CONJONCTURE ÉPIDÉMIQUE crise écologique, crise économique et communisation
CONJONCTURE ÉPIDÉMIQUE
crise écologique, crise économique et communisation
La production capitaliste, qui n’a jamais été « respectueuse » du vivant, a fini par produire dans les années 1970 et 1980, càd bien avant l’épidémie apparue en Chine à l’automne 2019, une crise écologique à la fois globale et permanente (1), sous la forme d’une pollution généralisée avec détraquement du climat. Cette crise est globale en tant qu’elle menace à terme la reproduction de la biosphère terrestre, dont dépend aussi la vie humaine. Elle est permanente en tant qu’elle est intrinsèque à la subsomption réelle du travail et de la nature sous le capital. En d’autres termes, alors même qu’elle représente un problème majeur du point de vue de la classe capitaliste en tous ses États et blocs, elle ne peut pas être effectivement surmontée dans les limites d’une nouvelle restructuration supérieure du rapport d’exploitation à l’échelle mondiale. Par contre, une restructuration supérieure du rapport, intégrant mieux le discours écologiste à prétention radicale, reste possible, comme reste possible une rupture communisatrice dans et contre cette restructuration que la classe capitaliste va tenter d’imposer.
Dans la pandémie de corona-virus se conjoignent deux processus d’abord autonomes, puisque depuis les années 1970 les crises économiques et la destruction continue du vivant n’étaient pas immédiatement liées. Or entre novembre 2019 et mars 2020, une épidémie apparue dans la ville de Wuhan s’est étendue très vite au monde entier, manifestant une fois de plus la gravité de la crise écologique tout en précipitant l’éclatement d’une crise économique majeure, qu’on sentait venir depuis la précédente, contenue mais non surmontée. D’une part, la pollution croissante des terres, des mers, et de l’air, le réchauffement climatique, l’épuisement des sols et la déforestation massive, l’urbanisation folle qui stérilise les terres et rend toutes les villes de plus en plus inhabitables, les épidémies dont la propagation est facilitée par la destruction des barrières naturelles qui limitaient autrefois la circulation des virus, et le bousillage objectif du matériel humain par l’industrie pharmaceutique sont autant d’aspects de la crise écologique permanente, insurmontable dans les limites de la reproduction élargie du capital. D’autre part, en ce printemps 2020, le ralentissement déjà constatable de la production et des échanges, l’exacerbation des tensions entre États et blocs, la nécessité, pour toutes les fractions de la classe dominante, de prendre des mesures cette fois radicales pour relancer l’accumulation sur une base plus « saine », et leurs tentatives prévisibles pour nous embarquer dans leurs conflits internes définissent la crise économique en cours, qui marquera de toute façon la fin du cycle ouvert dans les années 1970, sinon la « crise finale » du système. Car cette conjoncture épidémique de la destruction continue du vivant et de la crise de reproduction actuelle du capital, c’est d’abord à nous, prolétaires et communistes, de l’affronter, en théorie comme en pratique. Non parce que nous serions révolutionnaires par nature, mais parce que dans cette conjoncture nous sommes tous et toutes dans leur collimateur.
Contrairement à ce qu’a soutenu Camatte, quand il a théorisé la fuite hors de la communauté matérielle du capital, il n’y a pas d’errance de l’humanité (2), parce que les êtres humains, d’emblée divisés par le rapport social de genre, n’ont jamais existé que sous des modes et rapports de production de la vie matérielle socio-historiquement déterminés. La dégradation du milieu naturel terrestre apparaît, sous des formes limitées, sur des territoires parfois très vastes mais à un rythme très lent, bien avant la constitution du mode de production capitaliste. Mais pour que la production de la vie matérielle des nombreux groupes humains qui ont peuplé la Terre puisse devenir tendanciellement destructive de ce milieu, il faut que le capital s’établisse comme mode de production dominant et s’impose dans son développement à toute la planète, au prix de la destruction des anciens modes de production et de l’intégration ou de l’extermination des peuples non encore formellement soumis à l’esclavage salarié. Dans ce processus, qui débute lors de l’accumulation primitive du capital mais se développe seulement une fois la production capitaliste établie en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, au début du 19° siècle, on peut dégager deux moments décisifs. D’abord, la subsomption réelle du travail et de la nature sous le capital, qui s’effectue autour de la Première Guerre mondiale, avec la mise en place de l’organisation scientifique du travail dans tous les pays développés et l’achèvement de la colonisation du monde par les puissances européennes. Ensuite, la production de la crise écologique globale, qui correspond au développement d’un nouveau cycle d’accumulation et de luttes, càd, d’abord, à une restructuration mondiale du rapport d’exploitation, dans les années 1970 et 1980, supprimant tout ce qui fondait encore l’identité ouvrière et donc l’affirmation de la classe, au niveau de l’usine comme de la société.
