ÉGYPTE – Au Caire, la police réprime les manifestations
Plusieurs mouvements d’opposition égyptiens ont appelé les jeunes à manifester sur le modèle tunisien
La police égyptienne a tiré des gaz lacrymogènes contre des milliers de manifestants réunis dans le centre du Caire pour protester contre le gouvernement, a constaté mardi une journaliste de l’AFP.
Les manifestants brandissant des drapeaux égyptiens et lançant des slogans pour des réformes politiques et sociales sont rassemblés sur la grande place Tahrir, proche de nombreux bâtiments officiels, face à un important dispositif policier. La manifestation a un peu reculé mais ne s’est pas dispersée. La police a en retour essuyé quelques jets de pierre. Un peu plus loin, la police a utilisé des canons à eau contre des manifestants aux abords du Parlement.
Exemple tunisien
Quelque 15.000 personnes participaient mardi après-midi dans divers quartiers du Caire aux manifestations pour des réformes politiques et sociales, inspirées par l’exemple tunisien. De 20.000 à 30.000 policiers étaient mobilisés au Caire pour faire face à ces rassemblements, selon les services de sécurité. Des rassemblements étaient également signalés en province, notamment à Alexandrie (nord), deuxième ville du pays, à Assouan et Assiout (sud), dans plusieurs villes du delta du Nil, à Ismaïliya (sur le canal de Suez) ou dans le nord du Sinaï, selon des témoins et des correspondants de l’AFP.
Ces manifestations à l’appel de mouvements pro-démocratie, très actifs notamment via les réseaux sociaux sur Internet, réunissaient de très nombreux jeunes. Elles sont les premières du genre en Égypte depuis la chute du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, le 14 janvier, à la suite d’une révolte populaire. L’idée a été lancée par le “Mouvement du 6 avril” et d’autres groupes pro-démocratie qui appellent à faire de mardi une “journée de révolte contre la torture, la pauvreté, la corruption et le chômage”.
Fermeté
Cette initiative coïncide avec la très officielle “Journée de la police”, un jour férié à l’occasion duquel les dirigeants multiplient depuis dimanche les éloges aux forces de l’ordre et les engagements à maintenir la stabilité. Le ministère de l’Intérieur avait déclaré de son côté qu’il ferait “preuve de fermeté contre quiconque agirait de manière illégale”. Les organisateurs comptaient sur l’effet d’entraînement des événements de Tunisie, très commentés notamment par les jeunes Égyptiens ayant accès aux réseaux sociaux sur Internet. Un groupe sur Facebook, dont l’emblème mêle les drapeaux tunisien et égyptien, avait récolté, lundi en fin d’après-midi, 87.000 signatures de personnes assurant être prêtes à manifester.
L’opposant Mohamed El Baradei, ancien haut fonctionnaire international, a exprimé sur sa page Facebook son soutien à “l’appel à manifester contre la répression” et a dénoncé “les menaces d’utiliser la force venant d’un régime qui tremble devant son peuple”. “Si les Tunisiens l’ont fait, les Égyptiens devraient y arriver”, a également déclaré au magazine allemand Der Spiegel de lundi l’ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), interrogé sur une éventuelle contagion à l’Égypte de la “révolution du jasmin” tunisienne. Son comité de soutien a, dans un communiqué, affirmé que plusieurs de ses partisans avaient été convoqués par les services de sécurité avant ces manifestations. Les manifestations ont reçu l’appui d’autres formations politiques, mais sur un mode relativement prudent. Les Frères musulmans, à la forte capacité de mobilisation, et le Wafd, premier parti d’opposition laïque, n’ont pas lancé d’appels formels à défiler mais ont indiqué que leurs jeunes militants pourraient se joindre aux cortèges.
Difficultés économiques
L’Égypte connaît des difficultés économiques et un mécontentement social qui présentent de nombreuses similitudes avec la Tunisie de Ben Ali, réfugié en Arabie saoudite après 23 ans de règne. Plusieurs immolations par le feu ont eu lieu ces derniers jours en Égypte rappelant celle d’un jeune Tunisien, en décembre, qui avait déclenché la révolte dans son pays. Sur le plan politique, le régime est dominé depuis près de trente ans par le président Hosni Moubarak, 82 ans, à la santé incertaine. Sa succession est au centre d’une sourde rivalité entre son fils Gamal, 47 ans, proche des milieux d’affaires, et la “vieille garde” du pouvoir liée au puissant appareil militaro-sécuritaire.
Le pouvoir a démenti ces derniers jours tout risque de contagion entre la Tunisie et l’Égypte, tout en laissant entendre que, pour calmer l’inquiétude sociale, il ne remettrait pas en cause les subventions aux produits de base. Plusieurs analystes égyptiens ont aussi mis en exergue ces derniers jours les différences entre les deux pays, notamment le fait que le régime égyptien avait su ménager des marges d’expression pour les médias et l’opposition. L’armée égyptienne, dont sont issus tous les présidents depuis 1952, est également jugée davantage loyale envers le pouvoir que l’armée tunisienne ne l’était à l’égard du président déchu.
Le Point.fr – Publié le 25/01/2011 à 07:03 – Modifié le 25/01/2011 à 17:40
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