“Ukraine 2022”

Traducción al español a continuación del texto. dndf

« La chute du régime soviétique amènerait infailliblement celle de l’économie planifiée et, dès lors, la liquidation de la propriété étatisée. Le lien obligé entre les trusts et entre les usines au sein des trusts se romprait. Les entreprises les plus favorisées seraient livrées à elles-mêmes. Elles pourraient devenir des sociétés par actions ou adopter toute autre forme transitoire de propriété telles que la participation des ouvriers aux bénéfices. Les kolkhozes se désagrègeraient en même temps et plus facilement. La chute de la dictature bureaucratique actuelle sans son remplacement par un nouveau pouvoir socialiste annoncerait ainsi le retour au système capitaliste avec une baisse catastrophique de l’économie et de la culture. »

(Trotski, La révolution trahie, éd. Grasset 1936, p.283 – traduction Victor Serge).

Ukraine 2022

            L’invasion de l’Ukraine par la Russie n’est pas une guerre mondiale, mais c’est une guerre au niveau mondial.

Dans la crise, la restructuration est en panne

Chaque phase du mode de production capitaliste inclut sa mise en forme militaire, le rapport d’exploitation comme lutte des classes est tout autant économique que politique et militaire. Dans la subsomption réelle du travail sous le capital, toutes les guerres opposent non seulement deux ennemis poursuivant des buts antagoniques, mais surtout deux ennemis constitués et construits par la polarisation d’une même contradiction, chacun en représentant un pôle et chacun ayant en lui-même l’existence et la nécessité de l’autre.

            Actuellement, depuis la crise de 2008, celle du mode de production tel que restructuré dans les années 1970-1980, la contradiction à résoudre mondialement est celle de la déconnexion entre la valorisation du capital et la reproduction de la force de travail qui était le principe même de la mondialisation de l’accumulation. Il s’agit de réarticuler mondialement l’accumulation du capital et la reproduction de la force de travail globale. Il n’y aura pas de retour en arrière vers des formes d’accumulation nationale ou même de blocs. Dans l’affrontement entre les Etats-Unis, l’Union européenne, la Chine et la Russie, l’enjeu est de savoir quel bloc, au travers des rivalités et des alliances entre ces quatre puissances, pourra imposer un modèle hiérarchisé mais mondialement vivable pour les « vaincus ».

Le capital ne produit jamais par lui-même de solutions à ses contradictions, ni dans le seul affrontement concurrentiel entre puissances. Au fondement il y a toujours l’exploitation qui fait que cet affrontement ne prend un sens que de par la confrontation avec le prolétariat. C’est la lutte de classe vaincue et les modalités et « inventions sociales » nécessaires pour la vaincre qui dessinent les caractéristiques d’une restructuration. La subsomption réelle est toujours en devenir[1]. Mais, actuellement, ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni la Chine, ni l’Europe ne représentent une restructuration à venir, le jeu, jusqu’à la guerre  entre ces puissances, n’est que l’existence manifeste de la contradiction à résoudre et la contradiction les traverse, reproduisant ses termes en chacune d’elles. Pour toutes, la contradiction est sur la table comme nature de l’Etat et relation entre la valorisation et la reproduction de la force de travail à l’échelle mondiale. Mais la restructuration est en panne.

            Si la question est aujourd’hui si violemment posée, c’est que nous sommes parvenus à la limite de tous les « Quoi qu’il en coute » et de toutes les « largesses » des Banques centrales. Dans la crise de 2008, la déconnexion de dynamique de la mondialisation est devenue son entrave, les sections I et II de la reproduction ne s’articulent plus, la crise de suraccumulation est devenue identique à la crise de sous-consommation, l’équilibre de sous-investissement qui avait maintenu le taux de profit s’effondre dans la gabegie monétaire et l’inflation renforçant la déconnexion. Si nous considérons la déconnexion comme l’essence et la dynamique de la mondialisation de ces trente dernières années c’est alors un monde qui est entré en crise et doit se renouveler. Ce monde était celui de la mondialisation américaine.

La crise de la mondialisation américaine

Ce monde, de par la nature du capital restructuré comme fluidité de la reproduction conforme à l’extraction de plus-value sous son mode relatif, était nécessairement globalisation. Cela s’est confirmé en 1990 avec l’effondrement de l’URSS et du bloc de l’Est. La dénationalisation des Etats centraux et la fin de l’internationalisation, c’est-à-dire les relations entre « systèmes nationaux intégrés », furent également la fin de l’identité ouvrière dont l’URSS était étatiquement et géopolitiquement la représentation : c’est-à-dire la cristallisation d’une structure mondiale de la lutte des classes (quoi que nous pouvons en penser).

En séparant la valorisation et la circulation du capital de la reproduction de la force de travail, la mondialisation a brisé les aires de reproduction cohérente dans des délimitations nationales et régionales. Cette rupture a créé un désordre mondial qu’il a fallu réguler en continu par la violence qui assimilait les opérations militaires à des opérations de police. A partir de la disparition de l’URSS, la régulation américaine du désordre a été sa gestion permanente, indifférente à une mise en forme stable du social. Les Etats-Unis ne cherchaient pas à conquérir le monde, mais à réguler le désordre au travers d’un autre système que celui de la concurrence entre Etats. Ce qui s’est souvent traduit par des massacres ciblés comme actes régulateurs avec la fin de la distinction entre guerre et paix, distinction supposant une gestion locale de la « paix sociale ». C’était la « guerre globale contre le terrorisme » : globale et, par nature, interminable.

« Idéalement » les Etats ne devaient plus être que de simples gouverneurs de provinces. Les chefs de guerre autonomes locaux étaient autorisés à se livrer à quelques guerres locales de conquêtes, de reconquêtes ou de balkanisation (ex-Yougoslavie, Caucase, Proche et Moyen-Orient – Israël compris -, Colombie, Amérique centrale, Mexique, Indonésie) avec, occasionnellement une alliance avec toutes sortes de réseaux mafieux, la seule branche mondiale du capital qui manie à la fois le capital financier et la violence locale permanente.

