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Fliquage et fichiers : principes de base pour être moins parano

La tendance est à la paranoïa quant aux diverses surveillances, fichiers et autres informations traçables sur le Net ou par les « services ». Un grand « Ils » qui aurait les moyens de nous écouter même le téléphone portable éteint et d’épier dans l’ombre l’inavouable de nos plus belles romances.

Il est cependant important de rappeler quelques principes de base du monde du renseignement afin que le citoyen puisse y voir un peu plus clair.

La paranoïa, tout d’abord, est une tendance schizophrène à relier avec la mégalomanie. En clair, on se croit tellement important qu’ « Ils » emploieraient à plein temps un type pour aller analyser notre profil Facebook, étudier le rapport annuel de notre passe Navigo et de nos relevés de banque, et regarder des heures de video-surveillance pour avoir notre meilleur profil.

Vu le temps et le travail que cela demande, il faudrait qu’une moitié de la population surveille l’autre moitié. C’etait le cas de la Stasi, qui y parvenait très bien sans Internet. Ce n’est très certainement pas le cas de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) soumise aux mêmes coupes budgétaires que le reste de l’Etat Sarkozy.[print_link]
Les sept étapes du cycle du renseignement

La collecte du renseignement est la troisième des 7 étapes de ce qu’on appelle le cycle du renseignement. Les autres sont : demande, planification, décryptage, synthèse, distribution et feedback (c’est sur le site de la DGSE et du FBI).

Concrètement :

  1. Bush demande a ce qu’on trouve des ADM en Irak
  2. La CIA planifie que le meilleur moyen est une reconnaissance aérienne
  3. L’US air force et les satellites prennent des photos
  4. Ces photos sont transmises à des experts qui savent dire que la petite tache blanche est une usine de traitement d’eau lourde
  5. Un énorme rapport est constitué sur l’histoire des ADM en Irak depuis le roi Faysal
  6. Ce rapport est compilé dans une note de 32 pages que le chef de la CIA va expliquer au président Bush
  7. Bush remercie chaleureusement si on lui dit qu’il y a des ADM en Irak ou vire tout le monde si on lui dit qu’il n’y en a pas. Le principe de base est que si on donne directement la photo satellite au président Bush, il va simplement se gratter la tête et la regarder a l’envers.

Aujourd’hui, la masse de données collectées est incommensurable. Effectivement, on est fiché chaque jour sur des centaines de renseignements. Mais tant que ces données ne passent pas le cycle complet, elles sont totalement inutilisables et même contre-productives.

Tant que Sarko multiplie les cameras de surveillance mais fusionne RG et DST en sabrant la moitié des effectifs, le citoyen (et le terroriste) ont paradoxalement deux fois moins de chances d’être repérés. Et sûrement pas par un pauvre type payé la moitié du smic à regarder 12 écrans 10 heures par nuit.

Les robots feraient le travail de synthèse, c’est vrai en partie. Evidemment ils sont de plus en plus performants. Mais si je mens ? La publicité n’est alors plus du tout ciblée.

Je suis dans un groupe Facebook de punk-hardcore car je souhaite entamer avec une certaine jeune fille, une procédure intensive de séduction. Mais ce bête robot totalement dépourvu de romantisme continue de m’envoyer des pubs de punk-hardcore dont je n’ai que faire alors que, sur cette affaire, je serais bien plus sensible aux « 10 façons de séduire à coup sûr ».

Oui, Facebook dispose sur ses serveurs qui lui coûtent des millions en électricité, de toutes mes photos des 2 dernières années mais il n’a aucun moyen de les utiliser. Aucun robot n’arrivera à décrypter les images ou commentaires idiots afin d’en dégager une synthèse claire à proposer aux partenaires commerciaux. Seul un humain pourrait le faire mais il faudrait un employé pour 10 comptes au bas mot : 6 millions de membres en France, plus besoin de plan de relance.

Le fliquage n’a rien de nouveau. On trouve des perles dans les archives des services français des années 1920 (au château de Vincennes, cote 7NN pour ceux que ça amuse). Comme ce dossier sur suspect avec les renseignements sur lui, ses études, sa famille, la copie traduite du tract qu’il a jeté à la poubelle en sortant de chez untel ou encore le montant de l’amende qu’il a dû payer en 1917 pour avoir voyagé sans billets sur le Marseille-Tanger de 12h30. Les services de renseignements de l’époque comptaient tout au plus une trentaine de personne.

Savoir c’est qui « Ils »

« Ils » savent tout sur moi ! Qui donc ? La banque ? Ils ont les coordonnés bancaires. Vont-ils les transmettre à la société privée Navigo, qui a mes coordonnées de déplacements ? Non, impossible, ça ne leur viendrait même pas à l’esprit. A Facebook qui a mes photos privées ? Qui fera la synthèse entre mes coordonnes bancaires et mes photos de débauche ?

