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“TEMPS LIBRE II”: une critique de “Théorie Communiste”

Cette critique fait partie de la Section 3 du second numéro de la revue québécoise Temps Libre et s’inscrit à ce titre dans un projet plus large de théorisation des classes du mode de production capitaliste. C’est pourquoi on ne saurait apprécier correctement cette critique sans se référer aux autres sections de la revue qui la fondent. (Le fichier pdf en fin d’article. dndf)

Critique de la théorie des classes de “Théorie Communiste”

Il ne manque pas de généralités lorsque vient le temps de parler des classes dans le mode de production capitaliste. On ne compte pas le nombre d’analyses soi-disant matérialistes qui évitent la tâche de définir rigoureusement les classes sociales et qui s’en tiennent à de vagues énonciations sur le rapport qu’elles entretiennent : « les classes n’existent que dans la lutte des classes », « le prolétariat est la classe en contradiction avec le capital », « les classes sont des pratiques de classes ». Par là, l’analyse semble avoir gagné en dialecticité : elle ne s’est pas bornée à l’étude d’une classe en elle-même, elle s’est même affranchie de cette basse tâche parce qu’elle sait trop bien qu’une classe existe nécessairement dans un rapport avec une autre, que les classes s’impliquent réciproquement. De telles analyses, bien qu’elles permettent de discourir longuement sur le mode de production capitaliste sans dire de faussetés, demeurent à un niveau trop abstrait; elles ne peuvent qu’être des indications méthodologiques pour un travail théorique, son point de départ et non son résultat.

Lorsqu’on évite l’analyse des classes en elles-mêmes, lorsqu’on affirme que les classes ne sont pas des groupes empiriques d’individus, mais des rapports de production, on se refuse tout moyen de distinguer ce qui différencie une situation concrète d’une autre. Chaque lutte devient plus ou moins identique à elle-même en tant qu’elle n’est qu’une expression du rapport fondamental qu’est la contradiction entre le prolétariat et le capital. Or, pour s’assurer que le concept de prolétariat procure une connaissance sur le monde, il faut être en mesure de déterminer si telle ou telle personne, de par la place qu’elle occupe dans les rapports de production, est ou n’est pas prolétaire, si elle est en contradiction avec le capital ou si ses intérêts sont simplement opposés à ceux du capital. Cette injonction est d’autant plus cruciale lorsque toute théorie actuelle un tant soit peu sérieuse reconnaît l’existence de l’interclassisme, donc d’au moins une classe qui n’est ni le prolétariat ni la classe capitaliste, et constate que celle-ci lutte pour ses propres intérêts. Ainsi, parler d’interclassisme sans en faire un concept creux, cela nécessite minimalement d’être en mesure d’identifier quelles classes sont en luttes, quels sont leurs rapports les unes avec les autres et comment leurs intérêts s’accordent ou s’opposent.

L’interclassisme sans classe moyenne, un problème dans la théorie des classes de Théorie Communiste.

Dans son 25e numéro, la revue Théorie Communiste fournit une description étendue de la séquence politique actuelle et identifie correctement l’interclassisme comme une caractéristique essentielle à celle-ci1. Si cette revue est par ailleurs arrivée à d’importants résultats théoriques sans lesquels notre présent travail serait impossible, elle se bute à plusieurs obstacles lorsqu’elle tente d’analyser le rôle d’un élément de ce mode de production qui n’est pas un des pôles de cette contradiction : la classe moyenne. Ces difficultés apparaissent clairement dans ce numéro où, pour la première fois, la question de la classe moyenne est abordée pour elle-même. Deux textes y sont consacrés : le premier cherchant à problématiser la question du point de vue de la théorie de la communisation et le second identifiant les impasses flagrantes de cette première problématisation, sans pour autant – nous le verrons – fournir des moyens satisfaisants pour les dépasser.

Le premier texte, Notes sur les classes moyennes et l’interclassisme, fait l’inventaire des procédés à ne pas suivre pour définir la classe moyenne2. Dans celui-ci, on ne dit rien de la classe moyenne, si ce n’est ce qu’elle n’est pas. Plus encore, c’est la question même de son existence qui est jugée parfaitement futile dans la mesure où, une fois posée, celle-ci est aussitôt balayée du revers de la main :

Poser la question des classes moyennes du point de vue de la communisation, ce ne peut être se poser seulement la question de leur existence, de leurs origines historiques ou de savoir qui on peut y inclure ou non, à la manière de l’historien ou du sociologue. La question des classes moyennes est pour nous aujourd’hui celle de l’interclassisme tel qu’il se produit dans les luttes.3

Intuitivement, on aurait tendance à s’accorder avec la thèse selon laquelle la question du rôle de la classe moyenne dans l’interclassisme ne peut pas se réduire à celle de son existence, et ce, pour la simple et bonne raison que parler d’interclassisme implique déjà l’existence d’une telle classe. Le problème, c’est que ce premier texte affirme qu’il est insuffisant d’en rester à la question de l’existence de la classe moyenne, mais il ne fournit aucune caractéristique par laquelle l’existence de celle-ci puisse acquérir la moindre concrétude. Plus encore, la tâche est elle-même évitée par un recours à la bonne vieille contradiction prolétariat/capital dont l’énonciation doit, par elle-même, régler la question :

considérer les classes moyennes “en elles-mêmes’’ n’a alors aucun sens. Les classes moyennes n’existent qu’en ce qu’elles sont constitutives de ce qu’est le prolétariat dans sa contradiction au capital.4

La classe moyenne serait donc un « moment » de la lutte des classes dont on ne sait rien hormis qu’il est constitutif de ce qu’est le prolétariat. Qu’est-ce qui fait la spécificité de ce moment? Quelles personnes, au sein du prolétariat, s’opposent, de quelle manière et pourquoi le feraient-elles? Pourquoi notre auteur accepte-t-il de parler de classes moyennes tout en rejetant leur détermination de classe ou, dit autrement, pourquoi nie-t-il dans le prédicat ce qu’il affirme expressément dans le sujet? Voilà autant de questions auxquelles il a semblé, aux yeux de cet individu, inintéressant de répondre. Or, par cette omission, c’est tout bonnement l’inanité de sa propre conception des classes moyennes qu’il a mise à nu devant son lectorat.

