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Infos Algérie, suite…

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La colère gronde toujours, le fossé se creuse davantage entre le sommet de la centrale syndicale et sa base et cette semaine promet d’être plus agitée que la précédente.

Les syndicalistes de la SNVI, réunis hier autour du président de l’union locale UGTA de Rouiba, ont décidé de poursuivre leur mouvement de protestation qui paralyse depuis une semaine les activités du complexe et de nombreuses autres unités publiques de la zone industrielle de Rouiba-Réghaïa. Relayant la colère des travailleurs exacerbée par le communiqué publié par la centrale syndicale ce week-end, les syndicalistes qualifient ce texte, signé Sidi Saïd, de « provocation de plus et une preuve qu’entre la base et le sommet de l’UGTA il y a un gouffre ».[print_link]
Il a été décidé à l’unanimité de poursuivre la protestation « en organisant des marches pacifiques jusqu’à ce que les pouvoirs publics annoncent des mesures concrètes quant aux salaires et au départ à la retraite ». Un encadreur du mouvement de protestation des travailleurs de la zone industrielle de Rouiba, que nous avons joint hier par téléphone, nous a déclaré : « Au lieu de lancer un débat constructif, de se remettre en cause pour avoir osé décider à la place des travailleurs sans les associer aux discussions sur des questions qui les touchent directement, Sidi Saïd diffuse un communiqué à travers lequel il loue les efforts du gouvernement.

Nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d’onde. Il défend ceux que nous dénonçons. Il se trouve dans le camp qu’on lui a imposé. » Notre interlocuteur précise qu’il a été décidé d’agir dans le sens à associer le maximum de travailleurs à cette action au sein de la zone industrielle de Rouiba et même au-delà. « Nous allons être plus nombreux à répondre à Sidi Saïd, encore une fois. Car les manifestations que nous organisons depuis dimanche dernier sont l’expression de notre position vis-à-vis de ce qu’il a été amené à signer lors de la dernière réunion tripartite. Celle de demain – et des jours à venir si les pouvoirs publics persistent dans leur silence – sera le prolongement de cette position et en même temps une dénonciation de cet autre impair commis par l’UGTA, à savoir le communiqué qu’elle vient de rendre public », nous dit un autre travailleur.

Et d’ajouter : « Au lieu d’apporter des réponses aux problèmes soulevés par les travailleurs, Sidi Saïd nous parle de ’’programmes de modernisation et de relance économique, décidés par son excellence, M. le président de la République’’. M. Sidi Saïd, nous vous parlons de pères de famille qui travaillent dans des conditions inhumaines, mais qui meurent de faim dans un pays qui regorge de richesses. Nos salaires ne nous permettent pas de nourrir convenablement une famille de 6?personnes durant 15 jours tandis que les serviteurs du pouvoir, sans rendement aucun pour l’économie nationale, touchent 10 à 20?fois notre salaire. » Nos interlocuteurs nous déclarent que des contacts soutenus ont lieu avec les syndicalistes des autres unités afin de maintenir la mobilisation de la semaine dernière. « Nous étions plus de 5000 travailleurs à sortir jeudi dernier et nous serons encore plus nombreux cette semaine. Il ne faut pas oublier que des milliers d’autres travailleurs ont été empêchés de nous rejoindre dans la rue. Le nombre impressionnant d’éléments des forces antiémeute mobilisés à Rouiba renseigne sur l’affolement du régime. Qu’il se rappelle qu’Octobre 1988 a démarré à partir de Rouiba », nous déclare-t-on. A rappeler que les travailleurs réclament une augmentation conséquente des salaires et le droit de partir à la retraite avant l’âge de 60?ans pour ceux qui auront rempli les conditions contenues dans la loi de 1997 régissant le départ à la retraite proportionnelle. Ce mouvement de protestation se veut une réaction aux conclusions de la dernière tripartite qui a décidé d’une augmentation de 3000?DA du SNMG pour le porter à 15?000?DA et la suppression du droit de sortir en retraite proportionnelle.