Mais si la crise écologique s’est produite au cours de la dernière restructuration capitaliste, on peut se demander pourquoi les groupes issus après 1968 de l’ultragauche française ne l’ont pas intégrée dans la problématique de la communisation, comme abolition révolutionnaire sans transition du capitalisme. Fondé en 1977, le groupe Théorie Communiste a bien compris que cette restructuration destructive du « vieux mouvement ouvrier » impliquait la reproduction de la contradiction prolétariat / capital sous une forme où le prolétariat tend à produire son existence de classe comme contrainte extériorisée dans la classe capitaliste (3). Mais ni TC ni aucun autre groupe théorisant la communisation n’a compris que la restructuration incluait dès l’origine la production d’une crise écologique à la fois globale et permanente. En effet, la manière dont s’est présentée d’abord la contre-attaque capitaliste comme la contestation généralisée qui s’est produite avec la défaite ouvrière ont pour ainsi dire fait s’évanouir le problème avant même qu’il soit posé. D’une part, la classe capitaliste n’a pas tenu compte du rapport d’experts paru en 1972 sous le titre The Limits To Growth (Halte à la croissance !) : elle a relancé l’accumulation en s’attaquant d’abord aux rigidités du travail sur la chaîne mondiale, sans se soucier ni d’épuisement des ressources (matières + énergie nécessaires à la production) ni de pollution généralisée (destruction tendancielle de la biosphère). D’autre part, les luttes (interclassistes) menées sur le front de l’écologie politique – notamment contre la production d’énergie nucléaire – se sont vite enlisées dans l’idéologie réformiste de la décroissance, car elles mettaient en cause abstraitement le productivisme, non la production de survaleur, le capital comme valeur en procès. Enfin, il faut ajouter à ces deux facteurs spécifiques un facteur plus général. Pensant la communisation au présent des luttes quotidiennes du prolétariat agissant strictement en tant que classe, TC, avait non seulement à combattre l’idéologie bourgeoise de la fin du prolétariat mais aussi l’idéologie révolutionnaire de la communisation à titre humain, ce qui l’empêchait, au moins dans un premier temps, d’intégrer à son travail un problème a priori susceptible de mettre en cause la cohérence de la théorie en cours d’élaboration.
Dans les limites de la reproduction élargie du capital, la crise écologique n’est pas surmontable. En effet, le capital est production pour la production, tendance corrigée de façon récurrente par les grandes crises économiques scandant la succession des cycles d’accumulation mais s’affirmant à nouveau dans chaque restructuration. Autrement dit, la reproduction élargie de la valeur capital en procès implique une production croissante de matières et d’énergie (capital constant = moyens de production, notamment la machinerie) et de produits de consommation (capital variable = salaire = produits nécessaires aux travailleurs). Et comme la baisse tendancielle du taux de profit moyen n’est compensée par la hausse tendancielle du taux d’exploitation qu’au prix d’une hausse relative du capital constant bien supérieure à celle du capital variable, il en résulte en même temps une aggravation constante de la dégradation du milieu naturel vivant et une aggravation constante de la situation sociale du prolétariat par rapport à la classe qui l’exploite. Certes, la classe exploiteuse ne peut pas éviter d’intégrer au moins formellement dans ses calculs la dégradation catastrophique de la biosphère et d’abord dans la mesure où cette dégradation affecte le travail global qu’elle pose comme nécessaire à la valorisation maximale du capital global accumulé. Elle doit par exemple réfléchir aux moyens de préserver la force de travail, donc de limiter l’impact des épidémies à venir, sachant qu’elle ne peut plus empêcher la propagation accélérée des virus. De même, elle doit réfléchir aux moyens de limiter l’impact déjà notable de l’urbanisation et de l’épuisement des sols sur la production de nourriture. Cependant, sa compréhension de l’ensemble des problèmes dits écologiques n’est jamais que formelle, car elle ne peut pas mettre en cause la production continue de survaleur. La crise écologique n’est pas la contradiction du capital, qui reste l’exploitation – ou plutôt les deux contradictions se construisant l’une l’autre de l’exploitation de classe et de la division de genre – mais la lutte de classe du prolétariat, toujours embarrassée de surdéterminations (comme la racisation), est désormais surdéterminée aussi par le fait que la reproduction du capital menace la reproduction de la vie humaine.
