Après Ferguson
Stratégie Après Ferguson
La revue étanusienne « Viewpoint Magazine» a organisé une table ronde avec des groupes révolutionnaires après le soulèvement d’Août de 2014 à Ferguson qui font partie de ce qui peut être un pôle de radicalité émergent dans la lutte pour la libération des Noirs.
Nous avons décidé de traduire l’un d’entre eux : « unité et luttes »
English version below
Quelle est l’histoire de votre groupe? Quelles actions avez-vous organisé, comment votre groupe a changé, et quels sont vos plans pour le futur?
“Unity and Struggle” est un petit collectif communiste, principalement situé à Atlanta, Houston et New York City. Nous avons modifié et remodelé notre groupe de nombreuses fois au fil des ans, notre origine remontant à la Fédération anarchiste « Love and Rage » dans les années 1990. Notre groupe a évolué principalement autour des idées de Marx; nous avons passé les dernières années à nous fondre dans un cadre marxiste. “Unity and Struggle” est avant tout un cercle de propagande, mais nous souhaitons que nos membres participent à l’organisation de projets et d’études. Nous avons participé à un grand nombre de luttes au cours des années, y compris les luttes étudiantes autour de la solidarité avec la Palestine, l’anti-austérité, et des campagnes travailleur / étudiant; luttes de libération Queer; organisations antifascistes; organisation de l’immigration; luttes de locataires, de quartier et du travail.
Plus récemment, nous avons participé à la vague Black Lives Matter (BLM), qui a démarré avec Trayvon Martin mais s’est vraiment développée pendant Ferguson. Au niveau local, nous travaillons à la transition de la forme initiale de l’activité BLM en organisation de soutient dans différentes villes, sous quelque forme que ce soit. Nos membres aident actuellement à construire des petites organisations de lutte qui s’opposent à la police dans nos quartiers en construisant des milieux, des formations de connaissance des droits et des événements éducatifs anti-policiers, le développement de réseaux de solidarité, etc. Nous avons discuté de la possibilité de participer à la campagne ” affaiblir, désarmer et démanteler » (“Disempower, Disarm and Disband”) la police partout. À l’échelle nationale, nous allons nous connecter avec d’autres gens impliqués dans BLM grâce à des projets d’écriture, la coordination d’événements, en allant vers les villes qui présentent de nouvelles couches de radicalisation et en coordonnant des projets d’organisation régionale et nationale.
Le 25 Septembre 2013, une fillette noire de 12 ans nommé Laporshia Massey est morte d’une crise d’asthme dans une école de Philadelphie car il n’y avait pas d’infirmière pour la soigner. Elle est morte en disant: «Je ne peux pas respirer »
C’est la seule enfant de Philadelphie morte à cause de la pauvreté racialisée systématisée et des coupes budgétaires municipales qui se sont récemment approfondies. Ceci est une sorte d’assassinat par la pauvreté et la ségrégation urbaine ; cela n’a pas autant retenu l’attention des médias nationaux que les récents meurtres policiers, mais c’est un élément fondamental et permanent du racisme américain. Quelle est la valeur stratégique du recentrage contre la police? Comment avez-vous été en mesure de relier ce mouvement contre la police à d’autres luttes connexes, tels que la lutte pour les 15 $, les luttes anti-gentrification, anti-austérité, et l’abolition du travail en prison
C’est toujours des challenges, mais beaucoup d’entre nous ont le sentiment que le travail contre la police est stratégique parce que (1) la brutalité policière est un axe de la lutte de classe qui est partagée par une portion croissante de la classe ouvrière, et (2) la brutalité policière est un mécanisme que le système ne peut empêcher mais qu’il sera contraint d’employer dans un avenir prévisible, se piégeant ainsi entre le marteau et l’enclume.
En premier lieu, les origines historiques de la police comme chasseurs d’esclaves et briseurs de grève illustrent leur rôle actuel dans l’accumulation capitaliste. La police a été le moyen d’attaquer et de discipliner la puissance sociale et politique du prolétariat et des peuples opprimés, et, finalement, de déterminer les conditions générales du travail. Dans le moment actuel, la crise économique contraint un nombre toujours plus grand d’entre nous à affronter les flics, qui apparaissent ainsi comme le premier signe de la puissance objective du capital sur nos vies. La police a été le point ultime de l’évolution vers la précarité comme condition sociale universelle. Bien sûr, les flics sont là depuis au moins un siècle, protégeant gestionnaires et patrons. Mais quand le degré d’approfondissement des inégalités et l’antagonisme de classe s’ accompagnent d’une précarité généralisée, de la « lumpenisation » (la démerde pour survivre), et de la merde de “direction collégiale” dans de nombreux lieux de travail, la police peut devenir la forme la plus explicite de la relation capitaliste.
La police est donc quelque chose de largement expérimenté par le prolétariat, le mécanisme clé qui assure la reproduction des rapports de classe par la force. Ici, nous nous rapprochons un peu de Théorie Communiste, quand ils disent “la police est la force qui, en dernière instance, est notre propre existence de classe comme limite.” La police nous empêche de prendre tout simplement les moyens de subsistance et de production dont nous avons besoin pour survivre, nous abolissant ainsi en tant que classe. Bien sûr, ce n’est pas la seule expression de la lutte de classe dans le moment – il y a des vagues de grèves de masse à l’Est et en Asie du Sud-est, déclenchées par des affrontements avec les patrons – mais c’est une dimension majeure de l’expérience prolétarienne en ce moment, de Rio à Cape Town, en passant par Bombay.
Deuxièmement, la classe dirigeante des Etats-Unis aura beaucoup de mal à réformer la police d’une manière suffisante pour contenir les troubles. Certes, il y a une tendance à la “désincarcération” dans la classe dirigeante progressiste, qui vise à réduire la population carcérale et à rediriger les financements vers des alternatives à l’incarcération, le travail obligatoire, le placement en logements, et le suivi et la surveillance individualisés. Ce programme pourrait éventuellement s’articuler aux réformes « de la police communautaire», et freiner la révolte contre la violence policière et l’incarcération de masse. Mais la réalisation de cette tendance demanderait une énorme refonte de la police, de la justice et des organismes de protection sociale, et elle pourrait introduire plus d’instabilité sociale dans le processus. En outre, au moins pour la lutte des noirs, il n’existe pas de “système de patronage” adéquat pour négocier une telle transition. L’ancienne direction des Droits Civiques a vieillit et la nouvelle petite bourgeoisie et la bourgeoisie noire sont séparées géographiquement, culturellement et institutionnellement du prolétariat noir, laissant dans leur sillage une crise béante de légitimité.
