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UKRAINE : sur la théorie de l’Etat

https://aruthlesscritiqueagainsteverythingexisting1.wordpress.com/2015/09/04/no-country-for-the-condemned/

un texte de 17 pages dont nous traduisons la présentation ainsi que le paragraphe se rapportant à « l’ère des émeutes »

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Le dernier texte « de critique impitoyable » sur la question de l’Ukraine. Après une année et demie d’étude soigneuse de la situation, et avec l’aide de divers militants d’Europe orientale, ces derniers textes tracent l’origine contradictoire de l’ex-URSS de la situation entre l’Ukraine et la Russie. Certains des commentaires au sujet de la position de la gauche ressemblent plus ou moins à la position de la gauche grecque sur l’Ukraine. D’autres commentaires ont à voir avec les problèmes et les insuffisances théoriques et politiques qui découlent des événements eux-mêmes à l’intérieur des mouvements. Cette insuffisances peut être considérée comme une chance pour la simple «réévaluation tactique» des positions politiques radicales mais à notre avis ils mettent sur la table un sujet beaucoup plus profond: l’Etat comme forme holistique politique, et la crise de tout concept «d’autonomie politique » et des pratiques politiques autonomes de divers« groupes politiques ». Au contraire de l’Etat, le capital, et le pouvoir capitaliste en général semblent être une organisation holistique de la vie sous la forme de contradictions sociales et logiques. Alors qu’au travers de ces contradictions,  de nouvelles formes de lutte surgissent et pas de façon volontariste

 

L’Ère des émeutes: qu’en est-il de  l’Ukraine?

Dans le texte « Maidan comme modèle d’émeutes » nous avions mentionné que: « Les travailleurs et les employeurs, sauf les oligarques, se côtoyaient dans les émeutes sous l’identité de « citoyen », parce qu’ils étaient sous la menace de la même restructuration du Capital , alors que leur seul point commun était leur statut politique. Mais au-delà de la restructuration de la société bourgeoise dans l’un ou l’autre sens, cela ne peut pas mener directement au dépassement du capital, car il n’y a pas pénétration du domaine de la reproduction de la valeur, le lieu de travail “. Dans l’ «anticapitalisme fétichisé”, nous avions également écrit que nous essayions de trouver notre propre place à travers ces événements: “Cela conduit à un mouvement intense, dynamique mais contradictoire et instable entre les pratiques de type Places et les émeutes offensives, […] en conflit avec la forme valeur et la forme marchandise ; ces actions, d’une part ouvrent un réel passage vers le dépassement du capital et la critique de la marchandise, mais sont vécues comme limites, où il n’y a aucune nécessité historique qui assure leur dépassement ou  leur évolution “. Les émeutes offensives comme tactique fournissent une base de discussion intéressante, mais ces pratiques, à l’époque comme maintenant, ne suffisent pas à surmonter le capitalisme. Au lieu de cela les opportunités et les rencontres qui sont produites dans le spectacle de la subjectivité sociale (tant en termes de catégories capitalistes sociologiques contradictoires que dans la  façon d’interpréter ces catégories), ne garantissent en rien le dépassement du capitalisme, mais produisent des mouvements contradictoires et de l’impasse. Maidan et anti-Maidan ont été vécus comme une rencontre entre le sujet bourgeois de la citoyenneté et la pratique de l’émeute,  loin de  l’identité ouvrière mais aussi une rencontre de divers sujets bourgeois réorganisant  la « stricte » démocratie bourgeoise et l’unité de la nation. Le résultat a été la guerre, le nationalisme, les armes, etc. Ni Maidan ni anti-Maidan comme émeutes n’ont été le dépassement  d’une quelconque catégorie bourgeoise, sauf peut-être la contradiction précédente de l’Etat ukrainien ; au contraire, ils se sont militarisés pour être en mesure de continuer à l’identique, et allumer les processus historiques passés déjà connus. L’histoire est d’abord une tragédie, puis une farce. Si pour Maidan et antiMaidan la tragédie furent les émeutes elles-mêmes, le résultat final des idées nationales et le militarisme, le conservatisme, la religion et la société de l’État et du capital, alors la renaissance de la rhétorique de l’Union Européenne  «libre» ou «l’URSS socialiste» et «le socialisme dans un seul pays » sont les farces tragiques et des caricatures historiques sans aucun sens. Mais ils ne sont pas libérateurs. Au contraire, ils sont un pas en arrière.

Quand quelqu’un se réfère à la lutte de classe, il doit se rappeler que c’est un processus historique vivant et non un événement qui s’est déjà produit dans l’histoire. “Rien ne nous dit que cette crise sera la dernière”, a déclaré G.Dauve et malgré ses nombreuses erreurs, il avait raison. Chaque événement historique est ouvert et aussi longtemps qu’il en est ainsi, nous devons l’aborder de cette façon, mais quand il avance et déplie sa logique, il montre les limites et les contradictions qui le transcendent. Dans toutes les manifestations sociales sont articulées les différentes forces qui tentent de façonner l’événement et sont également formées dans le même temps par elles, par des processus idéologiques, des changements importants, etc. Les forces politiques représentant les «la classe ouvrière» traditionnelle de Maidan ont été défaits dans la compétition interne de la place et jetés car ils ne pouvaient tenir dans le processus d’ «unité nationale», tandis que les forces similaires dans anti-Maidan ont fait le choix d’être fixées et incorporées à l’unité et les États-nation émergents dans les provinces de l’Est, ce qui est essentiellement une autre forme de la même défaite [5]. Le processus de lutte des classes comme  véritable mouvement et la façon dont les classes se forment et se produire mutuellement, est un processus qui écrase constamment les grandes constructions théoriques du passé et simultanément ouvre des possibilités que nous n’avions pas imaginé. La théorie est d’apprendre de l’expérience de la lutte, parce qu’elle est testée en elle. Donc, tout ce que vous pouvez exclure est ce qui se fait. L’histoire est une tragédie, puis une farce. Cette tragédie ce fut les émeutes de l’Ukraine en tant que telles. Expérimentons les tragédies  à venir.

Dans ce contexte, et alors que le Maidan et AntiMaidan appartiennent toutes deux au passé en s’étant effondrés sous leurs propres contradictions, et maintenant pris la forme d’«armées nationales en conflit », de nouvelles formes de lutte de classe ont émergé.

  1. adé
    06/09/2015 à 15:48 | #1

    « Rien ne nous dit que cette crise sera la dernière », a déclaré G.Dauve et malgré ses nombreuses erreurs, il avait raison.

    Il n’y a pas et il n’y aura pas de “crise finale”, et moi aussi je me suis souvent trompé, mais là impossible de faire erreur.
    Le capitalisme est fait de crises/restructurations, sans intervention mondiale massive de la part du “prolétariat”, et plus généralement des dominé-es, le machin ne s’écroulera pas sous ses propres contradictions.
    Ses contradictions sont sa dynamique, nous le voyons tous les jours que fait le capital : guerres, réfugié-es, destruction exponentielle de la nature, bouleversement climatique, empoisonnement de l’air, de l’eau, de la terre.
    Il n’existe pas d’antagonisme de classes conduisant inévitablement au dépassement du mode de production, et encore moins de seuil de paupérisation ouvrant des perspectives révolutionnaires.

    Mais, contrairement à ce que radote G.Dauvé : il ne faut pas attendre. Attendre quoi?
    Oui, bien sûr attendre la crise vraiment finale.
    Et en attendant?

    Les ouvriers de l’industrie automobile, par exemple en Espagne, mais aussi, en France, Italie, USA…ont plié devant les patrons, acceptant des baisses de salaires, acceptant que les nouvelles embauches soient marquées par le fer d’une inégalité salariale qui implique que le nouvel embauché, tout en travaillant comme les plus anciens soient payé moins, travaillant donc côte à côte avec des collègues (pourquoi pas des camarades, puisqu’on y est?) contraint-es d’accepter ces conditions désastreuses : c’était ça ou le chômage, c’était mieux que rien. Vraiment?
    L’achat d’automobiles neuves a bondi en Espagne, la croissance est au rendez-vous, et comme le disait je ne sais quel fieffé filou sur France-culuture : “ça fait chaud au coeur” (émission économique à vomir de dégoût, hier ou avant-hier).
    Non, il n’y a rien à attendre, et pas plus à espérer d’une “classe” ouvrière occidentale rongé par l’égotisme, la crainte de manquer du fric indispensable aux divers crédits, la passion morbide et triste de l’appartenance à cette “classe”, c’est-à-dire : homme/femme, nationaux/étrangers, travailleurs/chômeurs.
    Ici, dans la cité, dans le quartier HLM, à présent en déshérence sont arrivé-es de nombreux-se Portugais-es, rien de plus pressé pour eux (surtout pour eux) que d’acquérir de grosses berlines allemandes, puis de faire sérigraphier sur la lunette arrière (vade rétro satanas) une croix surplombant un calice qui fait ressembler leur grosses bagnoles à des corbillards (non sans quelque raison), l’un de ses migrants économiques travaille comme mécanicien sur un chalut: tous les jours, ou presque ça sent le poisson, c’est le prix à payer pour sa SEAT haut de gamme (motorisation: Porsche, groupe Volkswagen); le dimanche on entend…la messe à la télé/
    Soumission, soumission, soumission.