Dans la conjoncture épidémique présente, les communistes ont certes besoin d’une vision politiquement active du clivage qui peut s’opérer, au ras du vécu, entre les classes. (4) Clivage à l’intérieur des populations confinées, entre les prolétaires, hommes et femmes, dont une large part est dans tous les pays réquisitionnée pour bosser – à l’usine, au supermarché, à l’hôpital – et les capitalistes, qui s’efforcent de préserver leurs conditions d’exploitation immédiates tout en cogitant sur les moyens de relancer l’accumulation, au-delà de la purge nécessaire du capital fictif. Cependant, nous ne pouvons pas aller plus vite que le vent, même s’il souffle déjà très fort. D’une part, l’épidémie Covid apparaît immédiatement comme une perturbation extérieure à la société globale : non seulement à la classe capitaliste, mais aussi à la masse du prolétariat et même à la plupart des révolutionnaires. D’où l’adhésion formelle des prolétaires au confinement, pourtant critiquable non seulement d’un point de vue communiste mais même d’un point de vue scientifique, et les formules radicales abstraites du genre « tout est lié au mpc ». (5) D’un point de vue communiste, le désir des prolétaires dont le travail est jugé essentiel de rester chez eux, à toucher leur salaire sans bosser, se comprend fort bien, mais participe à l’atomisation du prolétariat, donc à la paix sociale dont la classe ennemie a besoin pour restructurer. D’un point de vue scientifique, on peut se demander si le confinement est vraiment utile pour contenir une épidémie, poser en principe qu’il faut toujours identifier très vite les porteurs de virus et imposer des quarantaines ciblées, et constater qu’en fait les autorités sanitaires, passant de l’inaction à la panique, ont confiné faute de mieux. (6) D’autre part, si le confinement plus ou moins général des populations est plus un aveu d’échec sanitaire des États qu’une réponse rationnelle à l’épidémie et s’il ne peut pas être indéfiniment maintenu au même niveau très élevé qu’il a atteint en Chine et même, dans une moindre mesure, dans plusieurs États européens, le déconfinement risque d’être partiel et sélectif. À cet égard, la critique de l’analyse des camarades chinois de Chuang par les camarades italiens de Lato Cattivo (7) est elle-même critiquable : une expérience de contre-insurrection peut être menée dans les conditions de l’épidémie, à titre préventif. En Chine comme en Europe ou en Amérique, not so great again, l’État, séparé de la lutte des classes pour mieux y intervenir, n’a pas besoin d’avoir une stratégie toute prête : la contre-insurrection, c’est comme la restructuration, ça se bricole au fil des luttes, contre les prolétaires.
« Tu veux savoir si t’as le corona ? Crache sur un bourgeois et attend ses résultats ! Solidarité avec les travailleuses. » Ce message bombé sur un drap dans le centre de Marseille dit bien dans quelle voie nous sommes forcé(e)s de nous engager, sous peine de crever, non du fait de « l’ennemi invisible » mais du fait de notre ennemi très visible et actif : la classe capitaliste. Nous avons tous et toutes grand besoin de sortir. Non pas seulement pour aller bosser, pour faire la queue à l’entrée du supermarché, ou pour faire un peu d’exercice chacun-e dans son coin, non pas même pour nous faire tester (bien que ça ne fasse pas de mal), mais pour nous battre tous ensemble contre l’exploitation très aggravée qu’ils sont en train de nous imposer. De l’air ! Mort à la peur ! Mort à l’Union sacrée sanitaire !