Quant à lui, le deuxième texte (La classe moyenne en elle-même) identifie aussi cette confusion qu’entraîne le refus de parler de la classe moyenne en elle-même. Il relève le paradoxe auquel on aboutit lorsqu’on tente d’extraire une définition positive du premier texte : « Le terme de “classes moyennes’’ demeure mais seulement comme rapport du prolétariat à lui-même ». En effet, parler de la classe moyenne comme d’un rapport à soi du prolétariat, c’est ou bien une expression dénuée de sens, ou bien une formule polie utilisée par le second auteur pour indiquer à son camarade que cette définition n’en est pas une, parce que réduire la classe moyenne au prolétariat (à ses « moments »), c’est simplement poser la non-existence de la classe à définir. Ce texte voit bien l’erreur qui consiste, d’un côté, à refuser de reconnaître à la classe moyenne une existence comme telle, mais, de l’autre, à accepter le concept d’interclassisme – concept qui présuppose l’existence d’une classe distincte du prolétariat et du capital. S’éloignant du bourbier dans lequel le premier texte s’est enlisé, le second auteur s’avance donc vers une définition de la classe moyenne en partant lui aussi de la contradiction prolétariat/capital, mais cette fois-ci, en y ajoutant l’énumération suivante :

Si nous avons la contradiction entre le prolétariat et le capital, l’exploitation, nous devons considérer toute l’extension et le développement du concept : le salariat comme rapport de production et rapport de distribution; la distinction entre travail simple et travail complexe (constitutif de la valeur, temps de travail social moyen) – ces deux premiers points permettent d’introduire structurellement l’importance et la pertinence de la hiérarchie des revenus; la dualité de la coopération (le travail salarié implique la concentration des moyens de production face à lui dans la production à grande échelle); le travailleur collectif; la circulation de la valeur (A-A’) ; la distinction entre travail productif et improductif (qui ne doit pas être substantialisée sous la figure de personnes); la nécessaire reproduction du rapport avec toutes les instances et activités qui lui sont liées… 5

Si ces éléments énumérés peuvent fournir un point de départ utile pour une définition des classes moyennes, ici, l’auteur nous laisse gracieusement le soin d’ordonner nous-mêmes ceux-ci en vue d’en faire une théorie cohérente. Quel est le rapport de la classe moyenne au travail productif? Quel est le rôle de la circulation de la valeur dans la constitution de cette classe? Est-ce que le concept de travailleur collectif dissout ou établit des distinctions de classes? À vrai dire, c’est une infinité de questions similaires qui doit émerger de cette lecture, parce qu’aucun élément de cette énumération (comme la distinction entre travail productif et improductif) n’est posé comme déterminant dans la constitution des classes sociales. Ce n’est qu’à la fin du texte qu’apparaît un indice sur ce qui pourrait représenter la combinaison spécifique des éléments de la contradiction qui constitue la classe moyenne. Mais encore là, la combinaison spécifique n’est pas directement explicitée, c’est plutôt un « principe de reconstitution » qui intervient – principe dont le rapport à l’énumération qui précède doit encore une fois être démystifié par le lectorat. Ce principe de reconstitution, c’est « la caractéristique de la subsomption réelle d’être la constitution du capital en société6 ». Et pour que le capital se constitue en société, il doit se reproduire idéologiquement :

Ma tentative de définition « en elles-mêmes » des classes moyennes renvoie finalement à l’autoprésupposition du capital en tant que société salariale. Ce « en tant que » est le travail idéologique spécifique achevant la constitution de cette classe – au singulier – en ce que cette idéologie et les conditions de sa reproduction et de sa légitimité deviennent l’activité propre de cette classe dans la société.7

La classe moyenne aurait donc comme activité spécifique le travail idéologique, concept dont la généralité de la définition proposée ici prévient à la fois toute critique et toute compréhension. Que le capital nécessite un travail idéologique pour « faire société », cela n’est pas à remettre en question, mais il nécessite aussi une quantité innombrable d’autres tâches qui n’ont pas directement à voir avec le travail productif pour « faire société ». Qu’en est-il de ces agents? Quelle est la position du « travail idéologique » dans les rapports de production? Est-ce que la détermination de la classe par la position idéologique est aussi décisive que les autres formes de détermination possibles? Ce travail est-il productif ou improductif? Encore une fois, ces questions ne trouvent pas une seule réponse, parce que la focalisation sur la contradiction et sa polarisation élude le travail consistant à définir spécifiquement, c’est-à-dire en elles-mêmes, les classes qui constituent les pôles de cette contradiction et celle qui constitue un terme intermédiaire.

Par ailleurs, cette définition est assez commode pour la théorie des classes de TC, puisqu’elle permet encore d’inclure dans le prolétariat toute personne dont l’activité pourrait éventuellement entrer en conflit avec le capital. En associant la classe moyenne au seul travail idéologique, en affirmant que, par ce travail, elle « milite pour la reproduction de la société salariale8 », on peut rapidement passer par-dessus l’analyse sérieuse de son rôle dans la lutte des classes. Elle n’a pas vraiment d’intérêts distincts de ceux du capital, elle n’est que l’arme de ce dernier dans la lutte qui l’oppose au prolétariat. Avec une telle définition, l’interclassisme devient un concept sans trop d’intérêt puisque la classe moyenne ne peut jamais vraiment faire autrement que suivre à la trace les intérêts du capital; il y a peut-être trois classes, mais il n’y a encore que les deux mêmes camps.

Le concept de « prolétariat » comme polarisation de la contradiction

Bien que ces deux textes ne soient certainement pas les plus importants de Théorie Communiste, ceux-ci témoignent d’un problème plus fondamental dans leur théorie des classes du mode de production capitaliste. Ce problème est le résultat d’un saut qui consiste, d’abord, à considérer avec raison que l’analyse de la totalité capitaliste doit partir de la contradiction qu’est la production de plus-value pour, ensuite, considérer à tort que toute activité créée par la polarisation de cette contradiction qui est confrontée au capital est propre au prolétariat9. Pour les deux textes discutés précédemment, ce problème se manifeste dans leur incapacité à offrir une conception satisfaisante de la classe moyenne, puisque le critère du travail productif n’est pas utilisé pour poser des distinctions de classes. Cette ambiguïté, relative au lien entre le travail productif et le prolétariat, est exprimée plus directement dans un texte de la revue SIC signé par Roland Simon, directeur de rédaction de Théorie Communiste :

Un travailleur improductif vend sa force de travail et est exploité pareillement par son capitaliste, pour lequel son degré d’exploitation déterminera la part de plus-value qu’il pourra s’approprier comme profit. Mais c’est du travail productif que l’on peut déduire que le prolétariat ne se limite pas aux travailleurs productifs. En effet, premièrement, il est dans l’essence même de la plus-value d’exister comme profit, y compris pour les capitaux productifs eux-mêmes, deuxièmement, pour cette raison même, c’est toute la classe capitaliste qui exploite toute la classe ouvrière, de même que le prolétariat appartient à la classe capitaliste avant même de se vendre à tel ou tel patron.10

Selon cet argument, il faudrait comprendre premièrement que le prolétariat se compose d’individus effectuant un travail productif et improductif, parce que, par définition, la plus-value ne devient profit qu’au terme de sa réalisation par le capital commercial. Ainsi, le rapport d’exploitation ne devient réalité qu’au terme du circuit du capital (A-M…P…M’-A’), lorsque le capital commercial convertit la marchandise contenant de la plus-value en argent (le mouvement M’-A’). En bref, ce qui fait que le prolétariat inclut les employé·e·s du commerce, c’est que l’exploitation a son fondement dans la sphère productive, mais qu’elle reste une fiction sans la réalisation de la plus-value par les actes commerciaux (ce qui est accompli par du travail improductif). Ici, le fait que la plus-value n’a d’existence que comme profit doit avoir pour conséquence que l’ensemble des salarié·e·s qui effectuent des fonctions qui concourent à la réalisation de la plus-value comme profit sont des prolétaires. En effet, si ces personnes participent à la réalisation de la plus-value comme profit, alors elles doivent… être membres du prolétariat! Si nous acceptons un tel argument, nous devons aussitôt ajouter que les cadres et les gérant·e·s, les publicistes et les contremaîtres sont des prolétaires, puisqu’illes sont « nécessaires » à l’exploitation et, sans elles et eux, la plus-value ne pourrait guère correspondre à son concept. Or, ce critère ne vaut rien : toute une série de tâches propres au capital et sans lesquelles la plus-value ne pourrait se réaliser comme profit sont déléguées à des salarié·e·s, mais cela n’en fait pas pour autant des prolétaires. Pour déterminer qu’un agent appartient au prolétariat, il est impératif de répondre par l’affirmative à la question suivante : effectue-t-il un travail productif? Ajoutons également que cet argument laisse de côté tous les agents improductifs qui ne sont pas employés par du capital et, en ce sens, ne fournit aucun critère pour déterminer leur appartenance de classe, à moins que ceux-ci aient comme tâche spécifique le « travail idéologique » – seule définition minimalement explicite de la classe moyenne offerte par TC.