  2. Stive
    13/09/2015 à 12:07 | #2

    “Non, il n’y a rien à attendre, et pas plus à espérer d’une « classe » ouvrière occidentale rongé par l’égotisme, la crainte de manquer du fric indispensable aux divers crédits, la passion morbide et triste de l’appartenance à cette « classe », c’est-à-dire : homme/femme, nationaux/étrangers, travailleurs/chômeurs…”

    On pourrait croire qu’Adé exprime un profond mépris pour la classe ouvrière, que du contraire, il décrit une douloureuse réalité que bien des communistes ont du mal à accepter, sinon à voir. Comment la “classe rédemptrice” en est-elle arrivée à s’abaisser à ce niveau sordide ?

    Prenant pour argent comptant la doxa marxiste (et programmatiste), dès le début des années 70, sans formation intellectuelle au départ, mais révolté contre cette société, je me suis très vite trouvé en contradiction entre ma formation, sur le tas, de marxiste révolutionnaire, et la réalité quotidienne que décrit Adé. Pendant plus de trente ans, comme ouvrier, j’ai côtoyé dans différents secteurs de la production, constructions métalliques, bâtiments, construction automobile Renault Vilvorde, Tabac Pilip Morris, etc., et attendu l’émergence de la “conscience de classe”, bien entendue, révolutionnaire des ouvriers. La plus grande partie de cette période concernait celle où la revendication faisait encore système.
    Ne rêvaient à la révolution que les quelques zigotos dans mon genre (militants, gauchistes, et autres rejetons de la gauche communiste réactivés après 68). Il me fallut du temps pour me rendre compte que la conscience de classe était une fable et que l’internationalisme n’avait jamais servi aux groupes de la gauche communiste qu’à se distinguer du gauchisme. Bien du temps aussi à comprendre aussi qu’en ce qui concerne la classe ouvrière, il était plus question d'”identité” et de “représentation” au sein de la société capitaliste dans le cadre de la lutte des classes que de conscience de classe révolutionnaire comme l’enseignaient les minorités révolutionnaires dont je me réclamais.
    Pendant toutes ces décennies je me sentais parmi mes collègues ouvriers comme un extraterrestre avec mes slogans aussi creux qu’incendiaires contre le capital, la société, le patron, l’exploitation, etc. ; eux ne s’intéressaient qu’à la fesse, le foot, les faits divers et le partage des bénéfices de l’entreprise et son corollaire, le partage des pertes au cas où l’entreprise perdait de l’argent, ce qui commença à advenir après la crise des années 80.
    Aucun mépris envers mes collègues de classe dans ce court bilan personnel, mais le constat d’une réalité intangible qui montre une classe ouvrière utilitariste et conservatrice à l’image du capital qui l’a créée, à tout le moins sur le plan utilitariste car, pour le conservatisme, le capital n’hésite pas à bouleverser les rapports sociaux pour dépasser les effets de ses crises.
    Heureusement, le prolétariat englobe des couches sociales au delà de la simple “classe ouvrière” de moins en moins visible à la surface de nos sociétés occidentales. C’est dans les synergies entre ces couches prolétarisées confrontées aux effets de la crise de valorisation du capital que pourront surgir, pendant de courts moments, des formes de lutte probablement encore inédites où des écarts seront alors possibles. Mais je laisse à des camarades plus qualifiés que moi le soin d’en parler.

    S.

  3. lisbeth Salander
    14/09/2015 à 18:06 | #3

    Si le Capital sécrétait des prolétaires anti racistes, non sexistes, révolutionnaires, communistes… y’aurait pas besoin de faire la révolution!

  4. adé
    16/09/2015 à 14:54 | #4

    Loto transformation.

    Besoin de révolution?

    Le problème du commentaire de lisbeth Salander c’est que, précisément ce sont ces “prolétaires” (qui ne se reconnaissent pas tel-les) qui sont censé-es la faire cette révolution qu’un minuscule fragment plus ou moins “prolétaire” croit “nécessaire”.
    Je persiste, la réalité a la tête dure, l’énorme majorité de la population “prolétaire” des pays développés ( sans illusion à propos des “pays en voie de…”, des “émergents”,etc…)est incapable de s’organiser, d’inventer, de produire un mouvement de rupture.
    Il n’y pas de dynamique portant les “prolétaires” à un quelconque “dépassement”. Tout cela marchait avec le “programme OUVRIER”, dans la perspective du socialisme. Dans le socialisme l’ouvrier et l’ouvrière restaient tels: toujours travailleur-ses, mieux loties, mieux considérées, mais toujours travailleurs…

    Hic et nunc, ici maintenant c’est Loto transformation (se transformer en riche en pariant sur les jeux).

    Karl Marx aurait prononcé cette phrase à l’heure de son agonie :” Il n’y a que la lutte”.
    Puis il est mort.

  5. Lobo
    17/09/2015 à 15:37 | #5

    Hélas, tu as raison, Adé, l’expérience quotidienne comme l’analyse des situations le prouve. Mais… que faire de nos exigences personnelles et collectives ? De notre rage ? De la révolte contre le sort qui nous est fait ? Que faire d’autre sinon poursuivre l’inventaire critique des mouvements révolutionnaires du passé (qu’à mon sens le concept de programmatisme ne saurait totalement épuiser) et continuer de lutter au jour le jour ? Et puis… l’Histoire réserve bien des surprises. Seuls les religieux croient que tout est déjà écrit.

  6. Amer Simpson
    18/09/2015 à 03:45 | #6

    J’aime bien ta façon de résumer la situation d’être prolétaire conscient de ce que ça veut dire… Et du paradoxe existentiel que ça implique, mon cher Lobo, mais j’aimerais en savoir plus sur ta critique du concept de programatisme… Qui n’est pas seulement critique des luttes passées mais aussi présentes.

    AS

  7. Lobo
    18/09/2015 à 11:36 | #7

    A mon sens, le concept de programmatisme, s’il rend bien compte d’une des facettes du mouvement ouvrier, l’affirmation du pôle travail face au pôle capital, en se voulant explication totale escamote du même coup la claire volonté d’une minorité révolutionnaire qui cherchait explicitement l’abolition du salariat et la réalisation du communisme. Tout cela au milieu de contradictions multiples, bien entendu, et la révolution espagnole en est peut-être le meilleur exemple. Encore faut-il se garder à la fois d’une vision anachronique (qui ignorerait les réalités de l’époque) et d’une vision morale (la “trahison” de certains chefs, incontestable, n’explique pas pourquoi une grande partie de la base se trouvait en accord avec les compromis desdits chefs.) Aussi bien au cours de la révolution russe qu’en Espagne, voire au sein de mouvements moins spectaculaires, des tentatives des dépassement communistes ont eu lieu. Ce n’est plus le cas maintenant, et le pessimisme d’Adé s’en trouve justifié.

  8. pepe
    18/09/2015 à 12:32 | #8

    Pour aller dans le sens d’Amer simpson, pourrais tu préciser ce que tu entends par ces minorités révolutionnaires… A ma connaissance, jusqu’aux situationnistes (et encore n’ont ils pas pu pousser la théorie jusqu’au dépassement), aucune minorité, théorique ou pratique, n’a produit le dépassement du programmatisme. Anarchistes, Ultra gauche, Gauches diverses , théoriciens de l’autonomie ont toujours été, d’une façon ou d’une autre dans l’affirmation du prolétariat, dans la promotion de la victoire d’un pôle sur un autre, le prolétariat devant “s’emparer de la société dont il est devenu l’âme” comme le dit TC dans sa définition du programmatisme.

  9. Lobo
    18/09/2015 à 14:32 | #9

    Je ne pensais pas aux théoriciens mais plutôt aux tentatives pratiques, notamment à la révolution espagnole. On m’objectera, à la suite de Michael Seidman et de son ouvrage “Ouvriers contre le travail”, que justement, l’action du prolétariat espagnol et d’une partie de la direction de la CNT allait dans le sens de l’affirmation du travail, du prolétariat comme classe du capital (avec les calamiteuses compromissions politiques que cela impliquait), mais il me semble que le mouvement de juillet 1936 était très loin de se limiter à cet aspect programmatique. La formidable appropriation des moyens de production, le bouleversement de la vie quotidienne, le surgissement des femmes dans ce pays profondément marqué par le catholicisme le plus rétrograde et le plus patriarcal, tout cela témoignait d’un véritable mouvement communiste et libertaire, bien loin de la seule affirmation du pôle travail.
    La suite des événements, bien sûr, devait ramener ce “bref été de l’anarchie” dans la grisaille du productivisme, de l’affirmation du prolétariat en tant que tel et dans la collaboration la plus abjecte avec les diverses factions des classes dominantes. Mais c’est déjà une autre histoire.

