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Ce qui est en jeu, ce ne sont plus seulement les retraites

Ce qui est en jeu, c’est ce que tout le monde comprend : que nous sommesdans un monde où il faut travailler plus et plus longtemps, et en échange se contenter de vivre avec ce qu’on nous donne. Et ce qu’on nous donne, et combien on nous en donne, détermine aussi la manière dont nous sommes supposés vivre.

Nous travaillons et en échange nous recevons une part de la richesse communesous forme de salaire et de revenus, et aussi, depuis quelques dizaines d’années, sous la forme de prestations sociales, éducatives, de santé, et de retraite.

Les dépenses sociales, que ce soit pour l’éducation, la santé, ou les retraites baissent toutes globalement, et cela signifie que globalement nous valons moins cher. Et si nous valons moins cher, c’est parce que dans le système capitaliste la valeur de notre travail ne dépend ni de la qualité, ni de l’utilité de celui-ci, mais seulement de sa capacité à créer de la valeur nouvelle.

Quand la création de cette valeur se déplace massivement vers les pays émergents, notre travail vaut moins, et notre vie vaut moins aussi.

Mais cela n’est pas vrai pour tout le monde. Ceux qui, détenant ou gérant les capitaux, ont un accès aux produits de ceux-ci continuent à recevoir la part majeure de la richesse crée puisque justement l’investissement dans les pays où la main d’œuvre est moins chère a pour objet de maintenir les profits capitalistes.

Contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, il n’y a rien d’obligatoire à ce que le choses se passent ainsi. Il faut bien produire pour vivre, nous dit-on. Oui, mais est-il vraiment nécessaire de produire ceci pour vivre ainsi ?

Car ce que nous produisons en travaillant, ce ne sont pas que des richesses. Ce que nous produisons en travaillant, ce sont avant tout les conditions de notre propre domination. S’il faut produire et accumuler toujours plus, c’est parce que cette machine complexe profite à certains. Les riches ne sont pas seulement plus riches, ils sont aussi plus puissants que les autres. Tels les seigneurs d’autrefois, les capitalistes d’aujourd’hui exercent sur la société leur pouvoir collectif. Aux privilèges de la naissance, on en un substitué un autre, plus mathématique : le privilège du compte en banque.

La force de ce système, c’est de laisser croire que cette domination n’en est pas une ; qu’elle n’est qu’une forme nécessaire de toute organisation sociale ; que nul être humain d’aujourd’hui ne saurait vivre autrement.

La faiblesse de ce système, c’est qu’il repose sur une production et une dépense toujours plus étendue de cette valeur nouvelle qui fait tourner le capital. Mais les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, dit le proverbe boursier, et vient toujours un moment où quelque chose lui manque. Alors c’est la crise. Alors il faut retirer aux gens ce qu’on leur a donné, les faire travailler plus, les payer moins, tout ça pour que ceux qui dominent puissent continuer à dominer.

Pour que cette domination cesse, ce n’est pas d’une réforme dont nous avonsbesoin, pas plus que du retrait d’une réforme. Peu importe la redistribution des richesses, car le problème ne vient pas de ce que dans le capitalisme les richesses une fois produites sont réparties inégalement, mais bien de ce qu’elles ne peuvent être produites autrement que de manière inégalitaire. Ce dont nous avons besoin, c’est que les grèves et les blocages se poursuivent: car c’est dans le mouvement de la contestation que la critique de tout ce  qui existe peut se transformer en proposition pour qu’il existe quelque chose d’autre.

Il faut bloquer la production capitaliste et partager ce qui est déjà produit, puis partager la manière dont on pourra continuer à faire vivre ce partage.

indymedia Nantes

mercredi 27 octobre 2010 – 17:48 par LdM

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  1. Patlotch
    29/10/2010 à 12:01 | #1

    Ce texte de LdM me pose deux faisceaux de questions. Le premier porte sur son contenu et sa finalité, le second que je ne ferai qu’esquisser sur l’expression du « courant communisateur » dans les luttes, c’est-à-dire le rapport actuel entre thèses communisatrices et luttes.