Il est frappant que ce même texte identifie bel et bien le travail productif comme l’élément déterminant de la constitution en classe du prolétariat, mais refuse d’en faire une condition nécessaire à l’appartenance à cette classe :

Si le prolétariat ne se limite pas à la classe des travailleurs productifs de plus-value, c’est cependant la contradiction qu’est le travail productif qui le construit. Le travail productif (de plus-value, c’est-à-dire de capital) est la contradiction vivante et objective de ce mode de production. Il n’est pas une nature attachée à des personnes : le même travailleur peut accomplir des tâches productives et d’autres qui ne le sont pas; le caractère productif du travail peut être défini au niveau du travailleur collectif; le même travailleur (intérimaire) peut passer, d’une semaine à l’autre, d’un travail productif à un autre qui ne l’est pas. Mais le rapport de l’ensemble du prolétariat au capital est construit par la situation contradictoire du travail productif dans le mode de production capitaliste. La question est de savoir, toujours historiquement et conjoncturellement, comment cette contradiction essentielle (constitutive) construit, à un moment donné, la lutte des classes, sachant qu’il est dans la nature même du mode de production capitaliste que cette contradiction n’y apparaisse pas en claire : la plus-value devenant par définition profit et le capital étant valeur en procès. L’heure solitaire de la dernière instance ne sonne jamais.11

Premièrement, il est affirmé que, même si le travail productif n’est pas la seule activité qui confère aux individus la qualité de « prolétaire », la classe est malgré tout « construite » par le travail productif. Mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, sinon que ce qui définit le prolétariat, c’est d’être la classe du travail productif et que ce n’est qu’en tant que le travail que j’effectue fournit de la plus-value à mes boss que je suis prolétaire? On peut certes accepter une panoplie d’autres sens à l’idée qu’une classe soit « construite » par le travail productif, mais dans de tels cas, cette « construction » cesse de valoir pour son essence, pour ce qui la définit, dès qu’on peut s’en passer pour ranger des agents dans cette classe. Le prolétariat devient alors la « classe du travail productif » dans un sens bien étrange, puisqu’il se trouve également des agents improductifs en son sein : en quoi est-il alors la classe du travail productif? Par ailleurs, s’il existe effectivement des situations de précarité extrême où une personne oscille constamment, au gré des aléas du marché, entre l’effectuation de travail productif et de travail improductif, pointer ce genre de cas-limites ne constitue en rien un argument permettant de déduire que le prolétariat s’étend aux salarié·e·s effectuant un travail improductif. Oui, on peut être prolétaire une semaine et ne plus l’être la semaine suivante, et ce, précisément parce que le travail productif, tout comme le statut de prolétaire, « n’est pas une nature attachée à des personnes ».

Deuxièmement, le texte indique que le prolétariat se transforme selon la situation contradictoire du travail productif dans le mode de production capitaliste et, qu’en ce sens, il faudrait analyser les classes suivant la conjoncture historique de la lutte des classes. Si l’auteur veut seulement dire que la lutte des classes transforme les modalités de l’exploitation et par là, de la lutte elle-même, alors il n’y a rien de problématique dans ce passage – le concept de « cycle de luttes » développé par TC désigne justement ces transformations12. Toutefois, cette phrase intervient afin de justifier l’élargissement du concept de prolétariat au-delà du travail productif. Or, on ne voit pas comment la transformation des modalités de l’extorsion de plus-value pourrait changer quoi que ce soit au fait que, justement, la production de plus-value soit l’élément qui détermine l’appartenance au prolétariat. Tel que nous l’avons présenté dans la première partie de la présente revue, l’augmentation de la productivité nécessaire au mode de production capitaliste conduit à l’accroissement relatif de la force de travail effectuant des travaux improductifs et, en ce sens, transforme le rapport du travail productif à l’ensemble de la société. Cependant, le fait que la productivité du travail permette de multiplier les activités improductives qui fluidifient l’accumulation du capital ne change rien au fait que seules les personnes effectuant un travail productif entretiennent un rapport contradictoire à la totalité. On peut bien appeler à l’historicisation des classes en scandant qu’elles n’existent que dans leurs luttes, mais le concept de mode de production capitaliste nécessite tout de même qu’il y ait un rapport de production fondamental se reproduisant par des activités de classes déterminées. Et peu importe la conjoncture historique donnée, la seule activité dont le capital ait absolument besoin pour se valoriser tout en la rejetant constamment pour accroître sa productivité, c’est le travail vivant produisant de la plus-value. Cette activité est une condition nécessaire pour appartenir au prolétariat et le seul événement historique qui changera quoi que ce soit à cela, c’est l’abolition du prolétariat par la révolution communiste.

Dans la citation qui suit, nous voyons que le refus de définir explicitement ce que sont les classes en elles-mêmes conduit à une définition flottante, incapable d’établir des critères stricts permettant de déterminer l’appartenance de classe :

Les classes ne sont pas des collections d’individus, le prolétariat et la classe capitaliste sont la polarisation sociale de la contradiction que sont la baisse du taux de profit ou le travail productif qui structure l’ensemble de la société. Le rapport particulier (par rapport à tout autre travail exploité) du travail productif au capital social ne se fixe pas comme l’essence des travailleurs productifs.13

Soit cette définition ne fait que s’accorder avec 100% des sociologues pour dire qu’une classe – comme n’importe quel groupe social – n’est jamais une addition arbitraire d’individus, soit elle rivalise avec les thèses des métaphysiciens les plus téméraires et affirme que les classes ne sont pas composées d’individus. Si cette dernière affirmation doit être rejetée, on peut malgré tout comprendre ce qui la motive : par là, on souhaite probablement se distancier d’une approche appréhendant les classes selon des critères extérieurs aux rapports de production, faisant ainsi du prolétariat un groupe socioculturel auquel on appartient en fonction de sa famille, de son quartier ou de son niveau de revenu. S’il faut effectivement refuser ce type d’approche, cela ne change absolument rien au fait que les classes sont des groupes d’individus, peu importe les changements pouvant se produire au sein de ceux-ci. Évidemment, ce qui regroupe des individus pour en faire une classe se comprend uniquement par la place commune qu’ils occupent au sein des rapports de production dominants d’une société donnée, mais ces rapports n’existent pas indépendamment des individus qui les produisent et reproduisent. Plus encore, le problème avec une telle position, c’est qu’elle cache un refus de fournir une définition extensive des classes sociales – c’est-à-dire en mesure de déterminer l’appartenance de classe de tel ou tel agent du mode de production. Si les classes ne sont pas des groupes d’individus, il devient à peu près impossible d’affirmer qu’une lutte particulière est menée principalement par des prolétaires, par des membres de la classe moyenne ou encore par une couche paupérisée de la classe capitaliste, parce qu’affirmer ceci reviendrait à embrasser la conception bassement sociologique selon laquelle les classes sociales sont composées d’individus pouvant être identifiés dans la réalité concrète… On peut bien dire que les individus ne sont que les « supports » des classes sociales, que celles-ci se reproduisent indépendamment de tel ou tel individu particulier, mais il n’en demeure pas moins que dans une conjoncture politique donnée, on ne retrouve jamais le prolétariat ou la classe moyenne à l’état pur; on n’arrive à aucune connaissance sur la composition d’un mouvement ou d’une mobilisation en indiquant qu’elle est l’expression de « la polarisation sociale de la contradiction que sont la baisse du taux de profit ou le travail productif qui structure l’ensemble de la société ». Ce que l’on observe dans une lutte particulière, c’est la présence de plusieurs individus dont les intérêts s’affrontent et pour être en mesure d’en comprendre la dynamique, il faut pouvoir déterminer que ces individus appartiennent à des groupes plus larges – les classes sociales – qui déterminent les différentes manières de se rapporter à la lutte.

