple figure visible de matériau, d’instrument, etc. [leur] font face comme fonctions du capital et, par suite, du capitalisme.

« Les formes sociales de leur propre travail ou les formes de leur propre travail social sont des rapports formés tout à fait indépendamment des travailleurs pris indivuellement; subsumés sous le capital, les travailleurs deviennent les éléments de ces formations sociales, mais ces formations sociales ne leur appartiennent pas. Elles les affrontent donc comme figures du capital lui-même, comme des combinaisons qui, à la différence de leur puissance de travail isolée, appartiennent au capital, naissent de lui e lui sont incorporées. Et ceci prend une forme encore plus réelle à mesure que, d’un côté, leur puissance de travail est elle-même davantage modifiée par ces formes au point que, autonome, donc hors de ce rapport capitaliste, elle devient impuissante, sa capacité de production autonome est brisée, et que, d’un autre côte, avec le développement du machinisme, les conditions du travail apparaissent comme dominant le travail également du point de vue technologique et en même temps le remplacent, l’étouffent, le rendent superflu dans ses formes autonomes. » (Karl Marx, Théories sur la plus-value, Ed. Sociales, Paris 1974, tome I, pp. 457-458)

Pour nous, il est ici question de penser comme vrai et nécessaire cette “apparence”, cette façon de “se présenter” des forces sociales du travail comme formes de développements du capital. Le processus de production capitaliste n’existe pas deux fois : une fois en tant que processus d’une activité génériquement humaine, “nécessité éternelle” de la circulation entre homme et nature ; puis une seconde fois, comme processus de valorisation par lequel le produit s’aliène sous forme de marchandise. Les multiples processus du travail, les valeurs d’usage consommées ou produites par eux-mêmes, les “besoins humains” auxquelles ils répondent plus ou moins adéquatement, sont toutes des choses nullement fictives, mais ils existent uniquement de façon socialement produit, en tant que moments de la reproduction du rapport social du capital : reproduction du capital et reproduction de la force du travail à l’intérieur de lui-même. Valeur d’usage et valeur d’échange sont toutes deux, en contradiction réelle, sur la surface fétichiste ; cette dernière demande et reproduit elle-même cet effet[6] d’antériotité concrète de la valeur d’usage par rapport à la valeur d’échange. Il n’y a plus aucune réserve, plus aucune profondeur. Le fétichisme n’occulte pas la structure, ceci est précisemment le mode au travers duquel la structure peut se manifester.. Celle-ci n’est ni une forme sensible, ni une essence cachée ou une simple figure d’imagination[7] ; son statut est identique à la “théorie”, considérée comme la production d’un objet théorique particulier. La structure ne se définit pas comme une immanence du tout par rapport à chacune de ses parties (comme l’essence de la totalité hégélienne, qui est immédiatement présente, comme un noyau, dans toutes ses manifestations), mais au contraire pour la mécanique de certains éléments qui rend compte en même temps de la formulation du tout et de la variation des parties ; c’est une combinaison d’éléments formels qui n’ont en soi ni une forme propre, ni un sens intrinsèque, ni une réalité empiriquement constatable[8]. Si dans ce cadre il est possible de dire ce qu’est le fétichisme, c’est précisément parce que la valeur d’usage ne lui est plus étrangère, mais en est au contraire une partie constituante et un effet : on ne peut pas, d’une part, penser le fétichisme comme une totalisation et d’autre part croire d’en être en dehors[9]. Seulement en concevant sa propre capacité de dire « voilà le fétichisme » comme un fait intérieur au fétichisme lui-même il est possible d’abandonner une conception néo-illuministe de la conscience et de parvenir à une compréhension du capital qui soit  matérialiste.