    1) Transcroissance (des luttes actuelles à la révolution), quand tu nous tiens…

    A priori, LdM se place sur le terrain de l’affrontement de classes dans le capitalisme. Certaines approximations théoriques pourraient relever de l’intention pédagogique dans ce texte court, qui entend faire un lien entre « théorie » et « pratique » dans le cadre de ce conflit. Toutefois, plusieurs formulations dénotent une analyse du capitalisme éloignée tant de l’analyse de Marx que de considérations du courant communisateur en version « Théorie communiste », telles que la non-transcroissance des luttes revendicatrices à la révolution, l’implication réciproque, le dépassement produit.

    Par exemple, l’auto-présupposition du rapport d’exploitation comme principal résultat du procès d’ensemble, que Marx exprime dans le 6ème chapitre du Capital (« Ainsi, tandis que l’ouvrier reproduit ses pro­duits comme capital, le capitaliste reproduit l’ouvrier comme salarié, c’est-à-dire comme vendeur de son propre travail.»), devient pour LdM “Ce que nous produisons en travaillant, ce sont avant tout les conditions de notre propre domination”. La reproduction du rapport est conservée, mais d’exploitation il devient de domination, ce que confirme la chute du texte “Pour que cette domination cesse…”

    Comme dans mon échange avec AD (vidéo polémique) c’est le couple exploitation/domination qui fait question, et même si le mot n’est pas prononcé, la relation exploitation/aliénation.

    Comme “il faut” bien que cette théorisation serve à quelque chose, “c’est dans le mouvement de la contestation que la critique de tout ce qui existe peut se transformer en proposition pour qu’il existe quelque chose d’autre. Il faut bloquer la production capitaliste et partager ce qui est déjà produit, puis partager la manière dont on pourra continuer à faire vivre ce partage. ” Tout n’est-il pas dans les “il faut” ? “Il faut bloquer…” Quand il faut en passer par des “il faut”, n’est-ce pas que cela ne va pas de soi sur une base réelle, n’advient pas comme nécessaire, mais comme une action dépendant d’abord de la volonté, de la décision ?

    Dans ce conflit, c’en est un élément déterminant avec l’émergence massive d’actions illégales (je relève l’illégalité de préférence à la violence : exit le démocratisme radical), les blocages de secteurs économiques productifs (transports compris) font une irruption décisive dans le conflit et sa dynamique. Cela dit, ils ont, à ma connaissance, de la part de ceux qui les initient dans la classe ouvrière, un objectif explicitement revendicatif correspondant aux objectifs généraux du mouvement : les retraites, ici ou là recoupées d’autres revendications ou d’enjeux spécifiques (raffineries). Objectifs politiques aussi pour certains militants. Mise à part une frange volontariste ou qui prend ses désirs pour des réalités, je ne vois pas de possibilité réelle de vouloir aller plus loin avec le sens que dit LdM. Transcroissance, combien de divisions ?

    ” la critique de tout ce qui existe peut se transformer en proposition pour qu’il existe quelque chose d’autre ” Est-ce la critique qui transforme ? S’agit-il vraiment de proposer “quelque chose d’autre” ? Quoi ? Pudeur exquise qui ne dit pas le mot : la révolution ? le communisme ? Marx n’affirme-t-il pas dans l’Idéologie allemande : « le communisme n’est pas pour nous un état de choses à créer, ni un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses » ?

    Mais pour LdM, le problème de la lutte, pour aller plus loin, semble être une question d’idéologie, de bonnes idées, de militantisme. Tout ce qui concerne le capital, l’exploitation, dans ce texte bien intentionné, semble là pour donner le goût et la couleur d’une activité à perspective communisatrice, même si le mot est absent. C’est l’intervention théorique comme Canada Dry. Parce que comprenez-vous, abolir une “domination” n’est qu’une question de rapport de force, contre un pouvoir. Abolir un mode de production, c’est une autre paire de manches, parce que la force nécessaire, elle est aussi, précisément, de l’ordre de la bonne théorie au bon moment.