« Idéalement », la violence devait être la continuation de l’économie par d’autres moyens, sans médiations politiques si ce n’est divers degrés d’interventions « coup de poing », de « missions pacificatrices forcées », missions policières, missions humanitaires (favorisant l’enracinement d’une économie de marché). Dans tous les cas, pas de négociations pour établir « une vie de vaincu vivable ». Localement, pouvaient se constituer des sous-systèmes conflictuels complexes (adversaires multiples) qui ne nécessitent pas l’intervention du « leader ».

            « Idéalement », il s’agissait d’affirmer a-priori le globalisme des intérêts américains en déconstruisant les souverainetés nationales et les logiques de voisinage territorial, de recomposer les éléments productifs, nationaux, politiques, religieux ou idéologiques en branches fonctionnelles transnationales sur lesquelles s’exercent le « leadership naturel » des Etats-Unis, cela s’appliquait également à l’Union européenne. Pour cela, il s’agissait d’éliminer les Etats ou mouvements sociaux, guérillas hostiles ou bloquant le marché, le flux des marchandises, de capitaux, la « libération » de la main-d’œuvre. D’un côté, la mondialisation économique et militaire, régulée par les Etats-Unis à partir de la fin des années 1980, était « balkanisation » par destruction de toutes les souverainetés ou régulations nationales et, de l’autre, une forme de « débalkanisation », de réunification de ce monde par la construction d’espaces économiques unifiés selon des logiques non-souveraines. La mondialisation américaine avait combiné deux stratégies : « l’élargissement clintonien » et la « mise en ghettos civilisationnels » de la droite républicaine.

Pour les Etats-Unis, il s’agissait en outre de sortir des alliances à territorialité définie, ce fut le moment de « l’obsolescence de L’OTAN »  et du partenership avec la Russie. L’Otan devenait une nouvelle alliance offensive contre des probabilités d’insécurités, sans zone prédéterminée. Il ne s’agissait pas d’une alliance des Etats-Unis avec l’ « Etat russe souverain », ce sont la Russie et ses abords eux-mêmes qui étaient devenus une « frontière de l’élargissement » avec le sens américain de « frontière ». Dans les termes de l’accord : « l’Otan aide militairement la démocratisation et l’extension de l’économie capitaliste libérale en Russie et à sa périphérie ».

Jusqu’à ce que « l’idéal » s’effondre en Irak et en Afghanistan dans l’incontournable nécessité de l’engagement au sol suivi d’occupations. Dans les pays arabes du pourtour méditerranéen, les révoltes prolétariennes et interclassistes ont signifié la faillite d’une classe capitaliste construite comme une oligarchie clientéliste se confondant avec les appareils répressifs de l’Etat métamorphosant en activités produisant de la rente toute production ou service pouvant entrer dans le flux de la valorisation mondiale du capital. Dans des zones entières comme l’Asie centrale, l’Amérique centrale, ou en Afrique, bourgeoisie, bureaucratie, mafias, police et armée se découpaient des monopoles, gérant les investissements étrangers et les activités pouvant s’articuler avec la valorisation mondiale et créant un constant décalage entre la masse de main-d’œuvre libérée disponible et son absorption comme force de travail.

Un mode d’exploitation de la force de travail à l’échelle mondiale, de mise en valeur du capital, est à bout de souffle et s’effondre dans son exacerbation.

L’identité, dans la crise actuelle, entre crise de suraccumulation et de sous-consommation signifie que la déconnexion entre valorisation du capital et reproduction de la force de travail est devenue un problème. Dans cette identité de la crise, la déconnexion qui était fonctionnelle à une phase du mode de production devient contradictoire à sa propre poursuite. Cela tant au niveau de l’architecture mondiale de la réalisation faisant des Etats-Unis le consommateur en dernier ressort, qu’au niveau, tout aussi important et peut-être plus pour la suite, du développement « national » des « capitalismes émergents ».

La relation entre économie et violence avait été simplifiée par la création des Etats-nation du XVIIème au XIXème s. et ensuite par la bipolarité Est / Ouest, durant la première phase de la subsomption réelle. La gestion américaine du désordre de la globalisation consistant à déconstruire les souverainetés nationales et les logiques de voisinage, a engendré une situation proliférante, incontrôlable, entropique.

Toute la géographie de la reproduction mondiale du capital et son zonage en abyme se délite. Ce qui faisait système ne le fait plus : austérité, baisse du salaire au-dessous de la valeur de la force de travail n’alimentent plus les assignations sur une valorisation future du capital financiarisé qui s’alimente lui-même à la « planche à billets ». On ne reviendra pas en arrière, mais la mondialisation peut prendre un autre tour indéfinissable actuellement et qui ne pourrait être qu’une fonction de nouvelles modalités de la valorisation c’est-à-dire du rapport d’exploitation.

Cette déconnexion était un système mondial. Dans l’effondrement de ce système (une situation chaotique où le chaos n’est plus régulé) la nécessité d’une reconfiguration du cycle mondial du capital supplantant la globalisation actuelle se fait jour. Une renationalisation des économies dépassant / conservant la globalisation, une définanciarisation du capital productif, de nouvelles modalités d’intégration de la reproduction de la force de travail dans le cycle propre du capital ne sont pour l’heure que des interrogations et des hypothèses.

Les restructurations du mode de production capitaliste ne suivent jamais un plan, mais se construisent dans les affrontements internes de la classe capitaliste mondiale et par-dessus tout dans l’affrontement avec le prolétariat. La fraction de la classe capitaliste pouvant s’imposer aux autres et créer une hiérarchie vivable pour l’ensemble de la classe mondiale est celle qui résout et reconfigure le rapport d’exploitation. Les luttes internes à la classe capitaliste nationalement et mondialement, jusqu’à la guerre qui n’en n’est que la poursuite, n’ont de sens que de trouver la meilleure solution de renouvellement de l’exploitation pour l’ensemble du capital.