Suivant toujours cette définition, il serait donc plus juste de définir le prolétariat et le capital en indiquant qu’ils sont « la polarisation sociale de la contradiction que sont la baisse du taux de profit ou le travail productif qui structure l’ensemble de la société ». Que le prolétariat et le capital soient les deux pôles du mode de production capitaliste ne fait pas de doute, mais identifier les pôles à la polarisation, c’est l’équivalent d’identifier les termes d’un rapport au rapport lui-même. On peut appeler « polarisation » le processus par lequel se reproduit et se modifie le rapport entre les classes ou, dit autrement, la forme spécifique par laquelle les classes se reproduisent dans leur lutte, mais les classes ne sont jamais cette polarisation. Elles sont l’effet de celle-ci, mais ne s’y identifient pas pour autant. La polarisation, c’est au plus le rapport entre les classes exprimé de manière dynamique. Et justement, il n’aura échappé à personne que dire des classes qu’elles sont le rapport entre les classes, c’est ne rien dire sur les classes. À la limite, si le mode de production capitaliste était le théâtre d’uniquement deux activités aisément identifiables à un pôle ou l’autre de la contradiction (production et appropriation de plus-value), on pourrait excuser le fait que cette définition ne produise aucune connaissance. Or, dès que l’on accepte de parler d’interclassisme et de classe moyenne ou, simplement, dès que l’on reconnaît l’existence du travail improductif, la définition des classes comme « polarisation » devient radicalement insuffisante. Rappelons-le, cette définition doit justifier l’élargissement du prolétariat au-delà des personnes effectuant un travail productif en tant que l’ensemble de la société est structuré par la contradiction qu’est le travail productif. La classe moyenne résulte effectivement de la contradiction qui polarise l’ensemble de la société, mais ce n’est pas parce qu’elle existe dans une totalité qui tend à son abolition que son rapport spécifique au mode de production capitaliste pose problème pour la totalité elle-même.

Dans un autre passage où cette définition est reprise au mot près, TC ajoute un élément indiquant avec encore plus de clarté comment leur définition du prolétariat excède l’ensemble des individus occupant une position commune au sein des rapports de production en s’étendant à toutes les catégories qui entrent en conflit avec le capital :

Il faut dire cette chose triviale : le prolétariat c’est la classe des travailleurs productifs de plus-value. Ce n’est qu’une fois une telle chose dite que l’on définit la classe de façon historique parce qu’on a alors posé une contradiction, l’exploitation, et la polarisation de ses termes. Le prolétariat et la classe capitaliste sont la polarisation sociale de la contradiction qu’est la baisse tendancielle du taux de profit, en activités contradictoires. La contradiction qui résulte, dans le mode de production capitaliste, du rapport entre l’extraction de plus-value et la croissance de la composition organique du capital se développe comme péréquation du taux de profit sur l’ensemble des activités productives et structure comme rapport contradictoire entre des classes l’ensemble de la société. Dans cette polarisation ce sont les catégories et les classes sociales de la société du capital qui se dissolvent comme prolétariat contre le capital et la classe capitaliste.14

Encore une fois, TC pose d’abord la centralité de la production de plus-value pour ensuite ajouter une formulation énigmatique sur la constitution du prolétariat au-delà du travail productif en laissant au lectorat la mission de découvrir les secrets devant être révélés par l’énonciation des concepts de « croissance de la composition organique » et de « péréquation du taux de profit ». Il faut donc interpréter ce que signifie l’idée selon laquelle les catégories et les classes sociales se « dissolvent » comme prolétariat. On pourrait penser que TC parle ici d’une dissolution objective, au sens où le développement historique du mode de production capitaliste aurait pour effet d’éliminer la classe moyenne en intégrant celle-ci au prolétariat. D’emblée, on peut rétorquer que même si c’était le cas, cette affirmation n’ajouterait rien à la définition initiale – le prolétariat comme « classe des travailleurs productifs de plus-value » –, dans la mesure où elle ne ferait que signaler que de plus en plus d’agents du mode de production répondent à cette définition. En ce sens, cette formulation ne ferait qu’éluder la question de la classe moyenne et, du même coup, celle de l’interclassime en annonçant une prolétarisation générale de la société. Or, cette conception est foncièrement problématique justement parce que « la croissance de la composition organique du capital » a pour effet de réduire la part relative du travail productif au sein du procès de production. Ce qu’on constate depuis la restructuration du mode de production capitaliste, ce n’est pas la disparition de la classe moyenne par la prolétarisation, mais plutôt la croissance des salarié·e·s effectuant un travail improductif et la multiplication des luttes à caractère interclassiste. Par conséquent, si les classes sociales se « dissolvent » comme prolétariat, ce n’est pas au sens où elles disparaissent effectivement des rapports de production par l’intégration de ses agents à la classe du travail productif.

