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« Typologie des luttes »

Nous avons reçu quelques notes succinctes et sans ordre sur une éventuelle typologie des luttes si une telle chose est seulement possible d’après son rédacteur, qui sont un débroussaillage de quatre ans de la chronique hebdomadaire des « oiseaux de la tempête », en classant les thèmes selon les critères de celui-ci donc discutables.

Pour une typologie des luttes 

Voici une tentative de production d’une typologie des luttes de classes depuis 2005/20006 et surtout après la crise de 2008 qui, à mon avis, a marqué un basculement dans la relation entre rapports de production et rapports de distribution. Basculement s’enracinant dans le cours (c’est-à-dire sa nature) de cette crise dans son identité entre suraccumulation et sous-consommation (cette identité a toujours un maillon faible dû au cours antérieur del’accumulation) ce coup-ci c’est la sous- consommation.

Il faut manipuler une très grande masse de documents pour aller de la Chine à l’Amérique latine en passant par l’Asie du sud-est, le trou noir de l’Asie centrale et, bien sûr, notre chère Europe « aux vieux parapets ».

Comment le Covid a fait bouger les lignes, quel impact mondial et surtout dans les centres du MPC avec l’inflation actuelle (structurelle ? conjoncturelle ? Quien sabe).

Pourquoi 2005 / 2006 ? C’est, je pense, la fin du démocratisme radical et de l’altermondialisme qui avaient à la fin des années 1990, malgré toutes les critiques justifiées que nous avons développées) remis, d’une certaine façon la question sur la table après les terribles années 1980.

Sur quels critères établir une typologie ? That is the question.

D’abord s’approprier la matière. Quelle est la signification et les perspectives que l’on peut élaborer maintenant à partir, semble-t-il, de la dominance de la reproduction (et de la vie quotidienne ?) dans la lutte de classe ? Quels rapports et quelles articulations avec les lieux propres où se produisent la valeur et la plus-value ?

Mais avant tout faire un inventaire, même si cela présuppose déjà des critères sur lesquels on peut ensuite revenir.

Nous n’avons plus trop d’échos des luttes dans les manufactures textiles au Cambodge ou en Thaïlande, ni des maquiladoras mexicaines. En Europe, aux Etats-Unis, les luttes du type grève en entreprises paraissent circonscrites à leur cadre d’origine (se rappeler ce qu’était une grève à Billancourt, à St Nazaire, à la Fiat ou à GM à Détroit).

La pauvreté s’étend et la reproduction paraît le maillon faible du système. Quelle place alors pour les « classes moyennes » ? Existe-t-il vraiment un « Ménage à trois de la lutte des classes » ? Il faut toujours considérer que l’interclassisme n’est pas pour les prolétaires un détournement mais le point où, dans certaines conditions, les amène leurs propres luttes. Les classes ne sont pas des substances dont la nature et les pratiques / manifestations sont déterminées de toute éternité de façon identique.

Que signifie et comment interpréter partout dans les luttes le « débordement » ?

Tout est « débordé ». Débordement de quoi ? Qu’est-ce qui déborde ?

En bref, peut-on à partir d’une typologie des luttes (à construire) parvenir à produire une articulation et définition, dans le cycle de luttes ouvert en 70-80, d’un principe présent, commun et pertinent, à l’intérieur de ce cycle qui , pour moi, se définit toujours par « lutter en tant que classe comme la limite de la lutte de classe ».

Comment considérer l’impact des guerres actuelles et certainement à venir sur la lutte de classe ? Comment la guerre les configure ?

D’un point de vue mondial : si le MPC est Un avec ses centres et ses périphéries, ses zones plus ou moins à l’abandon, etc., dans un processus d’accumulation qui s’inscrit dans et produit les inégaux niveaux de développement, donc si, pour le capital, on déduit la disparité à partir de l’unité, est-ce que l’on peut faire de même et déduire les disparités des luttes d’un principe unique ? Ou alors faut-il partir des disparités dans les luttes pour construire leur(s) coexistence(s) et articulation(s) possible(s) et leur synthèse comme résultat, peut-être antagonique de leurs pratiques ? Et là-dedans, pour « simplifier », dans chaque lutte, chaque moment, comment non pas s’entrecroisent les contradictions hommes/femmes ou les segmentations raciales, ce qui supposerait que les luttes existent préalablement à leur « intersection », mais comment elles se construisent dans un prolétariat qu’il faut cesser de considérer comme d’abord « blanc/masculin » et ensuite affecté par des « problèmes annexes ».Tout cela réclame d’abord une appropriation et une classification du matériau.