Poutine n’est pas seul

            « Si une nation fait preuve durant des siècles de sa volonté d’exister et de se constituer en entité étatique, toutes les tentatives visant à étouffer d’une manière ou d’une autre un tel développement ne pourront qu’introduire une dimension chaotique dans le processus d’ensemble de l’histoire universelle. » (M.Khvylovy, cité par Zbigniew Kowalewski, L’Ukraine, réveil d’un peuple, reprise d’une mémoire, Revue Hérodote, Les Marches de la Russie, 1989)[2]

Crise de la mondialisation américaine : cette crise se fixe au niveau mondial sur deux kystes principaux : la Russie et la Chine et, sur un troisième, au niveau régional : l’Iran. Il faut remarquer que dans ces trois cas, l’Etat domine l’économie et n’a pas accédé à l’existence d’Etat séparé. En Russie, l’Etat n’est pas l’Etat de la classe capitaliste, son conseil d’administration général, mais c’est la classe capitaliste (les oligarques) qui est la classe capitaliste de l’Etat. La bureaucratie soviétique n’a pas encore achevé, même après l’effondrement de l’URSS, sa longue marche qui la mène à être une classe capitaliste ordinaire débarrassée de ses origines révolutionnaires. En ce qui concerne l’Union européenne, pour les Etats-Unis et la Russie, il s’agit seulement d’en entretenir les divisions elle n’est plus un enjeu central ou un rival potentiel même si elle joue un rôle important dans la guerre en Ukraine. Cela d’abord par la continuité territoriale qu’elle offre à l’Ukraine avec le transit de l’aide militaire, mais aussi de par les dissensions politiques internes entre Etats et à l’intérieur des Etats, que la guerre a soudain mises en évidence en ce qui concerne la relation à la Russie. La perte de centralité géopolitique tient dans le moment présent à son incapacité à être une puissance unique, mais la question géopolitique relève de ce qu’elle ne représente aucun terme de la contradiction à surmonter. Ni grande puissance souveraine, ni fer de lance de la mondialisation, ni l’une ni l’autre car l’U.E est demeurée à mi-chemin dans la restructuration de l’exploitation initiée dans les années 1970, malgré tous les efforts des Sarkozy, Hollande, Macron, Schröder, Major, Johnson (sans remonter à Thatcher …).

Mais si cette crise se cristallise dans l’affrontement de l’ « Occident » avec ces deux kystes, c’est d’abord parce que cette mondialisation est devenue contre-productive pour elle-même : ses propres limites et contradictions sont face à elle dans son rapport à ce qui, dans la crise, émerge et se constitue comme son Autre. L’ « Occident » et la Russie n’avaient aucune essence intérieure les amenant à se définir comme pôle d’une même contradiction de la mondialisation telle qu’existante, tout au plus certaines prédispositions relevant de leur position hiérarchique dans le système, c’est la relation entre les termes de la contradiction qui graduellement produit sa cristallisation et confère à chaque terme une existence nationale par laquelle la contradiction devient géopolitique.

Dans l’affrontement Etats-Unis (Occident) / Russie mais aussi Iran, Turquie, etc. ; Chine, encore à un autre niveau, se jouent les solutions possibles à la reconfiguration mondiale de l’exploitation. Aucun Etat (aucun protagoniste) ne représente un seul terme mais en chacun un terme joue le rôle de dominante de la relation.

La crise actuelle a révélé l’identité absolue entre la suraccumulation du capital et la sous-consommation ouvrière comme processus général des crises de ce mode de production. La pauvreté est devenue un problème. Si cette crise a pu revêtir la forme de cette identité et la révéler, c’est que la reproduction de la force de travail avait été l’objet, comme nous l’avons dit, d’une double déconnexion. D’une part déconnexion entre la valorisation du capital et la reproduction de la force de travail, d’autre part, déconnexion entre la consommation ouvrière et le salaire comme revenu.

Les questions sont maintenant sur la table : la nature de l’Etat ; la relation entre valorisation du capital et reproduction de la force de travail ; les modes de mobilisation de cette force de travail par le capital ; les modalités du rapport salarial dans les relations entre emploi / chômage / précarité ; les relations entre salaire / revenu / crédit. La baisse du taux de profit est toujours conjoncturelle, circonstanciée, déterminée, tant historiquement que localement.

A un tout autre niveau d’échelle et de conflictualité que la guerre en cours en Ukraine avec l’affrontement direct et global entre les termes en jeu dans la faillite de la mondialisation, en Grèce, après les émeutes de 2008, la lutte des classes mettait déjà à jour, dans les modalités spécifiques à la Grèce, les contradictions et impasses du mode de valorisation et d’accumulation du capital qui venait d’entrer en crise.

Les termes des contradictions que l’on pouvait, en Grèce, caricaturer d’un côté comme la préservation du système financier et, de l’autre, comme la reproduction de la force de travail par le capital même, n’étaient que des moments morts, chaque terme n’avait qu’à reprocher à l’autre d’être ce qu’il était. Chacun restait enfermé dans les termes mêmes de la crise et répétait sans fin son rôle particulier. La relation de Syriza aux institutions européennes avait cependant formalisé les contradictions spécifiques de la crise actuelle. Au nom du mode de production capitaliste, Tsipras avait dit à Draghi que ça ne pouvait plus marcher. C’est en ce sens et en ce sens seulement que l’affrontement de six mois entre la « gauche radicale populiste » et les sages et vénérables institutions cravatées de Bruxelles, Francfort et Washington était un affrontement réel. Les contradictions étaient là, exprimées, les termes polarisés, mais sans une confrontation massive avec le prolétariat ils sont sans vie, condamnés à se caricaturer eux-mêmes. Les termes n’étaient reflétés que dans un seul de ses pôles, le capital, et ne manifestaient que l’apparition du problème.

