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De la difficulté des alternatives…..

En Bolivie, la route qui a coûté à Evo Morales le soutien des Indiens
Après une vague de protestation inédite et violemment réprimée contre un projet routier, le gouvernement bolivien a dû faire marche arrière et suspendre, lundi soir 26 septembre, le chantier. La vigoureuse opposition à ce projet est d’autant plus embarrassante qu’elle émane essentiellement de communautés indiennes, qui constituent la base électorale du président Evo Morales. En 2006, elles ont largement contribué à porter au pouvoir ce syndicaliste de l’ethnie aymara. Mercredi, le principal syndicat bolivien a appelé à une grève générale.
Un projet d’autoroute contesté
Une partie de la population bolivienne s’oppose au projet d’autoroute devant relier les départements de Beni et de Cochabamba, de San Ignacio de Moxos à Villa Tunari. Cet axe de 300 km devait être achevé en 2014. Il transite par une réserve écologique de 1 million d’hectares, le parc national Isiboro Secure (aussi appelé Tipnis), où vivent 15 000 Indiens amazoniens. L’infrastructure, qui doit être construite par la firme brésilienne OAS et dont le coût de 305 millions d’euros sera pris en charge par le Brésil, est censée désenclaver les deux provinces rurales. Le gouvernement de La Paz le présente comme un enjeu économique essentiel pour le pays, l’un des plus pauvres d’Amérique latine.

Mais cette route couperait en deux la réserve Tipnis, terre ancestrale des ethnies Chiman, Mojeño et Yuracaré. Les populations locales devront être déplacées si le projet était mis en œuvre. De plus, les habitants accusent Morales de profiter de ce chantier pour confier de nouvelles terres aux cultivateurs de coca, une force syndicale et politique qui reste à ce jour son principal soutien politique.

Une marche de protestation a donc été organisée le 15 août pour parcourir les 600 kilomètres qui séparent Trinidad de La Paz. Mais depuis dix jours, 1 700 manifestants étaient bloqués à mi-chemin à Yucumo, à la fois par des producteurs de coca favorables au gouvernement et par les forces de l’ordre, comme le raconte le quotidien argentin Pagina/12.

Des manifestations violemment dispersées
L’opposition au projet routier s’est enflammée après la brutale dispersion, dimanche 25 septembre, des manifestants de Yucumo. Les chaînes de télévision ont montré l’arrestation musclée d’hommes, de femmes et d’enfants – un bébé de 2 mois a même été provisoirement détenu, rapporte El Pais. Certains ont eu leurs mains attachées avec du ruban adhésif, leur bouche bâillonnée, et se sont vus pousser à coups de matraques et de gaz lacrymogènes dans les bus de la police.

La chaîne de télévision proche de l’opposition PAT diffuse les images des incidents, les accompagnant d’effets de montage dramatiques (ralentis, zoom, musique angoissante) :

“C’était une action extrêmement violente, et planifiée à l’avance par les forces policières”, assure le quotidien bolivien d’opposition El Deber, qui décrit des coups portés sans distinction aux manifestants, femmes et enfants compris. Le journal brésilien Folha de Sao Paulo rapporte les propos du général Oscar Muñoz, qui a justifié l’opération en arguant que ses agents avaient été menacés par des Indiens armés. Mais le défenseur du peuple Rolando Villena (équivalent bolivien du médiateur de la République) a, lui, assuré que les protestataires étaient en train de déjeuner lors de l’intervention. Le ministère de l’intérieur a avancé un autre élément de justification : il s’agissait d’empêcher un affrontement entre les marcheurs et les producteurs de coca pro-gouvernementaux, qui étaient résolus à leur barrer la route.

Le bilan fait lui aussi débat. La police a fait état dimanche de “deux indigènes” et de quelques policiers blessés, mais un “Comité de communication de la marche” a annoncé la mort d’un bébé de 3 mois dans la cohue. Ce comité a assuré que sept enfants restaient introuvables. Le ministre de l’intérieur, Sacha Llorenti, a démenti ces affirmations, précisant à la presse qu'”il n’y a aucune information sur des personnes disparues, ni sur aucun mineur décédé”.

Cette répression a été vivement condamnée par des défenseurs de droits de l’homme et “profondément déplorée” par la délégation de l’ONU en Bolivie. Elle a déclenché des manifestations de soutien aux marcheurs spontanées dans des dizaines de villes.

  Le chantier suspendu, une ministre démissionne
Intervenant lundi soir, Evo Morales a qualifié ces incidents d'”impardonnables” et annoncé la création d’une commission d’enquête. Dans la foulée, le président a indiqué que le projet de route était suspendu et que son avenir dépendrait de la tenue d’un référendum régional. Evo Morales n’a toutefois fourni aucun calendrier.

La ministre de la défense, Cecilia Chacon, a quant à elle présenté sa démission. “Je ne partage pas la décision d’intervention contre la marche et je ne peux la justifier dans la mesure où d’autres solutions existaient”, a écrit Mme Chacon, dans une lettre adressée au président.

Les populations indigènes déçues par le président
Malgré les distances prises par Evo Morales avec les violences du week-end, la bataille d’opinions ne joue pas en sa faveur. Le président est en train de perdre le soutien des Indiens, soit la moitié de la population du pays, celle qui avait largement contribué à son ascension politique. Pendant des années, Evo Morales a été en effet le chantre de la fierté indienne. Se présentant à la présidentielle en 2006, il a vanté ses racines aymara, arboré la whipala, le drapeau symbole des populations andines, inscrit dans la Constitution le caractère “plurinational” de l’Etat et reconnu 36 langues indiennes comme langues officielles.

>> Voir le portfolio “Evo Morales, un ‘socialiste indigène’ au pouvoir”

L’affrontement avec les marcheurs de Tipnis prive le président d’une partie de sa base politique. Le quotidien La Prensa évoque dans un éditorial la “perte de légitimité et de crédibilité sans précédent depuis l’arrivée au pouvoir de son parti”. Evo Morales est contesté jusque dans son camp. Après la démission de Cecilia Chacon, les regards se tournent vers le ministre de l’intérieur, Sacha Llorenti, dont le départ est réclamé dans les cortèges. Mercredi, l’affrontement prendra une tournure sociale puisque la principale centrale syndicale, la COB, a appelé à une grève générale en soutien aux marcheurs.
Mathilde Gérard

source: le monde.fr

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    29/09/2011 à 11:21 | #3

    “Une manifestation convoquée par la centrale ouvrière bolivienne paralyse le centre de La Paz” titre le quotidien. Trois jours après l’intervention en force de la police, le 25 septembre, contre la marche des Indiens d’Amazonie, le pays a montré sa solidarité avec les “frères indiens”, qui protestaient contre un projet de route au cœur de leur territoire. L’indignation suscitée par la répression a déjà entraîné la démission de deux ministres du gouvernement. La centrale syndicale prévoit de nouvelles actions le 30 septembre.
    Source : La Razon
    Grève générale et solidarité avec les Tipnis en Bolivie

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