Bien sûr, le travail contre la police contient ses propres limites – ce qui nous ramène à la question sur le lien entre différents mouvements. Pour la plupart des gens de Unity and Struggle, rallier les mouvements n’est pas seulement rhétorique («les flics tazent les gens dans la rue, et les étudiants sont tazés sur le campus») ou analytique (« l’excédent de valeur que les ouvriers produisent dans les usines est exploité par les marchands comme ventes et par les propriétaires comme rente »), même si ces approches sont importantes. C’est également très pratique et relationnel: comment pouvons-nous tisser ensemble les milieux qui se développent autour de nos différents lieux de travail? Comment pouvons-nous nous connecter aux gens qui se sont radicalisés dans un contexte précis – les manifs BLM – et les amener à des types d’activités nouvelles et différentes, éclatées dans différents domaines et autour de différentes questions? Les membres d’Unity and Struggle croient généralement que «l’activité précède la conscience »: notre conscience en tant que membres d’une classe ouvrière mondiale est formé par des expériences pratiques de coordination collective et de pouvoir, et non simplement par une argumentation ou une propagande motivées. Donc, cultiver la collaboration entre, par exemple, les gens qui luttent contre la violence de la police et des personnes qui se battent contre les marchands de sommeil – et à travers celle ci à imaginer comment ces luttes pourraient influencer matériellement les uns les autres – est une façon de semer les graines de l’unité de classe qui devrait émerger dans l’avenir.
À Houston, cela a consisté à inviter les gens que nous avions rencontrés dans les rues pendant les manifs de Ferguson à nous accompagner lors de notre rencontre avec les piquets de grève du secteur pétrolier de Février, et à participer à un réseau de solidarité locale qui peut faire pivot organisationnel anti-patron, proprios et flics . L’objectif reste de développer le lien entre les vagues de lutte en connectant les militants de base que nous y rencontrons et développer les liens entre les différents secteurs. La vieille tradition syndicaliste, socialiste et communiste avait ses méthodes pour y arriver, et nous avons besoin de nouvelles formes d’actions pour le faire à travers les luttes à différents points de la production et de la reproduction. Nous collaborons à “Intermédiate organization” de S. Nappolos pour y réfléchir aujourd’hui.
Le groupe « intermédiate » rassemble des révolutionnaires engagés et des militants de la classe ouvrière au-delà de la seule question ou du seul secteur des organisations de masse, comme les syndicats ou les coalitions militantes. Ils peuvent fonctionner à l’intérieur des groupes existants (comme les comités locaux indépendants au sein d’un syndicat) ou de façon propre comme collectifs indépendants. À une époque où le taux de syndicalisation est à la baisse, tandis que les petits groupes autonomes sont capables d’initier et de stimuler l’activité en utilisant l’Internet, nous pouvons envisager les groupes «intermédiate» comme un type d’organisation avec leurs propres potentiels.
Un tournant important dans la lutte de libération des Noirs dans les années 60 ont été les rébellions urbaines de Watts, Detroit, Newark, et des dizaines d’autres villes, ce qui a entrainé beaucoup de destructions de biens et de pillages. Beaucoup de choses ont changé depuis, mais l’économie politique du développement urbain est toujours une dynamique centrale de l’inégalité raciale dans des endroits comme Baltimore, Oakland et Ferguson. Les émeutes sont elles encore politiquement pertinentes, ou leur sens a-t-il changé? Et que dire de ces endroits aux conditions similaires où les grandes émeutes n’ont pas eu lieu, comme New York ou à Philadelphie? Quelles autres mesures pourrait-on utiliser pour mesurer le développement de la lutte au-delà du militantisme de la rue?
La plupart d’entre nous sont partiellement d’accord avec les thèses de “l’ère des émeutes” de Blaumachen, dans le sens ou les émeutes urbaines sont une dimension importante de la lutte des classes dans la période actuelle (en tenant compte du développement et de la composition de classe variables dans le monde, et de leurs différents répertoires tactiques). Nous pensons que ces émeutes sont politiquement pertinentes aux États-Unis parce qu’elles provoquent des ondes de choc à travers la société; elles fracturent l’idéologie dominante, et électrisent le questionnement de masse du système au-delà de leur base sociale immédiate; elles exposent les divisions internes au sein de la classe, et pointent leur possible résolution. Bien sûr, les émeutes ne produisent pas immédiatement l’unité de la classe ; selon la force du réformisme des ouvriers (blancs), les divisions internes pourraient même s’aggraver. Mais elles posent les conditions d’une unité supérieure à venir, et d’une recomposition de la classe. Nous sommes d’accord avec C.L.R. James que la lutte autonome des noirs a le potentiel d’ « amener le prolétariat sur le devant de la scène. »
Pourtant, les émeutes ne font que créer des ouvertures. Les gens doivent construire autour de cette ouverture et développer la capacité des luttes à s’approfondir et à s’élargir. Nous ne disons pas cela juste au sens militaire, en termes de tactiques que nous utilisons dans les rues, mais aussi dans un sens politique. Pour éviter que la base de la classe qui a lancé une émeute soit purement et simplement refoulée, ou tout simplement contenue, épuisé et récupérée, nous devons aider les émeutes à se maintenir dans le temps, s’étendre à tous les secteurs (comme lorsque les rébellions urbaines de la fin des années 1960 ont alimenté la vague de grèves sauvage de 70 et 74), et prendre le caractère complexe à la fois d’émeutes, de grèves et d’occupations. Cela implique toutes sortes de défis organisationnels, stratégiques et tactiques, mais aussi politiques. Comment semer le genre de conscience de classe qui va faciliter ces sauts quand ils sont possibles, et dévoiler la façon dont nos vies sont liées ensemble sous les formes de l’apparence qui nous sont imposées par le capital?
Au sujet de l’économie politique du développement urbain, il y a eu quelques bonnes illustrations. Nous avons vu les points chauds dans les «maillons faibles» comme Ferguson et les banlieues comme McKinney ou celle où Trayvon a été tué. C’étaient les zones de frontières raciales en dehors des centres urbains, qui ont amené les forces de sécurité blanches au contact du prolétariat et de la petite bourgeoisie d’une nouvelle manière. Des choses semblables peuvent se produire dans les villes étalées comme Houston, où le développement de l’élite politique noire n’a pas suivi le rythme de la croissance de la ville. Les réseaux clientélistes existants y sont fixés sur les quartiers historiquement noirs, dont la population prolétarienne est poussée vers d’autres quartiers, comme le sud-ouest . Cela crée des débouchés potentiels pour la lutte qui peuvent ne pas être immédiatement récupérés par l’élite politique noire.