De même, la guerre en Ukraine signifie que les questions sont toujours là mais qu’elles ont changé d’échelle, que les métastases sont mondiales et que, pour l’heure, aucune solution capitaliste ne peut unifier la résolution aux problèmes posés. L’histoire est faite de moments, de situations, d’événements qui synthétisent des contradictions qui jusque-là menaient leur vie propre. Les contradictions ne perdent pas leur spécificité mais elles se rencontrent, s’interpénètrent. L’invasion russe en Ukraine est cette sorte d’événements. Le principe est unique, c’est la crise de la mondialisation comme fondamentalement crise de la déconnexion, mais les manifestations sont multiples chacune dans leur ordre, leurs caractéristiques et dimensions propres. Tout se coagule : lutte des classes, crise politique de la politique, affrontements géopolitiques.

Ce qui est en jeu depuis 2008, c’est une reconfiguration de la mondialisation passant par les Etats et leur organisation nationale d’existence et d’influence. Nous vivons un « moment national » nécessaire, ce n’est pas la « solution », c’est un moment de la crise et seulement une indication de la perspective. Il faudra en passer « momentanément ( ?) » par le renforcement des Etats ou des blocs étatiques, d’où pour la Russie l’importance de l’Ukraine sans qui elle n’est pas un Etat économiquement, politiquement, idéologiquement. Sans l’Ukraine la Russie n’existe pas en tant qu’Etat et n’a jamais existé[3]. Pour peser et jouer son rôle dans la reconfiguration de la mondialisation dont elle représente maintenant un des pôles de blocage aussi bien géopolitiquement que structurellement (conceptuellement), la Russie doit échapper à la malédiction de l’Etat rentier tout en préservant l’essentiel de son approvisionnement en devises et l’alimentation de son budget. Equation difficile, si ce n’est impossible à résoudre si ce n’est en pesant de tout son poids militaire (mais comme disait Napoléon : « On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’y asseoir dessus »).

Il faut longuement citer Thomas Gomart (directeur de l’Institut français des relations internationales – IFRI -) qui trace un panorama pertinent du grand jeu mondial actuel que la violence accélère.

« C’est une crise pivot pour le système international car elle percute l’équilibre des forces à l’échelle non seulement de l’Europe, mais aussi de l’Eurasie qui va de Brest à Vladivostok. Pour la Russie, l’Ukraine est un théâtre parmi d’autres. Le cycle des interventions occidentales s’est achevé à Kaboul en août 2021 avec la déroute américaine. Au Conseil de sécurité, l’action de la Russie n’est condamnée ni par la Chine,  ni par l’Inde, ni par les Emirats arabes unis. Notons au passage que ces deux pays sont les “partenaires stratégiques” de la France dans la région Indo-Pacifique. Plus profondément, le rapprochement entre la Chine et la Russie ne peut que s’accélérer à mesure de la mise en œuvre des sanctions occidentales à l’encontre de Moscou. En voulant annexer l’Ukraine, la Russie a un besoin de plus en plus évident de la Chine, comme alternative économique, financière et technologique. La nouvelle phase est ouverte par une guerre d’invasion européenne, tristement classique, mais annonce sans doute des coalitions géoéconomiques en concurrence, ainsi qu’une réorganisation mondiale des flux maritimes, financiers et des données.

« Il y a une accélération de la lutte pour la suprématie mondiale entre les Etats-Unis et la Chine. Grâce à la Russie, cette dernière peut obliger Washington à avoir deux fronts ouverts : mer de Chine et mer Noire-mer Baltique. (…) A l’époque de la guerre froide, les économies du bloc socialiste et des pays capitalistes n’avaient que peu de relations. Aujourd’hui, elles sont intensément connectées en premier lieu avec la Chine mais aussi avec la Russie. D’où l’importance du contrôle des bordures maritimes de cet ensemble continental. La plus grande tension s’exerce à la jointure entre l’Europe et la zone entre la mer Baltique et la mer Noire (pays baltes, Moldavie, Ukraine, Géorgie) limitrophe de la Russie. Coté Pacifique, ce sont la mer de Chine, Taïwan, les Corées, le Japon qui sont la zone de friction. (…) L’enjeu, c’est la maîtrise de l’appareil productif mondial dans un contexte d’accentuation des contraintes environnementales et d’accélération de la mise en données du monde. » (Le Monde daté du 3 mars 2022).

L’analyse est exacte mais sans principes. Ce qui « percute l’équilibre des forces » ce sont les termes du blocage de l’accumulation à l’échelle mondiale. Tout est dit dans ces quelques lignes sauf la contradiction de la mondialisation comme  totalité qui fait que la chose existe et particularise nationalement ses termes. Les termes de l’affrontement ne sont pas sui generis, c’est par la nature de la totalité que les termes sont particularisés. A l’intérieur de la crise de la mondialisation américaine, la réalité westphalienne des relations entre Etat revient, mais seulement comme moment de la crise interne de la mondialisation. Contrairement aux confrontations westphaliennes, c’est maintenant la totalité qui est première et se polarise nationalement tout en traversant chacun de ses pôles. Tout est redéfini : « l’illibéralisme » de la Hongrie de Orban et de la Pologne a reçu son absolution, il n’y a plus d’oligarques en Ukraine, les milices « fascistes » de Maïdan en 2014 se sont muées en glorieuses auto-organisations défensives patriotiques et le bouffon télévisuel en icône de la démocratie, même Israël, l’Etat de la colonisation sans complexe et de l’apartheid institutionnel, celui qui cumule le plus de condamnations onusiennes est promu au rang de « médiateur ».