  10. Amer Simpson
    19/09/2015 à 07:37 | #10

    Pour certains, l’Espagne de 36 prit un énorme souffle de modernité… Pour d’autres, les conditions productives de l’Espagne devaient rattraper les exigences du capitalisme restructuré d’après-guerre… En effet, on ne peut nier que l’expérience espagnol a non seulement prouvé sa capacité à prendre en charge les moyens de production mais aussi à les moderniser en les collectivisant et les fédérant.

    Bien entendu, ce ne fut pas que cela. Il y a bien eu des pratiques expérimentales de dépassement, d’autocritique du mouvement, de mesures communistes sur le tas… Mais n’est-ce pas là la dynamique d’une révolution d’ouvrir les possibilités… Des possibles que l’époque permet, toutes sortes de réponses mais toujours à des questions que l’époque pose.

    En Espagne comme en Russie, la question était le controle des moyens de production en tant que moyen de production… Comme quelque chose de séparée qu’on peut et qu’on doit gérer. La question était sur qui et comment gérer l’économie, par sur le fait qu’il y ait une économie à gérer. Cela n’empêche pas un bouleversement de la vie quotidienne… Incluant l’organisation des femmes en tant que femmes… Mais dans ce bouleversement social, les conditions moderne de la société capitaliste sont reproduites et les tentatives communistes se transforment en simple conflit à l’intérieur du mouvement. En ayant comme base la classe ouvrière en tant que force sociale capable de prendre en charge la production contre les capitalistes, l’enjeu de la révolution s’est trouvé posé avec celui de la reproduction du mode de production… C’est là que la contre-révolution s’est construite avec le sauvetage de l’état.

    Mais les nécessités qui nous poussent à critiquer les mouvements révolutionnaires passés comme l’Espagne 36 ou la Russie 17 ne se trouvent pas tant en 36 ou 17 mais aujourd’hui. C’est parce que les conditions de lutte ne sont plus les mêmes et qu’en cherchant à définir ce qu’il y a de nouveau on se trouve par la même occasion à critiquer les luttes du passé… Et jusqu’à maintenant, le concept de programatisme a été pour moi le plus adéquat pour y arriver. Ce n’est pas tout de ne pas ignorer les réalités d’une époque, encore faut-il tenir compte également de leur production, de ce qui fait que des réalités sont d’une époque et pas d’une autre.

    AS

  11. Lobo
    19/09/2015 à 12:57 | #11

    Oui, oui, bien sûr… qu’en termes théoriciens ces choses-là sont dites, termes qui ont quelque peu le tort de ne pas rendre compte des passions, du vertige, de l’enthousiasme. Mais si entre l’Espagne de 1936 et le monde d’aujourd’hui il y a d’énormes différences, il y a aussi des ressemblances… tout aussi énormes. Et l’actuelle crise mondiale du capitalisme, qui dans certaines régions nous ramène au XIXè siècle et dans d’autres aux années trente ne fait que réduire l’écart qui sépare les deux époques.
    En 1936, en Espagne, des réalités différentes coexistent : différences entre régions “développées” ou non, différences entre prolétariat des villes et prolétariat des campagnes, différences entre fractions conservatrices du prolétariat et fractions révolutionnaires, et au sein de ces dernières adhésion à des projets politiques différents (socialistes ou libertaires.) Les revirements de la CNT, qui après avoir distillé au sein du prolétariat un projet anarchiste ultra radical remettant en cause le productivisme industriel, finit, in extremis, par se ranger aux réalités du monde industriel sont le témoignage des contradictions au sein même du prolétariat. En juillet 1936, le prolétariat de plusieurs régions d’Espagne se retrouve soudain avec l’appareil productif sur les bras. On peut réduire cela à la “gestion” de l’appareil productif, mais c’est avant tout la vie elle-même qui leur revient. Car il faut bien manger tous les jours : c’est affreusement gestionnaire, mais c’est comme ça ! Il faut transporter le blé là où il ne pousse pas, les chaussures là où on n’en fabrique pas, la viande là où il y a peu d’élevage. Il faut assurer les réparations des véhicules, la distribution de l’essence, la fabrication des produits métalliques, textiles, la culture des légumes, etc.
    Tu écris : “la question était le controle des moyens de production en tant que moyen de production… Comme quelque chose de séparée qu’on peut et qu’on doit gérer.” Si je ne me trompe, tu veux dire par là qu’il s’agissait de “gérer” le capitalisme. Bien entendu, et dès le départ, cette dimension a existé, à la fois dans les pratiques de la direction de la CNT mais aussi dans les pratiques spontanées du prolétariat. Mais comme tu le reconnais toi-même, il n’y a pas eu que cela. La révolution a ouvert d’autres possibles, a permis d’autres expériences. Et en cas de bouleversement soudain, nous serons confrontés exactement aux mêmes questions : que faire des champs, des veaux, des vaches, des cochons et des couvées ? Que faire des centrales électriques ? Que faire des hôpitaux et des usines de médicaments ? Et des fabriques de scanners ? Et des usines textiles ? Et des routes, des chemins de fer, des avions, des mines d’où tout cela s’origine ? Les prolétaires espagnols se sont retrouvés face à ces questions. Les mêmes que les nôtres. Et avec de larges fractions du prolétariat qui rêvaient, et comment ne pas les comprendre, du sort de leurs frères prolétaires de l’autre côté des Pyrénées, ces Français qui bénéficiaient d’un confort qu’ils n’avaient pas. Alors que bien souvent dans les campagnes, des mesures ultra radicales étaient prises, où l’on abolissait l’argent, où la fraternité s’étendait aux petits paysans catholiques qui se méfiaient des rouges. Compliqué, tout ça, et pas réductible au seul programme d’affirmation du prolétariat comme classe du capital, même si, encore une fois, cet aspect était très présent jusqu’à devenir hégémonique.

  12. Amer Simpson
    20/09/2015 à 00:42 | #12

    Il y a surement des ressemblances entre l’Espagne 36 et aujourd’hui, mais il y a une différence de taille qui change complètement le contexte historique: l’absence de cette base qu’était la classe ouvrière organisée en force capable de prendre en charge les moyens de production. Cette base n’existe plus parce que le Capital en a fini avec le temps où il devait reconnaître le prolétariat comme interlocuteur légitime dans la reproduction de la société capitaliste afin de le reproduire lui comme force de travail… C’est cette détermination historique qui a permit au syndicalisme révolutionnaire d’être ce qu’il fut (pareil pour la CNT/FAI)… C’est cette même détermination qui explique la force légendaire du mouvement ouvrier, la puissance des partis communistes ainsi que l’organisation spontanée des prolétaires en conseils ouvriers. Comme qui dirait : c’est la différence qui fait tout la différence.

    Bien d’accord avec toi, dans le processus révolutionnaire les impératifs alimentaires, sanitaires et médicaux seront des problèmes urgents à résoudre… Toutefois, la révolution ne se résume pas en une somme de problèmes à résoudre différemment mais à s’attaquer directement aux rapports sociaux capitalistes au travers ces problèmes à résoudre… C’est dans ce sens qu’il faut parler de mesures communistes.

    AS

  13. Lobo
    20/09/2015 à 16:27 | #13

    Nous sommes donc entièrement d’accord. Toutefois, la lutte des classes demeure. Elle se déroule dans des conditions infiniment moins favorables qu’à l’époque où le pôle travail devait s’affirmer comme partie reconnue de la société parce qu’à cette époque, des possibilités de transcroissance communiste existaient. Une fois le pôle travail reconnu, métabolisé par le Moloch capital, il reste au prolétariat à inventer de nouvelles formes de lutte. Immédiatement communistes, disent les communisateurs. Peut-être. Je n’en suis pas totalement sûr. Car malgré tout, on a affaire à des tendances et pas uniquement à des faits accomplis, définitifs. Voilà pourquoi je ne jette pas le syndicalisme révolutionnaire avec l’eau sale du réformisme. Je m’illusionne ? Peut-être. Mais comment faire autrement si l’on ne se contente pas de bâtir de la Théorie avec une majuscule d’ivoire, comme la tour du même nom ?

  14. Stive
    21/09/2015 à 11:22 | #14

    Un processus méconnu que dévoile Eric Aunoble dans son livre “Le communisme tout de suite”, Les nuits rouges, 2008 sur les communes ukrainiennes dans les premiers mois de 1919. J’en ai fait une courte recension pour le n°1 de Controverses (2009) avec lequel j’ai rompu en prenant connaissances des théories sur la communisation, il y a 4 ans maintenant. Je vous livre cette recension avec l’esprit dans lequel j’ai apprécié alors cette étude; des souvenirs de cette lecture m’induisent à penser qu’elle n’est pas sans liens avec les échanges qui précèdent, tout en tenant compte des conditions et de la distance historique qui nous séparent de 1919.

