Congrès de la CGT : les minoritaires ont un candidat
Un candidat face à Bernard Thibault ! Ce serait une première pour la CGT depuis 1948 et la scission avec Force ouvrière. Le secrétaire général, Bernard Thibault, qui se présente pour un quatrième mandat à la tête du premier syndicat français (en audience), pourrait avoir un challenger lors du 49e congrès qui se tiendra à Nantes du 7 au 11 décembre. Samedi 24 octobre, à Paris, une cinquantaine d’adhérents ont avancé le nom de Jean-Pierre Delannoy, 57 ans, responsable des métallurgistes du Nord, comme porte-parole de l’opposition et candidat potentiel. Pour aller au bout de cette démarche, il faudrait que ce dernier soit élu à la commission exécutive qui élit le secrétaire général.[print_link]
“C’est une candidature symbolique mais cela créera un précédent pour peser dans le débat sur l’orientation de la CGT”, reconnaît l’intéressé, qui a travaillé chez Bombardier (ferroviaire) et est adhérent de la CGT depuis 1972.
Samedi, face à une banderole “Pour un syndicalisme de classe et de masse”, se sont retrouvés des opposants historiques comme “Continuer la CGT” ou “Tous ensemble”, des représentants d’unions locales (UL) du Nord, des militants de Rhône-Alpes, de la région parisienne. Ils prévoient un meeting à Nantes dans les premiers jours du congrès mais restent sans illusions. “C’est un congrès d’opérette, les délégués sont triés”, a dénoncé un métallurgiste, membre de l’UL de Douai. Ils reprochent à M. Thibault un syndicalisme “d’adaptation au capitalisme” calqué sur celui de la CFDT. “La direction tend à liquider l’identité de classe de la CGT qui fait sa force et son histoire”, dit une courte déclaration rédigée à l’issue de la réunion.
Virulents, les opposants sont conscients de leurs faiblesses. “On a du mal à rassembler, reconnaît Robert Pelletier, responsable CGT chez Schindler (ascenseurs), et il n’y a aucun représentant des boîtes comme Continental, Molex, GoodYear…” Le risque pour la direction réside dans la conjonction de ces oppositions avec le mécontentement de nombreux militants.
La critique du capitalisme, vivifiée par la crise, réveille les tenants d’un syndicalisme de “lutte de classes”. “Avec la crise, l’orientation de la CGT, sa participation à l’intersyndicale avec le peu de résultats obtenus face au gouvernement et au patronat, semble patiner, analyse René Mouriaux, spécialiste du syndicalisme. La direction est en difficulté face aux impatiences d’une partie de la base.”
Bernard Thibault, lui, n’est pas inquiet. “Il y a des militants qui se la racontent un peu sur le potentiel de mobilisation des salariés, explique-t-il au Monde, et c’est une vraie divergence sur l’analyse de la situation.” “Que l’on s’interroge sur ce que la CGT fait, ne fait pas ou devrait faire, c’est légitime, mais dire que la direction a une responsabilité particulière dans la dégradation de la situation sociale n’est pas sérieux”, fait valoir M. Thibault, qui présente la “progression” (en pourcentage) de son syndicat lors des élections prud’homales de décembre 2008 comme un élément clé de son bilan.
Rémi Barroux
Article paru dans l’édition du 27.10.09
LE MONDE | 26.10.09 | 14h15 • Mis à jour le 26.10.09 | 14h15
« Ils reprochent à M. Thibault un syndicalisme “d’adaptation au capitalisme” »
Un syndicalisme qui ne serait pas “d’adaptation au capitalisme” est-il seulement concevable ? C’est quand même l’essence de la fonction syndicale, d’adapter le prolétariat au travail et à l’exploitation, non ? Sans exploitation, pfft…, plus de nécessité, plus de légitimité syndicale…
Quand revendiquer devient “illégitime”, alors que le syndicalisme de représentation est encore nécessaire à l’Etat et au patronat, c’est normal qu’il y ait un décrochage entre salariés et syndicat. Mais nous la jouer “d’opposition” dans la CGT, parce qu’elle aurait abandonné “le syndicalisme de classe” (sic), euh… le compte n’y est pas.
Plus de capital, plus de prolétariat, plus de syndicat, plus d’argent, plus de cotis’… C’est’ i’ beau !?
Maintenant qu’on peut considérer que le démocratisme radical est fondamentalement obsolète (ne pouvant plus construire sur les limites des luttes de classe une perspective “alternative” éternisant le capital en exigeant de lui d’être adéquat à l’idéologie démocratique) sur la limite des luttes – qui est le fait meme d’être de classe- peut se constituer un syndicalisme de base – sous toutes les formes possibles – défendant la condition prolétarienne sans autre discours idéologique
Je partage l’analyse, mais je pense qu’il faut être prudent avec le label “syndicalisme”, dès lors qu’il se décroche de toute organisation syndicale, existante et reconnue, ou basique et circonstancielle. On ne sait plus très bien où est la frontière. Sauf à l’examiner spécifiquement pour chaque lutte, où le plus souvent il n’y a pas homogénéité des positions, peut-on nommer “syndicale” toutes ces luttes puissantes auxquelles on assite, localisées, sur la défense immédiate des conditions de la survie; une émeute de la faim, par exemple ? Pour autant qu’elles portent, conceptuellement, sur le “curseur de la plus-value”, et non sur “la règle du jeu de l’exploitation”, et du fait même qu’elles ne s’accompagnent pas de “discours idéologique”, que les revendications n’y sont pas explicitement “syndicalisées”, le phénomène ne me semble pas bien cerné par l’appellation de “syndicalisme”, même “de base”. Dans la mesure où l’on théorise le dépassement produit sur la base d’exigences immédiates, le dépassement de leur caractère revendicatif, et leur basculement dans la mise en cause de la règle du jeu, ce peut être source de confusion. Et certes, de sous-estimation ou de sur-estimation de leurs possibilités.