Sans que le résultat soit prédéterminé, ce qui apparaît comme certain c’est que tout Etat, en tant que représentant général de sa classe capitaliste, qui veut jouer un rôle dans la reconfiguration à venir de la mondialisation, doit se constituer en grande puissance souveraine sur un espace national à la reproduction relativement cohérente, même si la reconfiguration de la mondialisation ne pourra pas être le retour de l’internationalisation mais un mix encore indéterminable qui devra reconnecter, pas forcément nationalement, la valorisation du capital et la reproduction de la force de travail. Depuis 2004 et l’élargissement de l’Otan aux frontières de la Russie (qui suit l’intervention unilatérale des Etats-Unis en Irak), puis 2008 avec l’annexion d’une partie de la Géorgie, la Russie joue ainsi sa place dans cette reconfiguration. Pour reprendre la terminologie de Clausewitz, ce jeu est fait d’engagements multiples[4]. Que ce soit en Syrie, en Lybie, dans de nombreux pays sahéliens, dans la confrontation avec l’Otan à ses frontières (nous ne chercherons pas à savoir qui a commencé à ne pas tenir ses engagements), que ce soit avec l’annexion de la Crimée, l’intervention policière en Biélorussie, puis militaire au Kazakhstan, la reconnaissance des républiques séparatistes de l’Est ukrainien, le maintien d’une guerre larvée dans l’ensemble du Donbass et maintenant l’invasion de l’Ukraine, dans les engagements multiples, l’objectif final est un objectif politique. Cet objectif  est lié à une telle quantité de conditions et de considérations que l’objectif ne peut plus être atteint grâce à un seul acte de grande envergure, mais seulement par un grand nombre d’actes plus ou moins important qui constituent un tout. Chacun de ces engagements particuliers est une partie d’un ensemble et comporte un objectif spécial qui le rattache à cet ensemble. Les engagements particuliers ne sont connaissables qu’à partir des causes communes dont ils surgissent.

            L’invasion de l’Ukraine n’est qu’un engagement particulier, mais qui représente, pour continuer à parler comme Clausewitz : le « point culminant de l’offensive ». Mais « l’offensive » est un affaiblissement continu de l’adversaire au fur et à mesure qu’il progresse, chaque avance l’éloigne de ses bases, la « forme défensive de la guerre » est par elle-même plus forte que la « forme offensive » : « La défensive est la forme la plus forte de la conduite de la guerre » (Clausewitz, op.cit., p.400-401). L’invasion de l’Ukraine est ce « point culminant », au premier abord, sur le terrain militaire, avec le piétinement de l’armée russe, mais avant tout et surtout par rapport au but politique. « Point culminant de l’offensive » au travers des « engagements multiples » dans la recherche du but politique : être un terme face à l’Occident de la cristallisation des pôles de la contradiction dans laquelle s’est enlisée la mondialisation et par là jouer dans le grand jeu de sa reconfiguration. De quelque façon que ce soit la Russie sera perdante ; elle ne vassalisera qu’un territoire détruit et vidé d’un quart de sa population.

L’Occident a parié sur la stratégie non du recul tactique (Koutousov face à Napoléon ; Mac Arthur face aux Russes puis aux Chinois en Corée ; de nombreux exemples montrent que cette stratégie n’a pas forcément besoin de la profondeur de l’espace russe) mais du « recul politique » : laissez faire. Avec les déclarations préalablement apaisantes de Biden, Macron, du secrétaire général de l’Otan, l’Occident « a attiré » (guillemets, car ce ne fut pas bien difficile : quand on veut faire tomber quelqu’un, il faut le pousser du côté où déjà il penche) la Russie dans un piège non pas « mortel » (surtout pas) mais anémiant, dévitalisant[5]. Dans tous les Parlements on ovationne debout Zelinsky en visioconférence, on copie même ses sweat kaki à capuche, mais il sait qu’il n’est qu’un pion et il est très rare qu’un pion arrive à reine avant qu’un fou ou une tour ne l’avalent, parfois un cheval en embuscade. De façon unanime, avant d’applaudir sa « résistance » (maintenue avec soins à l’intérieur de certaines limites[6]), tous les dirigeants occidentaux ont fait pression sur l’Ukraine pour qu’elle accepte les accords de Minsk (2014) qui prévoyaient une révision de la constitution et la représentation des régions sécessionnistes. L’Occident vise l’instauration d’une sorte de « pat » épuisant pour la Russie et à la durée incertaine, les Ukrainiens, quant à eux et elles, devenant une sorte de somme de dommages collatéraux. La réalisation de l’objectif, au départ « limité » (l’Ukraine), n’a maintenant, pour la Russie, aucune chance de « réussite » sans toucher aux Etats Baltes et/ou à la Pologne. Plus l’ennemi s’avance plus il perd ses bases, plus son but politique doit s’élargir jusqu’à l’amener à des positions qui n’étaient pas les siennes et qu’il ne peut soutenir et assumer. La Russie ne peut plus qu’espérer et attendre la bouée chinoise mais, comme dans toute alliance, celui qui la domine adore ses comparses surtout lorsqu’ils sont affaiblis (la Chine avait de très bonnes relations avec l’Ukraine, Le Monde du 1/3/22).

On connait la fameuse formule de Clausewitz : « La guerre c’est la politique poursuivie par d’autres moyens », cette formule n’est pas exactement celle du texte : « On sait  évidemment que seuls les rapports politiques entre gouvernements et nations engendrent la guerre (Clausewitz demeure dans une conception Westphalienne de la guerre bien que, au passage, il signale quelque part qu’on ne peut réussir et maintenir l’occupation d’une nation que si la puissance occupante a un écho dans les conflits internes à la nation occupée, nda), mais on se figure généralement que ces rapports cessent avec la guerre et qu’une situation toute différente, soumise à ses propres lois et à elles seules s’établit alors. Nous affirmons au contraire : la guerre n’est rien d’autre que la continuation des relations politiques, avec l’appoint d’autres moyens. Nous disons que de nouveaux moyens s’y ajoutent, pour affirmer du même coup que la guerre elle-même ne fait pas cesser ces relations politiques, qu’elle ne les transforme pas en quelque chose de tout à fait différent, mais que celles-ci continuent à exister dans leur essence, quelque que soient les moyens dont elles se servent, et que les fils principaux qui courent à travers les événements de guerre et auxquels elles se rattachent ne sont que des linéaments d’une politique qui se poursuit à travers la guerre jusqu’à la paix. » (Clausewitz, op.cit., p.703). La logique interne de la politique pour Clausewitz (1780-1831) c’est le dépassement, la résorption, des conflits tels qu’engendrés par les rapports sociaux de la « société civile », la politique résout une conflictualité dont elle est toujours tributaire. Il est à tous égards un contemporain de Hegel même si sa dialectique entre le « concept pur de la guerre » et la « guerre réelle » (les deux parties de De la Guerre) n’a rien à voir avec l’autoréalisation hégélienne du concept mais se réfère plutôt, avec Machiavel, à la recherche circonstancielle de la réalisation d’une nécessité dans les aléas des conjonctures.