Autotransformation

L’attente messianique de l’heure de la « détermination en dernière instance », d’une lutte décisive où il y a finalement en jeu l’absolu et la totalité, d’un moment où la contradiction de classe peut paraître finalement dans sa pureté cristalline, elle est le déplacement du contenu que le développement contradictoire du capital porte avec soi, attribué au seul moment de son dépassement. On a plusieurs fois confirmé : il existe la possibilité et même la nécessité de parler du communisme au présent. Non, évidemment, comme une pleine présence possédée par voie immédiate, ni comme une simple promise du futur, une prophétie ; c’est l’irréductibilité et l’inéluctabilité de la contradiction qui est le travail  productif à l’intérieur du capital[10] qui produit la nécessité des luttes, et qui nous permet d’affirmer que le communisme n’est pas un idéal ou un état de choses à réaliser, mais le mouvement réel qui abolit l’état de choses existant.

S’il existe cette perspective révolutionnaire qui nous appelons communisation, ce n’est pas parce qu’elle a toujours existé sous cette forme, ni parce que finalement la révolution est devenue ce qui, depuis toujours, aurait dû être : elle ne s’inscrit dans aucun processus téléologique, dans aucune invariance, ni dans une prétendue essence génériquement humaine gardée par une classe. Simplement, il n’existe plus aucune perspective révolutionnaire qui puisse s’incarner dans la libération d’un élément quelconque de la réalité actuelle. Libérer les forces productives, libérer les travailleurs, libérer les individus, etc. : toutes ces conceptions sont en retard d’une contrerévolution. En réalité, il y a une circularité logique nécessaire entre la suppression – comme postulat théorique – de la valeur d’usage en tant que positivité concrète, la reconnaissance d’une restructuration fondamentale dans le rapport d’exploitation, et le fait d’affirmer que l’activité du prolétariat, au cours de la révolution, peut produire immédiatement l’abolition de l’État, de la valeur, de la marchandise, de tous les rapports d’échange etc. en tant que mesures de combat. Quelle que soit la formule que l’on veuille utiliser pour la phase commencée vers le début des années ’70 (“deuxième phase de la subsomption reelle” ou autres), l’essentiel est de reconnaître la portée de la rupture, qui est historique et politique, économique et sociale en même temps : la contradiction entre prolétariat et capital est ingurgitée par le capital (restructuration du mode de production capitaliste). Cela n’équivaut pas à dire que la contradiction disparaît, mais qu’elle se transforme : le prolétariat ne peut plus faire la révolution et le communisme en faisant valoir simplement ce qu’il est à l’intérieur du mode de production capitaliste dans sa lutte contre le capital. Même si les intérêts opposés et leur caractère inconciliable demeurent (autrement il n’existerait aucune lutte), revendication et révolution se séparent à un niveau jamais expérimenté. D’un côté, ce que le prolétariat exprime justement dans ses luttes quotidiennes est sa condition réelle : le fait d’être une contradiction intérieure au capital et de ne pas pouvoir exister sans lui. De l’autre, son action en tant que classe ne peut pas mettre en péril l’existence du capital sans attaquer en même temps sa propre existence en tant que classe du mode de production capitaliste. Le passage des luttes quotidiennes revendicatives à la révolution implique donc une rupture dans le contenu même des luttes.

Logiquement, si on désigne le processus révolutionnaire comme autotransformation – c’est à dire comme coïncidence du changement dans l’activité et dans les conditions de l’activité – on ne parle plus, en sens restreint, d’une libération : c’est l’activité elle-même qui se transforme entièrement et qui n’est pas libérée par son “double” capitaliste, en demeurant presque ce qu’elle est déjà. Si nous affirmons que le communisme est l’immédiateté sociale de l’individu, ce n’est pas parce que nous croyons que le communisme rétablira une transparence originaire des rapports. Si nous affirmons que le communisme est la fin de la contradiction de genre ce n’est pas parce que nous croyons que dans le communisme les femmes seront finalement libres en tant que femmes ; le genre lui-même sera aboli, et avec lui les catégories “homme” et “femme”[11]. Il n’y a aucune condition antérieure qui serait gardée à un niveau supérieur, dans une Aufhebung de style hégélien. La production de rapports entre des individus singuliers, sans aucune communauté en tant que prémisse indépendante d’eux (État, classe, capital, nation, genre, etc) – est l’inconnu social. Là où il n’y a pas de plénitude à reconstituer ni d’archétype auquel se rapporter, là il manque aussi la normativité et la téléologie, et il est alors possible de concevoir l’histoire comme devenir sans origine ni fin, la révolution communiste comme production historique à l’intérieur d’elle même.