FD
11 avril 2020
Notes
1) Concept à construire, dans la perspective de la communisation.
2) Errance de l’humanité, 1973, sur le Net.
3) Voir les analyses de Théorie Communiste, sur leur site.
4) RS, à propos du texte de Chuang, Contagion sociale, sur le site dndf.
5) Coronavirus, croissance de l’État, et reproduction, dndf.
6) Lorgeril, Science du confinement ou Confinement de la science ?, sur le Net.
7) Covid-19 et au-delà, sur dndf.
j’ai fait mes commentaires à ce texte dans
ÉCOLOGIE, CAPITAL et CORONAVIRUS
https://patlotch.forumactif.com/t240-ecologie-capital-et-coronavirus#3384
“une texte “historique” et refondateur de la théorie de la communisation, une première (après ma rupture avec ce milieu, puisque ma tentative en 2014 pour que la dimension écologique soit intégrée à la théorie de la communisation avait échoué)”
FD crève un abcès de plusieurs années, Hic Salta !
Je suis allé voir Chez Patloch qui rebondit sur le texte de FD ci-dessus, j’ai trouvé cela intéressant…. je vous en ramène ceci:
“SEPT THÈSES PROVISOIRES
DANS LE SALE AIR DU TEMPS
et DE LA PEUR
pour favoriser l’émergence de luttes efficientes
contre la pandémie, l’État, et le Capital
1. la crise déclenchée par la pandémie du Covid-19 est d’emblée mondiale bien qu’en soit progressive et inachevée l’expansion des conséquences sanitaires, économiques et sociales, sociétales et écologiques, subjectives et psychologiques de tous ordres et désordres. Elle présente des caractères historiquement inédits depuis les débuts du capitalisme comme mode de production au XIXe siècle, et fait remonter au présent des contradictions profondes de l’activité humaine séparée de la nature depuis des millénaires : c’est une crise écologique dans celle du système capitaliste qui va chercher à se perpétuer par une restructuration globale
– corollaire 1
cette restructuration poursuivra, une fois surmontée l’arrêt de l’industrie, la mise en œuvre improbable de l’idéologie du capitalisme vert, sous les masques séduisants de greenwashing, de transition énergétique ou écologique, entraînant au nom de la démocratie leur approbation politique par une grande partie des populations
– corollaire 2
cette crise n’a pas de solutions nationales, d’alliances continentales ou transnationales. Elles conduiraient inévitablement à des guerres à toutes échelles
– corollaire 3
cette crise crée une conjoncture offrant, localement ou plus largement, l’opportunité de luttes conséquentes contre le système capitaliste, mais aussi celle de l’embarquement de prolétaires et d’autres dans des mouvements politiques et luttes de caractère nationaliste, populiste, néo-conservateur et réactionnaire
– corollaire 4
cette crise appelle une refondation de la théorie communiste intégrant la dimension écologique pour viser la perspective de la communauté humaine dans le vivant
2. dans le capitalisme actuel, l’intrication des champs de la production, de la circulation et de la valorisation des marchandises est telle qu’ils sont tous des moments essentiels et complémentaires de la reproduction du capital
– corollaire 1
tous les salariés sont appelés à être “déconfinés” de gré ou de force pour reprendre le travail, car tous essentiels les un.e.s et les autres en proportions variables à la production, aux transports et à la circulation, à la vente et, en tant que force de travail ou simplement comme êtres humains pour leur reproduction, à la consommation des marchandises
– corollaire 2
le prolétariat, classe ouvrière ou paysanne pauvre, n’est pas “déconfiné” de façon sélective. Jamais confiné en masse concernant le travail dit “essentiel”, il continuera cependant d’être le plus soumis à l’exploitation et à la domination capitalistes, comme aux dangers de l’épidémie, et en première ligne les femmes et les personnes soumises à la domination raciste de couleurs de peau, origines et religions variables selon les contrées
– corollaire 3
le prolétariat ne peut seul en tant que classe abolir toutes les classes. Il n’a ni mission historique centrale ni rôle de direction à tenir dans les luttes pour sortir de cette crise et du capitalisme, mais il y tient une fonction spécifique essentielle liée à sa place dans les rapports sociaux de production. Sans cette activité productrice, et donc sans l’arrêter pour en changer les formes et objectifs par ses luttes particulières, sortir du capitalisme sera impossible