    Je pense qu’ainsi se met en boucle une relation entre cette volonté d’intervention (du théorique au pratique) et cette analyse en terme de domination.

    Loin de moi l’idée de critiquer les blocages, mais je pense qu’il sont plus parlants par ce qu’ils font dans le contexte actuel, en créant une dynamique mais en entérinant des limites (la CGT : « le blocage de l’économie n’est pas une fin en soi »), que mis en perspective d’une finalité qu’ils n’ont pas, et ne sauraient avoir, aussi puissants et durables seraient-ils dans ce conflit somme toute très localisé.

    La grande nouveauté, depuis les événements de Grèce, est l’irruption de la classe ouvrière dans un conflit national et la complémentarité d’actions menées par la jeunesse dans la diversité de ses conditions, lycéens, étudiants, salariés, précaires, chômeurs… Il se produit des fissures dans le « plancher de verre ». Mais ce n’est pas la forme blocage qui porte en elle un contenu, c’est la finalité assignée à ces blocages par ceux qui l’assurent ou le soutiennent. Massivement, les blocages, dans ce conflit, visent un objectif revendicatif, ou son prolongement politique (relativement à la perspective révolutionnaire, syndicalisme et politique sont deux dimensions complémentaires d’un respect de l’ordre établi, celui du mode de production capitaliste, Etat compris).

    Je ne mets pas davantage en cause la vertu auto-théorique pour tous des actions les plus dures de ce conflit. Il est tout à fait remarquable que les blocages aient été approuvés, au plus fort du conflit, par une telle proportion de l’opinion publique. Mais cette théorie-action n’est celle que de l’état actuel de la lutte de classes et du cheminement de la crise mondiale. Pour le reste, qui vivra verra.

    2) Panne de courant ?

    Malgré tout, cela concerne le courant communisateur. On peut avoir très envie d’en être et de dire quelque chose sans pour autant considérer que cela influe des luttes, qu’on y participe ou non. Cette articulation n’a rien d’évident, même si l’on dépase la posture individuelle ou de groupe. Cette difficulté pourrait expliquer pour partie le relatif silence d’interventions à chaud du “courant communisateur”. De mémoire, tant le CPE que la Grèce ont été davantage commentés pendant les événements. Était-ce dû à un intérêt encore commun bien compris entre « interventionnistes » et « théoriciens » au sein de la défunte revue Meeting ?

    Certes, on manque de visibilité, notamment sur l’étendue de la grève dans le secteur salarié privé, et sur des discussions liées aux luttes qui n’ont pas franchi le mur de sous-information, discussions témoignant d’une appropriation d’éléments théoriques. Mais s’il est trop tôt, dira-t-on, à quoi servirait une théorie qui ne pourrait s’exprimer qu’après coup ? Ne prête-t-elle pas le flanc à vouloir servir, malgré tout, pour le coup suivant ? Sinon, à quoi bon une théorie qui ne servirait à rien, en attendant ? En attendant quoi ?

    Il va falloir s’y faire. La meilleure théorie du monde possible est vouée à demeurer « La mariée mise à nu par ses célibataires, même » (Duchamp). Il n’y aura de théorie révolutionnaire efficiente qu’émergeant et irriguant la pratique de luttes particulières dans le cours de l’affrontement mondial de deux classes, mais sur le terrain essentiel de ce qui les réunit et les oppose : it takes two to tango.

  2. A.D.
    30/10/2010 à 13:42 | #2

    Salut,
    En ce qui concerne la “fraction”, je pense à quelque chose qui a effectivement à faire avec “activité de crise” (B.Astarian), pas un moment qui précèderait, le mouvement même de la déprolétarisation, de la désegmentation dans la lutte.