Si l’on veut faire sens de la « dissolution » à laquelle TC réfère, on doit alors l’expliquer autrement. Il faut se pencher sur l’affirmation selon laquelle la contradiction du mode de production capitaliste « se développe comme péréquation du taux de profit sur l’ensemble des activités productives et structure comme rapport contradictoire entre des classes l’ensemble de la société ». Tout d’abord, soulignons l’emploi tout à fait obscur de l’expression d’« activités productives ». En effet, cette expression intervient tout juste avant d’affirmer que celles-ci, en tant que « catégories du capital », se dissolvent, avec les classes sociales, « comme prolétariat ». Ce qui signifie que de telles activités productives ne peuvent consister en travail productif, puisqu’autrement, il faudrait qu’elles puissent devenir ce qu’elles étaient déjà, c’est-à-dire qu’elles puissent se dissoudre… en elles-mêmes. N’étant pas assimilable au travail productif, la question se pose donc toujours de savoir en quoi ces activités sont « productives ». Ensuite, l’utilisation du concept de « péréquation du taux de profit » est elle aussi difficilement saisissable, en tant qu’il doit ici expliquer le fait que l’ensemble de la société se structure comme rapport contradictoire par une dissolution des classes sociales dans le prolétariat. Or, il n’est pas évident que le fait que la concurrence des capitalistes établit un taux de profit moyen entre les différentes branches de la production puisse expliquer le fait que certaines classes se « dissolvent » comme prolétariat tout en restant improductives. Oui, la péréquation du taux de profit permet également d’expliquer comment le capital commercial participe à l’établissement du taux de profit moyen en s’accaparant une part de plus-value correspondant à la hauteur de la masse de son capital même s’il n’emploie aucun agent productif15, mais cela ne change rien au fait que les employé·e·s improductif·ive·s du commerce n’ont pas le même rapport au capital que le prolétariat, et ce, parce qu’un capitaliste commercial pourrait toucher une part de plus-value sans engager un·e seul·e salarié·e. Mais comme TC aime bien laisser le fardeau de l’explication à son lectorat, on peut creuser ce que le texte sous-entend et penser ici que les classes sociales se dissolvent comme prolétariat dans la mesure où le rapport qui lie ce dernier au capital est contradictoire pour l’ensemble de la société. En ce sens, produire de la plus-value ou non serait quelque chose de contingent pour appartenir au prolétariat, parce que le simple fait que certains agents effectuent un travail productif garantirait déjà le caractère contradictoire de la totalité. Une fois établi que cette situation est contradictoire pour l’ensemble de la société capitaliste, TC assimile au prolétariat toute personne faisant face au capital sans pour autant que la position de celle-ci au sein des rapports de production soit elle-même en contradiction directe avec le capital. Dire que les classes sociales se dissolvent comme prolétariat, c’est donc séparer ce qui fait du prolétariat une classe du mode de production capitaliste de ce qui en fait une classe révolutionnaire. Pire encore, le prolétariat ne serait même plus une classe au sens strict (c’est-à-dire définie en dernière instance par le rapport de production dominant de la société), puisqu’il serait une catégorie regroupant un ensemble de classes emportées par la contradiction de la totalité capitaliste.

Dans un texte sur les soulèvements équatoriens en 2000, Théorie Communiste utilise cette même définition du prolétariat précisément pour englober des activités qui ne semblent pas correspondre à la production de plus-value. Dans celui-ci, TC développe le rapport entre classe ouvrière et prolétariat en s’appuyant sur l’exemple des luttes paysannes équatoriennes. Suivant l’analyse, il serait valide d’identifier le prolétariat à la classe ouvrière jusqu’au moment où la contradiction fondamentale en vient à polariser la société et ses contradictions à un point tel que même « le petit paysan andin ne peut plus agir en tant que tel »; à partir de ce moment, le prolétariat devient beaucoup plus vaste que la classe ouvrière :

Cela ne nous gêne pas d’appeler mouvement du prolétariat cette série de luttes incluant celles du « mouvement indien » essentiellement paysan. Non seulement ces dernières s’inscrivent dans des luttes urbaines et industrielles récurrentes et ne prennent leur ampleur que dans ce contexte. Mais encore nous appelons prolétariat la polarisation sociale de la contradiction qu’est la baisse tendancielle du taux de profit en activités contradictoires. La contradiction qui résulte, dans le mode de production capitaliste, du rapport entre l’extraction de plus-value et la croissance de la composition organique du capital se développe comme péréquation du taux de profit sur l’ensemble des activités productives et structure comme rapport contradictoire entre des classes l’ensemble de la société. Le degré selon lequel cette contradiction fondamentale polarise l’ensemble des contradictions sociales est un critère permettant de juger le niveau d’une lutte, en ce que dans cette polarisation ce sont les catégories et les classes sociales de la société du capital qui se dissolvent contre le capital et la classe capitaliste. Si nous pouvons identifier le prolétariat à la classe ouvrière c’est que, dans la situation de celle-ci, la contradiction centrale du mode de production capitaliste devient la condition de son dépassement comme activité particulière. En cela, cette identification dépasse la classe ouvrière au moment où ce sont toutes les contradictions de la société qu’elle polarise, et où le petit paysan andin ne peut plus agir en tant que tel (ce qu’a contrario nous montre, en l’occurrence, la prégnance du démocratisme radical). Cette identité, pour la classe ouvrière elle-même, n’est pas un donné mais un mouvement. Les classes sont génétiquement données en même temps que leur contradiction, ne lui préexistent pas et c’est pour cela qu’une classe, le prolétariat, peut s’abolir en tant que classe, parce qu’il ne préexiste pas à, ni ne résulte de ce mouvement, mais en est la seule réalité concrète sans laquelle la baisse du taux de profit est une abstraction et l’abolition du mode de production capitaliste un projet déterministe. Toutes les vaches ne sont pas grises, mais le noir et le blanc ne sont pas des substances préexistant aux vaches.16

Tout d’abord, on peut se demander ce qui justifie l’assimilation du « petit paysan andin » au prolétariat. D’innombrables analyses de la question rurale/agricole en Amérique latine (et ailleurs) ont été réalisées et dans lesquelles le constat de l’existence d’un prolétariat rural, d’une classe moyenne, d’une classe capitaliste et de propriétaires fonciers – bref, d’une importante différenciation sociale – s’est imposée. Si donc TC veut dire par « petit paysan andin » le prolétariat agricole (i.e. ceux et celles qui sont contraint·e·s de vendre leur force de travail à d’autres producteurs plus gros), alors il n’y a rien à dire de leur analyse. La « classe ouvrière » serait donc seulement un concept sociologique (désignant, grosso modo, le prolétariat urbain) qui n’est pas du tout pertinent ici puisque c’est déjà le cas que la classe ouvrière ne s’identifie pas au prolétariat. Nul besoin d’un moment où la contradiction fondamentale du mode de production capitaliste polariserait l’ensemble des contradictions de la société pour que le prolétariat excède le prolétariat des villes : les paysan·ne·s qui se louent sont prolétaires et ce depuis que la production capitaliste s’est emparée de l’agriculture.

Toutefois, la distinction faite entre « classe ouvrière » et « prolétariat » laisse entendre que la différence entre la classe ouvrière et les paysans andins ne se réduit pas à celle entre le prolétariat urbain et le prolétariat agricole. Si TC utilise « classe ouvrière » comme nous utilisons « prolétariat » (classe du travail productif), alors le concept de « prolétariat » est utilisé dans un sens beaucoup plus large et difficile à circonscrire. Le cas échéant, la polarisation des contradictions de la société supprimerait la définition du prolétariat comme classe du travail productif pour la remplacer par « le fait de ne plus pouvoir agir en tant que tel ». En ce sens, comme la contradiction qu’est la production de plus-value en vient à menacer l’ensemble des activités de la société, il suffirait de voir son activité spécifique mise en péril par le développement de la contradiction qu’est le capital pour être prolétaire. En suivant ce raisonnement, on pourrait ajouter que les luttes autochtones au Canada pour la défense et la décolonisation du territoire – comme les blocages initiés par la nation Wet’suwet’en qui se sont multipliés sur l’ensemble du territoire à l’hiver 2020 – sont des luttes du prolétariat en tant qu’elles défendent un mode de vie constamment détruit par le développement du capital. Par là, on penserait peut-être leur accorder un titre de noblesse, mais en réalité, on ne ferait qu’éluder la spécificité d’une situation caractérisée davantage par la dépossession du territoire que par la prolétarisation à proprement parler17. On éviterait la tâche consistant à étudier les positions de classes spécifiquement produites par la dissolution progressive des structures sociales antérieures par le colonialisme de peuplement et l’impérialisme ainsi que la différenciation sociale existant au sein de ces groupes. Bref, assimiler au prolétariat toute personne dont le mode de vie entre en conflit avec le développement du capital sans étudier la position de ces personnes au sein des rapports de production et relativement au rapport d’exploitation capitaliste, c’est s’empêcher de comprendre un ensemble de positions qui déterminent des rapports spécifiques à la lutte des classes.