À Baltimore en revanche, des émeutes ont éclaté dans un centre urbain noir – l’un des plus misérables de la côte Est – mais elles ont été contenues par le leadership noir de la classe moyenne (la Nation de l’Islam, les politiciens noirs, le jeune procureur de noir qui a porté plainte contre le flic, avec qui beaucoup de gens sympathisaient). Des endroits comme New York n’en ont pas vu tant que ça, parce que, même si vous avez une police armée brutale, vous avez aussi un tissu solide d’ONG, avec une gauche petite-bourgeoise encore hégémonique, et une bureaucratie municipale multiraciale “progressiste” avec ses systèmes de soutien encore assez intacts. La désintégration sociale y est plus contenue, malgré les points chauds comme l’émeute de 2013 à Flatbush. À Atlanta, la politique de respectabilité noire domine encore beaucoup le discours des médias et de l’élite politique. Bien que cela soit contesté par un mouvement BLM de plus en plus radicalisé, il y a un fort précédent de protestation respectable et de « hurlement de la vérité en direction du pouvoir ». De même, à Philadelphie vous avez une élite politique noire très ancienne, et un chef de la police (Ramsey) connu comme le spécialiste du gant de velours – même si Philly est incroyablement appauvrie ; si bien qu’un scénario à la Baltimore est encore possible là aussi.
En ce qui concerne l’évaluation des luttes, la plupart d’entre nous seraient d’accord sur le fait qu’il faut réfléchir au-delà du militantisme de rue. Nous dirions qu’il faut aussi regarder au-delà du nombre de membres des organisations de la gauche établie. Certains critères d’un mouvement croissant pourraient être la quantité d’organismes indépendants et la conscience de classe qu’ils laissent dans leur sillage: combien de nouveaux groupuscules se sont multipliés dans le cadre de la vague? Combien ont persisté? A quel point se repend l’idée que «quelque chose ne va pas avec cette société », et à quel point les personnes sont-elles à la recherche de réponses politiques? Combien de gens ont-ils développé un sentiment que, collectivement, nous pouvons intervenir sur le cours de l’histoire?
Les mouvements des années 60 et 70 contre le racisme et la violence de la police a conduit à l’émergence de nouveaux types d’organisations. Pour n’en nommer que quelques-unes, le Comité de coordination des étudiants non-violents, le Mouvement d’Action Révolutionnaire, le Black Panther Party, la Ligue Révolutionnaire les travailleurs noirs, l’Alliance des femmes du tiers monde, et, pour les radicaux blancs, les étudiants pour une société démocratique. Dans les années 1970, ces groupes se sont transformés en nouvelles organisations révolutionnaires, qui étaient souvent des alliances multiraciales entre noirs, chicanos, portoricains et groupes asiatiques. Voyez-vous de nouvelles organisations émergentes aujourd’hui, et si oui, quelle est leur relation avec l’ensemble du mouvement BLM?
De nouveaux types d’organisation émergent inévitablement dans un mouvement de masse, bien que, compte tenu de la récente accalmie de l’activité, les trajectoires des nouveaux groupes formés sur BLM ne sont pas tout à fait claires. Pour deviner au mieux où cela nous mènera, il faut être à l’écoute de la base objective de ces nouvelles formes d’organisation, et comprendre comment leur développement se déroule dans des conditions différentes de celles des années 60 et 70.
Historiquement, comme tous les mouvements de masse dans la société capitaliste, la lutte des noirs a eu des expressions contradictoires. D’une part, les mouvements noirs ont lutté pour l’entrée dans le rapport salarial, le marché du travail, et la société civile. D’autre part, ils ont mis en évidence le caractère arbitraire et historique de la race et des institutions sociales et politiques qui la reproduisent, et ainsi ont mis la société capitaliste moderne en question. Dans chaque période de lutte des noirs, des révoltes d’esclaves à la Reconstruction, à la Grande Migration, aux Droits Civils, ces potentiels contradictoires ont été continuellement présents.
Nous avons écrit ailleurs sur le double caractère du mouvement noir des années 50 à 70, et sur la façon dont il se développe. Il suffit de dire que ce mouvement a détruit les lois Jim Crow et a donné lieu à la situation que l’on appelle “post-raciale” que nous avons aujourd’hui. Cette nouvelle ère a été marquée par l’entrée aléatoire de certains Noirs dans les usines, le secteur public et des emplois de cols blancs, puis par la réduction des effectifs; L’irruption de capitalistes noirs dans les marchés intégrés; et l’acceptation formelle de politiciens noirs dans le système politique. Dans le processus, la vieille communauté noire, constituée par des décennies de ségrégation juridique et de fait, a été de plus en plus déchiré par l’antagonisme des classes. Certains sont restés sur place, tandis que la classe ouvrière noire endurait la désindustrialisation, la fuite des blancs, la guerre contre la drogue, l’incarcération de masse, et la précarité renaissante.
Aujourd’hui un discours «raciste incolore» réinventé entoure la classe ouvrière noire, dont la position de classe est rationalisée comme de nature intrinsèquement criminelle, inapte au travail, paresseuse, incapable de maintenir les familles nucléaires, etc. La classe moyenne supérieure et la bourgeoisie noire rencontrent des préjugés dans les universités, les professions et les quartiers intégrés auxquels ils ont eu accès. Ils subissent parfois la merde des institutions de répression du prolétariat noir (par exemple, lorsque le fils du journaliste du New York Times Charles Blow, étudiant à Yale, a été abattu par la sécurité du campus). Les universités et les ONG amalgament ces couches en combinaisons diverses.
Il y a beaucoup de petits groupes en développement à partir du mouvement BLM, et tous sont façonnées par ces conditions, et expriment leurs contradictions. Cela dit, le mouvement est encore en développement et sa trajectoire est ouverte. Aucune perspective politique ou fraction de classe n’en détient l’hégémonie. Alors que les jeunes de la classe moyenne façonnent la direction du mouvement à l’échelle nationale (en dehors des moments d’émeutes), cette couche elle-même est intrinsèquement contradictoire, et tire dans des directions différentes.
Certains des nouveaux groupes ont plus un caractère ouvriers ou du lumpen (par exemple Lost Voicesà Ferguson), alors que certains sont plus des classes moyennes (une partie des groupes BLM «officiels», il nous semble, sont constitués d’étudiants ou des personnes ayant un lien avec l’associatif). Certains sont exclusivement noirs, tandis que d’autres sont multiraciaux dans leur composition, même si les non-blancs sont habituellement majoritaires. Dans l’ensemble, les nouveaux groupes sont autonomes de l’ancien système de patronage noir forgé à partir des Droits Civils, et s’appuient sur leur potentiel perturbateur dans les rues comme influence politique, plutôt que sur les connexions politiques municipales, d’Etat ou fédérales employées par la vieille garde. Ils ont agi comme des «réseau léninistes » (voir Rodrigo Nuñes) par appels aux manifestations de masse à travers les réseaux, et conduites de discussion populaire.