    La notion de “subsumé réellement”, dont il est nécessaire selon toi de se sentir convaincu pour apprécier la situation, ne convainc pas tout le monde, il me semble, et discutée par exemple par Endnotes. De même, on n’est pas forcé d’être convaincu par “des luttes actuelles à la Révolution”, ou par Transcroissance, etc…il faut voir.

    Comme dans mon échange avec AD (vidéo polémique) c’est le couple exploitation/domination qui fait question, et même si le mot n’est pas prononcé, la relation exploitation/aliénation.

    Parce que comprenez-vous, abolir une “domination” n’est qu’une question de rapport de force, contre un pouvoir. Abolir un mode de production, c’est une autre paire de manches, parce que la force nécessaire, elle est aussi, précisément, de l’ordre de la bonne théorie au bon moment.

    La domination, rien de plus simple à abolir ?
    une simple question de rapport de force ? Vraiment ?

    D’autre part quand je placarde “tous et toutes en grève”, c’est rien, c’est ce que fe peus faire, et ce que cela me fait, si un tract dit “il faut bloquer” c’est que la situation s’y prête, et qu’on veut en être, parce qu’on en est, curieusement, pour s’étonner du relatif silence sur le mouvement,.

    ” Mais s’il est trop tôt, dira-t-on, à quoi servirait une théorie qui ne pourrait s’exprimer qu’après coup ? Ne prête-t-elle pas le flanc à vouloir servir, malgré tout, pour le coup suivant ? Sinon, à quoi bon une théorie qui ne servirait à rien, en attendant ? En attendant quoi ?”
    Ben, la fin, non ? C’est écrit, en haut, à gauche; En attendant la fin.

  3. A.D.
    01/11/2010 à 18:45 | #3

    Comment sortir du conflit ?

    La tête haute, en amorçant une sortie de crise ( gaffe au dérapage tout de même), la cfdt a annoncé des pourparlers, chaleureusement acceuillis par le medef, au menu : l’emploi des jeunes et des seniors (seniors = vieux en latin), c’est alléchant et faisable, indispensable même dans le marasme actuel -chomâge, scolarisation, éducation formation, tout fait problème : il y a de quoi faire, des négociations sans fin, des réformes sans fin… Mais peut-être non sans but.
    Les détenu-e-s s’amoncellent, les lycéen-nes, les bloqueur-ses, rien à faire du côté syndical -une piétaille, de petits voyaux, encore une cayera,
    Le travail reprend, sans rien d’obtenu, du moins ce que j’en sais chez les dockers et ouvriers de la chimie du Golfe de Fos, la cgt laisse tomber, après un mois de grève (33 pour les dockers); les ouvriers sont rentrés, comme les lycéen-nes- sont parti-e-s, chacun au travail, chacun en vacances…
    Sans rien d’obtenu sauf un comme si, comme si on pouvait tout bloquer, faire reculer le pouvoir, les patrons. Aussi comme si l’appel des piquets, des foules et des fumées, des blocages, la frappe des gens d’armes, le vol des hélicos, les procès en flag, les flash-balls dans la tête, la peur de la pénurie, les propos en révoltes, comme si cela…se précisait vers l’échec , la sortie dans cet échec, et ce n’est pas fini, peut-être une définition d’un mouvement en cours, toujours comme si.

  4. A.D.
    02/11/2010 à 12:23 | #4

    ( le commentaire précédent a été coupé plusieurs fois…orages violents qui ont provoqué “la panne de courant”) j’ai donc arrêté avant la énième coupure qui n’est pas venue…)

    Les coups donnés, les peines de prisons prononcées, un oeil par ci, un fracture cranienne par là, trois ferme pour ci, d’autres pour ça, qu’ils se débrouillent…
    entre eux.
    Pour que la grève marche, la grève devient blocage, blocus et là c’est à la fois trop et pas assez. Trop tous ces jeunes dans les rues, trop pour “une grève contre la réforme des retraites”,pas assez pour vraiment tout bloquer, tout dézinguer, retraites comprises, lycées, usines, dépôts compris.
    Un lycée a flambé au Mans, blocus/police : le feu a réglé l’affaire.
    Là, danger, attention aux dépôts, attention à la pente têtue.