El Watan, dimanche10 janvier 2010
Par K. Omar

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Sixième jour de grève à Rouiba
Les raisons de la colère des travailleurs de la SNVI
11-01-2010

Photo : M. Hacène
Par Ali Boukhlef

Il règne un climat d’émeute à la zone industrielle de Rouiba. Tous les accès menant à la plus grande concentration d’usines du pays sont bouclés par un dispositif sécuritaire impressionnant. Les gendarmes, bouclier en main, sont prêts à en découdre et leur intention est plus que dissuasive : ce sont des dizaines, voire des centaines de CRS, qui sont déployés, en plus de dizaines d’autres restées dans les interminables files de fourgons verts de la Gendarmerie nationale. Pourtant, aucun réel danger ne menace l’ordre public en cette belle mais froide matinée de dimanche.  En revanche, celui redouté vient des alentours de l’usine de la SNVI (Société nationale des véhicules industriels) où les travailleurs entament aujourd’hui leur septième jour de grève. «Nous faisons notre grève de manière pacifique», s’insurgent des salariés, rencontrés hier en fin de matinée, devant leur usine dont ils refusent toujours de rejoindre ateliers et bureaux. Ils sont indignés par ce déploiement de la force publique. Pourtant, à les entendre parler, ils ne demandent rien d’extraordinaire. «Juste un salaire décent et une vie décente», résume l’un d’eux, avant qu’un rassemblement ne s’improvise autour de nous. Et, plus que tout, les 7 100 salariés de celui qui fut, pendant longtemps, un fleuron de l’industrie nationale dénoncent ce qu’ils considèrent comme un «manque de considération». «En six jours de grève, personne n’est venu nous écouter», dénonce Benmiloud, secrétaire général de la section locale de l’Union générale des travailleurs algériens. «Pourtant, nos revendications sont simples : suppression de l’article 87 bis du code de travail, la sauvegarde de l’actuel système de retraite et l’augmentation des salaires», poursuit-il. Les revendications ne sont plus adressées à la direction de l’entreprise mais au gouvernement. «La SNVI est une propriété de l’Etat, c’est donc au gouvernement de nous répondre», dit-on, comme pour répondre à la Centrale syndicale qui rappelle que l’Etat a aidé l’entreprise à se relever. «Pour saborder notre mouvement, on s’est empressé de montrer les bus vendus à l’ETUSA en guise de trophées», se désole un autre salarié qui dit ne pas sous-estimer les décisions du gouvernement. Sauf que cela ne suffit plus.Et, ce qui fait enrager le plus les travailleurs de la SNVI, c’est la situation catastrophique qu’ils endurent au plan salarial. «Avec mes 34 ans d’expérience, je gagne 30 000 DA par mois», témoigne Rabah, technicien supérieur.
«Et, avec cela, on paie plus de 6 000 DA d’IRG (impôt sur le revenu global)», précise-t-il. D’autres salariés, notamment les agents d’exécution, attestent que leurs salaires ne dépassent pas 18 000 DA dans le meilleur des cas. «Certains d’entre-nous ne peuvent même pas s’offrir un déjeuner, puisque, avec leur salaire de misère, ils ne sont même pas capables de débourser 150 DA pour se nourrir à midi», témoigne Noureddine, qui travaille dans la mécanique.
Mais, au-delà des revendications salariales, les travailleurs de la SNVI (auxquels se sont joints d’autres employés) veulent s’attaquer à la racine de la précarité, l’article 87 bis du code du travail. «Avec cet article-là, nos salaires ne vont pas évoluer, ce qui fait que les résultats de la tripartie ne changeront rien», estime Ali Belkhiri, technicien au complexe SNVI. Il pense, au même titre d’ailleurs que beaucoup de ses collègues, que, si l’article incriminé n’existait pas, la récente augmentation du SNMG pourra probablement entraîner l’augmentation d’autres salaires. L’autre décision de la tripartie que les travailleurs de la SNVI contestent est celle relative à la retraite. «On en peut pas nous obliger à travailler jusqu’à 60 ans dans les conditions dans lesquelles nous vivons», proteste Benmiloud, qui met en avant la pénibilité de travail au sein de son entreprise. Malgré cela, aucun responsable, y compris ceux de l’UGTA, «syndicat de la base», comme ils l’appellent, n’est venu les écouter. C’est pour cela que l’usine SNVI de Rouiba est toujours fermée jusqu’à nouvel ordre.