***

Être menacé·e de déclassement, être en voie de déclassement ou être effectivement déclassé·e par la perte de son emploi ou des moyens d’assurer sa subsistance ne sont pas des conditions suffisantes pour appartenir au prolétariat. Une fraction de la classe moyenne peut voir sa position de classe menacée, mais sa lutte ne prend pas aussitôt un caractère prolétarien; elle peut tout à fait lutter pour la reproduction de sa position de classe qui, elle, implique la survie du mode de production capitaliste. Le fait même qu’une avocate soit contrainte au chômage par suite d’une crise sociale de grande envergure, ou qu’un commerçant de saucissons fins soit ruiné pour la même raison fait-il de ces personnes des prolétaires? Sont-elles en contradiction avec le capital de la même manière que des employé·e·s au chômage parce que l’entreprise qui les engage devient incapable d’écouler, pendant une telle crise, ses marchandises à un prix qui ne soit pas ruineux? Le blanc et le noir ne sont pas des substances. Parfait. Mais si l’on veut être capable de les distinguer, il faut précisément expliquer ce qui diffère dans ces cas. Lorsqu’on assimile au prolétariat tout groupe dont l’activité spécifique est menacée par le développement contradictoire du mode de production capitaliste, on rend ce concept non opératoire, puisque toute lutte contre le capital devient une lutte du prolétariat. Ce concept reste nécessaire pour TC parce qu’il doit y avoir une « réalité concrète sans laquelle la baisse du taux de profit est une abstraction et l’abolition du mode de production capitaliste un projet déterministe », mais pour faire partie de cette réalité il est contingent d’effectuer la seule activité directement en contradiction avec le capital : la production de plus-value. Or, c’est du fait que le prolétariat est la classe du travail productif qu’on peut dire qu’il ne peut plus faire autrement, lorsque son activité particulière est rendue impossible, que de créer de nouveaux rapports sociaux qui sont immédiatement l’abolition du capital. Et c’est précisément cela qui fait qu’il est la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout.

1 Théorie Communiste, n. 25, mai 2016, p. 41. : « L’entrée de catégories comme les classes moyennes ou la jeunesse n’est pas que la simple venue de nouveaux acteurs dans une pièce existante et inchangée, les nouveaux développements de la crise construisent ces nouveaux acteurs en même temps qu’ils les frappent, mais surtout le champ de la lutte des classes s’élargit du rapport salarial à la société salariale. C’est la séquence actuelle. »

2 Le premier texte parle « des classes moyennes », mais comme ce pluriel n’est pas justifié par l’auteur et comme le deuxième texte conclut en parlant de « la classe moyenne », nous parlerons de ce concept au singulier.

3 Ibid., p. 81.

4 Ibid., pp. 81-82.

5 Ibid., pp. 90-91.

6 Ibid., p. 95.

7 Ibid., p. 95.

8 Ibid., p. 96.

9 Théorie Communiste, n. 16, mai 2000 : « nous appelons prolétariat la polarisation sociale de la contradiction qu’est la baisse tendancielle du taux de profit en activités contradictoires. » Notons au passage que cette définition revient à plusieurs reprises dans différents numéros de TC.

10 R. S., « Le moment actuel », Sic No. 1, 2011, p. 136.

11 Ibid., pp. 136-137.

12 Cf. note 14.

13 R.S., op. cit., p. 137.

14 Théorie Communiste, n. 20, septembre 2005, p. 173. (Nous soulignons.)

15 Marx, Le Capital, livre 3, t. I, pp. 297-298 : « Le capital marchand participe par conséquent à l’égalisation de la plus-value en profit moyen, bien qu’il n’entre pas dans la production de cette plus-value. C’est pourquoi le taux général de profit se trouve déjà diminué de la plus-value qui revient au capital marchand, ce qui constitue donc une diminution du profit du capital industriel. […] [Le] profit commercial se ramène à la part aliquote de la plus-value qui revient au capital marchand comme une part aliquote du capital total employé dans le procès social de reproduction. »

16 Théorie Communiste, n. 16, mai 2000, p. 16.

17 Coulthard, Peau rouge, masques blancs, Lux, 2018, p. 33 « en appliquant le concept d’accumulation primitive au contexte canadien, il semblerait que c’est l’histoire et l’expérience de la dépossession, et non pas de la prolétarisation, qui ont constitué la structure dominante ayant façonné la relation historique entre les peuples autochtones et l’État canadien. »

 

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  1. Lisbeth Salander
    31/01/2021 à 17:49 | #1

    Putain, ça fait plaisir de lire une critique de ce niveau.
    Ca c’est de l’homm.femm.age (sic! re-SIC).
    Comme disait l’autre, “Le mieux qu’on puisse dire d’une théorie c’est qu’elle a fait son temps”.
    Mais encore faut-il le démontrer vraiment. Si la Covid 19 n’attaque pas leurs comorbidités, les sudistes n’ont peut-être pas dit leur dernier mot-nolithe!.
    A suivre ici et ailleurs.

  2. En passant
    09/02/2021 à 10:13 | #2

    Dans la note 17 la citation n’a pas vraiment de sens. Faut-il rappeler que la prolétarisation passe précisément par la dépossession des moyens de subsistance, donc de la propriété du sol ? Par ailleurs, que pensent les auteurs du programme soce-dem alterno de Coulthard et du “bon” essentialisme qu’il revendique ?

  3. Patouse
    09/02/2021 à 18:18 | #3

    « En passant », ce n’est pas parce la dépossession des moyens de subsistance – tels que la terre chez les peuples autochtones d’Amérique du Nord – est nécessaire à la prolétarisation qu’elle est suffisante : pour qu’il y ait prolétarisation effective, il doit exister un marché du travail capable d’absorber cette population excédentaire pour l’employer et gonfler les rangs du prolétariat. Or, c’est précisément ce qui n’a pas eu lieu et qui continue de ne pas avoir lieu dans les contextes de colonialisme de peuplement comme celui du Canada, des États-Unis ou de l’Australie, où l’enjeu n’est pas tant d’extraire du surtravail d’une main-d’œuvre locale par le recours à la contrainte que de s’approprier le territoire lui-même, avec ses ressources, en assimilant ou en exterminant la population locale. Dans ces cas, les populations autochtones, plutôt que d’être intégrées au circuit de valorisation du capital en qualité de force de travail, en sont justement exclues, parquées dans des réserves ridiculement petites, sans travail, souvent sans eau potable. La citation 17 a donc du sens pour qui sait voir dans le phénomène de dépossession territoriale autre chose qu’une simple reproduction de celui des enclosures.