    J’ai entendu “bloquer c’est ça qu’il faut faire”, des uns des autres, je ne m’en doutais presque pas. Les jeunes sont sortis, certains adultes ont été étonnés, d’autres scandalisés se sont émus, ils ont vu les jeunes, les filles et les garçons, dans l’écran d’un rideau de fumée, sans écran ni rideau de fumée.
    L’ambiance,un instant a versé, dans un moment de colère et de pied de nez, la colère est rentrée, le nez cassé.

    Les syndicats ?
    Le patronat ?
    La presse ?
    Ou : comment s’en débarrasser ?

  5. Patlotch
    02/11/2010 à 15:50 | #5

    @A.D.

    AD “La notion de “subsumé réellement”, dont il est nécessaire selon toi de se sentir convaincu pour apprécier la situation, ne convainc pas tout le monde, il me semble, et discutée par exemple par Endnotes.”

    Ce n’est pas la notion de subsomption (formelle/réelle) que discute Endnotes, mais la périodisation établie sur cette base, notamment la deuxième phase, à partir des années 70, qui correspond pour Théorie communiste à une restructuration du rapport d’exploitation.

    Personne, parlant du capitalisme comme mode de production fondé sur l’exploitation de la marchandise force de travail, ne remet en cause la subsomption réelle. On trouve des variations de traduction (de Marx). Bihr l’explique : ” Note p.161 : « Marx emploie en fait deux concepts différents pour analyser le processus d’appropriation du procès de production par le capital. D’une part, celui d’Unterordnung, qui fait partie du registre administratif et militaire, que l’on peut traduire par subordination ou soumission, et qui désigne le fait que le procès de travail passe sous le commandement du capital, sous sa direction et sa surveillance, précise Marx. D’autre part, celui de Subsomption, de subsomption, que Marx emprunte à la logique, qui désigne sous ce terme l’opération par laquelle le général se subordonne le particulier. Par ce second concept, Marx a plus précisément en vue le mouvement par lequel le procès de travail se trouve transformé en un procès spécifiquement capitaliste, rendu en quelque sorte adéquat à la nature du capital. Pour ma part, j’emploierai, comme le fait souvent Marx lui-même, le concept de soumission pour désigner indifféremment l’un ou l’autre de ces deux mouvements, en insistant cependant sur le second.» Source http://patlotch.free.fr/text/1e9b5431-969.html

    Ces variations (subsomption, domination, soumission) ont naturellement un sens, puisque chacune insiste sur un aspect de ce qui constitue un tout, car effectivement, le capitaliste, pour exploiter, doit dominer. « Le moyen de travail converti en automate se dresse devant l’ouvrier, pendant le procès de travail même, sous forme de capital, de travail mort qui domine et pompe [sic] sa force vivante.» (Marx, Le Capital).

    Alors, effectivement, pour autant qu’elle soit connue, cette notion “ne convainc pas tout le monde”. Il est certain qu’elle ne peut convaincre ceux qui la nie, mais alors Quid du capital ? Si j’ai écrit (dans Video polémique) : ” La racine du capitalisme, c’est l’exploitation, pas la domination. Mais encore faut-il être convaincu que nous vivons sous le règne du capital, qui plus est en subsomption réelle “, c’est bien parce que dans ce rapport de subsomption s’articulent exploitation et domination. Une fois le surtravail “pompé”, il s’agit de le transformer en capital, ce qui implique toutes les transformations et la circulation de la valeur, et par voie de conséquence, les modalités de domination sur l’ensemble de la société. C’est pourquoi l’on peut parler de “société capitaliste”. En quelque sorte le subsomption du capital sur le travail devient une subomption sur l’ensemble des rapports sociaux. Qu’on “s’en sente convaincu” ou non, c’est comme ça que ça marche.