    Note de lecture : Le Communisme, tout de suite ! de Eric Aunoble
    Le mouvement des Communes en Ukraine soviétique (1919-1920), Edition Les nuits rouges.

    Le titre de ce livre n’est pas la profession de foi de l’auteur sur un moment de la révolution russe, en l’occurrence l’année 1919, pendant la guerre civile qui ravagea la nouvelle République Soviétique. En quelques mois, du printemps à l’automne 1919, 2 000 communes soviétiques s’étendent sur le territoire de la nouvelle République Soviétique. En tout et pour tout, elles ne rassemblent que quelques milliers de communards. La présente étude se penche sur les archives ukrainiennes comptabilisant 300 communes agricoles ; celles concernant les autres républiques auraient disparu ou sont pour l’instant inaccessibles. Quel est intérêt de se pencher sur un mouvement si marginal, de caractère probablement utopiste ou anarchiste ? Dans sa présentation l’auteur répond à cette objection : « le métier d’historien, qui suppose de rassembler et de synthétiser des sources essentiellement institutionnelles, conduit facilement à ignorer ce qui n’est pas pleinement advenu, et donc à sous-estimer la capacité innovatrice des utopies produites dans les périodes révolutionnaires ». L’auteur rappelle que déjà Marx mettait en garde contre ce type d’évaluation quantitative en affirmant que « la grande mesure sociale de la Commune [de Paris], ce fut sa propre existence et son action ». Aussi, cet ouvrage intéresse tout d’abord l’historien, mais il ne peut laisser indifférent tout militant attentif aux capacités créatrices de la classe ouvrière même dans ces couches les plus ‘frustes’ et les plus misérables, et pour le propos qui nous intéresse, il s’agit d’une activité propre à la couche des paysans pauvres, en réalité, des prolétaires de la terre qui ne se distinguaient de leur frères de classe dans les usines que par les instruments de production, mais aussi par le poids plus lourd de l’arriération villageoise.

    C’est donc un travail au ras du sol que nous livre Eric Aunoble car l’essentiel de la recherche s’est faite presque exclusivement sur base les archives contenant les notes d’assemblées générales des Communes. Ces notes ne peuvent pas ne pas nous émouvoir car elles montrent crûment le total dénuement dans lequel se trouvaient ces travailleurs de la terre, mais aussi et surtout la farouche volonté, dans un élan commun, de créer les nouvelles conditions d’une société égalitaire à quelques dizaines de kilomètre du front des ‘Rouges’ et des ‘Blancs’. Ces notes livrent presque tous les détails de la vie quotidienne des communards sans taire ni les conflits, ni les exclusions, ni les démissions, toujours discutés en assemblé générale.

    L’ouvrage d’Aunoble expose à plusieurs niveaux le phénomène social que révèle ce mouvement des ‘communards soviétiques’.

    Sur le plan historique d’abord, avec la réalité de la communauté rurale russe (l’obchtchina ou mir) que l’auteur compare et distingue des communes de 1919. Ce qu’il faut retenir, c’est que toute la littérature russe populiste et anarchiste contemporaine de l’éveil du mouvement ouvrier en Europe vers 1840 et 1870, autour de A. Herzen, Bakounine, Tchernichevsky, envisage la transformation sociale à partir de ‘la propriété communautaire’ avec les multiples confusions sur la notion de ‘socialisation de la terre’ que chacun reprend à son compte avec sa propre interprétation. Ce qui nous intéresse plus particulièrement, c’est l’attitude du mouvement ouvrier russe, dont les pionniers du marxisme en Russie, Plékhanov et V. Zassoulitch qui, dès leur séparation d’avec le populisme, mèneront une violente critique contre l’obchtchina considérée comme la survivance de « l’économie patriarcale et dont l’autocratie des tsars constitue le complément politique ». Pourtant Marx voyait dans l’obchtchina un potentiel de développement sur lequel pourrait s’organiser la nouvelle société dans les campagnes. C’est donc la notion d’ ‘associations de producteurs’ que le POSDR élimine de son programme en 1903 sur l’insistance particulière de Lénine, avec l’argument, il est vrai, que ces associations pourraient être sensibles aux avances des libéraux bourgeois qui s’entendent à jouer les protecteurs de ‘l’industrie populaire’. Il n’en reste pas moins que les bolcheviks auront ignoré une alternative à la question paysanne allant dans une autre optique que celle de la simple reprise du programme de réforme agraire des S-R (socialistes révolutionnaires) en 1917.

    Les deux autres parties de cet ouvrage ne sont pas moins passionnantes [1]. Elles illustrent le contexte particulièrement complexe dans lequel se développe l’expérience communarde, et surtout la haine des ‘Blancs’ qui concentrent leur propagande antisoviétique contre la généralisation de communes dans les campagnes. Avec une objectivité sans faille, l’historien démontre que ni les S-R, ni les anarchistes, ne furent favorables à cette expérience et, qu’à aucun moment ils ne s’en revendiquèrent. Makhno, figure légendaire de l’anarchisme, selon ses propos mêmes, prétendait avoir défendu ‘l’union des paysans propriétaires, petits propriétaires, pauvres et prolétaires’ contre les koulaks et les grands propriétaires. Il critiquait les bolcheviks pour avoir introduit la lutte de classe dans le village. Nous sommes donc loin de l’aspiration des communards ukrainiens. Toujours avec la même objectivité, l’auteur analyse l’ambiguïté de la politique des bolcheviks au pouvoir envers les communes à partir de leur apparition début 1919. Dans un premier temps, il y eût l’appel de Boukharine à soutenir le mouvement, mais très vite, face à l’hostilité paysanne rétive aux bouleversements sociaux, ils prirent une position de recul. Sans interdire le développement des communes, ils les considérèrent comme un obstacle à l’acquisition du soutien du paysan moyen comme l’affirme l’affiche du soviet ouvrier « De l’ouvrier de la ville au pauvre de la campagne ” (…) souvient-toi que le paysan moyen est ton allié, mais il lui reste encore dans la tête des chimères de S-R sur la socialisation de la terre… Il faut lui montrer toute la supériorité de la commune, du travail socialisé de la terre, du sovkhoze, mais par l’exemple et non par la force ». Toute l’ambiguïté réside dans la fin du message, car jamais dans leur constitution, ni dans l’esprit ni dans les faits, les communes n’ont revendiqué la force ou l’obligation de s’y soumettre. En réalité, l’auteur fait justement remarquer que ce que l’on reproche aux communes paysannes ce n’est pas l’emploi de la force mais le simple fait d’exister, ce qui aliène le soutien du paysan moyen au nouvel État soviétique.

    La conclusion, sous le titre ‘Fin des Communes, fin du communisme ?’, porte un regard plus précis sur le positionnement des anarchistes, Makhno, Voline, Piotr Archinov qui revendiquèrent hautement les communes comme le legs de la Makhnovochtchina. Les faits historiques montrent que l’armée de Makhno avait eu en la matière une politique plus timorée que celle des bolcheviks. Ce qui n’empêcha pas l’anarchisme de s’accaparer, après coup, du mouvement communard russe.

    On ne peut, dans une courte présentation épuiser, sinon aborder, l’extrême richesse de cet ouvrage tant du point de vue historique que celui de la réflexion qu’il entraîne sur des questions que nous aurions prétendu réglées par l’histoire. La Commune parisienne était-elle utopique ? Pour Marx elle n’était prématurée que par le contexte historique. Les communes russes de 1919 à leur tour étaient-elles utopiques ou prématurées ? L’auteur du présent ouvrage les caractérise souvent d’utopiques, dans le sens d’un possible réalisable, et non pas de l’imaginaire. Ce qui semble être un contresens. La question reste posée, à nous de la clarifier car, dans l’alternative à la faillite du capitalisme, l’immense majorité de la population humaine va se retrouver confrontée aux mêmes problèmes et tenter d’y apporter les mêmes réponses que celles des communards qui cherchaient simplement à réaliser ce que la révolution russe portait en elle de saillant : le communisme entendu avant tout comme la construction de rapports humains égalitaires.

    Mario Lucca

    [1] Cet ouvrage est tiré de la première partie d’une thèse de doctorat intitulée « Le communisme, tout de suite ! ». « Ce travail a représenté plus de dix ans de recherches, de voyages et surtout de rencontres » (Eric Aunoble).

  15. Lobo
    21/09/2015 à 14:27 | #15

    Merci, Stive, pour ce très instructif compte rendu. Les réserves émises sur la makhnovtchina me semblent particulièrement intéressantes parce que c’est la première fois que j’en entends parler (et elles n’ont évidemment rien à voir avec les torrents de calomnies déversées par Trotski et les bolchéviks.)