La Tribune

Le front social en ébullition à travers le pays
La protestation se poursuit dans la zone industrielle de Rouiba
En effet, comme la semaine dernière, les travailleurs sont sortis dans la rue et ont tenté de marcher sur la ville. Mais la présence massive des forces antiémeute les a empêchés de manifester librement.

Le pouvoir a mobilisé un nombre impressionnant de policiers et de gendarmes afin de les empêcher de se rassembler. Les gendarmes ont reconduit la stratégie de la fin de la semaine dernière qui consiste à isoler les différents secteurs de la zone les uns des autres pour empêcher les travailleurs de converger vers un seul endroit. Les travailleurs de la SNVI étaient bloqués à hauteur du carrefour près de Mobsco, mais un autre barrage a été dressé du côté de Réghaïa pour dissuader les travailleurs d’Anabib de rejoindre la foule. Comme on a dressé un autre barrage sur la route donnant sur la RN5 pour empêcher les travailleurs de la partie sud de la zone de se rendre sur la route reliant Rouiba à Réghaïa où étaient rassemblés les travailleurs de la SNVI, face à un insurmontable barrage de la Gendarmerie nationale. Matraque et bouclier à la main, les gendarmes ont carrément barré la route aux manifestants, filtrant même le passage des autres citoyens qu’ils déviaient sur d’autres voies. Avant de sortir dans la rue, les travailleurs de la SNVI ont organisé une assemblée générale pour décider des suites à donner à leur mouvement. « Nous avons décidé, à l’unanimité, de poursuivre la protestation. Après six jours de manifestation, il est évident que nous ne pouvons pas reculer », nous a affirmé un membre du syndicat d’entreprise de la SNVI. Interrogé sur la réaction des travailleurs et des membres du syndicat d’entreprise au communiqué diffusé par l’UGTA et qui rapporte que des efforts importants ont été consentis par l’Etat, et que la SNVI « fait l’objet de programmes de modernisation décidés par Son Excellence, Monsieur le président de la République », ce syndicaliste déclare : « Après 4 jours de grève, on s’attendait à une réaction positive de la part de la centrale syndicale, malheureusement l’UGTA a diffusé un communiqué négatif qui s’inscrit en porte-à-faux avec toute cette masse. C’est un écrit destiné à discréditer tous les travailleurs de la zone industrielle. On nous parle des efforts faits par le gouvernement en direction de la SNVI comme si l’entreprise était un bien des travailleurs ? C’est un bien de l’Etat et c’est tout à son honneur si le gouvernement se soucie de la SNVI. Nous aurions accepté le communiqué s’il émanait du gouvernement, pas de l’UGTA. Pour nous c’est un texte qui n’a aucune valeur. » Hier, comme pendant les deux derniers jours de la semaine dernière, les manifestants étaient confrontés à un impressionnant dispositif de sécurité. « Voilà où l’Etat algérien dépense l’argent du public : la répression. Des milliers d’hommes et des moyens matériels énormes ont été mobilisés depuis le début de la semaine dernière pour mater un mouvement ouvrier. C’est une honte ! », réagit un quinquagénaire. Pour autant, la ferveur et la détermination de la foule n’ont pas diminué d’un degré. Au contraire, les travailleurs disent qu’ils sont « prêts à passer une année dans la rue ». « Nous n’avons rien à perdre. Cette action est nécessaire pour sauvegarder notre dignité », nous dit un groupe de travailleurs de la Tameg rassemblé devant l’entrée de leur usine. Plus loin, ce sont ceux de Mobsco et d’Hydroaménagement qui crient leur colère. Ils se rassemblent sur la route devant un barrage des forces antiémeute de la gendarmerie.