    AD ” De même, on n’est pas forcé d’être convaincu par “des luttes actuelles à la Révolution”, ou par Transcroissance, etc… il faut voir. ”

    C’est tout vu. La transcroissance, par définition, c’est un changement qualitatif dans une continuité sans rupture. La révolution est rupture (abolition). Affirmer la révolution comme aboutissement de l’époque actuelle du capitalisme, c’est nier la transcroissance depuis les luttes revendicatives. On ne peut pas avoir les deux. “On n’est pas forcé d’être convaincu”, mais alors, “on” doit envisager soit le capitalisme éternel, soit son dépassement programmatique (étape socialiste, démocratie jusqu’au bout, autogestion…), soit l’immédiatisme de la révolution à partir d’une montée en puissance des luttes revendicatives.

    “des luttes actuelles à la Révolution”, le dépassement se produira dans un changement de contenu des luttes, qui n’est pas seulement question de formes, par exemple “bloquer l’économie” dans n’importe contexte.

    AD “si un tract dit “il faut bloquer” c’est que la situation s’y prête ”

    Se prête à quoi ? Que visent les blocages actuels ? Qu’est-ce qui les caractérisent, selon le cas (notamment pendant et après, avec ou sans participation des travailleurs productifs). Par quel processus peut-on concevoir que cette forme, en elle-même, pourrait transformer son contenu de moyen de pression économique en abolition de l’économie ?

    Le mouvement actuel a montré sa limite en ce qu’après en être venu à bloquer l’économie pour avoir une économie plus favorable au travail, sur cette base et celle de son échec, il ne pouvait que s’arrêter. Positivement, ce mouvement montre, dans les faits, qu’on ne peut pas bloquer l’économie sans ceux qui la produisent, et que ceux-ci, isolés, non plus (grève stricte sans participation extérieure aux lieux de production et de transports). En réalité, tout le conflit porte fondamentalement sur le partage du travail, sur le partage du temps de travail sous ses diverses modalités, le curseur temps payé/non payé (salaire/plus-value), le curseur temps travaillé/chômage (précarité)/ le curseur salariat/retraite.

  6. A.D.
    02/11/2010 à 19:40 | #6

    Salut,
    Merci pour ces précisions sur la domination/soumission/subomption et le plan de critique de Endnotes. Il n’est pas non plus sans conséquence, me semble-t-il sur le contenu ou la signification des luttes actuelles, ou du temps présent.

    Bien sûr, les blocus ou blocages visent aussi à eux-mêmes, se retrouver peut-être avec qui on pensait le moins, créer des liens, quelques moments communs…

    Au sujet de le “transcroissance”:La transcroissance, par définition, c’est un changement qualitatif dans une continuité sans rupture”
    j’ai de la difficulté avec “changement qualitatif” et “continuité sans rupture”, tu t’en doutes…
    je ne vois que des changements “qualitatifs” et je ne comprends pas que des changements (peu importe qualitatif/quantitatif) puissent se produire dans une continuité sans rupture : changement=rupture. La proposition est pour moi un oxymore;)

    Sur bien des points je rejoinds les commentaires que tu as fait “sur le curseur”, mais je n’en tire pas tout à fait les mêmes conclusions.
    Cordialement

  7. Patlotch
    04/11/2010 à 12:18 | #7

    @A.D.

    AD “Au sujet de le “transcroissance”:La transcroissance, par définition, c’est un changement qualitatif dans une continuité sans rupture”
    j’ai de la difficulté avec “changement qualitatif” et “continuité sans rupture”, tu t’en doutes…
    je ne vois que des changements “qualitatifs” et je ne comprends pas que des changements (peu importe qualitatif/quantitatif) puissent se produire dans une continuité sans rupture : changement=rupture. La proposition est pour moi un oxymore;)”

    Je tente une explication simple ;-)

    Un pommier. Au printemps croissent les bourgeons, qui donnent les fleurs, qui donnent les fruits. Le grossissement du bourgeon, c’est un changement quantitatif (la quantité augmente), jusqu’à produire son éclatement en fleur, un changement qualitatif. Ainsi, à chaque transformation, il y a un changement qualitatif (le bourgeon n’est pas une fleur, qui n’est pas un fruit), mais dans la continuité d’un changement quantitatif qui le produit. C’est à la fois la même chose et une autre, à un plan supérieur. Mon tout est demeuré un pommier, qui n’a pas changé de nature, de qualité. Pour le pudding, il faut une rupture, mais elle n’est pas produite de façon interne au processus.

