Malaisie : un mouvement de travailleurs migrants qui se termine par la victoire
Plus de 5.000 travailleurs migrants de JCY Co. Ltd, une usine d’électronique dans la zone industrielle de Tebrau Johor Baru en Malaisie (28 millions d’habitants), ont manifesté à proximité des quartiers ouvriers contre la négligence de leur employeur après la mort, le 16 août à son travail, d’un collègue souffrant d’une très forte fièvre. Le patron ne lui avait pas permis d’être transporté à l’hôpital à temps. Ce cas suivait celui d’un travailleur népalais décédé le 4 août en raison de l’absence de traitement en temps opportun.[print_link]
Au cours de la journée de lutte les travailleurs migrants ont démoli une tour de garde de l’établissement où ils étaient hébergés dans la ville de Johor Baru. Des ordures et les pierres ont été utilisées contre plus de 200 policiers anti-émeute, des extincteurs d’incendie furent arrachés des murs. Les affrontement ont finalement été contenus en début de soirée après 7 heures de combats de rue.
Les travailleurs migrants en provenance du Népal, du Myanmar, du Vietnam, du Bangladesh et de l’Inde (qui représentent 20 % de la population active du pays) s’étaient réunis pour acter leur protestation et leur détermination après ces décès. Ils ont également mis en lumière les mauvais traitements infligés par la direction, les salaires bas et l’absence d’installations sanitaires dans l’usine qui emploie environ 8.000 personnes. Environ 200 policiers et le personnel de l’unité de la Réserve fédérale furent mobilisés par la direction pour contrôler les travailleurs en colère. Ces derniers ont élaboré un cahier de revendications en quatre points, dont une augmentation de salaire, afin de faire pression sur la direction dans la négociation, ainsi que pour exiger une intervention de l’ambassade népalaise.
Les trois jours de protestation ont pris fin avec une victoire pour les travailleurs. La direction a accepté de verser une indemnité de 10.000 ringgits à la famille du travailleur défunt ; d’augmenter le salaire minimum mensuel de 428 à 546 ringgit ; de fournir un service d’ambulance en cas d’urgence et sur la durée du traitement dans une clinique sur les locaux de l’usine.
La lutte a révélé que lorsque les travailleurs sont unis, ils peuvent gagner sur leurs revendications, même si les employeurs tentent d’utiliser les différences de race, de pays et de la religion en « divisant pour régner ». Ces derniers temps de plus en plus de migrants en Malaisie ont commencé à lutter pour leurs droits.
Ce cas décrit ici n’est que la pointe de l’iceberg en Malaisie. La plupart des plus de 3 millions de travailleurs migrants gagnent des salaires très bas, exécutent de longues heures de travail et vivent et travaillent dans des conditions effroyables. Selon l’ambassade du Népal, en 2009, un total de 183 travailleurs népalais y ont perdu la vie, et 81 autres au cours des six premiers mois de cette année, principalement par la maladie et le suicide. Il y a aussi de nombreux cas de décès dus à des accidents industriels.
Les employeurs utilisent des travailleurs migrants à bas salaire comme une « menace » pour décourager les travailleurs locaux d’exiger des salaires élevés. Les syndicats faibles, avec une direction de droite réactionnaire et bureaucratiques, ne sont pas capables de jouer un rôle de premier plan dans les luttes communes entre les travailleurs locaux et migrants. Dans le même temps, près de 90 pour cent des travailleurs ne sont pas syndiqués, et le soutien du gouvernement aux employeurs comme la débilité syndicale fragilisent encore davantage les droits des travailleurs.
Les travailleurs locaux ont des salaires un peu plus élevés, mais par rapport au taux d’inflation cela est totalement insuffisant pour assurer leur subsistance. Beaucoup font deux emplois pour subvenir à leurs besoins, et nombreux sont ceux qui se retrouvent sans autre issue que d’être pieds et poings liés à des usuriers. Une situation qui, dans le cas des migrants leur interdit de pouvoir retourner dans leur pays, ce qui les place dans une situation de quasi servitude ! Par ailleurs presque tous les employeurs détiennent le passeport de leurs migrants ce qui les empêche de quitter le périmètre de l’usine ou du lieu de logement sous peine d’être arrêtés. Interdiction formelle est faite aux migrants de former ou de diriger des syndicats. Sur le papier le droit de former des syndicats – pour les Malais – existe, mais, de fait, il est extrêmement restreint, et sous la direction de la direction général des syndicats qui exerce un pouvoir discrétionnaire, et interdit dans certains secteurs comme l’électronique. Par ailleurs enregistrer un syndicat peut prendre plusieurs années et de toutes les façons les syndicats interprofessionnels sont interdit.
Une enquête récente du gouvernement portant sur 1,3 millions de travailleurs a montré que près de 34 pour cent d’entre eux gagnaient moins de 700 ringgit par mois – en dessous du seuil de pauvreté de 720 ringgit par mois.
Les multinationales comme les capitalistes nationaux, ont implanté leurs entreprises et usines en Malaisie pour accroître leurs profits. Ils ne se soucient pas de savoir si elles emploient des travailleurs locaux ou étrangers, tant qu’ils peuvent exploiter les uns et les autres en maximisant leurs profits. Seuls les travailleurs peuvent apporter un soutien à d’autres travailleurs de la lutte des classes ordinaires pour se libérer de la brutalité du capitalisme.
Traductions OCL à partir d’articles de Libcom, de survey07, et de la presse.
Concernant la lutte des migrants en Asie on lira l’indispensable article publié sur mondialisme .org : http://www.mondialisme.org/spip.php…
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