R. F. , novembre 2012


[1]           Cfr.  Éditorial, « SIC », n. 1, janvier 2011, p. 9.

[2]           « Ainsi, en Espagne, l’Histoire pose à nouveau le problème qui, en Italie et en Allemagne, a été résolu par l’écrasement du prolétariat : les ouvriers conservent à leur classe les instruments qu’ils se créent dans le feu de la lutte pour autant qu’ils les tournent contre l’État bourgeois. Les ouvriers arment leur bourreau de demain si, n’ayant pas la force d’abattre l’ennemi, ils se laissent à nouveau attirer dans les filets de sa domination […] Et, pour réaliser son plan contre-révolutionnaire, la Bourgeoisie peut faire appel aux Centristes, aux Socialistes, à la C.N.T., à la F.A.I., au P.O.U.M., qui, tous, font croire aux ouvriers que L’ETAT CHANGE DE NATURE LORSQUE LE PERSONNEL QUI LE GÈRE CHANGE DE COULEUR. Dissimulé dans les plis du drapeau rouge, le Capitalisme aiguise patiemment l’épée de la répression qui, le 4 mai, est préparée par toutes les forces qui, le 19 juillet, avaient brisé l’échine de classe du prolétariat espagnol. Le fils de Noske et de la Constitution de Weimar, c’est Hitler ; le fils de Giolitti et du « contrôle de la production », c’est Mussolini ; le fils du front antifasciste espagnol, des « socialisations », des milices « prolétariennes », c’est le carnage de Barcelone du 4 mai 1937. » (Plomb, mitraille, fusil, « Bilan », n. 41, mai-juin 1937). « Les phrases radicale des anarchistes n’étaient pas faites pour être suivies, elles ne servaient que d’instrument dans le contrôle des travailleurs par l’appareil de la CNT […] .La révolution est devenue le terrain de jeu des impérialistes rivaux. Les masses ont dû mourir sans savoir pour qui ni pourquoi. » (Paul Mattick, Les barricades doivent être retirées, «  International Communist Correspondence », n. 7-8, août 1937)

[3]           « Lorsque la notion de sens prit le relais des Essences défaillantes, la frontière philosophique sembla s’installer entre ceux qui liaient le sens à une nouvelle transcendance, nouvel avatar du Dieu, ciel transformé, et ceux qui trouvaient le sens dans l’homme et son abîme, profondeur nouvellement creusée, souterrain. De nouveaux théologiens d’un ciel brumeux (le cid de Koenigsberg), et de nouveaux humanistes des cavernes, occupèrent la scène au nom du Dieu-homme ou de l’Homme-Dieu comme secret du sens. Il était parfois difficile de distinguer entre eux. Mais, ce qui rend aujourd’hui la distinction impossible, c’est d’abord la lassitude où nous sommes de ce discours interminable où l’on se demande si c’est l’âne qui charge l’homme, ou si c’est l’homme qui charge l’âne et qui se charge lui-même. Puis, nous avons l’impression d’un contre-sens pur opéré sur le sens; car de toutes manières, ciel ou souterrain, le sens est présenté comme Principe, Réservoir, Réserve, Origine. Principe céleste, on dit qu’il est fondamentalement oublié et voilé; principe souterrain, qu’il est profondément raturé, détourné, aliéné. Mais, sous la rature comme sous le voile, on nous appelle à retrouver et restaurer le sens, soit dans un Dieu qu’on n’aurait pas assez compris, soit dans un homme qu’on n’aurait pas assez sondé. Il est donc agréable que résonne aujourd’hui la bonne nouvelle : le sens n’est jamais principe ou origine, il est produit. Il n’est pas à découvrir, à restaurer ni à re-employer, il est à produire par de nouvelles machineries. II n’appartient à aucune hauteur, il n’est dans aucune profondeur, mais effet de surface, inséparable de la surface comme de sa dimension propre. Ce n’est pas que le sens manque de profondeur ou de hauteur, c’est plutôt la hauteur et la profondeur qui manquent de surface, qui manquent de sens, ou qui n’en ont que par un « effet » qui suppose le sens. » (Gilles Deleuze, Logique du sens, Ed. de Minuit, Paris 1969, pp. 89-90)