Les capitalistes progressistes ont déjà fait des ouvertures pour ramener ces nouveaux groupes à la bergerie: par exemple, Soros a fait don de 33 millions $ à des groupes BLM l’année dernière. Jusqu’à présent, leur contrôle est faible, et la récente déclaration rejetant le Parti démocrate est un bon signe. Néanmoins, on trouve de nombreux groupes BLM agissant hors des associations sans but lucratif, qui reproduisent leur logique rhétorique et stratégique. Par exemple, beaucoup de nouveaux groupes font des actions directes mais restent coincés dans une critique morale du racisme et du capitalisme qui donne l’occasion aux partis et aux ONG d’intervenir avec des solutions «réelles». Nous l’avons vu dans la discussion en coulisse avec Hillary.
Donc, les jeunes ont fait, dans les rues, un bond au-delà des partis et des ONG, mais ils ne disposent pas encore d’une analyse révolutionnaire de la société qui leur permette de s’en séparer définitivement, et ils ne sont pas encore en mesure de consolider leurs propres organisations de lutte. Dans le vide, les différences politiques continuent d’émerger. Une fracture est en train de naitre entre le black feminism, le queer et les trans d’un côté, et une tendance patriarcale nationalistes pseudo-noire de l’autre. Nous avons vu ce jeu dans les manifestations de « SayHerName », surtout à Philadelphie et dans la critique des Hotep dudes (« mecs en paix », mouvement musulman), en ligne. Une autre fracture existe entre les parties du mouvement qui sympathisent avec la démocratie sociale (par exemple, les groupes BLM qui s’ouvrent à Bernie Sanders), et d’autres qui évoluent dans des directions plus révolutionnaires. Certains d’entre nous sentent que la popularité bouillonnante de l’afro-pessimisme parmi les activistes des BLM dans les écoles est le reflet de la recherche d’une critique totale de la société.
« Unity and Struggle » essaie de garder une trace de ce développement vertigineux et inégal à travers le pays, et de mettre en évidence les lignes de cohérence qui prennent un sens révolutionnaire. Nous avons travaillé avec le mouvement “Disempower, Disarm and Disband” comme un moyen de fixer la perspective révolutionnaire du moment, mais nous n’avons pas encore pu rendre cohérent un pôle distinct. Bien sûr, le désarmement et la dissolution de la police est un objectif à long terme (même si nous avons pu voir la démilitarisation et la dissolution d’unités particulières, plus tôt). Mais le fait de “rendre impuissante” la police est déjà effectif à un niveau de masse, comme par exemple dans la vidéo des femmes à New York qui empêchent l’arrestation d’une jeune fille. Et ce militantisme émergent se reflète aussi dans le mouvement “officiel” BLM, par exemple dans la « de-arrestation » lors de leur conférence à Cleveland. Nous pouvons aider cette activité à se propager et se formaliser.
En général, nous voyons le rôle des révolutionnaires dans la reconnaissance de ce pôle en formation, et dans l’aide à la cohérence politique et organisationnelle à travers le pays. Notre intuition est que les contours de ce pôle comportent une forme d’anticapitalisme, de rejet des partis bourgeois, et une tentative de débattre de la race et de la suprématie blanche comme système endémique au capitalisme.
Depuis le soulèvement de Ferguson, nous avons vu le terrorisme raciste d’extrême-droite flamber avec le bombardement d’un bureau NAACP dans le Colorado et l’attaque tragique et meurtrière d’une église historique noire en Caroline du Sud. Le meurtre de deux agents de la police à New York semble avoir encouragé les membres du NYPD à défier ouvertement le maire de la ville, paralysant son propre ordre du jour. Et d’ailleurs, les politiciens et la police ont commencé à utiliser le spectre de Ferguson et de Baltimore pour justifier la répression préventive de la police et mobiliser le soutien aux couvre-feux. Est-ce que ces mouvements et soulèvements peuvent provoquer une résurgence de la droite? En voyez-vous des exemples dans vos actions? Que pouvons-nous faire pour battre ces tentatives?
La polarisation fait certainement partie de la dynamique en ce moment, avec la résurgence des mouvements noirs et de gauche provoquant une réponse de la droite. Elle a un caractère contrapuntique: les crêtes du mouvement BLM commencent à baisser, alors une réaction conservatrice a lieu. Parfois, la réaction s’appuie sur des individus qui s’isolent et tirent sur les flics pour diverses de raisons, peut-être liées à la frustration de masse face à l’incapacité du mouvement à réaliser des gains profonds (tirs contre les flics comme après le sommet BLM à New York, mais aussi LA et, récemment, Texas).
Une partie des réactions viennent de l’intérieur de l’Etat lui-même, les politiciens appelant le mouvement à se discipliner sous une direction respectable, et les services de police déployant de nouveaux programmes de surveillance. Mais une partie de ces réactions apparaissent aussi «d’en bas» et de façon semi-autonome par rapport à l’Etat. Cela comprend la rébellion au sein des syndicats de police, les tireurs fascistes isolés comme Dylan Roof, l’activité fasciste organisée comme les Nazis in Olympia ou le Klan à Charleston, et les mobilisations de la droite populiste plus larges comme les Oath Keepers se déplaçant à Ferguson.
Nous en sommes encore à établir un cadre commun pour discuter de ces questions et à comparer nos conclusions à partir de la pratique et de l’étude. Une de nos lignes de discussion concerne le concept de «front uni», et un autre a trait à la dynamique politique du populisme de droite.
La discussion sur le « front uni » concerne la façon de briser l’extrême droite, sans être isolés et ciblés par l’Etat, ni absorbés par la réponse libérale à droite. Cela comprend des questions stratégiques et tactiques comme: quel est le meilleur choix : exploser les fascistes militairement ou désorganiser leur base? Comment éviter la répression étatique contre l’antifascisme révolutionnaire? Quand et comment rendre cohérent un large front contre les attaques de la droite, y avec compris les libéraux? Comment basculer des moments de défense où nous repoussons les attaques de la droite, à des moments offensifs, où nous apparaissons comme un pôle révolutionnaire indépendant renforcé? Nous ne sommes pas encore parvenus à une position commune sur ces questions. Mais nous apprenons, dans la pratique, au travers des moments successifs de réaction de la droite, et par l’étude historique de «fronts unis» dans les traditions communistes et anarchistes.
