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Affaibli par la récession, José Luis Rodriguez Zapatero tente de prévenir une crise sociale en Espagne

Après avoir vécu, de l’avis unanime de la presse espagnole, “la pire semaine de ses six années de gouvernement”, José Luis Rodriguez Zapatero a tenté de reprendre la main, le 5 février, avec un projet de réforme du marché du travail qui a été plutôt bien accueilli par les partenaires sociaux. La réaction mesurée des syndicats a tranché par rapport au tollé soulevé, huit jours plus tôt, par l’annonce du relèvement de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans, auquel 84 % des Espagnols sont opposés, selon un sondage publié dimanche 7 février.[print_link]

Le secrétaire général des Commissions ouvrières (CCOO), Ignacio Fernandez Toxo, avait aussitôt planifié pour fin février des manifestations dans tout le pays. La mesure, présentée comme immédiate et non négociable par la ministre de l’économie, Elena Salgado, ne pouvait être, selon le leader syndicaliste, que l’oeuvre d’une “équipe d’amateurs”. Soucieux de préserver la paix sociale – l’un des rares atouts que conserve le gouvernement malgré l’importance de la crise -, M. Zapatero avait pourtant pris soin de prévenir discrètement les syndicats du changement de cap de sa politique économique : plan de rigueur destiné à économiser 50 milliards d’euros sur trois ans, réforme des retraites et modernisation du marché du travail.

Les erreurs de communication, ajoutées à la publication de mauvais chiffres et à des événements extérieurs contraires, ont transformé ce qui devait être un tournant destiné à rassurer les marchés en une semana horribilis pour le dirigeant espagnol. En quelques jours, il s’est trouvé confronté à un déficit public record (11,4 % du PIB), un nombre de chômeurs historique (4,3 millions) et une croissance négative au 4e trimestre 2009 qui fait de l’Espagne le seul pays membre du G20 à rester en récession. L’ensemble de ces données ont effrayé les marchés au point que la Bourse de Madrid a dévissé de six points le 4 février, beaucoup plus que les autres places européennes.

Alors qu’il misait sur le semestre de la présidence espagnole de l’Union européenne (UE) pour redorer le blason de son pays, M. Zapatero a enregistré la défection de Barack Obama au sommet UE – Etats-Unis qui devait se tenir à Madrid. On l’a dit “indigné” que l’Espagne ait pu être comparée à la Grèce par le socialiste espagnol Joaquin Almunia, commissaire européen sortant aux affaires économiques et futur vice-président de la Commission. Le ton avait été donné à Davos où M. Zapatero s’était retrouvé à débattre à la même table que la Grèce et la Lettonie, les deux grands malades de l’Europe : une image jugée “criminelle” dans les instances du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).

Ce dernier perdrait les élections législatives si elles avaient lieu maintenant. Selon deux enquêtes publiées dimanche, le Parti populaire (PP, droite) l’emporterait avec 43,4 % des voix contre 37,5 % au PSOE. L’écart n’était que de 3,8 % dans le sondage du Centre d’enquêtes sociologiques (CIS) réalisé avant la bourrasque politico-médiatique de la dernière semaine. Pointant les tiraillements au sein du gouvernement et les couacs en matière de communication, certains dirigeants inciteraient M. Zapatero à renouveler rapidement son exécutif, tandis que d’autres suggèrent d’attendre la fin de la présidence européenne.

“Sans un rétablissement de la crédibilité du leadership politique, les difficultés pour que l’Espagne sorte de la crise seront encore plus grandes, écrit El Pais. Si celui de Zapatero s’effiloche, celui de Mariano Rajoy (président du PP) est inexistant.” L’opposition de droite est partagée sur la manière d’exploiter les difficultés du gouvernement. Numéro deux du PP, Maria Dolores de Cospedal n’a pas exclu une motion de censure et des élections anticipées, mais M. Rajoy préfère temporiser, laissant le soin aux socialistes d’entreprendre les douloureuses réformes structurelles que réclament les marchés et les institutions internationales. Les électeurs du PP sont, par exemple, plus nombreux que les socialistes à rejeter le report de l’âge de la retraite à 67 ans.

José Luis Rodriguez Zapatero devra être convaincant, dans les prochaines semaines, pour mener à bien les réformes promises. Si celle du marché du travail n’a pas provoqué de levée de boucliers, “ce n’est pas tant grâce au président (du gouvernement) qu’à cause du caractère très vague du texte proposé”, estime El Pais. Les négociations, que le gouvernement espère boucler avant Pâques, risquent d’être éclipsées par le conflit sur les retraites.

Jean-Jacques Bozonnet

LE MONDE | 08.02.10 | 14h44  •  Mis à jour le 08.02.10 | 16h12
Madrid CorrespondantPolitique économique

Plan de rigueur. Le gouvernement doit convaincre les communautés autonomes (régions) de trouver 10 milliards d’euros d’économies d’ici à 2013, sur les 50 milliards destinés à ramener le déficit public de 11,4 % à 3 % en 2013.

Réforme des retraites. Elle prévoit un relèvement de 65 à 67 ans de l’âge légal du départ. Le gouvernement a dû reculer sur l’allongement de 15 ans à 25 ans du nombre d’années prises en compte pour le calcul de la pension.

Réforme du marché du travail. Soumise aux partenaires sociaux, elle vise à réduire le nombre des chômeurs, qui a atteint, fin janvier, 4,3 millions (18,8 % de la population active), selon l’Institut national de la statistique (INE).

Article paru dans l’édition du 09.02.10

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