[4]             « Malgré de beaux jours hégéliens ou marxistes, ou à la cause d’eux, l’alienation de soi est devenue un concept apologétique, parce qu’elle donne à comprendre, avec des airs paternalistes, que l’homme se serait séparé d’un en-soi qu’il a toujours été, alors qu’en fait il ne l’a jamais été […] Que ce concept ne figure plus dans le Capital de Marx, cela n’est pas seulement déterminé par le thème économique de l’œvre, mais cela a une signfication philosophique. » (Theodor W. Adorno, Dialectique négative, Payot, Paris 1978, pp. 335-336). Par rapport à la thèse althusserienne de la coupure épistémologique – que ce fragment d’Adorno semble confirmer – il faut pourtant souligner que le passage de Marx du “communisme philosophique” (pre-programmatique) à la critique de l’économie politique (programmatisme), marque une rupture moins radicale de ce qui pourrait sembler en ce qui concerne l’humanisme, qui est transformé mais non dépassé. La conception de la théorie en tant que science – reprise avec une certaine emphase par l’Althusser “théoriciste” – en est partie intégrante.

[5]              « La consommation de la force de travail est en même temps production de marchandises et de plus-value. Elle se fait comme la consommation de toutes autres marchandises, en dehors du marché ou de la sphère de circulation. Nous allons donc, en même temps que le possesseur d’argent et le possesseur de force de travail, quitter cette sphère bruyante où tout tout se passe à la surface et aux regards de tout, pour les suivre tous deux dans le laboratoire secret de la production sur le seuil duquel il est écrit: No admittance except on business. Là, nous allons voir non seulement comment le capital produit, mais encore comment il est produit lui-même. La fabrication de la plus-value, ce grand secret de la société moderne, va enfin se dévoiler. » (Karl Marx, Le Capital, op. cit., p. 178)

[6]           « Un tel effet n’est nullement une apparence ou une illusion ; c’est un produit qui s’étale ou s’allonge à la surface, et qui est strictement coprésent, coextensif  à sa propre cause, et qui détermine cette cause comme cause immanente, inséparable de ses effets, pur nihil ou x hors des effets eux-mêmes. » (Gilles Deleuze, Logique du sens, op. cit, p. 88)

[7]           « La plus-value est l’essence du profit, de l’intérêt et de la rente. Elle se manifeste dans leur valeur totale, leur valeur particulière, leur relation. Mais l’essence n’est ni une chose réelle (réellement existante particularisée), ni un simple mot ou une simple connaissance, c’est une relation constitutive. » (Théorie Communiste, Autoprésupposution du capital: essence/surface/fétichisme, « Théorie Communiste », n. 23, mai 2010, p. 164)

[8]           « Le capital en général n’est pas immanent aux capitaux particuliers. Le mode de production est une structure mais pas une structure significative, il n’admet pas la causalité leibnizienne de la monade, ni l’immanence du Tout dans les parties qui ne sont que l’automouvement du Tout comme chez Hegel qui reprend la causalité de Leibniz contre la causalité transitive cartésienne. C’est la relation nécessaire des particularités entre elles qui se différencie de celles-ci et la différenciation de cette relation est un moment nécessaire de l’existence et de la reproduction (à leurs risques et périls) des particularités et individualités en tant que capital . » (Théorie Communiste, ibid.)