Une autre discussion concerne notre compréhension de la droite populiste, et en particulier du large mouvement Patriot. Un de nos points de vue considère que le mouvement Patriot est plus dangereux que les fascistes idéologiquement engagés, en raison de leur légitimité politique plus large, et de leur utilisation ouverte des armes dans les rues. En plus de cela, nous évaluons l’importance des contradictions internes au sein du mouvement Patriot, et si certains de ses fragments pourraient potentiellement basculer vers la gauche ; et si oui, comment nous devrions alors faire face à Patriot, dans les rues. Enfin, nous nous demandons s’il y a une possibilité d’une alliance entre les éléments du mouvement Patriot et des groupes noirs conservateurs comme le New Black Panther Party ou Detroit 300, comme une mutation contemporaine des pourparlers historiques entre Garvey et le Klan. Nous portons une attention particulière aux évolutions telles que la récente scission dans les Oath Keepersau sujet de l’ouverture des manifs aux noirs, proposée à Ferguson, et nous écoutons ce que le reste de la gauche révolutionnaire antifasciste dit. Nous n’avons pas, là non plus, de position commune sur ces questions.
En mai dernier, nous avons publié une analyse de l’insurrection à Baltimore, en nous concentrant sur la dynamique de solidarité des blancs. L’essai mettait en avant une tension omniprésente dans le mouvement, sur la nécessité simultanée d’alliances stratégiques entre les différentes luttes des peuples opprimés et exploités, et la possibilité que l’inclusion d’autres groupes pourrait détourner de la spécificité du racisme anti-Noir. Comme le mouvement l’a mis en avant, il y a de fortes résonances chez les non-noirs, dessinant la participation et le soutien de toute une gamme de différents secteurs et luttes et offrant parfois des modèles pour les autres. Comment maintenir la résonance entre les différentes luttes, les antagonismes partagés, sans effacer ce qui est spécifique à ce mouvement?
La plupart d’entre nous, dans « Unity and Struggle », pensons qu’il y a des différences de pouvoir au sein de la classe ouvrière, avec quelques sections (hommes, blancs, citoyens, etc.) capables d’obtenir des avantages au détriment des autres, au prix de la solidarité de classe et de la capacité à contester le capitalisme dans son ensemble. Le mouvement autonome des prolétaires noirs, même s’il invite la bourgeoisie et l’élite politique noire à lancer leurs propres mouvements, conteste également ces divisions internes au sein de la classe, et ainsi prépare le terrain pour une nouvelle lutte à la fois contre la race et le capital.
Les non-noirs de la classe ouvrière ont donc raison de soutenir et de participer aux luttes noires, non seulement d’un point de vue éthique, mais aussi afin de réaliser leurs intérêts de classe, ce qui nécessite l’abolition de la race comme nous la connaissons. Nous sommes d’accord avec le point de vue de « Sojourner Truth Organization »: plutôt que de scander « noirs et blancs, unis et combattant», comme si les deux parties étaient des acteurs égaux dans un tout donné, nous disons que les luttesspécifiques de prolétaires noirs font partie de l’ensemble de nos intérêts, et rendent possible de gagner ensemble, et nous concernent en tant que tels.
Notre point de vue sur la participation des non-noirs aux BLM suit cette perspective. Si le mouvement BLM amène des non-noirs à participer, ils peuvent et doivent le faire, tout en soulignant la façon dont le succès ou l’échec des luttes des noirs influent sur leur propre libération. Ils peuvent et doivent discuter des désaccords qu’ils ont, s’ils croient que ces idées portent atteinte à l’auto-mouvement du prolétariat noir, et, par conséquent, à la lutte des classes. Ils peuvent et doivent relier le mouvement noir (pour la forme, analytiquement, pratiquement) à d’autres domaines du mouvement, tout en débusquant les développements qui amoindriraient le mouvement noir à son tour.
La plupart d’entre nous pensent de la politique “ally” est trop limitée pour y arriver: elle suppose un horizon libéral des droits et de l’inclusion, réifie les catégories raciales, et donne une légitimité aux forces bourgeoises noires. Dans cette perspective, des groupes noirs appelant à des entreprises appartenant à des Noirs est soutenue inconditionnellement par les alliés blancs. Les militants non-noirs soutenant les jeunes noirs dans les rues contre les ONG devraient être “découragés” afin d’éviter de les mettre en danger. Chacun d’entre nous devrait “rester dans sa voie” sur la base de sa catégorie identitaire, avec un plan tactique fixe en conséquence.
Nous soutenons généralement les organisations autonomes basées sur l’expérience partagée comme un moyen de développer une nouvelle théorie et une pratique que le mouvement plus large a miné. Dans le même temps, nous affirmons l’utilité des organisations multiraciales, multi-genres comme lieu de synthèse des expériences autonomes. Ce sont des moments qui vont et viennent, de façon dynamique et historique. Il y aura des périodes de discontinuité et de tension entre les militants noirs et non noirs aussi longtemps que les différences réelles entre nous ne sont pas balayées par la pratique et la lutte. Mais il y aura aussi des moments où l’action unifiée, ou les initiatives et les idées des non-noirs, seront utiles au mouvement noir.
Il n’y a pas de recettes types pour que les blancs s’associent aux luttes noires, ou vice versa. Comme Selma James l’écrit très bien, il y a, au contraire, un processus continu de développement qui crée la possibilité de niveaux toujours plus élevés dans l’unité et la lutte.
What is the history of your group? What actions have you organized, how has your group changed, and what are your plans for the future?
Unity and Struggle is a small communist collective, primarily located in Atlanta, Houston, and New York City. We have reformed and reshaped our grouping many times over the years, though our lineage goes back to Love and Rage Anarchist Federation in the 1990s. Our group has shifted most sharply around Marx’s ideas; we spent the last several years grounding ourselves in a Marxist framework. Unity and Struggle is primarily a propaganda circle, but it is expected that our members engage in organizing projects and study. We’ve been involved in a wide variety of projects over the years, including student struggles around Palestine solidarity, anti-austerity, and worker/student campaigns; queer liberation struggles; antifascist organizing; immigrant organizing; and tenant, neighborhood and workplace organizing.
Most recently, we participated in the Black Lives Matter (BLM) wave, starting with Trayvon Martin but really gearing up during Ferguson. On the local level, we’re working to transition the initial crest in BLM activity into sustained organizing in different cities, in whatever form(s) that may take. Our members are currently helping to build small fighting organizations that challenge policing in our neighborhoods by building milieus, hosting Know Your Rights trainings and anti-police educational events, developing solidarity networks, etc. We have discussed the possibility of organizing around the demand to “Disempower, Disarm and Disband” police everywhere. Nationally, we will be connecting with others involved in BLM through writing projects, coordinating events, traveling to cities with new radicalizing layers and coordinating organizing projects regionally and nationally.