Ils arborent une banderole sur laquelle ils portent leur revendication principale : « Abrogation de l’article 87 bis ». A rappeler que ce texte de loi assimile le SNMG au salaire net, primes y comprises. Ce qui empêche une augmentation réelle des salaires avec l’indexation des primes sur le salaire de base. « Il y a encore des travailleurs dans d’autres secteurs qui ont un salaire de base de moins de 8000 DA. Ils touchent 15 000 avec toutes les primes afférentes à leur poste. A la SNVI, aucun travailleur ne bénéficiera de l’augmentation du SNMG, décidée par la tripartite parce que tout le monde dépasse déjà les 15 000 DA net », nous déclarent les travailleurs.« Voilà 6 jours que nous manifestons et aucun responsable n’a daigné venir nous entendre. Nous ne voulons plus de Sidi Saïd comme secrétaire général de l’UGTA. En effet, un fossé énorme s’est creusé entre la direction de ce syndicat et les adhérents ; il est clair que l’UGTA ne peut plus prétendre nous représenter », annonce un travailleur. Sur des banderoles accrochées aux murs de la SNVI, à l’entrée principale de l’usine, on pouvait lire : « Pour une augmentation des salaires » ; « Un pouvoir d’achat décent » ; « Abrogation de l’article 87 bis » ; « Ne touchez pas à ma retraite ». A l’unité Tubes Profiles d’Anabib de Réghaïa, des travailleurs nous ont déclaré qu’ils sont en grève depuis la semaine dernière et qu’ils sont, eux aussi, déterminés à aller jusqu’au bout. « Les quatre unités d’Anabib sont en grève. Nous sommes quelque 1000 travailleurs au total », nous indiquera l’un d’eux. A rappeler que la quasi-totalité des entreprises publiques de la zone étaient hier encore paralysées. Comme d’habitude, les travailleurs se sont dispersés dans le calme en milieu d’après-midi, se donnant rendez-vous pour aujourd’hui.

EL WATAN

11 janvier 2010

Par Kamel Omar

ArcelorMittal Annaba
7200 sidérurgistes en grève à partir du 12 janvier

C’est officiel. L’unité cokerie du complexe ArcelorMittal sera fermée. La direction générale, représentée par Vincent Le Gouic, a rendu hier son verdict à l’issue d’une réunion qui l’a regroupée avec le partenaire social dont l’objet est la réhabilitation ou non de l’unité cokerie et le sort réservé aux 320 charbonniers qui y activent. La réaction du syndicat ne s’est pas fait attendre et l’annonce d’une grève générale et illimitée à partir de demain mardi a été décidée. Devant ce refus de réhabiliter la cokerie et en réaction à cette inertie, le conseil syndical réuni en session extraordinaire a décidé à l’unanimité de ses membres de déclencher une grève générale et illimitée à compter du mardi 12 janvier 2010 à partir de 5h au niveau du complexe d’El Hadjar.

