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Il Lato Cattivo : “pour une lecture du vote Brexit”

traduction d’un texte paru sur la page facebook de nos camarades italiens

https://www.facebook.com/Il-Lato-Cattivo-839072959543347/timeline/

“pour une lecture du vote Brexit”

(extrait de «Il Lato Cattivo», n. 2, juin 2016)

brexit

[…] bien que le prolétaire ne se prive pas de revendiquer plus de démocratie et de libertés civiques, aujourd’hui, le plus souvent, on le pointe du doigt comme populiste, particulariste, passéiste, «communautariste», raciste, fasciste o islamiste, en somme comme pas-assez-démocratique. Nous allons donc conclure ce paragraphe avec quelques considérations (non exhaustives) sur la traduction des rapports de classe dans le domaine politique et/ou étatique. […] La mondialisation du capital a été en premier lieu une redéfinition des aires de péréquation du taux de profit. En lieu des monopoles fortement ancrés aux États-nations typiques de la période « fordiste », nous avons aujourd’hui une double péréquation du taux de profit, qui reste essentiellement nationale pour les petites et moyennes entreprises, et mondiale pour ce qui concerne les grands capitaux de l’automobile, de l’informatique, du pétrole et ainsi de suite . Le détachement de ces derniers des réalité nationales a, d’un côté, donné lieu aux attaques du Welfare State du deuxième après-guerre et, de l’autre, conduit à une déstabilisation de l’État-nation (ce qui ne signifie nullement disparition ou déclin irréversible) – «par le haut», par l’intermédiaire de l’intégration internationale; «par le bas», par la mise en concurrence de parties croissantes des diverses classes ouvrières «nationales» sur le marché mondial (délocalisations, migrations de masse, etc.).
Sur la base de ces éléments, nous pouvons saisir comment la logique de la représentation politique de la classe ouvrière et des classes moyennes est en train de changer. Avec la mondialisation, nous avons assisté, d’une part, à la disparition des grands partis sociaux-démocrates et staliniens d’Europe occidentale et, d’autre part, au début du cycle politique de l’altermondialisme, qui visait à prendre leur relève. En Italie, par exemple, pendant la dissolution du PCI (1991), ce sont le mouvement étudiant de la Pantera conjointement au développement des Centres Sociaux et du syndicalisme de base (surtout les Cobas) qui posent la question du débouché politique, de l’«alternative globale au néo-libéralisme». Avec toutes les différences et nuances propres à une nébuleuse qui préfère les manières douces du monde associatif à l’ancienne forme parti, l’extrême-gauche parlementaire ou extra-parlementaire qui se définit «altermondialiste» voulait réanimer l’État social des «Trente glorieuses», («les acquis sociaux»), et en même temps pousser au delà de ses limites la dénationalisation «néolibérale» de l’État, promouvant d’un côté une perte ultérieure de souveraineté nationale en faveur d’une governance transnationale «par le bas» et, de l’autre, le dépérissement de tous les obstacles à la libre circulation des individus. Un tel programme politique pouvait avoir un certain attrait au moment des pics dans le cycle d’accumulation; mais l’on voit bien que l’entrée dans une période de récession met en contradiction le premier point avec le second, laissant ainsi les marges résiduelles de représentation politique des couches de la population nationale les plus durement frappées par la crises (les fractions «privilégiées» de la classe ouvrière, secteur «parasubordonné», petits entrepreneurs, petits commerçants) dans les mains des mouvements populistes et de la nouvelle droite sociale et/ou mouvementiste qui, eux aussi, veulent restaurer l’État social des «Trente glorieuses» mais, de façon plus cohérente, veulent aussi ré-nationaliser l’État – c’est-à-dire lui restituer sa souveraineté contre les processus d’intégration européens et/ou internationaux – et décourager l’immigration en instaurant des critères de préférence nationale, pas nécessairement raciaux ou biologiques. […] Aujourd’hui, la situation en Europe voit l’ancien rôle du réformisme parlementaire être, le plus souvent, repris par les partis et mouvements qui revendiquent un «recentrement» national (par exemple, les mouvements anti-euro ou anti-UE), agissant comme contre-tendance au diffus abstentionnisme ouvrier; cette situation n’est pas en soi contradictoire avec une augmentation constatable des luttes sur les salaires et les conditions de travail. On peut y tourner autour autant qu’on le veut, la raison est en fin de compte simple: sur le terrain du système représentatif, le seul aspiration que le prolétaires peuvent aujourd’hui traduire par leur vote, est celle à une protection, autant orientée à empêcher les délocalisations qu’à tenter de freiner la concurrence des sans-emplois sur les occupé. […] Les gauchistes qui ne plaisent désormais qu’à la classe moyenne acculturée, rêvent de pouvoir manipuler à leur propre convenance les lois du capital: répartition des heures de travail sur l’ensemble de la force de travail disponible, égalisation des salaires, semaine de 32h, taxes sur les patrimoines, blocage des licenciements, revenu universel citoyen, etc. Populistes et droitiers n’en sont pas moins velléitaires, mais leurs programmes apparaissent plus réalistes parce que, entre autre, ne font pas abstraction de certains mécanismes nécessaires à la reproduction du  capital (la concurrence entre les travailleurs, les disparités salariales, etc.), ce qui est suffisant pour assurer leur succès. (…)

Nous reprenons ici – sans en partager les conclusions – certaines hypothèses formulées par Bruno Astarian et Christian Charrier il y a presque 20 ans (cf. La période actuelle, «Hic Salta», 1998). La redéfinition des aires de péréquation du taux de profit est lisible dans dans les bouleversements de la fin des années 1980/début des années 1990 : éclatement du bloc de l’Est, réunification de l’Allemagne, constitution de l’Union Européenne (traité de Maastricht), balkanisation de la Fédération Yougoslave, Première Guerre du Golfe.

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