Accueil > Nouvelles du monde > “Quoi faire ?”

“Quoi faire ?”

 Autour de la brochure « Le mouvement des piqueteros en Argentine (1994-2006)» de Bruno Astarian.
Dans « Les Dépossédés » (1974), Ursula Le Guin nous invitait à ne pas faire la révolution mais d’être la révolution. Dans une société fétichiste, il n’y a pas de palais d’Hiver à prendre, pas de coeur institutionnel à conquérir d’où le château de cartes pourrait s’effondrer (pour une argumentation sur ce point, voir ce texte sur la forme historiquement spécifique des institutions modernes). Ce sont l’ensemble des rapports sociaux capitalistes que nous constituons tous et toutes, structurés par le travail socialement médiatisant, l’argent et le mouvement fétichiste de la valeur que nos milliards d’action constituent, qui doivent être l’objet de la transformation vers l’émancipation. Des rapports sociaux économiques doivent devenir des rapports sociaux non-économiques. Dans le surgissement de cet écart là, la violence expropriatrice et défensive d’expériences radicales de réappropriation ouvre davantage des perspectives vers l’émancipation, que de s’affronter pour s’affronter avec les forces anti-émeutes à la manière des blanquistes.

Ce qui s’est passé en Argentine dans les années 1990 puis surtout depuis 2001 avec l’éclatement de la bulle, avec le mouvement des piqueteros, sa frange radicale, et des assemblées de quartiers dans les villes, a ouvert une brèche vers quelque chose de nouveau. Ci-dessous, la brochure « Le mouvement des piqueteros en Argentine (1994-2006) » de Bruno Astarian, un théoricien post-ultragauche, qui est véritablement passionnante car il a très bien analysé ce qui était véritablement rendu possible dans ce mouvement en termes de transformation des rapports sociaux, notamment au sein de la frange radicale des piqueteros (cf. la conclusion et la partie sur la réappropriation de la boulangerie par le MTD Solano qui est, par sa critique du travail et ses principes d’horizontalité, un des mouvements de travailleurs désoccupés les plus intéressants). Et cela comme il l’indique pourrait aller vers un au-delà de la simple autogestion économique, vers un au-delà de l’économie, c’est cela qui peut s’esquisser.

Les gens ont parfois voulu simplement s’approprier directement des ressources sans aucunement se préoccuper de savoir si on doit les acheter ou pas. S’il y a des terrains à utiliser, des usines dont on peut faire marcher les machines, des maisons vides que l’on peut habiter, on peut espérer que de plus en plus de gens vont se dire que l’on va s’en servir, sans même respecter la question de la propriété privée, sans se demander si l’on doit payer pour leurs utilisations et sans se demander surtout (!) si l’on peut gagner de l’argent avec ces nouvelles activités et réappropriations. C’est-à-dire sans se dire que l’on doit rester à se coordonner les uns les autres au travers d’un travail qui sera l’activité socialement médiatisante des rapports sociaux. Il y a des chances que tant que la réappropriation expropriatrice ne saura pas dépasser cette forme de cohésion sociale au travers du travail comme activité socialement médiatisante (origine de la face abstraite et concrète de tout travail, cf. Postone), les luttes resteront dans l’altercapitalisme, l’économie de misère et le démocratisme radical (R. Simon).

Il y a aussi ce film « Busqueda Piquetera » sur le mouvement des piqueteros avec des interviews de membres du MTD Solano qui racontent leur histoire (traduction en Français) :

Il existe également un autre excellent texte de Bruno Astarian, un texte de fond, « Activité de crise et communisation », notamment dans sa partie 3 sur la communisation, qui expose admirablement l’horizon de ce qu’il nous reste à faire et à penser dans cet horizon de la crise de la civilisation capitaliste. C’est une sorte de réflexion théorique qui poursuit cette réflexion sur la frange radicale du mouvement des piqueteros.

Bonne lecture,

Hasdrubal

La source

Categories: Nouvelles du monde Tags:
  1. Pas encore de commentaire
  1. Pas encore de trackbacks

%d blogueurs aiment cette page :