            La guerre représente le moment suprême des conflits, leur paroxysme, sans toutefois être d’une autre nature qu’eux : moment décisif de la totalité des conflits sociaux, politiques, économiques, culturels, idéologiques, y compris en étant une réécriture de la lutte des classes dont elle provient, la guerre les rassemble dans « l’élément de rupture » (Clausewitz) de la violence organisée.

Les choses seraient très simples si les conflits et les guerres exprimaient directement les contradictions en jeu dans l’accumulation du capital et dans le mode de production en général. Mais tout cela n’existe qu’au travers de toutes les médiations de la reproduction du capital dont ses structures nationales et leur histoire. Les Etats existent comme nécessaires dans le mode de production capitaliste dans la genèse duquel ils se sont constitués (XVIIème et XVIIIème siècles jusqu’à ce que l’Angleterre synthétise tous les éléments de la genèse du capital comme mode de production – voir Marx, Le Capital, éd.Sociales, t.3, p.193). Les Etats, en tant que tels, poursuivent leurs buts propres et cette poursuite appartient entièrement à la reproduction et aux restructurations du mode de production capitaliste qui n’est pas une entité se reproduisant sans toutes ses déterminations qui ne sont pas des autodéterminations du concept mais qui font que les choses existent en réalité.

On peut toujours dire, et ce n’est pas faux, que les prolétaires n’ont pas à choisir leurs exploiteurs et, de toute façon, ils n’en ont pas le choix. Mais, comme n’importe qui, ils vivent, existent, et sont produits dans ce mode de production qui les définit, et ils pensent, agissent selon l’ensemble des rapports sociaux qui les définissent. Il se peut que, de par leur situation particulière dans ces rapports sociaux, ils se trouvent engagés dans une conjoncture qui les amènent à les abolir et qu’eux seuls soient dans cette situation. Mais, actuellement, si la « restructuration » ne peut passer que par la lutte des classes, le capital, dans la contradiction telle qu’elle se présente, a déjà comme préempté sous la forme nation (souveraineté, populisme, citoyenneté), la « politique » du prolétariat. Les dés sont pipés et les boules farcies.

La crise de la mondialisation se mue partout (centre et périphérie) en crise politique (on ne peut pas laisser cela de côté en disant ce qui compte c’est les intérêts économiques car ces derniers ont une « forme »). Dans le capital restructuré, à la base de cette crise politique, il y a la disparition de l’identité ouvrière qui a totalement déstabilisé l’ensemble du fonctionnement politique de l’Etat démocratique consubstantiel à la reconnaissance d’un clivage social réel et à sa pacification. Actuellement, la lutte des classes (englobant les surnuméraires centraux et périphériques) est marquée par le partage entre nation et globalisation sous la forme d’un clivage socio-politique dont le thème des inégalités et de la légitimité de l’Etat est devenu le cœur. La crise de la mondialisation passe, pour l’instant, par les mouvements populaires plus ou moins nationalistes sur les thèmes de la répartition du revenu, de la souveraineté nationale, de la famille, des valeurs, de la citoyenneté.

En ce qui concerne plus précisément l’Ukraine, ceux qui considèrent le nationalisme comme simplement un dévoiement ou une manipulation de la classe ouvrière ne considèrent pas celle-ci comme une classe de ce mode de production mais comme étant par essence conforme, même avec des « occultations » contingentes, à son « devoir-être ». « Devoir-être » dont ils sont, c’est leur raison d’être, les représentants permanents, invariants mais toujours frustrés jusqu’à la prochaine.

La Russie s’est trouvée à représenter idéologiquement, politiquement, culturellement et, dans l’affirmation de sa confrontation avec l’Occident, le pôle de l’exigence de souveraineté nationale face à la mondialisation occidentale, jusqu’à prévoir et anticiper une fragile réorganisation de ses productions, de ses réserves de change, de son système de paiements de façon indépendante. Ce qui lui vaut de cristalliser des amitiés multiples et diverses dans le monde entier. Poutine n’est pas seul, il représente de façon de plus en plus unilatérale un pôle de la contradiction à surmonter. Le 28 janvier, à Madrid, les partis souverainistes et d’extrême droite se réunissent, il y a là Marine Le Pen, mais aussi Victor Orban, le Premier ministre Tchèque et le Premier ministre polonais qui est le seul explicitement critique vis-à-vis de la Russie. On connaît toutes les câlineries des Chevènement, Mélenchon, Salvini, Bepe Grillo, Schröder, Zemmour, Le Pen (qui n’a pas fini de rembourser l’emprunt russe), Vox en Espagne, l’AFD en Allemagne etc., etc. vis-à-vis de Poutine, mais il faut y ajouter, aux Etats-Unis mêmes, celles de Trump encore récemment et d’un présentateur vedette de Fox News. Momentanément, nous ne profiterons plus des magnifiques expositions de la Fondation Louis Vuitton dont Bernard Arnault, grâce à ses investissements oligarchiques et ses amitiés sur fond de Château Yquem, nous régalait à partir des réserves des collectionneurs russes. Mais, foin de Château Yquem, Macron nous a prévenu que pour la « défense de nos valeurs » il allait falloir se serrer la ceinture et faire de la trottinette.