  16. adé
    24/09/2015 à 12:09 | #16

    http://www.lemonde.fr/automobile/article/2015/09/24/au-pays-de-volkswagen-on-a-beaucoup-travaille-pour-etre-les-premiers-on-va-le-rester_4769458_1654940.html

    Puisque j’ai fait incidemment référence à VW, l’affaire du bidonnage des tests de contrôle des émissions par la firme en question, ça donne cela du point de vue de quelques ouvriers…
    J’ai appris en lisant l’article que le boss venait du monde ouvrier, et ouvrier lui-même…Ach,l’ascenseur modèle made in Germany…
    Volkswagen s’était illustrée lors de la 2ème Guerre Mondiale en achetant au SS des esclaves (notamment des Slaves…) et en les tuant au travail :Arbeit macht Frei.
    Aujourd’hui, pas besoin d’aller à de telles extrémités : les ouvriers deviennent patrons, les ouvriers se vendent tout seuls.

  17. Lobo
    25/09/2015 à 11:31 | #17

    Mais alors, Adé, comme le disait cette vieille canaille de Lénine, “que faire ?” A la fois je ne peux que constater, comme toi, même si tu ne t’exprimes pas de la même façon, la jouissance née de la servitude volontaire. Mais ette jouissance terrible, qui rétrécit l’univers affectif et mental des prolétaires, n’est pourtant pas universelle. Il y a aussi des brèches dans la citadelle capitaliste. Des tentatives. Des cycles de lutte de classes comme diraient certains communisateurs. Faut-il que nous passions notre temps à déplorer la passivité prolétarienne, faut-il se cogner inlassablement la tête contre les murs ? Faut-il se retirer, ne plus se bagarrer, cultiver son jardin ?
    Ou bien participer aux quelques sursauts de révolte qui se manifestent quand même ici et là ? La tâche des communistes que nous sommes (avec toutes les nuances, les désaccords, les exaspérations réciproques….) se réduit-elle à la constatation désabusée d’une victoire du capital en attendant que le dérèglement climatique règle une bonne fois pour toutes l’existence du genre humain ?

  18. lisbeth Salander
    25/09/2015 à 14:10 | #18

    “que faire”?
    «Hay períodos en los que uno no puede hacer nada, salvo no perder la cabeza.»

    Louis Mercier-Véga, La Chevauchée anonyme

    A part chercher à comprendre, aider à comprendre, partager les théories de telles ou tels, je ne vois pas bien.
    Le monde bouge et les prises de parti sur le monde aussi….

    Si c’est une question existentielle du rebelle en mal d’actions sur les leviers qui meuvent le monde, alors on s’en fout!
    On est embarqués dans le Maelström et on fera ce qu’on pourra en temps utiles…ou pas!

  19. Lobo
    25/09/2015 à 14:55 | #19

    La question est donc réglée ! Inutile de se prendre la tête. Merci pour cette ébouriffante avancée théorique.

  20. Anonyme
    27/09/2015 à 15:02 | #20

    Lisbeth Salander a raison :

    K.Marx est mort, qu’il repose en lutte, nous sommes vivantes et donc :

    https://www.youtube.com/watch?v=RNSwSAyKZh0

    CONDENADOS A LUCHAR

  21. Stive
    28/09/2015 à 12:25 | #21

    Pour ma part, en réponse à “Que faire”, même si je suis d’accord avec Lobo et L. Salander, je reprendrai l’épilogue laconique d'”Une séquence particulière” (TC avril 2014) après avoir lu et relu ce texte qui, loin de transpirer un pessimisme définitif comme pourrait le laisser penser mon court bilan précédent ou les considérations d’Adé sur le prolétariat, me donne des clés de compréhension de la période que nous traversons (le chercher à comprendre de L. Salander) : “Nous sommes actuellement loin de la visibilité croissante des contradictions de classes et de genre et de leur liaison avec la révolution et le communisme, le devenir idéologie parmi d’autres de la “théorie de la communisation”, tant comme slogan que comme passeport académique plane sur nos têtes fragiles”. TC Avril 2014
    Il reste à mettre à jour et à confronter nos analyses car, si l’avenir n’est pas prévisible il reste ouvert à tout et son contraire. De toute façon nous sommes condamnés à lutter par le clavier ou la rue ou les deux à la fois.

  22. lisbeth Salander
    28/09/2015 à 15:35 | #22

    @Lobo
    Lobo, tu fais semblant de ne pas comprendre…..Il s’agit bien, au contraire, de “se prendre la tête”, de réfléchir, comme le dit mieux que moi Stive…
    Simplement, il ne faut pas le faire en prenant comme fondement de la réflexion ce que l’on peut faire en tant qu’individu; fut il révolutionnaire, révolté, communiste, rebelle et tutti quanti.
    Au fait, comprendre, lire, échanger, théoriser, n’est ce pas “faire” aussi?
    Et puis, toi, tu “fais” quoi, au fait, de si différent, de si révolutionnaire???

  23. Lobo
    28/09/2015 à 17:51 | #23

    Cela fait près de 150 ans que le mouvement ouvrier et révolutionnaire réfléchit à l’intervention des communistes. Où, quand, comment…. les réponses vont du spontanéisme le plus bucolique au léninisme le plus obtus. Alors il est un peu agaçant de voir tout cela réduit à des états d’âme, à des problèmes existentiels ou à des interrogations “individuelles.” Que tout cela existe, c’est un fait, et le militantisme a très souvent servi à colmater des difficultés personnelles, mais ni plus ni moins que l’exercice d’une profession, la pratique d’un sport ou la collection de timbres. Et surtout, la très difficile question de l’intervention des communistes ne saurait s’y résumer.

    Cela dit, on peut affirmer qu’il s’agit de cultiver la Théorie (avec majuscule, of course) et de regarder passer l’Histoire (majuscule idem.) Que la période ne permet pas autre chose. Une touchante unanimité semble réunir pas mal de partisans de la communisation, de la critique de la valeur et apparentés pour s’en tenir là. En contrepartie, il existe ce site, fort bien fait et intéressant, mais dont le titre même “des nouvelles” révèle suffisamment une position d’observateurs, de rapporteurs de nouvelles (c’est à dire, finalement de journalistes.) Comme si le ciel de la théorie avait aussi besoin de s’incarner dans les luttes d’ici bas.
    Je ne méconnais pas les difficultés de l’intervention des révolutionnaires, leur caractère parfois dérisoire. Mais je refuse la position commode qui consiste à considérer toute intervention avec un mélange d’apitoiement ironique et de mépris à peine dissimulé.
    Mais, comme tous ceux qui n’ont pas renoncé à agir concrètement dans le cours de la lutte des classes (oui, je sais, la Théorie est aussi un agir concret), je me heurte aux citadelles de l’indifférence, à l’individualisme le plus couard et… aux justifications souvent embarrassées de ceux que j’aurais aimé à mes côtés.

  24. pepe
    28/09/2015 à 18:12 | #24

    @Lobo
    On peut comprendre la critique de dndf, de son titre, sous titre…de l’attentisme qu’il peut donner l’impression de proner.
    Cela dit, dndf n’est jamais qu’une des multiples initiatives à l’intérieur de ce qu’on pourrait appeler un “milieu”. Ca n’est pas une organisation, pas un groupe de combat. Tout au plus, si c’est pas trop prétentieux, un blog de veille qui se propose de rassembler ce qui nous parait utile à la réflexion autour de la communisation, en essayant de ne pas trop être sectaires.
    Et ce qui s’écrit, se produit, se créé d’important se fait… en dehors de nous! Nous ne sommes que des soutiers de la communisation!
    On se contente de le rapporter, parfois de le traduire en français, de le promouvoir et, sur quelques post qui ont rencontrés une grosse audience, on a vu que les lecteurs s’en servaient comme nous l’espérions….
    Peut être que la seule chose sur laquelle nous ne négocions pas, c’est sur la tenue des échanges et des publications. On essaye de filtrer les anathèmes excommunicateurs, les rodomontades, les incantations, les appels à l’insurrection, les images bavardes….les morales révolutionnaires, les leçons de théorie…..Une veille un peu vigilante, quoi!!

  25. Stive
    29/09/2015 à 06:38 | #25

    Il n’est pas question de considérer toute intervention avec mépris…mais encore…entre le spontanéisme et le léninisme l’espace est extrêmement ténu. Pour avoir le sentiment d’exister on peut s’investir dans les marges activistes de notre société du type Notre-Dame-des-Landes, défenses des sans-logis, des immigrés, sans-papiers, réfugiés, et j’en passe… et de participer, dans une certaine mesure, à la lutte des classes. On peut y rencontrer de façon ponctuelle des camarades, sans pour autant être inféodé à un groupe politique (inévitablement programmatique). Je ne pense que c’est le type d’intervention auquel fait allusion Lobo, à moins que je ne me trompe. Mais alors que faire ? Pas en Irak ou en Argentine, mais ici et maintenant ! Pas pour satisfaire mon ego de révolutionnaire ou de révolté, car il n’y a pas que la militance qui tente de combler nos vides existentiels, mais comme le voudrait Lobo ne pas être spectateur mais acteur de la lutte des classes. Si la conjoncture était toute autre, peut-être rencontrerait-il moins d’indifférence et de couardise, sentiments que considèrerai plutôt comme de la confusion et de l’impuissance. “Apprendre pour comprendre, et comprendre pour agir” aimait répéter cette vielle canaille de Lénine. Peut-être y a t’il un temps pour réfléchir pour préparer le temps d’agir, à condition que tout cela puisse se faire à plusieurs. Je suis conscient de la faiblesse de ma réponse à la préoccupation de Lobo, mais probablement, comme lui, je suis seul dans mon coin, et je me relie à d’autres avec qui je partage des convergences intellectuelles, à travers ces quelques échanges, la traduction et la diffusion de textes du milieu, les rares discussions possibles sur la communication avec d’ex-camarades de la gauche communiste… Que faire d’autre actuellement en Belgique ou en France ? Je suis prêt à évaluer toute proposition.