    Et enfin, « faut-il rappeler » que la propriété du sol est loin d’être un indice évident de l’appartenance de classe et qui n’a donc rien à faire ici? D’un côté, les populations autochtones d’Amérique du Nord ne « connaissaient » pas l’institution de la propriété privée et subvenaient très bien à leurs besoins. On ne les a donc pas dépossédées de leur « propriété du sol » – et c’est une pure banalité. De l’autre, combien de petits propriétaires ruraux ont été (et continuent à être) forcés de vendre leur bras, faute de moyens de travail suffisants pour produire un rendement satisfaisant en provenance de leur propre lopin de terre? La propriété de la terre n’est tout au plus qu’une condition formelle à l’indépendance économique, mais elle reste en réalité bien loin de suffire.

  4. En passant
    12/02/2021 à 00:26 | #4

    Je tente de répondre à nouveau à Patouse vu que la première fois ça n’est visiblement pas passé.

    Tout d’abord, le mouvement des enclosures n’avait pas pour but de créer des prolétaires, même si c’est ça conséquence, mais d’accaparer des terres pour élever du bétail. Un schéma qui se retrouve d’ailleurs en Amérique à ce qu’il paraît…
    Concernant les autochtones du Canada, il est faux de dire qu’ils seraient exclus du marché du travail. Le taux de chômage est beaucoup plus haut que chez les non-autochtones, c’est vrai, mais d’une part tous les groupes ne sont touchés de la même façon, et d’autre part les autochtones sont malgré tout majoritairement « actifs » et en « en emploi ».
    Nier la prolétarisation des autochtones permet cependant à Coulthard, « a leading voice of the new Indigenous Intelligentsia » (dixit la préface p.xi), de détourner les prolétaires autochtones de leurs intérêts de classe pour prôner un souverainisme traditionaliste tout ce qu’il y a de plus petit-bourgeois. Pour ceux qui veulent s’en convaincre, je vous invite à lire ses « thèses » (peut-être un pote à Carbure ?), notamment la 2e (p.170-173)*. Il y prône le retour au mode de vie de chasseur-cueilleur en ouvrant toutefois la possibilité à un entreprenariat autochtone. Mais attention, celui-ci serait anticapitaliste grâce à la « gouvernance traditionnelle » autochtone, naturellement équitable, écolo, féministe, LGBT-friendly, etc… Voilà où nous mène ce « dépoussiérage » de Marx…

    « Et enfin, « faut-il rappeler » que la propriété du sol est loin d’être un indice évident de l’appartenance de classe et qui n’a donc rien à faire ici? »
    Ça aide quand même pas mal pourtant… On peut être bourgeois sans terre, mais pas prolétaire et propriétaire terrien. Les difficultés de tes petits propriétaires ruraux pour valoriser la production de LEUR terre sur le marché est un exemple type de petit-bourgeois qui se fait bouffer par plus gros que lui. Le fait qu’ils travaillent à côté pour compenser est un indice de prolétarisation, mais celle-ci ne sera effective que lorsqu’ils auront été dépossédés de leur moyens de production.
    « La propriété de la terre n’est tout au plus qu’une condition formelle à l’indépendance économique, mais elle reste en réalité bien loin de suffire. »
    Qui est « indépendant » sous le MPC ? La propriété de la terre (comme moyen de production s’entend) fournie simplement des intérêts de classe particulier (bourgeois ou petit-bourgeois).
    Pour ce qui est de la propriété du sol chez les autochtones, c’est un truisme de dire que la propriété capitaliste n’existe pas avant le capitalisme… Peu importe le continent. En attendant ils avaient des territoires de chasse/pêche/cueillette dont ils connaissaient les limites et qu’ils défendaient si besoin.

    *Le livre en anglais ici : http://library.lol/main/B22F728E5F822A7204D0994E7BCD8DE4

  5. Patouse
    13/02/2021 à 21:33 | #5

    Quelle était la nature de ma réponse à ton premier commentaire?

    D’abord, il s’agissait de montrer qu’il existe de bonnes raisons de distinguer, comme propose de le faire Coulthard, le processus de prolétarisation de celui de dépossession. Pour ce faire, j’ai rappelé que dépossession n’entraine pas automatiquement prolétarisation, comme l’illustre l’exemple de la colonisation du Canada, dans la mesure où l’intégration de la population chassée du territoire qu’elle occupait jusqu’alors peut être bloquée par des facteurs économiques (saturation du marché du travail) ou extra-économiques (ségrégation basée sur un racisme anti-autochtone). Bien entendu, cette distinction ne vaut qu’à condition de ne pas assimiler le prolétariat aux « sans-le-sou », aux sans-réserves ou aux pauvres. C’est donc dire que le MPC ne s’impose pas partout, tout le temps, de la même manière et que ces manières distinctes de s’imposer produit des effets structurels différents.

    Sinon, on peut certes maintenir, comme tu le fais, que ce que les éleveurs de moutons voulaient, au fond, ce n’était pas de produire une force de travail libre « sans feu ni lieu », mais seulement d’accroître leur profit grâce à l’élevage : il n’en demeure pas moins que, du point de vue du développement du MPC, c’est là le résultat essentiel, vraiment important du mouvement des enclosures. C’est bien en cela que ce processus s’oppose à celui de la dépossession coloniale en Amérique du Nord. En effet, lorsqu’on regarde le cas du Canada, ce qu’on remarque, d’un côté, c’est la superfluité étonnante de la main-d’œuvre autochtone par rapport aux besoins de l’économie capitaliste en plein développement (de la deuxième moitié du XIXe jusqu’au début du XXe sièlce) et de l’autre, l’avidité avec laquelle l’État canadien cherchait à s’approprier la totalité du territoire. Les populations autochtones, après avoir été chassées de leurs terres, plutôt que de s’intégrer à l’économie capitaliste canadienne et venir gonfler les rangs du prolétariat (qui commençait tout juste à naître au sud du pays), préféraient le plus souvent s’éloigner des foyers de la colonisation et maintenir leur mode de vie traditionnel.

    De plus, le fait que le taux de chômage des Autochtones vivant sur les réserves soit deux fois plus élevé que pour les non-Autochtones, que le taux d’emploi des premiers soit en moyenne 20 % inférieur à celui des seconds, montre bien que leur expérience de la dépossession n’a pas été suivie du même processus de prolétarisation que ce qu’on a pu voir ailleurs (notamment en Angleterre). Au final, il s’agit de maintenir que la dépossession n’implique pas une prolétarisation massive qui ferait de tous les Autochtones des prolétaires, de refuser d’en faire un groupe absolument homogène du fait que leur mode de vie traditionnel est menacé par le développement du MPC (à ce titre, je dois avouer être allé trop vite en affirmant que, dans les réserves, les Autochtones sont « sans travail »). Devant l’originalité de la situation produite par le colonialisme de peuplement, il est donc d’autant plus indispensable de s’intéresser à la différenciation sociale qui existe au sein de ce groupe.