Annaba. De notre bureau

Néanmoins, le service minimum conventionnel sera observé », a annoncé hier Smaïn Kouadria, le secrétaire général du syndicat d’entreprise. Cette décision a été accompagnée, selon un communiqué rendu public hier, d’une plateforme de revendications comprenant 5 points. Il s’agit en substance d’un appel aux pouvoirs publics à l’effet d’accompagner financièrement le groupe ArcelorMittal affecté par la crise mondiale pour la réhabilitation de la cokerie et la relance du dossier investissement 2010-2014 des unités relevant du process de production telles que celles de la PMA, les 2 hauts fourneaux, les 2 aciéries à oxygène et laminoirs. En termes plus clairs, le syndicat exhorte les pouvoirs publics à une implication directe pour dénouer cette situation. Il appelle le gouvernement à reconduire, au profit de l’employeur indien (ArcelorMittal) qui détient 70% des actions du complexe, les avantages du système ANDI, ceux contenus dans la convention d’investissement actuellement en cours de validité, la protection de la production sidérurgique nationale et surtout le financement du programme d’investissement d’ArcelorMittal en sollicitant le fonds national d’investissement dont la période de grâce est assortie d’un taux bonifié.

Concernant le volet social, le syndicat n’a pas omis d’inscrire sur sa plateforme revendicative l’exigence de l’installation d’une commission mixte (DG/syndicat) pour l’élaboration d’un dossier sur les postes pénibles présentant des conditions particulières. Un dossier qui sera soumis à la centrale syndicale UGTA, le mois prochain, dont l’objectif est de faire « bénéficier » les travailleurs concernés par une réduction d’âge de départ légal à la retraite. Le cas du personnel opérant dans le cadre de la sous-traitance dans les unités de production, y compris la TSS au complexe sidérurgique d’El Hadjar, a été abordé dans ce document où le partenaire social a demandé son intégration au sein de l’entreprise de par son savoir-faire acquis dans les postes de travail qu’il occupe. Ainsi, mise en veilleuse depuis le 11 octobre 2009, l’unité de la cokerie ne démarrera plus. Les multiples experts des groupes Zenica (Bosnie), Kokso (Pologne) et Russes qui s’y sont succédé sont tous unanimes quant à l’investissement lourd de plus de 40 millions de dollars nécessaires pour la réhabilitation de la cokerie, avec ses mesures d’accompagnement. D’une capacité de production de 8000 tonnes/jour, cette unité est en service depuis 1978. Dans une de ses déclarations à El Watan, Vincent Le Gouic avait affirmé : « Il faut savoir que la durée de vie d’une cokerie est de l’ordre de 30 ans. Continuer aujourd’hui à l’exploiter relève d’un danger sur la sécurité des travailleurs. Nous avons établi une expertise assurée par des experts en la matière – dépêchés par le groupe – qui a confirmé en juillet 2009 l’obligation de rénover toute l’unité dont les travaux nécessiteront une année sinon l’abandonner. » C’est cette dernière décision qui a été retenue à défaut de disponibilité des finances en ces temps de crise. Cela ne saurait, cependant, avoir d’incidence sur le processus de production du complexe car, selon le même responsable, la direction générale a pris toutes ses dispositions à l’effet d’assurer l’approvisionnement des hauts fourneaux 1 et 2 en coke dont l’unité de la cokerie assurait la transformation depuis le charbon. En prévision de cet arrêt, la direction générale du complexe a entamé, il y a déjà plusieurs semaines, l’importation et le stockage du charbon depuis l’usine ArcelorMittal Pologne.

Par M. F. Gaïdi


Une CGTA contre l’organisation de Sidi Saïd

La protestation des travailleurs de la SNVI relance l’idée de la création d’une Confédération générale des travailleurs algériens (CGTA).
Lancée par des syndicats autonomes de la Fonction publique, il y a quelques semaines, cette initiative commence à prendre forme. L’Intersyndicale autonome de la Fonction publique a déjà entamé la concertation avec d’autres organisations syndicales en vue de dessiner les contours de cette confédération. Une organisation qui viendra bousculer la centrale syndicale UGTA. En effet, selon un communiqué rendu public hier par le Cnapest, cette confédération sera ouverte à tous les travailleurs algériens, y compris ceux du secteur économique public et privé. Encouragés par le succès de leur organisation dans la Fonction publique, les syndicats autonomes veulent élargir cette expérience à d’autres secteurs d’activité et former, par la suite, une organisation « forte, représentative et indépendante des pouvoirs publics ». « La situation précaire des travailleurs algériens est la conséquence directe de l’absence d’une organisation syndicale démocratique qui représente et qui défende leurs droits au sein de ce qu’on appelle la tripartite. Cela en plus des politiques appliquées par le gouvernement consistant à affaiblir les salaires des travailleurs algériens dans le but d’attirer les investissements étrangers, comme si une telle optique passe par la paupérisation des travailleurs », affirme le Cnapest dans son communiqué.