On September 25, 2013, a 12 year old black girl named Laporshia Massey died of asthma in a Philadelphia school, since there was no nurse there to treat her. She died saying “I can’t breathe.” She was only one of several children in Philadelphia who have died as a result of systematic, racialized poverty and the city budget cuts that have recently deepened it. This is a kind of murder by poverty and urban segregation; it hasn’t received as much attention in the national media as the recent police murders, but it’s a fundamental and ongoing element of American racism. What is the strategic value of centering antagonism towards the police? How have you been able to link up this movement against the police to other related struggles, such as the Fight for $15, anti-gentrification, anti-austerity, and prison abolition work?
These are always guesses, but many of us have a sense that anti-police work is strategic because (1) police brutality is a site of class struggle that is shared across a growing swath of the working class, and (2) police brutality is a mechanism the system cannot help but continue to employ for the foreseeable future, thus trapping itself between a rock and a hard place.
In the first place, the historical origins of the police as slave catchers and strike breakers indicates their ongoing role in capitalist accumulation. The police have been the means to attack and discipline the social and political power of the proletariat and oppressed people, and ultimately, determine the overall conditions of labor. In our current moment, the economic crisis is forcing ever greater numbers of us into potential conflict with the cops, which thus appears as the first sign of the objective power of capital over our lives. The police have been the blunt end of the shift toward precarity as a universal social condition. Of course cops have been there for at least a century, backing up the manager and the boss. But to the degree deepening inequality and class antagonism are accompanied by widespread precarity, lumpenization (hustling on the side to survive), and “team management” bullshit in many workplaces, police may become the most explicit form of appearance of the capital relation.
The police are therefore something widely encountered across the proletariat, the key mechanism that ensures the reproduction of class relations by force. Here we vibe a bit with Théorie Communiste, when they say “the police is the force which, in the last instance, is our own existence as a class as limit.” Police prevent us from simply taking the means of subsistence and production we need to survive, and thereby abolishing ourselves as a class. Of course this is not the only way class struggle is expressed in our moment – there are mass strike waves happening in East and Southeast Asia, sparked by confrontations with employers – but it is a major dimension of the proletarian experience right now from Rio to Cape Town to Mumbai.
Secondly, the U.S. ruling class will have a hell of a time reforming the police in a manner sufficient to contain the unrest. True, there is a “decarceration” tendency in the progressive ruling class, which aims to lower the prison population and shift funding toward alternatives to incarceration, compulsory job and housing placements, and individualized monitoring and surveillance. This program could conceivably synch up with “community policing” reforms, and dampen the revolt against police violence and mass incarceration. But realizing this tendency would require a huge overhaul of police, penal, and welfare agencies, and it might introduce more social instability in the process. Also, at least for the black struggle, there exists no adequate “patronage system” to broker such a transition. The old civil rights leadership is aging out, and the new black petit-bourgeoisie and bourgeoisie is separated geographically, culturally, and institutionally from the black proletariat, leaving in their wake a gaping crisis of legitimacy.
Of course, anti-police work contains its own limits – this connects to the question about linking up different movements. For most of Unity and Struggle, connecting movements is not only about relating to them rhetorically (“cops taze people on the street, and students get tazed on campus”) or analytically (“the surplus value workers make in factories is tapped by merchants in sales and landlords in rent”), though these are important. It is also very practical and relational: how do we weave together the milieus that develop around our different areas of work? How do we connect people who have radicalized in one context – say, BLM protests –and introduce them to new and different kinds of activity, as things pop off in different areas and around different issues? Unity and Struggle members generally believe “activity precedes consciousness”: our sense of ourselves as members of a global working class is shaped through practical experiences of collective coordination and power, and not simply through reasoned argumentation or propaganda. So cultivating collaboration between, say, people fighting police violence and people fighting slumlords – and through it imagining how these struggles might influence one another materially – is one way to lay the seeds for class unity to emerge in the future.
In Houston, this has involved inviting folks we met in the streets during the Ferguson protests to accompany us when we visited pickets during the February oil strike, and to get involved in a local solidarity network that can pivot between anti-boss, -landlord, and -cop organizing. The goal remains to develop continuity between waves of struggle by connecting organic militants we meet in struggles and developing ties across different sectors. The older syndicalist, socialist and communist tradition had its set of organizational forms to do this, and we need new forms to do so across struggles at different points of production and reproduction. We are playingwith S. Nappolos’ “intermediate organization” idea to help us think through doing this today. “Intermediate” groups bring together committed revolutionaries and working class militants beyond the single-issue or single-sector focus of mass organizations, like trade unions or activist coalitions. They may operate within existing mass groups (like independent workplace committees within a union) or on their own as independent collectives. In an era where union density is declining, while small autonomous groups are able to initiate and drive activity using the internet, we can explore “intermediate” groups as a type of organization with their own potentials.
An important turning point for the black freedom struggle in the 1960s were the urban rebellions in Watts, Detroit, Newark, and dozens of other cities, which involved a great deal of property destruction and looting. Much has changed since then, but the political economy of urban development is still a central dynamic of racial inequality in places like Baltimore, Oakland and Ferguson. Are riots also still politically relevant, or has their meaning changed? And what about those places with similar conditions where major riots have not happened, like New York or Philadelphia? What other metrics might we use to measure the development of struggle beyond street militancy?
Most of us have partial agreement with Blaumachen’s “Era of Riots” thesis, in the sense that urban riots are a major dimension of class struggle in the current period (taking into account the varying development and class composition around the globe, and their different tactical repertoires). We think these riots are politically relevant in the U.S. because they send shockwaves across the society; they fracture dominant ideology, and spark mass questioning of the system beyond their immediate social base; they expose internal divisions within the class, and point to their possible resolution. Of course riots do not immediately produce class unity –depending on the staying power of (white) workers’ reformism, internal divisions could even deepen. But they establish the conditions for a higher unity to emerge, and for class recomposition to occur. We agree with C.L.R. James that autonomous black struggle has the potential to “bring the proletariat on the scene.”
Still, riots only create openings. People have to build around that opening and develop the ability for struggles to deepen and broaden. We don’t mean this just in a military sense, in terms of what tactics we use in the streets, but also in a political sense. To prevent the class base that launched a riot from being outright repressed, or simply contained, exhausted and co-opted, we need to help riots sustain in time, leap across sectors (like when the urban rebellions of the late 1960s fueled the wildcat strike waves of 1970 and 1974), and take on a “combined and uneven” character of riots, strikes, occupations at once. This involves all kinds of organizational, strategic and tactical challenges, but also political ones. How do we seed the kind of class consciousness that will facilitate these leaps when they are possible, and unveil the ways our lives are bound together under the forms of appearance imposed on us by capital?
