A propos de l’élection de trump
Second texte sur l’élection étasunienne emprunté au blog « le cours des choses »
« les comptes non soldés de l’échec du cycle de lutte des années 60 et 70 »
Notes sur trump (2)
http://www.lecoursdeschoses.com/2016/11/remarques-sur-trump-2.html
Publié le 14 Novembre 2016
Back to 65 ?
L’enquête annuelle sur les « valeurs des américains » menée par l’institut public de recherche sur la religion et publiée le 25 octobre, portait ce titre assez révélateur : « La grande division sur l’avenir de l’Amérique : 1950 ou 2050 ? ». L’étude indiquait que pour 92% des républicains interrogés, le pays allait dans la mauvaise direction et ce – pour la moitié d’entre eux- depuis au moins 1950.
Sans aller jusque là, plusieurs livres récents font de 1965, année des émeutes de Watts, de la marche de Selma, du tournant de la guerre du Vietnam et de la politique volontariste du président Johnson, l’année charnière à laquelle ramènent beaucoup de phénomènes contemporains. Comme l’écrit Bill Bishop dans The Big Sort (paru en 2009): « C’était 1965. Chaque événement représentait le début d’alignements politiques qui allaient s’étendre sur les quarante années suivantes. » Il note ainsi que c’est à partir de cette année là que les affiliations traditionnelles aux deux grands partis commencent à se réduire et se modifier et que s’effondre littéralement la confiance dans le gouvernement, notamment dans la classe ouvrière blanche qui était pourtant sensée profiter le plus du projet de « grande société » de Johnson. De même, le chercheur sur les religions Martin Marty décrit 1965 comme « l’épicentre d’un tremblement de terre dans la vie religieuse » avec le début du déclin des églises protestantes classiques et l’essor des congrégations indépendantes et évangélistes, qui deviendront bientôt les fourriers du néo-fondamentalisme. Enfin, Nicolas Ebersatdt dans Men’s without work date précisément de la même année le début de la fuite devant le travail d’une partie des mâles américains et l’explosion de la criminalité.
Bien évidemment, ce qui s’engage plus généralement en 1965, c’est pour les noirs, la récolte des quelques fruits de la lutte pour les droits civiques et, pour les femmes, le début d’une série de mouvements qui leur permettront de bousculer l’ordre patriarcal. Bref, avant même la fuite du capital des années 70 en réponse à l’insubordination ouvrière de ces années là, le début de la fin de la mouture américaine du compromis fordiste. Dans le délitement actuel du compromis néo-libéral, il semblerait donc que les comptes non soldés de l’échec du cycle de lutte des années 60 et 70 continuent à projeter leur ombre portée sur l’époque, le « whitelash » électoral n’étant qu’un épisode de plus d’une contre-révolution qui n’en finit plus. Et si la rétro-utopie du « great again » keynésiano-raciste d’un Trump et de ses électeurs risque fort de se faner bien vite, le message envoyé aux minorités remuantes de toutes sortes est quant à lui bien concret : ils seront plus que jamais la variable d’ajustement.
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