Nous vivons une situation très confuse comme aurait dit Flaubert dans le Dictionnaire

des idées reçues. Il est tentant comme Astarian et Ferro ou Temps libre, de résoudre le problème de façon substantielle. C’est-à-dire : il y a des classes, telles qu’en elles-mêmes le Livre I du Capital serait censé les définir et telles qu’en elles-mêmes les sacro-saints rapports de production les figent avec leurs pratiques nécessaires dont elles ne s’écartent que par mégarde. Les uns et les autres ne conçoivent pas la fluidité de la construction (une véritable construction et non un donné) des classes dans les rapports de production et les contradictions qu’ils déterminent historiquement, circonstanciellement. Les classes ne sont pas des objets,mais des résultats, sur la base des rapports de production (seulement sur la base), d’une conjonction de contradiction et de luttes particulières. Il n’existe aucune nécessité de leur être ni  de leur(s) pratique(s).

D’où l’importance d’une typologie des luttes, que nous parvenions à une synthèse principielle ou non. Quelques matériaux et pistes de travail/recherche

 La série des « Oiseaux de la tempête »

 Typologie de base : luttes usines (production valeur et pl) dites « classiques », luttes générales sur la reproduction avec ou non interclassisme. Quel est alors la signification de cet interclassisme ? Peut-on les connecter ? Est-ce qu’il y a subsomption des unes par les autres ?

 Le principe fondamental demeure-t-il celui défini pour ce cycle sur la base de la contradiction au niveau de la reproduction à la suite restructuration 70-80 : lutter en tant que classe comme limite de la lutte de classe ? Attention à l’utilisation du terme de limite : la dynamique est un moment de la limite qui par-là devient limite : Théorie de l’écart.

 Revenir sur l’époque du démocratisme radical qui, malgré tout remet la question de la lutte des classes au goût du jour (en liaison avec son « contraire » le  mouvement d’action directe)

 Le tournant argentin

 Les luttes récentes (depuis 4 ou 5 ans en Amérique latine)

 Les « printemps arabes »

 Les problèmes de l’interclassisme : définition et est-ce un problème ?

 La Chine : intrication luttes usines et vie quotidienne et environnement (voir la fin d’Une séquence particulière TC 25)

 Fragmentation de la mondialisation et nationalisation de la concurrence inter-capitaliste. Est-ce qu’elle entraîne une nationalisation (nationalisme) des luttes ?

 Segmentation raciale, problèmes des luttes racisées (voir automobiles 81-84, banlieues 2005). Où en sommes-nous de la synthèse de la question par Bouamama ?

L’immigré n’est pas totalement soluble dans la classe ouvrière et le racisme ne se résout pas dans la segmentation de la force de travail. Saïd Bouamama cerne bien la contradiction principale (insoluble en dehors de l’abolition de ses termes) qui anime toutes ces luttes et organisations des années 1970 aux années 2000. « L’étude des mouvements revendicatifs de l’immigration de ces trois dernières décennies souligne à juste titre une double caractéristique de cette dynamique militante : l’affirmation permanente de la nécessité de l’autonomie (politique, économique, idéologique et organisationnelle) et la difficulté à en dessiner les contours et les définitions. Nous aurions tort cependant, à notre sens, de percevoir cette contradiction comme une insuffisance des associations et des militants qui ont marqué cette histoire militante. Si contradiction il y a, elle se situe dans le réel social. Il s’agit d’une contradiction objective reflétant la contradiction vivante qu’est l’immigration (souligné par nous). D’une part et en dépit de certains discours idéologiques dominants, l’immigration et ses enfants font partie de la classe ouvrière et même de ses parties les plus exploitées et dominées. D’autre part et en dépit des analyses essentialistes de la classe ouvrière, elle n’est pas à n’importe quelle place au sein de la classe ouvrière et des milieux populaires. La première caractéristique pousse à participer aux mouvements sociaux globaux avec comme dérive potentielle la dilution des questions spécifiques, des inégalités concrètes qui nous séparent encore du reste de notre classe sociale ou de notre milieu social. La seconde caractéristique nous oriente vers une mise en avant de nos oppressions spécifiques avec comme dérive potentielle l’isolement et l’impossibilité de construire les rapports de forces nécessaires. On voit à l’œuvre, dans les initiatives et les luttes, des moments insistants tantôt sur l’une des caractéristiques, tantôt sur l’autre. Il n’y a donc aucune solution toute faite à la question de l’autonomie, aucune recette possible qui fasse fi de cette contradiction objective (souligné par nous) qui est celle de notre être social. » (Extrême gauche et luttes de l’immigration postcoloniale, in Histoire politique des immigrations (post)coloniales, collectif- sous dir. Ahmed Boubeker, éd. Amsterdam, p. 248). Depuis les années 1980, on voit la « seconde caractéristique » prendre le dessus et se subordonner la première visant à se constituer ainsi elle-même en réalité unique au risque de son essentialisation en « identité épaisse » (voir plus loin).