Selon les responsables de cette organisation, les discussions autour de cette idée sont en cours. « Nous avons déjà lancé le débat sur le sujet dans le cadre de l’Intersyndicale. Nous avons également entamé les concertations avec les responsables des syndicats de la santé, SNPSP et SNPSSP », déclare Messaoud Boudiba, chargé de communication du Cnapest. La création de la CGTA, ajoute-t-il, nécessite l’adhésion de toutes les organisations syndicales autonomes. « Nous lançons un appel à tous les travailleurs algériens pour la création d’un regroupement syndical démocratique qui englobera les travailleurs de la Fonction publique et ceux du secteur économique sous forme de CGTA. Une organisation qui constituera un cadre pour la défense des droits des travailleurs algériens, qui sera capable d’imposer la logique de la négociation et d’agir pour le développement des entreprises économiques en tant qu’outil de création de richesses et d’emplois et l’amélioration du statut social des travailleurs », souligne encore le Cnapest. En appelant à la création de cette nouvelle organisation, le Cnapest rappelle la situation catastrophique du monde du travail en Algérie. Une situation jalonnée par l’érosion du pouvoir d’achat des travailleurs et la montée de la contestation sociale dans tous les secteurs d’activité. Dans ce sens, le syndicat dénonce la répression dont ont été victimes les travailleurs de la SNVI de Rouiba et les exactions exercées par des firmes étrangères activant en Algérie sur leurs employés algériens.

Par Madjid Makedhi

Salah Mouhoubi. Économiste et universitaire
« L’Etat ne peut pas faire du social et de l’économie à la fois »

Les travailleurs de la Snvi ont déclenché un mouvement de grève qui ne cesse de faire tache d’huile pour toucher certaines autres entreprises de la zone industrielle de Rouiba, quelle est votre lecture? ?

Il faut bien se rendre d’abord à l’évidence que le secteur de l’automobile est en crise à travers le monde. Le cas de la Société nationale de véhicules industriels (Snvi) est une question de modèle de stratégie qui a échoué. Bien qu’on la considère depuis des années comme le fleuron de l’industrie nationale, la Snvi a été délaissée pendant plusieurs années et a été tenue sous perfusion des commandes publiques. Il faut reconnaître que s’il n’y avait pas ces commandes publiques, la Snvi n’aurait pas pu survivre. C’est une entreprise qui était complètement déstructurée et en déphasage avec les technologies modernes en matière de construction automobile. Cela dit, le maintien en survie de la Snvi est motivé par des raisons essentiellement d’ordre social. Pendant tout ce temps-là, les pouvoirs publics n’ont pas fait preuve d’imagination afin de remettre sur les rails ce complexe industriel délaissé.

Les travailleurs semblent insatisfaits de la décision de revoir à la hausse le Snmg, alors que les négociations autour des conventions de branche pour les salariés du secteur économique tardent à avoir lieu…

Le syndicat des travailleurs ne prend pas en compte les mutations au niveau mondial et la nécessité d’œuvrer pour le développement de la croissance et la productivité. Cette grève lancée par les travailleurs de la Snvi intervient dans une période cruciale marquée surtout par la volonté affichée par le gouvernement d’aller vers la restructuration de la société. Il est vrai que la revendication salariale des travailleurs est légitime, mais il faudra d’abord coordonner les efforts et les intérêts pour la préservation des emplois. Car une nouvelle revalorisation salariale peut porter préjudice à la trésorerie de l’entreprise qui souffre déjà de plusieurs déficits. A mon avis, l’évolution des salaires doit être conditionnée par l’évolution de la productivité, notamment pour le cas de la Snvi, dont le redémarrage nécessite les concessions des uns et la volonté des autres.