R.S

23 mars 2022

[1] « La soumission (le terme de « soumission » est celui retenu dans la traduction Dangeville, nda) réelle du travail au capital s’accompagne d’une révolution complète (qui se poursuit et se renouvelle constamment, cf. le Manifeste communiste) du mode de production, de la productivité du travail et des rapports entre capitalistes et ouvriers. » (Marx, Un Chapitre inédit du Capital, éd. 10/18, p.218).

[2] M.Khvylovy était un écrivain et militant bolchévique ukrainien depuis 1917, il se suicide en 1933.

[3] Nous ne nous étendrons pas ici sur l’histoire millénaire des relations, toujours conflictuelles et toujours imbriquées entre l’Ukraine et la Russie durant laquelle l’une domine l’autre avant que l’autre domine l’une. Il est « amusant » de rappeler que le terme de Russie vient du grec (Byzance) Rossiia par lequel était désigné l’Etat ruthène formé au Xème s. autour de Kiev. Après la conquête de la Ruthénie par la Lituanie (XIVéme s.), les princes de Moscou reprennent à leur compte le terme et l’ancienne Ruthénie est progressivement appelée Ukraine ce qui signifie « les confins ». Ajoutons que les relations imposées par la Russie à l’Ukraine durant toute la période soviétique forge, à partir de motivations différentes, un fort intérêt national commun au-delà des clivages de classes (voir Hérodote, op. cit). Enfin, un petit clin d’œil à Makhno qui, lors de son entrevue avec Lénine (juillet 1918), à propos des « anarchistes-communistes d’Ukraine », ajoute à l’adresse de Lénine : « ou du “sud de la Russie”, puisque vous, communistes-bolchéviks, vous efforcez d’éviter le mot Ukraine » (Makhno, Mémoires, cité in Ni Dieu ni maître, éd. de Delphes, p.460).

[4] Nous reprenons dans ce paragraphe certains thèmes du chapitre L’engagement en général dans Clausewitz De la Guerre, éd. de Minuit 1998, pp.242-243.

[5] Fin janvier 2022, l’Allemagne refuse encore de livrer des armes à l’Ukraine

[6] Une intervention aérienne conventionnelle de l’Otan au-dessus de l’Ukraine aurait transféré à la Russie l’option du passage impossible au nucléaire. Mais ce n’était pas du tout la stratégie occidentale du « recul défensif » politique. On pourrait dire que l’existence de l’armement stratégique nucléaire entérine et donne une existence matérielle à la dialectique clauswitzienne entre le « concept pur » de la guerre (anéantissement de l’ennemi) et la « guerre réelle » (poursuite de la politique).

UCRANIA 2022 (Roland Simon)

 

“La caída del régimen soviético provocaría infaliblemente la de la economía planificada y, por tanto, la liquidación de la propiedad estatalizada. El lazo obligado entre los trusts y las fábricas en el seno de los primeros, se rompería. Las empresas más favorecidas serían abandonadas a sí mismas. Podrían transformarse en sociedades por acciones o adoptar cualquier otra forma transitoria de propiedad, tal como la participación de los obreros en los beneficios. Los koljoses se disgregarían al mismo tiempo, y con mayor facilidad. La caída de la dictadura burocrática actual, sin que fuera reemplazada por un nuevo poder socialista, anunciaría, también, el regreso al sistema capitalista con una baja catastrófica de la economía y de la cultura”. (Trotski, La revolución traicionada, Fundación Federico Engels 2001, p.187).

La invasión rusa de Ucrania no es una guerra mundial, sino que es una guerra a nivel mundial.

 

En la crisis, la reestructuración ha dejado de funcionar

 

Cada fase del modo de producción capitalista incluye su forma militar, la relación de explotación como lucha de clases es tanto económica como política y militar. En la subsunción real del trabajo bajo el capital, todas las guerras no sólo oponen a dos enemigos que persiguen objetivos antagónicos, sino sobre todo a dos enemigos constituidos y construidos por la polarización de una misma contradicción, cada uno de los cuales representa un polo y cada uno conlleva en sí mismo la existencia y la necesidad del otro.

Actualmente, desde la crisis de 2008, la del modo de producción tal como se reestructuró en los años 1970-1980, la contradicción a resolver globalmente es aquella de la desconexión entre la valorización del capital y la reproducción de la fuerza de trabajo que fue el principio mismo de la globalización de la acumulación. Hace falta rearticular mundialmente la acumulación de capital y la reproducción de la fuerza de trabajo global. No se puede retornar hacia las formas de acumulación nacional o incluso de bloques. En el enfrentamiento entre Estados Unidos, la Unión Europea, China y Rusia, la cuestión es saber qué bloque, a través de las rivalidades y alianzas entre estas cuatro potencias, podrá imponer un modelo jerárquico pero mundialmente soportable para los “vencidos”.

El capital no produce jamás por sí mismo soluciones a sus contradicciones, ni en la mera confrontación competitiva entre potencias. En los fundamentos siempre está la explotación que hace que este enfrentamiento tenga sentido sólo a través de la confrontación con el proletariado. Es la lucha de clases derrotada y las modalidades e “invenciones sociales” necesarias para vencerla las que perfilan las características de una reestructuración. La subsunción real está siempre en proceso[1]. Pero, de momento, ni Estados Unidos, ni Rusia, ni China, ni Europa representan una reestructuración futura, lo que está en juego, hasta la guerra entre estas potencias, es sólo la existencia manifiesta de la contradicción a resolver y la contradicción las atraviesa, reproduciendo sus términos en cada una de ellas. Para todas, la contradicción se encuentra en la naturaleza del Estado y en la relación entre la valorización y la reproducción de la fuerza de trabajo a escala mundial. Pero la reestructuración ha dejado de funcionar.