Est-ce qu’une émeute a déjà été identifiée comme une forme de syndicalisme ? Permettez-moi dans douter.
Autres questions : le syndicalisme ne se définit-il pas comme défenseur de la force de travail et donc du rapport salarial ? Alors peut-on dire que les prolétaires en lutte donnent forme au syndicalisme que lorsqu’ils sont incapables de dépasser la limite de leur lutte et donc qu’ils sont renvoyés à ce qu’ils sont normalement dans le capitalisme : une force de travail ? De plus, en quoi les luttes actuelles remettent-elles fondamentalement en question le syndicalisme, d’autant plus qu’il semble qu’on ait finit de faire joujou avec le démocratisme radical qui ne serait plus le produit du cycle de luttes présent mais d’une simple période de ce cycle : altermondialiste, mouvement d’action directe, parti de l’alternative… ? Et enfin, le syndicalisme ne serait-il pas une constante du capitalisme comme le salariat, mais dont le rapport à la totalité historique du procès d’exploitation est lui-même historique et donc présente des nouveautés qui le définissent autrement ?
Pour ma part, le terme de « démocratisme radical » permettait de définir ce qui avait changé dans la dynamique de la lutte de classe, soit la fin du programmatisme, du pouvoir ouvrier et de ses organisations permanentes de masse. Que ce terme ne soit plus adéquat pour désigner ce qui se passe maintenant, je suis encore à y réfléchir, mais je constate avec les questions que je viens de poser que le syndicalisme n’est peut-être pas mort avec le programmatisme, qu’il trouva peut-être à se formaliser comme limite de l’auto-organisation au travers les luttes à venir… ce ne sont là que des interrogations, mais je préfère encore modifier des concepts qui ne m’ont pas totalement convaincus de leur obsolescence plutôt que d’inventer un nouveau concept à chaque fois qu’une nouveauté se présente dans l’histoire.
“first as a tragedy, then as a farce”
le dernier livre de Slavoj Zizek, telechergeable ici:
https://docs.google.com/fileview?id=0B_t5QWXhxGQZYjdhOTEwZGItMjUwMy00MjdiLTk1OGItZDBkZjBjMjljZTAw&hl=en
AmerSimpspn « Est-ce qu’une émeute a déjà été identifiée comme une forme de syndicalisme ? »
Ben ça dépend de ce qu’on appelle “émeute” et de ce qu’on inclut dans le « syndicalisme ». Comme DNDF en apporte de plus en plus souvent le témoignage, on observe aujourd’hui des formes violentes de luttes de la part de salariés, et sur les lieux du travail.
Si j’ai fait cette remarque suite à l’intervention de BL, c’est qu’un débat a eu lieu où certains ont envisagé de qualifier la période actuelle, succédant à celle dite du “démocratisme radical”, de “syndicalisme radical”. C’est bien qu’ils prennent le terme de syndicalisme dans son sens conceptuel de “lutte pour déplacer le curseur de la plus-value en faveur des prolétaires – au demeurant travailleurs ou pas-, à règle du jeu capitaliste inchangée. Autrement dit, il s’agit de la “lutte sur le salaire”, aussi bien comme rémunération directe, indirecte, ou pour la durée et les conditions de travail et de vie; bref, tout ce qui participe de la reproduction de la force de travail. Nous sommes bien d’accord pour considérer que cela constitue une extension du sens commun de syndicalisme, et même de son sens historique, puisqu’avant la création et l’autorisation légale des syndicats (1884, un an après la mort de Marx, dont on connaît les fluctuations ‘pratiques’ sur la question), il existait toutes formes de luttes, associatives ou pas, qui ne portaient que sur le salaire (au sens large précisé plus haut), sans envisager une révolution communiste.
Dans ce sens là de “luttes sur le salaire” et de “syndicalisme de base sous toutes ses formes” (BL), on est bien amené à y inclure toutes les formes de lutte, et donc pourquoi pas des émeutes qui ont cette cause ou cet objectif ?
Or le syndicalisme dans son sens traditionnel, quel qu’en soit la forme, et sans doute plus encore aujourd’hui, ne désigne qu’une partie des “luttes sur le salaire”.
Je me méfie des mots fourre-tout, car passé un seuil de pertinence, ils ne sont guère utiles à la compréhension. Donc pour être plus précis, et même si personne ne l’a explicitement proposé ici, je considère qu’il n’est pas adéquat, ni même juste, de désigner la période actuelle par “syndicalisme radical”.