  6. Nononyme
    14/02/2021 à 06:46 | #6

    Durant la colonisation et ensuite durant l’industrialisation du Canada, les populations autochtones ne pouvaient intégrer la société capitaliste et donc s’intégrer au prolétariat canadien qu’en abandonnant non seulement leur mode de vie traditionnel mais aussi leur propre identité culturelle… Autrement ces populations devaient rester dans leur réserve là où elles furent gouvernées sous une loi particulière et différente de celle qui gouverne l’ensemble des citoyens canadiens : c’est pourquoi certain/nes parlent d’un régime d’apartheid qui a sévit au Canada jusqu’à tout récemment… Mais même quand les individus de ces populations se résignaient à s’intégrer, ils devenaient la cible d’un racisme ordinaire qui les excluaient du marché du travail et de la plupart des institutions publiques tout en les privant de leur services… Aujourd’hui c’est bien différent malgré la persistance d’un racisme systématique, car les populations autochtones sont enfin reconnues et intégrées dans la société capitaliste canadienne avec leurs traditions culturelles et elles peuvent maintenant avoir leur propre marché avec leurs propres marchandises autochtones à vendre, mais aussi leurs propres entreprises avec leur propre main d’œuvre autochtone salariée ainsi que leur propre gouvernement autochtones pour légiférer leur quasi territoire (qui ne leur appartient toujours pas), patrouiller par leur propre police autochtones et administrer par leurs propres fonctionnaires municipaux autochtones… Donc bien que les populations autochtones furent chassées de la terre qu’ils occupaient et non qu’ils possédaient, elles ne furent pas nécessaires ni même utiles pour la formation du prolétariat canadien parce que les populations européennes migrantes étaient beaucoup plus adéquates puisqu’elles étaient nettement plus habilitées aux coutumes et travaux des colonies et de l’industrie nouvelle. Mais bien que ces populations ne furent pas immédiatement intégrées comme bassin de force de travail disponible, elles ne sont pas absolument exclues de la société capitaliste, en fait elles sont dans un RAPPORT d’exclusion avec le capitalisme, c’est-à-dire qu’elles sont définies par ce rapport et par conséquent perdent leur capacité à se définir à partir de leurs propres activités ou plus exactement de leur mode vie et de leurs propres coutumes.

  7. En passant
    14/02/2021 à 20:43 | #7

    @Patouse

    Je comprends et je rejoins la critique que vous faite à TC (du moins sur la base de ce que vous en dites parce que je n’ai pas le temps de lire leurs textes). Et je suis également d’accord pour dire que la lutte des traditionalistes Wet’suwet’en (rejointe par d’autres groupes l’hiver dernier) n’est pas prolétarienne. En revanche je crois qu’il est faux de dire qu’elle est révélatrice d’un rapport entre le capital et les autochtones qui se résumerait à la dépossession. C’est ce que les gens comme Coulthard ont besoin de faire croire en tant que petits cadres de luttes proto-nationalistes. La réalité c’est qu’aujourd’hui, malgré une intégration au processus de valorisation capitaliste plus faible que celle des non-autochtones, les autochtones y sont quand même majoritairement intégrés en tant que prolétaires.

  8. En passant
    14/02/2021 à 20:46 | #8

    @Nononyme

    “Mais bien que ces populations ne furent pas immédiatement intégrées comme bassin de force de travail disponible, elles ne sont pas absolument exclues de la société capitaliste, en fait elles sont dans un RAPPORT d’exclusion avec le capitalisme, c’est-à-dire qu’elles sont définies par ce rapport et par conséquent perdent leur capacité à se définir à partir de leurs propres activités ou plus exactement de leur mode vie et de leurs propres coutumes.”

    Je ne suis pas sûr que les politiques d’assimilations successives (brutales ou non) puissent être qualifiées de rapport d’exclusion…

  9. Nononyme
    22/02/2021 à 02:26 | #9

    J’ai l’impression qu’il y a une confusion dans la définition du prolétariat entre deux perspectives : celle de la classe capitaliste pour qui le prolétariat n’existe qu’au travers le travail productif comme source du surtravail; et celle de la classe prolétarienne pour qui le prolétariat c’est d’être contrainte au surtravail par l’obligation matérielle d’aller travailler pour un autre…

    Dans le mode de production capitaliste (MPC), le procès d’exploitation qui donne forme à la lutte de classe a en effet pour fondement le travail productif en tant qu’il produit de la plus-value car sans cette dernière il n’y a aucun capital à valoriser. C’est aussi à partir du travail productif que se déduit la chaîne du procès de valorisation qui obsède tant la classe capitaliste car la plus-value doit être réalisée sur le marché pour être réinvesti dans un nouveau cycle de valorisation. De par sa position dans le rapport d’exploitation, la classe capitaliste n’a pas le même rapport avec le surtravail que le prolétariat dans le sens que pour la première le surtravail est source de richesse et pour l’autre c’est une contrainte à l’exploitation.

    Donc pour la classe prolétarienne, le travail productif qui la relie et fonde son rapport avec le capital : c’est l’obligation matérielle de travailler en échange d’un salaire pour vivre; c’est la condition commune de porter sa force de travail au marché pour la vendre à un capitaliste. Ce n’est pas le travail productif mais le salariat qui organise cette contrainte au travail… même si le salariat ne peut exister sans le travail productif. C’est par le rapport salarial que la classe des prolétaires entre en relation avec le travail productif, la plus-value et le capital et c’est par la nécessité du salaire pour vivre que cette relation avec le travail (productif ou non) est vécu comme une contrainte.

    Le prolétariat se définit théoriquement dans et par son rapport au capital à partir du travail productif et de la plus-value, mais pour les prolétaires ce rapport devient une condition d’existence. Si un individu peut être prolétaire productif une semaine et ne plus l’être la semaine suivante c’est parce qu’il est fondamentalement prolétaire… par la condition générale qui fait de lui une force de travail obligée de se vendre contre un salaire donc toujours potentiellement un agent productif travaillant plus que ce pourquoi il est payé. Sinon que faire de ces masses de sans-abris et de sans-emplois, de concierges et de secrétaires au salaire minimum, de vendeurs ou de serveuses ou encore de caissières et j’en passe qui ne font pas partie du prolétariat productif mais n’ont pas plus les moyens professionnels de faire partie de la mythique classe moyenne. Tous ces gens obligés de travailler pour améliorer leurs conditions de survie ne se positionnent pas dans le cœur productif de la contradiction du MPC, mais ils en sont l’incarnation matérielle dès plus criante de vérité car ce sont ces prolétaires qui se retrouvent de trop même si leur force de travail sera toujours nécessaire du moins potentiellement dans sa détermination par la totalité capitaliste.

    Et en ce qui concerne la classe moyenne, je ne crois pas vraiment que ce soit une classe dans le plein sens du mot mais plutôt une structuration hiérarchique qui fait société et qui permet à des groupes d’individus de se donner du pouvoir et de l’influence dans la distribution des richesses et dans le partage de la plus-value de par les fonctions spécialisées qu’ils occupent quelque part dans le procès de valorisation ou dans la reproduction des conditions générales du procès d’exploitation. Bien évidemment les différentes positions de pouvoir qu’occupent ces groupes et ces individus à l’intérieur de leur fonction spécifique mais aussi dans la société a pour résultat de former des groupes d’intérêts très diversifiés qui semble représenter une classe à part mais ce n’est que du sable mouvant et instable comme la structure qui les a fait apparaître et qui est fondamentalement leur seul intérêt commun à défendre réellement malgré leurs nombreux conflits apparents. Si la classe moyenne est une classe parce qu’elle a un intérêt commun c’est alors comme classe de l’idéologie qui ne peut revendiquer que le bon fonctionnement de la société capitaliste, le juste salaire et l’égalité politique pour tout-le-monde car le développement des infrastructures de régulation et d’encadrement c’est son gagne pain et sa raison d’être.

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