    Dans la vision programmatiste du mouvement ouvrier, la montée en puissance de la lutte revendicative pouvait aboutir, avec ou sans rupture selon les visions, via une étape socialiste de pouvoir ouvrier ou pas, via la dictature du prolétariat ou les conseils ouvriers (autogestion), au communisme. Comme projet, donc, au bout d’objectifs et de stratégies variables, mais tels que le prolétariat restait le prolétariat, vainqueur du capital. Donc gestionnaire du capital, socialisme réel. L’abolition de l’Etat et de toutes les classes a bien été envisagé, mais ça n’a jamais déterminé les luttes immédiates, et c’est resté une clause de style communiste. On avait plus ou moins de continuité et de rupture, mais au bout du compte, dans le meilleur des cas, pas de changement qualitatif quant à la nature du mode de production. Que le passage ait été envisagé comme révolution (type Octobre 17), ou comme passage pacifique (étape socialiste puis démocratie jusqu’au bout), l’idée était celle d’une transcroissance, d’une augmentation quantitative produisant un changement de qualité. Dans toutes ses contorsions, l’extrême-gauche en est restée là, elle parle à juste titre d’anti-capitalisme, pas de communisme.

    Notons que la controverse sur rupture et continuité s’est manifestée dans la traduction de cette définition du communisme par Marx, comme « mouvement réel qui abolit/dépasse l’état actuel des choses (die wirkliche Bewegung welche den jetzigen Zustand aufhebt) ».

    Toute la controverse historique fut condensée dans ce qu’on entendait par aufheben, et tous les avatars théoriques de l’abandon de la dictature du prolétariat sont passés par là, du PCF à la LCR (ex. Lucien Sève : “Penser dépassement au lieu d’abolition du capitalisme, non seulement ce n’est pas, comme se l’imaginent certains, s’éloigner d’une vue authentiquement révolutionnaire, mais c’est revenir enfin à la pensée et au langage même de Marx. Car presque toujours, là où dans la plupart des traductions on lit “abolition”, figure sous sa plume un mot – Aufhebung – signifiant à la fois suppression et conservation dans l’élévation à un plan supérieur, ce que n’exprime pas mal le mot “dépassement”. Et pourquoi donc Marx parle-t-il de dépasser le capitalisme plutôt que de l’abolir ? Parce que le capitalisme n’est pas qu’exploitation intolérable de l’homme par l’homme, avec quoi il faut certes en finir sans retour ; il est en même temps et inséparablement mode de production des richesses sous lequel se créent, fût-ce en négatif et à travers les pires souffrances, maintes conditions d’une forme sociale supérieure, libérée de toutes les grandes aliénations historiques – par exemple une productivité sans précédent du travail, un développement multilatéral.”)

    Pourquoi ‘Théorie communiste’ parle-t-il alors de “dépassement produit” ? Parce qu’il ne le conçoit pas comme “signifiant à la fois suppression et conservation dans l’élévation à un plan supérieur” (comme le bourgeon la fleur, la fleur en fruit). C’est une rupture engagée immédiatement en tant que telle, abolition du mode de production, changement qualitatif des rapports humains, mais sans intervention extérieure (la nature humaine), ni progressivité quantitative. Ce qui est dépassé disparaît (en particulier, dans l’exemple de Marx par Sève, “la productivité du travail”). Le rapport interne entre capital et prolétariat est détruit lui-même, de l’intérieur, par le second. Le prolétariat n’a pas vocation à dominer le capital.

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