[9]            « C’est le fétichisme lui-même qui en tant que tel se donne pour ce qu’il est, de façon interne, naïvement, parce qu’il n’est pas un voile sur la réalité, mais une pratique sociale définissant cette réalité. Concrètement, on serait tenté d’écrire empiriquement, les classes sociales et leur contradiction ne se construisent pas et n’apparaissent pas à elle-mêmes en dévoilant le fétichisme mais grâce à lui, dans son mouvement (encore une fois, soyons spinozien et ne cherchons pas l’être en dehors de ses attributs). » (Théorie Communiste, op. cit., p. 169)

[10]         « Si le prolétariat ne se limite pas à la classe des travailleurs productifs de plus-value, c’est la contradiction qu’est le travail productif qui le construit. Le travail productif (de plus-value, c’est-à-dire de capital) est la contradiction vivante et objective de ce mode de production. Il n’est pas une nature attachée a des personnes: le même travailleur peut accomplir des tâches productives et d’autres qui ne le sont pas ; le caractère productif du travail peut être défini au niveau du travailleur collectif; le même travailleur (interimaire) peut passer, d’une semaine à l’autre d’un travail productif à un autre qui ne l’est pas. Mais le rapport de l’ensemble du prolétariat au capital est construit par la situation contradictoire du travail productif dans le mode de production capitaliste. »  (R.S., Le moment actuel, in « SIC », n. 1,  gennaio 2011)

[11]          On peut facilement démontrer la liaison entre humanisme/téléologie et ce que la théorie féminsiste radicale a définit d'”essentialisme” ou “mythe de la complémentarité des sexes”. Genre ou valeur d’usage, c’est la même naturalisation qui est mise en œuvre. Le rapport “homme-nature” est lui-même, immédiatement, un rapport social – ce que contredit le concept même de ce rapport.

  1. adé
    16/09/2013 à 17:42 | #1

    … dans la mesure où la théorie de la communisation sera de plus en plus une “détermination objective”[1] incontournable de l’actuel cycle de luttes,..

    Sauf votre respect, ça n’est pas difficile puisqu’actuellement je ne vois cela nulle part, à partir de là, tous les doutes -et pourquoi pas- tous les espoirs sont permis.

  2. Patlotch
    23/11/2013 à 15:43 | #2

    « [11] On peut facilement démontrer la liaison entre humanisme/téléologie »

    L’humanisme est-il seul, en tant que théorie du communisme, à faire preuve de téléologie ou de messianisme ?

    « dans la mesure où les hypothèses exprimées par la rédaction de SIC sur le présent et le futur de l’actuel cycle de luttes sont correctes, dans la mesure où la théorie de la communisation sera de plus en plus une “détermination objective”[1] incontournable de l’actuel cycle de luttes, la nécessité de se présenter avec clarté devant les cercles d’individus et groupes jusqu’ici restés en dehors du débat sur la communisation, mais qui vont manifester de l’intérêt à propos de « nos » formulation, sera de plus en plus urgent »

    « On a plusieurs fois confirmé : il existe la possibilité et même la nécessité de parler du communisme au présent. Non, évidemment, comme une pleine présence possédée par voie immédiate, ni comme une simple promise du futur, une prophétie ; c’est l’irréductibilité et l’inéluctabilité de la contradiction qui est le travail productif à l’intérieur du capital »

    « S’il existe cette perspective révolutionnaire qui nous appelons communisation, ce n’est pas parce qu’elle a toujours existé sous cette forme, ni parce que finalement la révolution est devenue ce qui, depuis toujours, aurait dû être : elle ne s’inscrit dans aucun processus téléologique, dans aucune invariance, ni dans une prétendue essence génériquement humaine gardée par une classe. »

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