– corollaire 5
les classes ou couches moyennes sont diversement impliquées dans ces moments de la reproduction du capital, jusqu’à des fonctions d’encadrement du prolétariat productif, ou des activités professionnelles parfaitement inutiles voire nuisibles au bien-être de la population, ou seulement de façon idéologique et illusoire. C’est seulement dans l’activité de lutte révolutionnaire et contre elle que ces aspects émergeront pour préserver ce que beaucoup ne voudront pas perdre ou retrouver, leurs chaînes, nécessitant la destruction ou la réorientation de fonctions défavorables au mouvement communiste. Des luttes violentes en surgiront inévitablement, qu’il n’est au pouvoir de quiconque d’empêcher. Une insurrection n’est pas un dîner de gala
3. la seule conscience à même d’armer en théorie et en pratique les luttes révolutionnaires est la conscience du capital, compréhension de l’existence de la classe capitaliste comme source en dernière instance des problèmes de l’humanité. Cette classe, à la différence des autres, est consciente d’elle-même, de son action pour sa reproduction, sans bornes à la destruction de l’humanité et du vivant
– corollaire
il découle des points précédents que la théorie sourd des luttes telles qu’elles sont, jamais en avance sur elles, ni guide pour les orienter. Son rôle est fort. Il consiste d’abord à favoriser l’émergence de cette conscience du capital, puis d’une subjectivation des luttes en ce sens, ces deux temps n’étant pas successifs mais simultanés selon à qui la théorie est adressée, autant que possible en termes simples et sans concepts qui n’auraient d’intérêt théoriques ou pratiques concrets
4. le caractère écologique et épidémique de la crise actuelle est surdéterminé par la crise économique et sociale, mais ne disparaîtra pas tant qu’un vaccin n’aura pas été découvert et mis à disposition dans le monde entier
– corollaire
les activités humaines doivent s’en protéger, qu’elles soient inhérentes à la vie économique et sociale du capitalisme, ou activités de luttes contre lui. Les luttes suicidaires sous le slogan « Le communisme ou la mort ! » ne sont pas de mise. Il est assez du capital et de l’État pour se charger de laisser crever ceux qui lui sont inutiles, de réprimer les salariés en luttes, les communistes en premier lieu, sans qu’ils se contraignent à servir leurs cadavres sur le plateau de leur désespoir
5. dans la période actuelle, les luttes contre le capital comportent celles contre l’incapacité des États à enrayer la pandémie, car leur priorité est l’économie, parfois allant avec la préservation de la population comme force de travail, mais le plus souvent contre d’autant que n’y contribuent pas personnes âgées ou malades ni surpopulation exclue de l’exploitabilité. Ces luttes contre le capital sont donc de fait inséparables des moyens de combattre la pandémie, notamment dans le secteur de la santé
– corollaire 1
ces luttes sont inévitablement interclassistes car elles intègrent d’une part les contradictions de toutes luttes revendicatives ou défensives sous le capitalisme, d’autre part l’activité de salariés de la santé, dits “personnels soignants”, de toutes classes sociales. On peut difficilement y discerner pour les en séparer celles qui, menées par le prolétariat, seraient de nature à dépasser ces distinctions entre classes non capitalistes
– corollaire 2
se présentant comme avant-garde révolutionnaire dans un “nous prolétaires” qu’il n’est pas très souvent, l’ultragauchisme théorique et activiste cherchera à attiser cette segmentation des luttes, mais n’aboutira qu’à reproduire la mascarade anti-policière et ses dérisoires destructions des symboles du capital et de l’État, vitrines de banques, mobilier urbain, bâtiments et véhicules de police, commerciaux et administratifs… apportant sa contribution débilitante à l’appareil répressif de l’État, comme on l’a vu dans le mouvement des Gilets jaunes qu’il a fini par faire péricliter en prétendant le pousser plus loin
6. (librement inspiré par le Manifeste du parti communiste de Marx et Engels, 1847)
