Wall Street va distribuer des bonus record en 2009
Allons, allons, tout le monde ne meurt pas de faim sur cette planète!
Wall Street émerge encore plus fort de la crise et se préparerait, selon une enquête du « Wall Street Journal », à verser près de 140 milliards de dollars en salaires, bonus et divers bénéfices (santé, retraites) cette année. Ce serait un record absolu.
Les gouvernements auront beau tenter de réguler la paie des banquiers, l’opinion publique aura beau s’exaspérer devant des montants de plus en plus faramineux, rien n’y fait. Wall Street ne veut pas lâcher la poule aux œoeufs d’or. Une enquête du « Wall Street Journal » hier faisait valoir que les principaux établissements financiers américains verseraient cette année 140 milliards de dollars à leurs salariés, mieux que les 130 milliards payés en 2007, le dernier pic, et les 117 milliards accordés en 2008.[print_link]
C’est évidemment gênant vis-à-vis du contribuable qui a dû venir au secours des banques l’an passé, d’autant plus que l’ensemble des citoyens continuent à subir les contrecoups de la crise financière qui s’est transformée en récession majeure, portant le taux de chômage à 9,8 % aux Etats-Unis. Mais ce n’est pas étonnant puisque le G20 s’est refusé à plafonner les montants des rémunérations, se contentant d’imposer des conditions d’octroi plus strictes, liées à la performance dans le temps, à une rémunération majoritaire en stocks-options et à des clauses de restitution. Les gouvernements ont préféré mettre l’accent sur l’encadrement des risques plutôt que sur une question morale – car c’est en fin de compte ce dont il s’agit -, pour ne pas pénaliser une industrie fragilisée, essentielle à la circulation du crédit.
Un geste d’apaisement
Goldman Sachs est le premier en ligne de mire. Paradoxalement, c’est l’une des plus « vertueuses » en termes d’allocation de bonus, appliquant un cadre tout à fait proche des principes du G20. La banque pourrait, selon diverses estimations, accorder entre 20 et 23 milliards de dollars à ses salariés cette année. Cela correspond au modèle des banques d’investissement qui consacre presque 50 % de leurs revenus aux salaires, bonus, et assurances santé et fonds pour la retraite. « Entre plaire à l’opinion publique et satisfaire mes équipes, je choisirai mes équipes », a récemment déclaré Lloyd Blankfein, le PDG de Goldman Sachs. Il est aussi le premier à dire qu’il comprend la polémique et la colère. Dans un geste d’apaisement, la banque envisagerait d’ailleurs de faire un don important cette année, de l’ordre de 1 milliard de dollars. Mais comme le soulignait mardi Andrew Ross Sorkin du « New York Times », outre le fait que cela sera pris pour une opération de relations publiques, ces sommes reviennent en principe aux actionnaires.
Hier, Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase, assurait qu’il suivait déjà les principes établis par le Conseil de stabilité financière : pas de parachutes dorés, une majorité des bonus en stocks-options, des clauses de restitution. « Nous devons payer la performance dans le temps et nous sommes déterminés à le faire convenablement », a-t-il expliqué.
Garder les troupes
Une partie du problème tient aux montants en jeu. Selon l’enquête du « Wall Street Journal », les établissements qu’il a passé en revue généreront 437 milliards de dollars de revenus cette année, contre 345 milliards l’an passé. Morgan Stanley verserait 16 milliards de dollars à ses salariés, soit 33 % de plus que l’an passé et ce malgré une baisse de 6 % de ses revenus. Bank of America, qui s’est alourdie de Merrill Lynch et de Countrywide, paierait 30 milliards de dollars, ce qui représente une hausse de 64 %. JP Morgan Chase, qui a repris Bear Stearns et Washington Mutual, verserait 29,5 milliards (+ 29,7 %).
Seul Citi réduirait de 32 % son niveau de compensation, à 22 milliards. Pour échapper à l’ire de Kenneth Feinberg, chargé par l’administration Obama de valider les rémunérations des sociétés bénéficiant de fonds publics, Citi a préféré céder l’une de ses filiales les plus profitables, Phibro, afin de ne pas avoir à verser les 100 millions de dollars de bonus à son patron cette année. Le « tsar de la paie » commence à rendre ses verdicts et vient de demander à l’assureur AIG de réduire de 198 millions de dollars les promesses de salaires cette année, et de récupérer 45 millions au titre de 2009.
Les banquiers se défendent en disant que c’est le seul moyen de garder leurs troupes, bien que la concurrence se soit affaiblie avec la disparition de quelques grands acteurs. Mais cela les oblige à être en compétition permanente sur les salaires. Ce qui, observe Andrew Ross Sorkin, les conduit parfois à prendre trop de risques sur les marchés. Un cercle vicieux. Un motif de consolation pour les pouvoirs publics toutefois : ils sont parvenus à sauver le système bancaire et l’activité des banques a redémarré, particulièrement en ce qui concerne les banques d’investissement.
[ 15/10/09 ]
VIRGINIE ROBERT, Les Echos
De notre bureau de New York.
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