 La revendication salariale devenue « taboue » avec la fin de « l’identité ouvrière » (voir Je lutte des classes). Est-ce toujours vrai ? Que signifie l’effondrement du mouvement ouvrier ?

 Restructuration 70-80 au niveau de la reproduction avec crise 2008 => VQ matière première de la lutte de classe => toutes sortes de problèmes et de questions : rapports de distribution surdéterminent les rapports de production. Est-ce une limite ou une dynamique remettant en cause la fameuse « dernière instance » ?

 Relations entre luttes « classiques » et luttes « globales » (VQ) Qui subsume l’autre ?

Qui donne l’éther dans lequel baigne l’ensemble ? Existe-t-il un ensemble ?

 Kokoreff et le débordement généralisé (La diagonale de la rage, voir mes notes).

 Segmentation de la mondialisation, fin de la mondialisation américaine => guerres => renationalisation des conflits de classe ( ?).

 Est-ce que l’on peut dire dès maintenant que dans les luttes actuelles et par elles s’amorce une restructuration (quel que soit son succès ou son échec) ?

 En Amérique latine, les cycles de luttes se résorbent dans la politique. Est-ce général ? (Bolivie, Chili, Equateur, Argentine, Brésil (peut-être).

 Luttes textiles Asie du sud-est disparues ? et les maquiladoras ? Est-ce une réalité ou simplement un effet de l’information ?

 Qu’est-ce que le « plancher de verre » et corollairement le « plafond de verre » ? Voir la délimitation du problème à la fin d’Une Séquence particulière (TC25).

 Ubérisation : porté, signification.

 Types de luttes dans entreprises petites et moyennes.

 Les services intégrés à la production : les données numérisées (le cloud). Intégration en amont de la consommation dans la production.

 Evolution de la division genrée du marché du travail. Luttes des femmes. Idéologie du « tournant du féminisme ». Etre femme/mère vécu comme une assurance, auto- reconnaissance et reconnaissance sociale.

 Réencastrement du travail dans la VQ (dernier chapitre de VQ et lutte des classes,

pour TC27).

 Fin identité ouvrière devenir du fétichisme dans la lutte de classe.

 Luttes et syndicalisme : comment cela se passe ? Existe-t-il toujours une tendance au « syndicalisme de base », disparition des coordinations types années 80 (Je lutte des classes).

 Intrication luttes sociales / luttes politiques (Algérie, Irak, Liban, printemps arabes en général, mais aussi Amérique latine).

 « Economie morale » : Gilets jaunes / banlieues, mais aussi en partie Brésil : les

favelas se tiennent à l’écart.

 Retour sur les « Indignés » : fin du démocratisme radical. Est-ce une ouverture vers lutte de classe dans VQ ? Espagne luttes sur le logement avec l’occupation des places. Taksim en Turquie en même temps importants mouvements de grèves, mais pas de connections (alors qu’il y a une fraction très populaire dans Taksim).

 De façon générale éviter la norme radicale et mettre en avant comment les contradictions se  produisent, évoluent et passent à autre chose (saut qualitatif ?).

 Mondialement : économie informelle et impact de la tripartition sur la lutte de classe.

Avec la « fin » de la mondialisation américaine, la tripartition zonale est-elle encore

pertinente ?

 Place des petits paysans : Amérique latine. Inde (contre les grands projets

d’infrastructure, extractivisme)

 Les Zad : VQ / luttes / réformisme alternative.

 Inflation, pouvoir d’achat : retour de la centralité des luttes « classiques » ?

RS, le 27 juillet022

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