Y a-t-il, d’après vous, une corrélation entre le mouvement de protestation des travailleurs de la SNVI et la volonté du gouvernement de restructurer l’entreprise? ?

Ce n’est pas la première fois que la Société nationale de véhicules industriels connaît des opérations de restructuration. Son cahier des charges dépend essentiellement des commandes publiques. Le gouvernement vient de décider une nouvelle restructuration de l’entreprise dans le cadre d’une nouvelle politique du redéploiement du secteur public. Une enveloppe budgétaire de 333 milliards de dinars a été mise à disposition pour soutenir financièrement 14 entreprises, dont plus de 100 milliards de dinars sont consacrés à éponger les découverts de certaines entreprises. Dans toute cette histoire, puisque la volonté politique vient d’être clairement affichée, les travailleurs doivent faire un effort en reléguant la question salariale au second plan, en attendant la hausse de la productivité car la question primordiale qui se pose, en premier lieu, est celle de préserver l’outil de travail et rehausser le niveau de la productivité afin de pérenniser la croissance de l’entreprise.

Selon vous, la privatisation de l’entreprise pourrait-elle être une solution? ?

Tout à fait, la privatisation et/ou l’option de partenariat peuvent être une solution, mais les vieux réflexes font que dès qu’il y ait débat sur ces deux options, des voix s’élèvent pour tuer le débat dans l’œuf et s’opposer à toute option de privatisation et/ou de partenariat. Il faut reconnaître que l’industrie automobile à travers le monde est une affaire qui relève du secteur privé et que l’Etat se contente d’assumer son rôle de régulateur, et intervenir dans les cas considérés comme violation de la loi. Je crois qu’il est temps de mettre les gens face à leurs responsabilités afin de redémarrer le secteur public. Si le gouvernement entend s’investir, à nouveau, dans la restructuration et la préservation de l’appareil productif privé, il est temps que les gens sachent que l’Etat ne peut pas faire à la fois du social et de l’économie. Les choix ne sont pas nombreux.

Les nominations politiques des dirigeants des entreprises publiques ne sont-elles pas à l’origine de leurs échecs? ?

Le problème du management ne se pose pas uniquement pour la Société nationale de véhicules industriels. La Snvi ne se singularise pas par rapport aux autres sociétés publiques qui souffrent de ce problème de gestion. Pour ce qui est du secteur public, la question de la nomination des responsables à la tête des sociétés de l’Etat relève des prérogatives des pouvoirs publics. Cependant, la question qui se pose est celle de savoir si le management de ces responsables est conforme aux standards universellement connus. Il est important de savoir aussi si les responsables désignés à la tête des entreprises de l’Etat jouissent de l’autonomie et de la liberté de gestion. On ne peut pas imaginer, à titre d’exemple, un responsable d’une entreprise publique négocier un marché avec un partenaire étranger sans passer par l’institution de tutelle.

Certains dirigeants d’entreprises publiques n’hésitent pas à dire que les syndicats et les SGP sont à l’origine de la faillite de certaines entreprises, quel est votre avis? ?

Il y a peut-être ce fait que les syndicats ne jouent pas leur véritable rôle. Je crois que le rôle d’un syndicat ne doit pas se limiter à la seule revendication d’ordre salarial, mais il est temps que les organisations des travailleurs se conforment aux mutations économiques. L’Algérie a tenté plusieurs reconfigurations du secteur public mais qui ont conduit vers un échec. Je crois qu’il y a aussi un problème de politique industrielle qui se pose en toile de fond. Les pouvoirs publics ne savent pas encore ce qu’ils font.

Par Ali Titouche

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