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Les étudiants algériens brisent l’interdit à Alger et défient le pouvoir de Bouteflika

Plusieurs milliers d’étudiants, 10 000 selon les organisateurs, 8000 selon des sources policières, ont bravé mardi 12 avril l’impressionnant dispositif policier pour marcher de la Grande Poste vers le siège de la Présidence où ils ont été empêchés d’y accéder. Depuis le début janvier 2011, c’est la première fois que des manifestants forcent les barrages de la police pour organiser une marche pacifique à Alger.

Les étudiants qui ont défilé de la Grande Poste, au centre d’Alger, vers le palais présidentiel d’El Mouradia, manifestaient notamment contre un nouveau système de délivrance des diplômes et le mauvais fonctionnement de l’université.

Rassemblés en fin de matinée à la Grande Poste, ils ont forcé plusieurs cordons de policiers déployés dans le centre de la capitale dès les premières heures de la matinée.

Venus de plusieurs wilayas du pays (départements), ils ont été d’abord empêchés d’accéder au palais du gouvernement où se trouve le premier ministre, toutes les ruelles y conduisant ayant été bloquées par un impressionnant dispositif policier.

Les étudiants se sont ensuite rassemblés à la Place Audin avant de remonter vers la présidence de la République sur les hauteurs d’Alger mais ils ont été bloqués à mi-chemin par la police.

Plusieurs étudiants ainsi que des policiers ont été blessés lors d’affrontements.

Les manifestants scandaient notamment « Zenga, zenga, dar bdar, houkouma tachâal ennar » (le gouvernement met le feu dans toutes les ruelles et dans toutes les maisons), slogan inspiré d’un discours du leader libyen Mouamar Kadhafi, « y en a marre du ministère, y en a marre de la misère » ou encore « Harroubia (ministre de l’enseignement supérieur), dégage! ».

En fin d’après-midi, plusieurs milliers ont regagné le centre-ville, vers la Grande Poste, pour y tenir un rassemblement afin d’appeler à la fin de la marche.

Cette manifestation dans la capitale où les marches sont interdites depuis juin 2001 constitue une grande réussite pour la coordination des étudiantes initiatrices de ce mouvement de protestation.

(Avec AFP)

Mardi, 12 Avril 2011, 15:57 | Sihem Balhi,

Les étudiants ont repris Alger interdite : « Nous avons défié la police de Bouteflika »
Véritable démonstration de force des étudiants. Plusieurs milliers d’entre eux ont battu le pavé mardi 12 avril de la place de la Grand poste jusqu’au siège de la présidence, sur les hauteurs d’Alger. Et ce malgré l’impressionnant dispositif policier mis en place. Des dizaines de blessés sont enregistrés parmi les manifestants.  Retour sur une journée mouvementée.

10H. La place de la Grande Poste, au cœur d’Alger, est déjà noire du monde. Les forces antiémeutes se sont déployées à chaque coin de rue. Bien décidé à marcher vers le Palais du gouvernement, les étudiants, venus de plusieurs régions du pays, forcent à deux reprises deux cordons sécuritaires.

Dépassés, les policiers reculent sous la marrée estudiantine. Direction : place Audin, à deux pas de la Faculté d’Alger. Des slogans fusent : « Harouabia dégage ! », « Mazalna Thouar [ nous sommes des révolutionnaires ] », « Massira silmiya [ marche pacifique ]»

Sur place, le tunnel des facultés est investi par des dizaines de policiers, munis de boucliers et armés de matraques. Des fourgons cellulaires y sont également stationnés.

« Il est impossible d’atteindre le Palais gouvernemental. Regardez tout ce dispositif répressif, ils nous prennent pour des terroristes. C’est scandaleux », s’énerve Mohamed, étudiant à l’université de Bouzaréah.

Massées sur le boulevard Mohamed V, les manifestants décident de rallier à pied le palais présidentiel,  sur un parcours de 4 kilomètres. Ils ne peuvent pas accéder aux bureaux du Premier ministre ? Ils iront porter leurs doléances au siège de la présidence.

A chaque ruelle, les forces antiémeutes sont qui vive. Des fourgons cellulaires sont  positionnés. La marée humaine monte sur les hauteurs de capitale en chantant. Des badauds filment avec la procession avec des téléphones portables.

Midi. Dépêchés par centaines, les forces de l’ordre réussissent à saucissonner les marcheurs en deux groupes. Le premier, plusieurs centaines, est confiné à quelques mètres de l’Hôtel El Djazair ( Ex-Saint Georges ) sur le boulevard Souidani Boujema.

Les étudiants tentent de forcer le cordon policier. Peine perdue.

Intransigeants, inflexibles, les policiers les repoussent violemment avant de les prendre en étau. « Nous sommes des étudiants,  nous ne sommes pas de voyous », scandent  les manifestants en colère.

« C’est une marche pacifique. On veut juste rejoindre nos camarades  à la  présidence », lance Mohamed, étudiant à Dély Brahim, à un officier. Impassible, ce denier ne branche pas. Il ordonne à ses éléments de ne pas lâcher prise.

13H. Le second groupe, beaucoup plus important, arrivé devant le Lycée Bouamama (Ex-Descartes), sur la place Pékin, est  empêché de progresser. Les manifestants tentent de forcer le dispositif, dernier rempart avant la citadelle de Bouteflika.

Cette fois-ci, les  policiers chargent les étudiants à coup de matraques et de boucliers.  Les premiers blessés tombent. Environ une quarantaine, certains le visage en sang, selon une première estimation d’un délégué des étudiants.