  26. Lobo
    29/09/2015 à 12:12 | #26

    Merci pour vos réponses. Comme vous, me semble-t-il, je nage dans le questionnement. Ni l’activisme ni l’attentisme ne sont satisfaisants. Depuis quelques années, j’ai fait le choix du syndicalisme révolutionnaire, en m’efforçant de ne tomber ni dans l’un ni dans l’autre. Programmatisme ? Peut-être. Le concept, intéressant, me semble toutefois insuffisant. Mais insuffisant, le syndicalisme révolutionnaire l’est aussi. La réponse étant souvent le malheur de la question, je reconnais volontiers ne pas tenir ce choix pour La solution. Mais je me refuse tout autant à n’y voir que scorie d’une époque révolue, celle du programmatisme, justement. Je sais tout de même que je suis là au coeur de la lutte des classes et que cela m’évite aussi de m’abîmer dans d’infinies spéculations sans portée pratique.
    Pour le reste, j’écoute, je lis, je m’efforce de comprendre, guéri des tendances à l’anathème et aux certitudes commodes qui ont en partie plombé mes jeunes années soixantehuitardes.

  27. Robin
    03/10/2015 à 11:05 | #27

    Bonjour à tous, je viens de lire le fil de discussion, et le questionnement de Lobo sur ce que j’interprète comme “l’impossible positionnement communiste” fais écho a des réflexions que je peux avoir en ce moment et j’ai envi de partager avec vous:
    Je suis a la fois un inconditionnel de TC et de cette façon qu’ils peuvent avoir de “limiter” leurs travaux théoriques a la seule étude du moment historique de la contradiction en procès qu’est le capital, et de leur façon de ne pas s’égarer dans une téléologie communicatrice spéculative.
    Si cette réflexion permet de dresser un état des lieux sous la forme d’un concret de pensée qui reste a mes yeux inégalé en terme de profondeur et de justesse d’analyse, je suis malgré tout comme Lobo insatisfait car cette réflexion, ne permet pas d’envisager le communisme comme projet, comme pose téléologique communicable permettant un devenir “idéologique” (au sens noble du termes, Lukacs) a cette analyse.
    Je lis en ce moment “l’ontologie de l’être social” de Lukacs, et divers travaux de sciences cognitives et d’éthologie (études de comportements “instinctifs” des êtres vivants) abordant chacun a partir de leurs champs respectifs une réflexion sur, n’ayons pas peur des mots, une certaine nature humaine. je sens une réelle convergence que j’ai encore du mal a formaliser et a articuler théoriquement entre les notions de spécificité du genre humain en soi et pour soi, authenticité et inauthenticité de l’existence humaine, d’aliénation, d’idéologie développées chez Lukács, les travaux sur l’empathie, la notion de congruence et d’actualisation, et l’attachement de sciences cognitives et de l’éthologie….
    Il me faut néanmoins encore étudier tout cela plus en détail car si ce sentiment d’une réele convergence entre plusieurs penseur de la « nature humaine » est présent, cela pourrais avoirs encore deux explications :
    – Soit il est lié au moment particulier de la contradiction en procès qui provoque l’émergence d’une telle pensée, et dans ce cas on peut simplement l’interpréter grâce à l’outil théorique de TC
    – Soit il permet de poser les base d’une nature humaine qui aurais le communisme en en latence : inscrite dans la capacité qu’a chaque individu, en raison de sa nature théorisée par Lukacs et dans les sciences cognitives à s’inscrire dans des rapports humains non-médités par les constructions sociales aliénante que peuvent être la valeur, la religion, l’état, etc. et animés uniquement par la synergie de la créativité de chacun à créer les conditions de l’épanouissement de tous…
    Si c’était la deuxième alternative, cela pourrais contribuer à franchir ce pas que l’analyse strictement TC ne permet pas de franchir : définir enfin POSITIVEMENT le communisme ou la communisation, là où, dans le moment dialectique de la réflexion TC, cette analyse n’est encore que dans son moment NEGATIF. En effet, la théorisation de TC n’arrive à définir le communisme ou la communisation qu’en relation négative avec l’état des rapports sociaux actuels : L’immédiateté sociale de l’individu fait identité avec la proposition NON (société ou les individus entrent en relation par la médiation de la société).
    On pourrais enfin articuler cette analyse du « moment actuel » avec le projet défini positivement du communisme comme articulation des rapports humains permettant l’expression de ce que le genre humain a de meilleur en lui, ou peut être comme communisation si on prends ce rapport humain rapproché de sa nature plutôt comme un processus ou les projets des hommes se cristallisent et se dissolvent dans un processus qui ne les aliènent pas… en écrivant ceci, cela me fais écho a une intervention estivale de RS d’il y a 3-4 ans dont je n’avais pas bien compris le sens a l’époque, et dont je n’ais pas retrouvé, a mon grand regret, de trace écrite jusqu’ici.si quelqu’un voit de quoi je parle, il me semble que c’était un notion corolaire a « l’individu dans sa singularité /particularité /universalité », ou en tout cas ca a été évoqué au cours de la même intervention.
    Toujours est il que de formuler ainsi une articulation entre d’une part l’analyse du MPC et d’autre part une vision du communisme comme POSITIVITE permettrais de faire de cette articulation un reel PROJET COMMUNISTE /NISATEUR qui me permettrais, a moi comme a Lobo, de sortir de notre torpeur :)
    Salutations chaleureuses pour aborder l’automne avec le sourire, A bientôt j’espere ;
    Robin

  28. pepe
    03/10/2015 à 13:42 | #28

    “…l’individu dans sa singularité /particularité /universalité …»
    Peut être parles tu des “notes 5” de TC: “Individu, société, praxis”, comme référence écrite?

  29. Robin
    03/10/2015 à 14:29 | #29

    @pepe
    as tu un lien vers la page web correspondante ou vers le numéro de TC correspondant, ca m’intéresserait de lire cela pour continuer de creuser ce questionnement que j’ai.

  30. pepe
    03/10/2015 à 14:38 | #30

    je te l’envoie par mail

  31. Amer Simpson
    07/10/2015 à 03:32 | #31

    Dans le processus révolutionnaire il y a un incontournable: l’autoproduction. Dans le procès de destruction du monde capitaliste il y a aussi un procès d’autotransformation des individus qui produit en lui-même de nouveaux rapports entre individus… Un monde nouveau. Partir de l’autoproduction pour saisir le processus révolutionnaire c’est bien sûr prendre le pari que la destruction du capitalisme (négatif) est en même temps création et nouveauté (positif)… C’est pourquoi le mouvement qui abolira les conditions présentes est non seulement difficile à comprendre, à définir et à expliquer mais de plus ce qu’il produira est pratiquement impensable, n’ayant ni les concepts ni les réalités pour y arriver adéquatement.

    Amer Simpson

  32. Robin
    07/10/2015 à 21:38 | #32

    Je penses pourtant avoir senti, peut être comme d’autre, dans les moments que TC a qualifié d’écart, et que j’ai ressenti particulièrement a l’occasion du blocage d’un lycée à Alès durant le mouvement des retraites , une forme que peuvent prendre les processus humains relativement désaliénés a mes yeux. Il y a sans doute l’euphorie de la situation quia du embrumer mon regard, mais j’ai le souvenir d’avoir pris part a quelque chose d’assez exceptionnel en termes d’empathie entre les personnes présentes, une accumulation de projets venant de toutes part afin de répondre aux besoins de la lutte en cours. Des êtres humains qui se rapprochaient les uns des autres sur la base de manque partagés et d’envie commune de les combler, cherchaient par consensus une façon d’y répondre en s’inscrivant collectivement dans un projet pour répondre a ce manque, et ce sans que ces façons de se projeter ensemble ne se cristallisent dans une forme d’organisation ou de « société » particulière. Les projets étaient sans cesses remanié, rediscutés, abandonnées si la situation évoluait, le tout avec beaucoup de parole, venant permettre d’actualiser ces projets sans cesse.
    Les individus étaient en liens a travers l’envie commune de réaliser ces projets divers contribuant a répondre aux besoins de la lutte, et a mes yeux, c’est cela l’immédiateté de leurs rapports sociaux, il n’y avait pas un sentiment d’être en relation les uns avec les autres a travers l’a participation a un tout nous subsumant, mais seulement des liens qui se faisaient et se défaisaient aux grés des besoins et des projets mis en place pour y répondre…
    C’est peut être sur la base de cette positivité (c’est plus une impression qu’une affirmation, je le concède), sans doute conjugué aux observations des jeux des tout petits (ma précédente expérience professionnelle), ou je retrouve cette même fluidité dans la création et la défaisance des liens qui les unissent a travers les jeux qu’ils partagent que me viens l’envie de réfléchir sérieusement a cette possibilité offerte a l’humanité de développer des rapports humains aussi immédiats et fluides, non seulement par une reflexion sur l’analyse du moment actuel du MPC, mais aussi a travers une réflexion ontologique.