Aux services de police ? Oui, si les services de police pensent que j’ai à voir dans une affaire sur laquelle ils travaillent (du genre terrorisme et enlèvement d’enfants). Et encore, la demande viendra du service concerné. Le planton qui me fait souffler dans le ballon pour remplir ses quotas n’aura jamais accès à ce genre d’informations.

Quand bien même un gigantesque fichier big brother lui serait accessible directement par informatique : quel intérêt pour lui de savoir que j’ai tiré 30 euros tel jour pour aller au Macumba ?

La meilleure façon de lutter contre le tout fichage n’est pas de s’offusquer niaisement mais de chercher à savoir qui sont « Ils ». Et à ce jeu là, le citoyen et le « Ils » sont en fait à égalité.

Car nous aussi pouvons fliquer. Un petit tour sur le site de la RATP et on a le conseil d’administration par exemple. On peut s’amuser a googler le Président, on obtient son CV et sa carrière en deux clics. En fouillant un peu on trouve une masse énorme de documents open source a décrypter, analyser, synthétiser, puis envoyer aux journalistes de Rue89… Il est pas beau le XXIe siècle ?

Par Antonin Grégoire | Universitaire | 17/04/2009 | 12H28

RUE89

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  1. patlotch
    19/04/2009 à 01:16 | #1

    Le plus sûr argument pour contrer l’immédiatisme, c’est de constater que “le pouvoir” s’en tape, immédiatement, de tout ce qu’on peut trouver ici. DNDF est un privilége de la démocratie {;-)

    Le jour où ça marquera des points, vaudra mieux être trop parano que pas assez, et réfléchir à ce qu’on fait des ordinateurs

  2. BL
    19/04/2009 à 12:36 | #2

    En effet, ce que disent les anars (en France) est vrai:

    “La dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours!”

    la preuve c’est qu’ils peuvent le dire!

  3. Amadeo
    19/04/2009 à 17:28 | #3

    Très bon article qui mériterait d’être publié sous forme de brochure à l’usage des jeunes générations “immédiatistes”. La parano est assurément une variante de la mégalo. Mais connaître exactement ce que peuvent faire ou non les travailleurs du renseignements, leur mode de production, est un enjeu révolutionnaire. En cette matière, il est bon de rester matérialiste. Et, si possible, dialecticien.

  4. TH
    20/04/2009 à 04:57 | #4

    L’article est bon, à condition qu’on ne lui fasse pas dire plus que ce qu’il dit. Fondamentalement, dans le cas de cet article, le ver est dans le fruit: l’article parle du point de vue du bon citoyen qui fait usage de ses droits démocratiques et “qui n’a rien à craindre”. Mais sur les autres, qui intéressent déjà les polices, il ne souffle pas un mot. Monsieur l’universitaire n’a peut-être rien à craindre, mais les autres feraient très bien de ne pas se réjouir trop vite.

  5. patlotch
    20/04/2009 à 23:49 | #5

    Tous ceux qui veulent rester discrets sur certaines informations, qu’elles soient militaires, industrielles “Intelligence économique ie espionnage industriel), commerciales, étatiques ou “révolutionnaires”, utilisent, ou pas, des ordinateurs, mais dans ce cas non connectés à des réseaux, même privés, internes…

    On a déjà un problème de décalage temporel, d’inertie, dans l’édition papier, mais il ne faut pas se faire d’illusion sur le temps réel de l’information du Web, système conçu dès le départ, et de plus en plus organisé et structuré comme un système d’ordre et de pouvoir centralisé. Ce n’est pas pas un simple problème de démocratie, mais de conception même de l’ordinateur. Internet, comme le capitalisme qui l’a produit et déterminé dans son concept, revient dans la crise du capital a son essence, totalitaire. Mes dernières sources ne sont pas récentes, dsl : “La géopolitique d’Internet”, de Solveig GODELUCK. Démocratiquement téléchargeable > http://www.numilog.com/fiche_livre.asp?id_livre=2664&id_theme=&format=5&id_collec=&rubzone=STD

    C’est une autre façon de voir la nécessité – sans nier les outils informatiques – d’associations directes d’individus sans médiations. Les formes de la lutte portent potentiellement celles de la communisation -du moins de l’abolition.

    Il en résulte qu’il faudra détruire, dans son concept actuel, le réseau mondial autant que les usines. Il n’y a ni à démocratiser ni à s’emparer d’Internet, sauf dans un premier temps, peut-être…

  6. norman
    21/04/2009 à 16:56 | #6

    le point de vue contraire est intelligement debattu ici :
    [terreur et possession, Editions L’échappée]
    (le lien a été supprimé)

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