les communistes ne forment pas un parti, leur association est anti-représentative et anti-politique. Ils participent selon la conjoncture du moment à l’auto-organisation des luttes les plus efficientes contre le capital
n’étant pas nécessairement des prolétaires, les communistes non pas à se prendre ou se faire passer pour tels
ils ne cherchent pas à guider ni conduire les luttes. Leurs interventions théoriques ou pratiques sont performatrices et sinon contre-productives
pratiquement, ils sont la fraction la plus stimulante des luttes pour la communauté humaine; théoriquement, ils tentent de saisir dans la conjoncture du moment les occasions qu’elle produit de franchir les limites du capitalisme
leurs conceptions théoriques ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel théoricien qu’ils se donneraient pour leader objectif. L’apparition de tels prétendants doit les alerter comme ils doivent en préserver les luttes et leur auto-organisation effective
ces conceptions sont l’expression générale des conditions concrètes des luttes existantes au présent sous nos yeux, aux échelles locales, régionales, et mondiale
7. ces lignes sont écrites par un, qui se veut communiste ou anarchiste, des noms sans importance, car ce qu’ils signifient n’est pas dans un nom. C’est celui de la lutte pour l’émancipation vers la communauté humaine dans le vivant, à laquelle chacun.e peut contribuer du meilleur de lui- ou elle-même de multiples façons complémentaires sans hiérarchie de tâches nobles ou subalternes, sans besoin d’étiquette ni de label révolutionnaire
(à modifier ou compléter)
En effet, dans ce cycle de lutte, pour le prolétariat, agir en tant que classe c’est n’avoir pour horizon non seulement la reproduction des conditions de sa propre exploitation mais aussi la destruction des conditions de sa propre survie comme être vivant… Et le capitalisme vert ça ne sera qu’une destruction ÉCOLOGIQUE de la nature… Quelle misère !
J’ai lu le texte de Patlotch reproduit par Sheldon Cooper, mais je réponds d’abord à son interpellation directe : « allez, saute ! », rejoins-moi donc pour refonder le milieu communisateur sur un bon vieil humanisme théorique du troisième type, non seulement « post-prolétarien » et « post-révolutionnaire » mais « post-écologiste » càd fondé sur l’idée fausse de l’errance de l’humanité. Je n’ai pas voulu poser la question écologique sur Dndf dans une perspective de refondation du milieu communisateur pour, face à un possible refus de discussion, rompre avec le milieu. Cette méthode-là, c’était plutôt celle de Patlotch – si j’ai bien compris. Ce que j’ai tenté, c’est de montrer 1 que la production capitaliste a fini par produire une crise écologique à la fois globale et permanente 2 que la théorie communiste en général, et pas seulement le groupe TC, devra tôt ou tard intégrer la question dans sa problématique et que le plus tôt sera le mieux 3 qu’en tout cas dans la conjoncture épidémique présente, le rapport capital / nature est impliqué. Maintenant, sur les Sept Thèses reproduites ici, quelques réponses brèves, juste pour bien préciser ma démarche.
1 Oui, la crise pandémique est d’emblée mondiale, mais ce n’est qu’un moment, certes critique, dans la crise écologique permanente du capital en domination réelle sur le prolétariat et la société, donc sur la nature.
2 À présent, tous les travaux salariés sont essentiels au capital. Oui, mais pas tous au même niveau, ni également. La société capitaliste n’est pas la totalité expressive d’une aliénation humaine trans et supra-historique.
3 La classe capitaliste, à la différence des autres, est consciente d’elle-même. Donc le prolétariat est à « conscientiser » ?!? Non, la théo com ne « sourd » pas des luttes, c’est un travail critique sur ce qui se dit et comprend dans les luttes.
4 Des luttes prolétariennes ne se réglant pas sur les injonctions répressivo-sanitaires de l’État ne sont pas en tant que telles « suicidaires », mais seulement néces-saires, contre la restructuration qui déjà s’organise.
5 Des luttes contre le capital dans le secteur de la santé devraient en tout cas mettre en cause le chantage anti-grève permanent de l’État. Si j’étais infirmier, j’aurais vraiment les boules d’être réduit à des grèves purement formelles.
