Traduction du texte sur les émeutes de 2013 paru sur le site de la revue SIC
Incendier et revendiquer.
Sur les émeutes en Suède
Il y a 30-40 ans, l’État avait les moyens de CONSTRUIRE un million d’appartements en 10 ans. Maintenant, il n’a même pas de quoi seulement les RÉNOVER.
– Megafonen, Alby är inte till Salu! [i]
Cette exclamation est hautement représentative de l’activisme qui a prospéré dans les banlieues de Stockholm ces dernières années. Ici, elle provient de Megafonen (« Le mégaphone »), un groupe activiste de base fondé par des jeunes dans la banlieue de Husby à Stockholm en 2008, sur les principes de démocratie, de solidarité sociale, de communauté, de travail et d’éducation. L’État, nous dit Megafonen, ne remplit plus la fonction qui lui revient, à savoir assurer le bien-être matériel de la population par des politiques de logement. L’ambivalence de cette perspective apparaît déjà clairement dans sa référence nostalgique à l’âge d’or de l’État-providence social-démocrate suédois, représenté par la politique de logement qui conduisit à la construction d’« un million d’appartements » entre 1965 et 1974. D’un côté, Megafonen reconnaît que les coupes budgétaires, les privatisations, les fermetures, et ainsi de suite sont les symptômes d’une restructuration capitaliste déjà à l’œuvre. De l’autre, ses actions émergent comme l’affirmation de ce qui reste des infrastructures et des institutions politiques qui constituaient l’identité ouvrière suédoise, notamment le logement public.
D’un certain point de vue, cette ambivalence n’aurait rien de contradictoire : en luttant contre la poursuite de cette restructuration, on défendrait en même temps ce qu’elle n’a pas encore transformé. Mais on laisse alors de côté un produit essentiel de la destruction de l’identité ouvrière : la fin de l’existence politique du prolétariat en Suède qui, dans les zones les plus paupérisées, s’est accompagnée du développement d’émeutes sporadiques de 2008 à nos jours. En prenant en compte les pratiques de ces émeutes, l’ambivalence de l’activisme spécifique à Megafonen, qui consiste en ce qu’il tente de s’organiser sur la base des restes de l’identité ouvrière dans les conditions produites par la destruction de celle-ci, apparaît comme une contradiction entre les conditions sous lesquelles il existe et ses perspectives. À un moment où le prolétariat, dans la contrainte de vendre sa force de travail qui le définit, est structurellement exclu de la table de négociation collective, cet activisme affirme encore, par ses dénonciations de « l’État » et ses diverses institutions, la possibilité d’un dialogue et d’un avenir dans cette société – en un mot, il défend un État-providence qui n’existe plus. Lire la suite…
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