  33. Robin
    07/10/2015 à 21:50 | #33

    je me relis et grosso modo, je me dis que j’ai oublié de conclure pour te répondre Amer Simpson.
    je me demande si, contrairement a ce que tu avances, nous n’aurions pas les matériaux et les concepts pour décrire POSITIVEMENT ce que pourrais être le communisme; c’est a dire se doter d’outil pour en faire un PROJET. compte tenu de l’ inexactitude des sciences sociales sur lesquelles ce projet reposerais, j’admets qu’il aurait peut être plus a voir avec une “foi” dans l’humain, mais une “foi” suppose une croyance en l’absence de preuve… on a pas de preuve, mais les dynamiques humaines observables chez l’enfant dans le jeu, ou l’adulte dans l’écart sont a mes yeux plus probantes que toutes les preuves de l’existence de dieu réunies :)
    bonne soirée a tous

  34. Amer Simpson
    08/10/2015 à 06:41 | #34

    Les matériaux et les concepts que nous avons ce sont ceux des luttes elles-mêmes… Ce que tu racontes fait partie de ces matériaux et de la construction des concepts pour y répondre. Le concept d’écart permet d’identifier dans les luttes ce qui en exprime le dépassement, soit la remise en cause de ses propres déterminations de classe… Quand les rapports sociaux se défont c’est parce que les rapports entre les individus ont commencé à changer… Un peu ce que tu racontes. Mais toutefois avec ce matériel tout ce que nous sommes en mesure de dire sur ce que produira la révolution c’est l’immédiateté des rapports entre les individus, ce qui ne peut pas devenir un projet puisque que c’est à la fois une condition, un processus et un résultat… C’est pourquoi nous parlons de communisation.

    Amer Simpson

  35. Robin
    08/10/2015 à 20:25 | #35

    J’ai l’impression que se borner a parler d’immédiateté des rapports entre les individus, c’est a dire de rapports entre les individus NON-médiatisé par les constructions sociales que sont l’argent, l’état, la religion, le genre… etc., c’est se limiter dans notre capacité a se projeter dans ce que pourraient être le rapport entre les individus de cette période, on ne dis rien de plus que ce que nous souhaitons, c’est la NON-SOCIETE (de classe même si c’est un pléonasme), et je trouve que ça ne fais pas rêver.

    Je penses que les matériaux que je propose en exemple, conjugué a certains résultats des sciences sociales, pourraient nous aider a nous projeter dans ce possible en permettant de théoriser, a grands traits ontologique, et sans entrer dans les détails d’un absurde programme communisateur, ce que pourrais devenir les rapports entres les individus d’une ère communisatrice. mais aussi et surtout, un tel travail nous permettrait de nous donner les armes “IDEOLOGIQUE” du combat de demain, les armes qui nous permettrons de partager cette pose téléologique afin que “l’écart” de demain dure plus que trois ou quatre jours.
    Je me souviens que dans le cadre de cette lutte, et a son moment de grande effervescence que j’assume de qualifier d’écart, les discussions allaient bon train, la “palabre” était ultra-présente, la nécessité de proposer un projet a ceux qui sentaient, de par la défaisance momentanée du rapport social, une porte vers l’inconnu s’ouvrir. j’ai le souvenir d’avoir a cet instant manqué d’argument pour pouvoir soutenir ce vers quoi je souhaitais aller, et pouvoir par là même les emmener avec moi… Le mouvement des retraites ne serais pas devenu une révolution mondiale pour autant :) , certes, faut pas déconner. le souvenir de cette situation me laisse l’impression que cela pourrais manquer a l’avenir.

    Une grande part de la formulation de la pose téléologique communisatrice se passera dans la “palabre” du moment communisateur, on est d’accord, néanmoins il me semble dommage de ne pas travailler à amorcer cette réflexion que je qualifierais volontiers d’humaniste. la façon de le formuler sera a coup sur imparfaite et relativement erronée, car c’est le propre d’une pose téléologique de l’être. la divergence entre l’état final REEL et l’état final PROJETE demeurera bien après la communisation dans tous les projets humains, car notre connaissance du monde ne nous permettra jamais de prédire les aléas de la causalité. (pour ceux que ça intéresse, lire le chapitre sur l’idéologie de l’ontologie de l’etre social de Lukacs, traduis en français depuis 4-5 ans, j’ai trouvé cela très intéressant)

    J’ai du mal à imaginer comment le phénomène communisation pourrais se passer d’un projet, d’un rêve partagé, d’une pose téléologique, d’une idéologie, alors que tout les changements sociaux de l’humanité ont étés portés par une pose téléologique ou un faisceau de poses téléologiques. j’ai d’autant plus de mal a me l’imaginer que j’imagine ce basculement comme un conflit idéologique, et ce d’autant plus lorsque je repense a la réflexion de RS sur la notion de conjoncture, où il me semble qu’en dernière instance l’idéologie deviendra centrale dans la hiérarchie des constructions sociales faisant société.

    Robin

  36. Stive
    12/10/2015 à 17:29 | #36

    Il me semble, Robin, que tu avances toi-même les arguments qui infirme l’ensemble des propositions que tu avances. Quant-à la téléologie de la communisation, elle s’apparente fortement à la téléologie du programmatisme dont un début de concrétisation, pour une large part du prolétariat, scintillait dans les pays du «socialisme réellement existant». ” […]d’un autre côté nous voyons le socialisme se présenter comme l’aboutissement nécessaire de toute l’évolution historique. Une force obscure, à laquelle il est impossible de se soustraire, conduit par degrés l’humanité à des formes plus hautes d’existence sociale et morale. L’histoire est un mouvement progressif de purification au terme duquel le socialisme représente la perfection. Cette conception ne contredit pas les idées du socialisme utopique. Elle les contient toutes en elle dans la mesure où elle postule que l’ordre socialiste est meilleur, plus noble et plus beau que l’ordre non socialiste. Mais elle les dépasse dans la mesure où elle considère l’évolution vers le socialisme, — évolution qui lui semble un progrès, un mouvement vers un stade plus élevé —, comme indépendante de la volonté humaine. Le socialisme est une nécessité naturelle, le résultat inévitable vers lequel tendent les forces de la vie sociale ; telle est l’idée fondamentale du socialisme évolutionniste qui, sous sa forme marxiste, s’est donné à lui-même le nom orgueilleux de socialisme « scientifique »” Que voila une belle téléologie (programmatisme), dénoncé par Von Mises qui n’est pas de mes amis, mais quand c’est bien dit, pourquoi s’en priver. Que ce socialisme messianique meurt en paix, amen.

    Évidemment, je ne pense pas que l’idéologie, même si elle structure les hiérarchies sociales, constitue la dernière instance faisant société. L’idéologie est une construction intellectuelle exprimant, à tel moment de l’histoire, ces hiérarchies sociales (exploitation, fétichisation, domination, genre, etc.) comme miroir déformant de la réalité pour les exploités, pour les autres on s’en branle. Je ne pense donc pas que nous ayons besoin d’une nouvelle idéologie (qui comme tu le dis : relativement erronée ) et la théorie révolutionnaire est tout sauf idéologie (et téléologie) et qui dit idéologie (et téléologie) dit aussi «slogans». Donc, pour moi toute idéologie opère une occultation, déformation, de la réalité sociale pour la remplacer par une réalité fabriquée. C’est bien aussi toute l’histoire du mouvement ouvrier ainsi que du marxisme. Je ne repasserait par là.
    Je pense donc que la théorie de la révolution peut se passer d’idéologie car c’est la crise du capital (comme totalité : capital/travail) qui à un moment donné en est le déclencheur (ça peut durer) et pas la préparation idéologique des masses à l’action révolutionnaire par de petits noyaux politiques. Que chacun, seul ou à plusieurs, puisse influer sur le cours des événements, on ne peut le nier et il ne faudra pas s’en priver.