In terms of the political economy of urban development, there have been some good posts on this. We’ve seen flashpoints in “weak links” like Ferguson, and suburbs like McKinney or where Trayvon was killed. All these were racial border zones outside the urban cores, which brought white security forces into contact with the black proletariat and petit-bourgeoisie in new ways. Similar things could happen in sprawl cities like Houston, where the development of the black political elite has not kept up with the growth of the city. Existing patronage networks there are fixed to historically black neighborhoods, whose proletarian black population is being pushed into other areas, such as southwest Houston. This creates potential openings for struggle that can’t be immediately subsumed by the black political elite.
In Baltimore by contrast, rioting broke out in a black urban center – one of the most immiserated on the East Coast – but it was contained by black middle class leadership (the Nation of Islam, black politicians, the young black state prosecutor who brought charges against the cop, with whom many people sympathized). Places like New York City haven’t even seen that much, because while you have a brutal police-army, you also have a robust NGO complex with a still hegemonic petit-bourgeois left, and a “progressive” multi-racial city bureaucracy with its patronage systems still fairly intact. The social decay is more contained in there, despite flashpoints like the 2013 Flatbush riot. In Atlanta, black respectability politics still dominates much of the discourse of the media and political elite. Although this is being challenged by an increasingly radicalized BLM movement, there is a strong precedent of respectable protesting and “shouting truth to power.” Similarly in Philly you have a very long-established black political elite, and a police chief (Ramsey) renowned as a velvet glove specialist – though Philly is crazy immiserated, so a Baltimore scenario could be possible there too.
Regarding metrics for struggle, most of us would agree you have to measure movements by more than their street militancy. We would say you also have to look beyond the numbers of members in established left organizations. Some criteria for a growing movement might be the amount of independent organization and class consciousness it’s leaving in its wake: how many new grouplets mushroomed up in the course of the wave? How many have persisted? How profound is the sense that “something is wrong with this society,” and how deeply are people searching for political answers? How much did people develop a sense that, collectively, we can drive the course of history?
The movements of the 1960s and 1970s against racism and police violence led to the emergence of new kinds of organizations – including, just to name a few, the Student Nonviolent Coordinating Committee, the Revolutionary Action Movement, the Black Panther Party, the League of Revolutionary Black Workers, the Third World Women’s Alliance, and, for white radicals, the Students for a Democratic Society. In the 1970s these groups transformed into new revolutionary organizations, which were often multi-racial alliances between black, Chican@, Puerto Rican, and Asian groups. Do you see new organizations emerging today, and if so, what is their relationship to the broader Black Lives Matter movement?
New kinds of organization inevitably emerge in a mass movement, although, given the recent lull in activity, the trajectories of the new groups formed out of BLM aren’t entirely clear. To make our best guess at where things will head, we have to be attuned to the objective basis of these new forms of organization, and understand how their development unfolds in different conditions than the 1960s and 1970s.
Historically, like all mass movements in capitalist society, the black struggle has had contradictory expressions. On the one hand, black movements have been struggles for entry into the wage relation, the labor market, and civil society. On the other hand, they have revealed the arbitrary and historical character of race and the social and political institutions that reproduce it, and so have drawn modern capitalist society into question. In each period of black struggle, from the slave revolts, to Reconstruction, to the Great Migration, to Civil Rights, these contradictory potentials have been continually re-presented.
We’ve written a bit elsewhere about the dual character of the black movement from the 50s-70s, and how it played out. Suffice it to say, this movement destroyed Jim Crow, and gave rise to the so-called “post-racial” situation we have today. This new era was characterized by the haphazard entry of some blacks into factory, public sector, and white collar jobs, followed by downsizing; the breakout of black capitalists into integrated markets; and the formal acceptance of black politicians into the political system. In the process, the old black community, shaped by decades of legal and de facto segregation, was riven with growing class antagonism. Some people moved on up, while the black working class endured deindustrialization, white flight, the drug war, mass incarceration, and resurgent precarity.
Today a reinvented “colorblind racist” discourse surrounds the black working class, whose class position is rationalized as a result of their nature as inherently criminal, unemployable, shiftless, incapable of maintaining nuclear families, etc. The black upper-middle class and bourgeoisie encounter prejudice in the integrated universities, professions, and neighborhoods they have gained access to. They occasionally catch shit from institutions geared toward repressing the black proletariat (for example, when New York Times columnist Charles Blow’s son, a student at Yale, was stopped by campus security with guns drawn). The universities and NGOs bring these layers together, in different combinations.
There are many small groupings developing out of the BLM movement, and all of them are shaped by these conditions, and express their contradictions. That said, the movement is still unfolding and its trajectory is open. No single political perspective or class fraction holds hegemony. While young middle-class people are shaping the movement’s direction nationally (outside moments of rioting), this layer itself is internally contradictory, and pulls in different directions.
Some of the new groups are more working class or lumpen in character (say, Lost Voices in Ferguson), while some are more middle class in character (some of the “official” #BLM groups, it seems to us, are comprised of grad/students or people with some connection to nonprofit staff). Some are exclusively black, while others are multiracial in composition, if usually majority non-white. Across the board, the new groups are autonomous from the old black patronage system forged out of Civil Rights, and rely on their disruptive potential in the streets for political leverage, rather than the city, state, or federal political connections employed by the old guard. They have been acting as “networked Leninists” (see Rodrigo Nuñes 1, 2) by jump-starting mass protests through loose networks, and driving popular discussion.
Progressive capitalists have already made overtures to draw these new groups into the fold: Soros donated $33 million to BLM groups last year, for example. So far their control is weak, and the recent statement repudiating the Democratic Party is a good sign. Nevertheless, we find many BLM groups operating outside the nonprofits still reproduce their logic in rhetoric and strategy. For example, many new groups are doing direct actions, but remain stuck in a moral critique of racism and capitalism that leaves room for the parties and NGOs to step in with “real” solutions. We saw this in the backstage discussion with Hillary.
So young people have leapt beyond the parties and NGOs in the streets, but they don’t yet have a revolutionary analysis of society to definitively separate themselves from the latter, and they aren’t yet able to consolidate their own fighting organizations. In the vacuum, possible political differences continue to emerge. One emerging divide is a between black feminist, queer and trans politics on the one side, and a kind of pseudo-black nationalist patriarchal politics on the other. We saw this play out in the #SayHerName protests, especially in Philly, and in the critique of hotep dudes online (1,2). Another is the divide between parts of the movement sympathetic to social democracy (say, BLM groups that want to be polite to Bernie Sanders), and parts moving in more revolutionary directions. Some of us feel the bubbling popularity of Afro-pessimism among BLM activists in college is a reflection of this search for a total critique of society.