Une partie des blessés est transférée vers les hôpitaux. « Certains ont eu des fractures au niveau des bras et des jambes », confie Madjid, étudiant venue de Tizi Ouzou.

A l’instar des ses collègues, il se dit scandalisé par l’intervention musclée des policiers.

Les affrontements éclatent entres des étudiants, logés aux premières lignes de la procession, avec les forces de l’ordre. Des blessés parmi les étudiants tombent comme des mouches sous la charge des policiers. Ils sont vite extraits des griffes des policiers par leurs camarades et allongés à même le sol.

Sur place, il n’y a pas assez d’ambulances pour les évacuer. « Où sont passée les pompiers », crie à tue-tête, Salim. Son ami a reçu un coup de matraque sur la nuque. Il est allongé sur le sol, essoufflé. C’est un particulier qui l’a transféré vers l’hôpital.

Devant le siège de la Présidence, il y une armada de policiers. Un commissaire divisionnaire est dépêché sur les lieux. Sur la placette qui fait face au bâtiment officiel, ils sont trois hauts cadres de la DGSN à discuter.

Le commissaire reçoit un appel radio et la personne au bout du fil est visiblement un ponte de la police. Celui-ci parle au téléphone : « El Maâlem (le patron) est en colère », dit-il. Le commissaire répond : « C’est bon nous maitrisons la situation…»

Une autre voix intervient sur le même téléphone. Elle dit : « Elle est comment la situation ? » et le commissaire répond : « On maitrise la situation ya hadarate (mon chef), nos hommes sont éparpillés un peu partout à travers la Présidence, et les étudiants sont bloqués, nous avons demandé du renfort, il y ‘a rien à craindre hadarate ». Visiblement, le patron de la police nationale gère la manifestation en direct.

Toujours remontées par la l’attitude agressive des policiers, les étudiants scandent des slogans hostiles au pouvoir. « Pouvoir assassin », « El Châab yourid iskat el nidham » [ le peuple veut la chute du système], « Bouteflika Ouyahia houkouma irhabia » [ Bouteflika, Ouyahia, gouvernement terroriste ] », « Y en a marre de ce pouvoir », « Zenga, zenga, dar bdar, houkouma tachâal ennar » [ le gouvernement met le feu dans toutes les ruelles et dans toutes les maisons] ».

De nombreux étudiants affirment que leurs camarades ont été empêchés de rallier la capitale. « Des bus d’étudiants de l’université de Tizi Ouzou ont été bloqués dans la nuit de dimanche à lundi par des barrages de la gendarmerie au niveau de Boudouaou et de Si Mustapha. On leur a envoyés des baltaguias pour les intimider. Nos amis n’ont pu rallier Alger qu’au petit matin à pied. C’est des méthodes staliniennes », dénonce Nassim, étudiant à l’ITFC de Ben Aknoun.

15H. Plusieurs milliers d’étudiants regagnent la Grande Poste pour y tenir un rassemblement et appeler à la fin de la marche. Jeunes filles et jeunes hommes quittent les lieux, révulsés par la bastonnade, mais satisfaits. « Nous avons défié la police de Bouteflika », scandent-ils.


Que veulent ces milliers d’étudiants qui ont bravé l’interdiction de marcher à Alger ?
Dans leur plate forme de revendications, les contestataires réclament, entre autres, la démocratisation de l’université algérienne, la reconnaissance des comités autonomes comme seul et unique représentant légitime des étudiants et la dissolution des organisations satellites.

Ils veulent également la valorisation des diplômes universitaires et des instituts et leur reconnaissance par la fonction publique, l’assurance de postes d’emploi décents pour tous les étudiants diplômés, la possibilité pour les titulaires de diplôme de licence d’accéder aux postes de l’enseignement secondaire, et  l’augmentation de la bourse d’études à 15 000 DA/ 3 mois au minimum.

Comment vivent leur situation d’étudiants en 2011 et quelle la suite à donner à leur mouvement ?
« Nous avons organisé plusieurs sit-in et rassemblements depuis plusieurs semaines. Le ministre Harouabia a montré qu’il est incapable de régler nos doléances. Pis encore, il s’adonne à une détestable compagne de désinformation, en prétendant que le calme est revenu dans les universités. Ce qui n’est pas le cas.  Aujourd’hui, nous nous en remettons au président Bouteflika! », affirme Abderazek Hamzaoui, membre de la CNAE (Coordination nationale autonome des étudiants)

Lui explique que la balle est désormais dans le camp du gouvernement : « Si les hautes autorités expriment leur volonté de prendre en charge nos revendications,  nous leur faciliterons les choses. Dans le cas contraire, elles n’ont qu’à assumer les conséquences ».

Salim, 22 ans, est étudiant à l’université de Blida. Lui, comme beaucoup d’autres, s’inquiète pour son avenir. « La situation est grave.  Nous étudions dans des conditions lamentables. C’est un chemin de croix. Même après mon cursus, il n’est pas dit que je trouverais du travail. Sans tchipa (bakchich), tu ne pourra rien avoir »,dit-il, d’un air désespéré.

Son ami, Lyes, ne pense pas et ne dit pas moins : « Notre université est devenue une fabrique à chômeurs. Notre diplôme est dévalorisé. Même la fonction publique n’en veut plus, dans certains cas », dénonce-t-il. Alors Lyes réclame la réforme du système d’enseignement universitaire de telle sorte à assurer l’avenir des diplômés.

Abderazek Hamzaoui, membre de la CNAE avance le chiffre de 7 millions de diplômés au chômage.

Source: DNA

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