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Démasquez les délinquants derrière votre ordinateur

BRITAIN CCTV
Contre rémunération, une société britannique proposera aux internautes de scruter en direct les images de caméras de surveillance pour dénoncer les crimes et délits. Fureur chez les défenseurs des libertés individuelles.

Même dans un pays dont les rues sont bardées de caméras de surveillance, le dispositif n’est pleinement efficace que s’il y a quelqu’un derrière l’écran. Problème principal : le coût d’un tel déploiement de forces devant les écrans de surveillance. C’est pour parer à ce problème qu’une entreprise privée britannique entend proposer aux détenteurs d’ordinateurs équipés d’un accès Internet de prendre part eux-mêmes à la surveillance et de gagner de l’argent s’ils signalent un délit.[print_link]

Exemple : un magasin de vêtements possédant au moins une caméra de surveillance verse une vingtaine de livres sterling (20 euros) à Internet Eyes – c’est le nom de la société, littéralement «Les yeux d’Internet». En échange, cette société confie la surveillance des images de sa caméra, en direct, à des internautes volontaires. Internet Eyes s’adresse aux commerces, bureaux, et aimerait séduire les forces de l’ordre ainsi que les municipalités. Un marché à fort potentiel : plus de 4 millions de caméras de surveillance sont en service dans le pays, indiquent les concepteurs du projet.

Derrière leur écran, des Britanniques scrutent le moindre incident. À eux de cliquer sur une touche dès qu’ils détectent un comportement suspect (vol, vandalisme, etc.). Un SMS et une capture d’écran partent alors chez le commerçant. L’internaute peut espérer toucher jusqu’à 1.000 euros, promet Internet Eyes. Pour cela, il faut être rapide, car plusieurs individus peuvent en effet scruter la même caméra au même instant. Seul le premier à cliquer gagne des points, convertis ensuite en livres sterling. Mais gare à la précipitation. Tout clic abusif sera puni par une perte de points. Un véritable jeu en ligne.

Un autre moyen de gagner de l’argent consiste pour l’internaute à donner un compte-rendu régulier de ses observations aux entreprises qui, à leur tour, donnent leur avis sur son travail, en échange de quelques points. Le site devrait également afficher une galerie de portraits : tous les individus ayant été arrêtés, avec le nom de l’internaute ayant contribué à leur arrestation.

«Devenez un héros et sauvez des vies»

Sur son site, Internet Eyes vante les mérites de son système pour l’internaute : «Gagner de l’argent, participer à la réduction du nombre de crimes et éventuellement devenir un héros et sauver des vies». Le discours vise également les entreprises : «Utilisez-vous un système de vidéosurveillance ? Est-il dissuasif ? Pourrait-il être plus efficace ?» Les trois hommes à l’origine d’Internet Eyes – Tony Morgan, James Woodward et David Steele rappellent que sur les 4 millions de caméras de surveillance en service, seules 10% seraient utilisées efficacement. Si un Britannique est filmé en moyenne 300 fois par jour, le nombre de crimes tend pourtant à augmenter, relève Internet Eyes.

Le système sera d’abord testé en novembre à Stratford-upon-Avon, ville natale de Shakespeare, au centre de l’Angleterre. Il doit être étendu à tout le territoire le mois suivant mais il est déjà critiqué par les associations de défense des droits civiques. Elles estiment que le système va inciter les gens à une forme d’espionnage. «Voilà qui va créer un paradis des dénonciateurs», se désole par exemple Charles Farrier, président de l’association No CCTV, dans le Daily Mail. «Il va non seulement encourager une dangereuse mentalité d’espion mais aussi conduire à de dangereux abus. Que se passera-t-il si un groupe de racistes décide de donner l’alerte à chaque fois qu’un noir est vu à l’écran ? Et qu’est-ce qui empêchera les criminels d’utiliser ces caméras pour déterminer où ils doivent commettre leurs crimes ?» Internet Eyes répond à cela en promettant que les internautes ne pourront connaître le lieu où se trouvent les caméras. «Tout le monde est déjà filmé, juge par ailleurs Tony Morgan. C’est juste qu’il n’y a personne pour regarder ce qui est filmé».

Sollicitée par l’agence Reuters, l’association des officiers de police britannique n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Aucune trace non plus d’une quelconque réaction au sein du gouvernement.

Jérôme Bouin (lefigaro.fr)

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