Unity and Struggle is trying to keep track of this dizzying and uneven development across the country, and highlight any lines of coherence that tend in a revolutionary direction. We have been working with the “Disempower, Disarm and Disband” slogan as one way to encapsulate the revolutionary perspective that is out there right now, but has yet to cohere in a distinct pole. Of course, disarming and disbanding the police is a long-term goal (while we could see de-militarization, and the disbanding of particular units, sooner). But “disempowering” the police is already happening on a mass level, for example in the video of the women in New York City preventing a young girl from being arrested. And this emerging militancy is reflected in the “official” BLM movement too, for example in the de-arrest that happened at their conference in Cleveland. We can help this activity spread and formalize.
Generally, we see the role of revolutionaries being to recognize this pole in formation, and help it cohere politically and organizationally across the country. Our hunch is, the contours of this pole include some kind of anti-capitalism, a rejection of bourgeois parties, and an attempt to grapple with race and white supremacy as a system endemic to capitalism.
Since the uprising in Ferguson, we’ve seen racist, right-wing terrorism flare up with the bombing of an NAACP office in Colorado and the tragic and murderous attack on a historic Black Church in South Carolina. The shooting of two police officers in New York seems to have encouraged NYPD members to openly defy the city’s mayor, hamstringing his own agenda. And elsewhere, politicians and police have started to use the specter of Ferguson and Baltimore to justify preemptive police repression and mobilize support for curfews. Might these movements and uprisings provoke a right-wing resurgence? Do you see examples of this happening where you organize? What can we do to rout these efforts?
Polarization is definitely part of the dynamic right now, with resurgent black and left-wing movements prompting a right-wing response in turn. It has a contrapuntal character: the BLM movement crests and begins to fall, andthen a conservative reaction happens. At times the reaction is premised on individuals who haul off and shoot cops for a variety of reasons, maybe related to mass frustration at the inability of the movement to achieve deep gains (cop shootings like this happened after the BLM crest in NYC, but also LA and recently Texas).
Part of the reaction comes from within the state itself, with politicians calling for the movement to discipline itself under respectable leadership, and police agencies rolling out new surveillance programs. But part of it also emerges “from below” and is semi-autonomous from the state. This includes the rank-and-file rebellion within the police unions, isolated fascist shooters like Dylan Roof, organized fascist activity like the Nazis in Olympia or the Klan in Charleston, and broader right-populist mobilizations like the Oath Keepers going to Ferguson.
In this area, we are still establishing a common framework to discuss the questions at hand, and comparing conclusions from practice and study. One line of discussion we are having relates to the concept of the “united front,” and another relates to the political dynamics of right-populism.
The “united front” discussion is about how to smash the far right, without being isolated and targeted by the state, nor being absorbed by the liberal response to the right. This includes strategic and tactical questions like: what is the best balance between smashing fascists militarily vs. out-organizing their base? How to avoid state repression of revolutionary antifascism? When and how to cohere a broad front against right-wing attacks, including liberals? How to pivot from defensive moments, where we are fending off right wing attacks, to offensive moments, where we emerge as a strengthened, independent revolutionary pole? We haven’t come to a common position on these questions yet. But we are learning in practice through successive moments of right-wing reaction, and through historical study of “united fronts” in the communist and anarchist traditions.
Another discussion is about how we should understand the populist right, particularly the broad Patriot movement. One perspective says the Patriot movement is more dangerous than the ideologically committed fascists, because of their broader political legitimacy, and their open use of arms in the streets. On top of this, we are also weighing the significance of the internal contradictions within the Patriot movement, and whether any fragments of it could potentially swing to the left – and if so, how we should then confront Patriots in the streets. Finally, we are wondering if there is a possibility of an alliance between elements of the Patriot movement and conservative black groups like the New Black Panther Party or Detroit 300, like a contemporary mutation of the historical talks between Garvey and the Klan. We’re paying close attention to developments like the recent split in the Oath Keepers over the proposed black open carry protest in Ferguson, and listening to what the rest of the revolutionary antifascist left is saying. We don’t have a common position on these questions yet, either.
Last May, we published an analysis of the uprising in Baltimore, focusing in on the dynamics of white solidarity. The essay confronted a tension pervasive throughout the movement, on the simultaneous necessity of strategic alliances between different struggles of oppressed and exploited peoples, and the possibility that including other groups might obviate the specificity of anti-Black racism. As the movement has developed, it’s proven to have strong resonances with non-black people, drawing in participation and support from a range of different sectors and struggles and sometimes offering models for others. How do we maintain the resonance between different struggles with shared antagonisms, without effacing what is specific to this movement?
Most of Unity and Struggle agrees there are differences of power within the working class, with some sections (men, whites, citizens, etc.) able to gain benefits at the expense of other sections, but at the cost of class solidarity and posing a challenge to capitalism as a whole. The autonomous movement of black proletarians, even as it prompts the black bourgeoisie and political elite to make their own moves, also challenges these internal divisions within the class, and so lays the groundwork for a renewed struggle against both race and capital.
Non-black working class people thus have reason to support and participate in black struggles – not only from an ethical perspective, but also in order to realize their class interests, which requires abolishing race as we have known it. We vibe with Sojourner Truth Organization’s ideas from back in the day: rather than calling for “black and white, unite and fight” as if both sides were equal players in a given whole, we say the specific struggles of black proletarians are in all of our interests, and make it possible for us to win together, and we relate to them as such.
Our take on non-black participation in the BLM movement jumps off from this perspective. If the BLM movement inspires non-black people to participate, they can and should do so, while highlighting how the success or failure of the black struggle bears on their own liberation. They can and should discuss any disagreements they have, if they believe these ideas undermine the self-movement of the black proletariat, and therefore, the class struggle. They can and should connect the black movement (rhetorically, analytically, practically) to other areas of organizing, while confronting any developments that would undercut the black movement in turn.
Most of us think “ally” politics is too limited to capture this: it assumes a liberal horizon of rights and inclusion, reifies racial categories, and lends legitimacy to black bourgeois forces. From this perspective, black groups calling for black-owned businesses ought to be supported unquestioningly by white allies. Non-black militants supporting black youth in the streets against NGOs should be “called out” for endangering the directly affected. All of us should “stay in our lane” based on our identity category, with a fixed tactical playbook assigned accordingly.
We generally support autonomous organization based on shared experience, as a way to develop new theory and practice that the broader movement has undermined. At the same time, we hold up the usefulness of multi-racial, multi-gender organization as a venue to synthesize autonomous experiences. These are moments that move back and forth, dynamically and historically. There will be periods of discontinuity and tension between black and non-black militants, so long as the real differences between us aren’t yet undermined in practice and struggle. But there will also be times when unified action, or the initiatives and ideas of non-black people, will be useful for the black movement.
There is no “one size fits all” way white people should relate to black struggles, or vice versa. As Selma James described very well, there is instead a continual process of development, that creates the possibility for ever higher levels of unity and struggle.
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