FD
@FD
il y a peut-être méprise sur mes intentions, qu’éclaiciront certainement les notes que j’ai ajoutées à ce texte, au demeurant modifié depuis sa publication ici par ce coquin de “Sheldon Cooper”, vu le personnage ;-)
il m’ennuierait beaucoup que l’interprétation en soit réduite par un tour de passe-passe au “bon vieil humanisme théorique du troisième type”, et c’est moi qui pose, pas seulement à partir de ce texte, mais de sources que j’utilise dans mon travail depuis 2002, avant de connaître la théorie de la communisation, et l’on y trouve aussi des emprunts ou discussions avec TC, Hic Salta, Endnotes… dans le champ de cette théorie, qui ne doivent rien à l’humanisme théorique, cf ce que je pense de Temps Critiques. Soit c’est une blague de plus, soit tout simplement et comme d’hab’ un moyen d’évacuer les questions que je pose depuis une douzaine d’années. J’ai l’habitude, qu’on ne s’inquiète pas pour moi, mais plutôt du pourquoi je dérange, comme le regretté Christian Charrier depuis 20 ans au moins, à qui j’ai voulu dédié ces “thèses provisoires” en reprenant un de ses titres en 2003
je suis donc d’accord avec FD, je n’ai pas voulu récupérer son texte et fait bien plus que “rebondir” dessus, mes désaccords avec lui sont signalés en #1, et je n’ai pas fait que “rebondir” dessus. Je ne pense pas qu’il soit possible d’intégrer la dimension écologique (au sens scientifique de fonctionnement du vivant) dans la théorie de la communisation, et je m’étonne même que FD le pense possible structurellement pour le corpus de TC, ou Hic Salta qui n’en a jamais parlé. Si j’ai quitté ce milieu en 2014, j’ai compris un peu après que cet intégration théorique était impossible
c’est un cycle de la théorie communiste qui est bouclé, pour moi depuis le début du siècle, pour le capitalisme et la théorie de la communisation depuis les années 70
https://patlotch.forumactif.com/t232-theorisation-radicale-par-temps-de-coronavirus#3394
il serait au demeurant dommage que la discussion ici soit détournée du texte de FD, ce n’est pas moi qui ai importé de quoi le faire, et ce n’est pas mon intention de squatter ce sujet, ni d’autres chez Pepe
https://patlotch.forumactif.com/
Rien à voir, est-ce que quelqu’un sait si il existe des statistiques socioprofessionnelles des personnes hospitalisées/décédées du virus ? Je harcèle le “live” du Monde en vain.
« le taux d’hospitalisation, le taux de décès et le taux de surmortalité sont d’autant plus élevés dans un département que celui-ci présente une forte densité, que les ouvriers représentent une part importante dans la population active et que les inégalités de revenu (mesurées par le rapport interdécile) sont élevées…
les catégories populaires risquent certainement davantage d’être infectées par le coronavirus en raison de leurs conditions de travail et de logement (elles occupent des emplois exigeant une relation de face-à-face avec la clientèle, elles réalisent des tâches de production pouvant difficilement être réalisées à distance, elles ont moins accès au numérique, elles risquent davantage de vivre dans un logement surpeuplé, de ne pas avoir d’alternative aux transports en commun pour se déplacer, etc.) »
https://blogs.alternatives-economiques.fr/anota/2020/04/23/covid-19-l-epidemie-est-la-plus-meurtriere-la-ou-les-inegalites-sont-les-plus-fortes
En complément, y compris international, du commentaire de Christian:
https://www.franceculture.fr/emissions/radiographies-du-coronavirus/la-covid-19-une-maladie-de-pauvres
Les demandes de chômage aux États-Unis dépassent les 26 millions
« 4,4 millions d’Américains supplémentaires ont déposé la semaine dernière
Le dernier chiffre du département du travail montre que le rythme des licenciements semble avoir légèrement ralenti mais un arriéré de réclamations signifie que des millions d’autres devraient déposer au cours des prochaines semaines. Les États à travers le pays rencontrent des problèmes avec le nombre de personnes qui demandent des allocations de chômage. »
https://www.theguardian.com/business/2020/apr/23/us-unemployment-claims-benefits-coronavirus