    Si dans le moment révolutionnaire surgit de l’idéologie, ce ne peut être que celle des différentes couches intermédiaires du prolétariat participant, pour ou contre, aux mesures communisatrices, mesures qui seules pourraient neutraliser les incursions idéologiques de toutes les couches sociales en mouvement. La révolution est rupture avec les rapports sociaux antécédents y compris avec les constructions idéologiques correspondantes, c’est la révolution en acte pensé et la pensée en acte, simultanément, destruction des rapports sociaux antérieurs et, simultanément et instantanément, déploiement de rapports interindividuels uniquement médiés par la volonté réciproque de lutter ensemble. Ce qu’il en sortira, dieu seul le sait, mais je trouve inutile de faire la pub (mensongère ?) pour un monde inédit et de tomber ainsi dans les délires tels que ceux de Trotski : “L’homme sera beaucoup plus fort, beaucoup plus perspicace, beaucoup plus fin. Son corps sera plus harmonieux, ses mouvements plus rythmiques, sa voix plus musicale. La moyenne humaine s’élèvera au niveau d’Aristote, de Goethe, de Marx. Et au-dessus de cette crête de montagnes s’élèveront de nouveaux sommets.” On n’en sait foutre-rien. Entre le cours à la catastrophe du capital et l’incertitude de ce qui pourrait sortir de la communisation, je choisis résolument cette dernière qui ne pourra pas être pire que la persistance du capitalisme. Marx s’est toujours méfié d’aller touiller dans les marmites du futur, et les rares fois où il l’a fait cela a été mal interprété (cette fameuse société de transition et dictature du prolétariat) ou bien, sa réflexion n’était pas très heureuse.
    Voilà où j’en suis pour le moment.

  37. Stive
    13/10/2015 à 15:22 | #37

    Le point de vue d’Engels sur l’idéologie

    L’idéologie est un processus que le soi-disant penseur accomplit sans doute consciemment, mais avec une conscience fausse. Les forces motrices véritables qui le mettent en mouvement lui restent inconnues, sinon ce ne serait point un processus idéologique. 

    Aussi s’imagine-t-il des forces motrices fausses ou apparentes. Du fait que c’est un processus intellectuel, il en déduit et le contenu et la forme de la pensée pure, que ce soit de sa propre pensée, ou de celle de ses prédécesseurs. Il a exclusivement affaire aux matériaux intellectuels ; sans y regarder de plus près, il considère que ces matériaux proviennent de la pensée et ne s’occupe pas de rechercher s’ils ont quelque autre origine plus lointaine et indépendante de la pensée. Cette façon de procéder est pour lui l’évidence même, car tout acte humain se réalisant par l’intermédiaire de la pensée lui apparaît en dernière instance fondé également dans la pensée.”

    ENGELS
    Lettre à Franz Mehring, 14 juillet 1893
    in Etudes philosophiques, tr. fr. P. Lafargue, Editions Sociales, p. 249

  38. Robin
    18/10/2015 à 10:51 | #38

    Je reste convaincu que l’histoire, à un moment donné, mettra l’humanité, ou une portion de l’humanité face a un choix, un pari. Je ne crois pas que l’on puisse imaginer que le cours de l’avenir soit déterminé, que le devenir communisateur de l’humanité soit la seule issue de la crise du MPC, les circonstances dans lesquelles l’humanité fait ce choix le sont par contre, c’est indéniable, et le présent ne présente pas encore les circonstances rendant ce choix possible… encore que… l’alternative radicale est peut être la manifestation latente de ce choix qui se pose a l’humanité?
    Tu énonce : « Entre le cours à la catastrophe du capital et l’incertitude de ce qui pourrait sortir de la communisation, je choisis résolument cette dernière qui ne pourra pas être pire que la persistance du capitalisme »
    Je ne suis pas d’accord pour dire que les alternatives de ce choix sont entièrement inconnues, et que nous ne pouvons les préciser autrement que par :
    Société (de classe même si c’est un pléonasme) reliant les individus entre eux par la médiation aliénante qu’elle constitue— VS — individu social immédiatement social (qui est juste la négation de la proposition précédente).
    Il me semble que nous avons suffisamment de matériaux pour aller plus loin pour penser au delà de la première négation (au sens dialectique) et poser, d’affirmer ce que peut être le projet communiste en terme de relation entre les personnes :
    Il me semble que ce choix se pose (ou se posera) comme un choix éthique, en terme d’espérance vis-à-vis de l’humanité :
    – il y aura d’un coté une conception « pan-tragique » de l’homme de l’aliénation, qui se recoupe des a présent dans la réflexion freudienne, ainsi que dans toute l’idéologie dominante de manière générale, insistant sur le fait que le devenir homme de l’homme n’existe que dans le renoncement, la castration de ses pulsion et par l’interdit social structurant sa conscience. Cette conception insistera sur l’aliénation nécessaire et consubstantielle de l’homme a la société.
    -d’un autre coté, on peut d’ores et déjà penser une conception de l’homme a travers la notion d’altérité, et de considérer que c’est l’aliénation de l’homme a la société qui est le fondement même de la difficulté du rapport de chacun a l’altérité : en nous rendant étrangers a nous même ( étymologie « d’aliéner »), la société nous rends étrangers les uns des autres. C’est par l’aliénation de chacun aux « codes sociaux » que nous éprouvons une difficulté de trouver notre propre congruence dans le rapport à l’autre. Je trouve que la notion de congruence proposée par Carl Rogers comme identité entre l’expérience, la conscience de l’expérience, la communication de l’expérience et la décision est tout a fait a même de rendre compte de ce que peut être le rapport à soi dans la relation entre les personnes d’une période communisatrice…
    J’ai conscience que c’est un peu brouillon comme réflexion, mais j’ai le sentiment que cela mérite d’être exploré et formalisé, car le choix devant lequel nous mettra, ou peut être nous met d’ores et déjà l’histoire, ne pourra se vivre pleinement sans une « philosophie », une éthique communisatrice. il me semble que de balancer seulement :
    « Entre le cours à la catastrophe du capital et l’incertitude de ce qui pourrait sortir de la communisation, je choisis résolument cette dernière qui ne pourra pas être pire que la persistance du capitalisme »
    Ne sera pas suffisant le moment venu pour pouvoir accompagner les mesures communisatrice d’une réflexion « idéologique », philosophique ou éthique (je ne sais pas trop lequel de ces mots est le bon) a même de susciter l’espoir nécessaire a ce basculement vers l’inconnu.

  39. Anonyme
    04/11/2015 à 17:43 | #39

    La discussion est loin d’être épuisée, aussi je te propose de revoir le texte de TC 17 “Pour en finir avec l’homme” et en prime dans le même n° “Pour en finir avec le travail”. Pour ma part, ces textes, entre autres, ont comblé dans une large mesure le vide le vide qui s’offrait à moi après des décennies de propagande et d’agitation pour la terre promise à la classe ouvrière.
    Il est vrai que ma petite phrase n’est pas satisfesante qui veut diffuser une “utopie concrète” (oui ça existe), mais je dois avouer qu’il est difficile, sinon impossible, de “populariser” ou vulgariser la communisation sans prendre à bras le corps les textes (principalement ceux de TC), d’en triturer les différents concepts qui les truffent, et d’essayer de les régurgiter dans les discussions.
    Par expérience, j’ai constaté que les gens de mon ancien milieu (GC) ont d’énormes difficultés à effacer momentanément la grille de lecture qui les a formatés

  40. Stive
    04/11/2015 à 20:04 | #40

    Une erreur m’a fait envoyer le message précédent. Je poursuis …la grille de lecture qui les a formatés. La plupart d’entre eux sont en déshérence, ils restent viscéralement attachés au programmatisme et ne comprennent ni ne veulent accepter la notion de “perte d’indentité de la classe”. C’est quelque chose de très difficile à expliquer verbalement sans aller aux textes théoriques qui ne sont accessibles qu’à ceux qui ont l’esprit ouvert sans que cela garantisse l’adhésion. Le dernier argument, c’est l’illisibilité des textes de TC, faux argument de rejet, car ce ne sont pas les textes de Dauvé/Nesik dont je ne nie pas l’intérêt, mais ce sont les textes de TC qui ont apporté des clarifications à mes questionnements (et je ne suis pas un universitaire).
    C’est pourquoi je me demande ce que tu penses de “pour en finir avec l’homme”, texte qui je pense va à l’encontre de ce que tu penses être des lacunes dans les théories de la communisation.

  41. Robin
    05/11/2015 à 22:24 | #41

    je prends le temps de le lire attentivement et je te réponds,

    pour ceux que la discussion intéresse, et qui souhaiteraient lire facilement le texte en question tiré de TC 17, j’ai ressuscité mon forum de discussion pour que ce texte y soit affiché:

    http://forum-communisation.fr/viewtopic.php?f=18&t=440

    je suis ouvert a ce que la suite de la discussion s’y déroule (j’avoue même que cela me ferais plaisir), même si il me semble beaucoup plus simple et lisible de ne pas switcher de moyen de communication au milieu du débat :).
    j’ai réactivé les inscriptions pour ceux qui souhaiteraient s’y inscrire.

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