Si la cuestión se plantea hoy con tanta violencia, es porque hemos llegado al límite de todos los “cueste lo que cueste” y de todas las “generosidades” de los Bancos Centrales. En la crisis de 2008, la desconexión de la dinámica de la globalización se convirtió en su obstáculo, los sectores I y II[2] de la reproducción ya no se articulan, la crisis de sobreacumulación se volvió idéntica a la crisis de subconsumo, el equilibrio de subinversión que había mantenido la tasa de ganancia se derrumba en la mala gestión monetaria y la inflación refuerza la desconexión. Si consideramos la desconexión como la esencia y la dinámica de la globalización en los últimos treinta años, entonces es un mundo que ha entrado en crisis y debe renovarse. Este mundo era aquel de la globalización americana.

 

La crisis de la globalización americana

Este mundo, por la naturaleza del capital reestructurado como fluidez de la reproducción en función de la extracción de plusvalía bajo su modalidad relativa, fue necesariamente globalizado. Esto se confirmó en 1990 con el colapso de la URSS y el bloque del Este. La desnacionalización de los Estados centrales y el fin de la internacionalización, es decir, de las relaciones entre “sistemas nacionales integrados”, fue también el fin de la identidad obrera de la que la URSS era la representación estatal y geopolítica: es decir, la cristalización de una estructura mundial de la lucha de clases (independientemente de lo que pensemos de ella).

Al separar la valorización y la circulación del capital de la reproducción de la fuerza de trabajo, la globalización fragmentó los ámbitos de reproducción coherente en delimitaciones nacionales y regionales. Esta ruptura creó un desorden mundial que tuvo que ser continuamente regulado por la violencia, y que equiparaba las operaciones militares con las operaciones policiales. A partir de la desaparición de la URSS, la regulación estadounidense del desorden ha sido su gestión permanente, indiferente a una conformación estable de lo social. Estados Unidos no buscaba conquistar el mundo, sino regular el desorden mediante un sistema distinto al de la competencia entre Estados. Esto a menudo se tradujo en masacres selectivas como actos reguladores con el fin de la distinción entre guerra y paz, una distinción que presuponía una gestión local de la “paz social”. Era la “guerra global contra el terrorismo”: global y, por naturaleza, interminable.

“Idealmente” los Estados no debían ser más que simples gobernadores de provincias. Los jefes de guerra autónomos locales estaban autorizados para librar algunas guerras locales de conquista, reconquista o balcanización (ex-Yugoslavia, Cáucaso, Oriente Próximo y Medio —incluyendo Israel—, Colombia, América Central, México, Indonesia) con, ocasionalmente una alianza con todo tipo de redes mafiosas, la única rama mundial del capital que maneja tanto el capital financiero como la violencia local permanente.

“Idealmente”, la violencia debía ser la continuación de la economía por otros medios, sin mediaciones políticas, salvo diversos grados de intervenciones “relámpago”, “misiones pacificadoras forzadas”, misiones policiales, misiones humanitarias (favoreciendo la consolidación de una economía de mercado). En todos los casos, no hubo negociaciones para establecer una “vida soportable para los vencidos”. Localmente, podían constituirse sub-sistemas de conflicto complejos (múltiples adversarios) que no requerían la intervención del “líder”.

“Idealmente”, se trataba de afirmar a-priori el globalismo de los intereses estadounidenses deconstruyendo las soberanías nacionales y las lógicas de la vecindad territorial, de recomponer los elementos productivos, nacionales, políticos, religiosos o ideológicos en ramas funcionales transnacionales sobre las que se ejercía el “liderazgo natural” de Estados Unidos; esto también se aplicaba a la Unión Europea. Por ello, se trataba de eliminar a los Estados o movimientos sociales, guerrillas hostiles o aquellos que bloqueaban el mercado, el flujo de mercancías y capitales, y la “liberación” de la mano de obra. Por un lado, la globalización económica y militar, regulada por los Estados Unidos desde finales de los años 80, fue una “balcanización” mediante la destrucción de todas las soberanías o regulaciones nacionales, y, por otro lado, una forma de “desbalcanización”, de reunificación de este mundo a través de la construcción de espacios económicos unificados según lógicas no-soberanas. La globalización estadounidense ha combinado dos estrategias: la “expansión clintoniana” y la “guetización civilizatoria” de la derecha republicana.

Para Estados Unidos, se trataba también de abandonar las alianzas con una territorialidad definida, era el momento de la “obsolescencia de la OTAN” y de la asociación con Rusia. La OTAN se convirtió en una nueva alianza ofensiva contra las probabilidades de inseguridad, sin una zona predeterminada. No se trataba de una alianza de Estados Unidos con el “Estado soberano ruso”, era Rusia y sus alrededores los que se habían convertido en una “frontera de expansión” en el sentido estadounidense de “frontera”. En términos del acuerdo: “La OTAN ayuda militarmente la democratización y extensión de la economía capitalista liberal en Rusia y su periferia”.

Hasta que el “ideal” se derrumbó en Irak y Afganistán en la ineludible necesidad de la intervención terrestre seguida de ocupaciones. En los países árabes de la zona mediterránea, las revueltas proletarias e interclasistas significaron la quiebra de una clase capitalista construida como una oligarquía clientelar que se fusionaba con los aparatos represivos del Estado, metamorfoseando en actividades productoras de renta cualquier producción o servicio que pudiera entrar en el flujo de la valorización mundial del capital. En zonas enteras como Asia Central, América Central o África, la burguesía, la burocracia, las mafias, la policía y el ejército se hacían de los monopolios, gestionando las inversiones extranjeras y las actividades que podían articularse con la valorización global y creando una brecha constante entre la masa de mano de obra liberada disponible y su absorción como fuerza de trabajo.

Un modo de explotación de la fuerza de trabajo a escala mundial, de valorización del capital, se ha quedado sin aliento y se hunde en su exacerbación.

La identidad, en la crisis actual, entre una crisis de sobreacumulación y de subconsumo significa que la desconexión entre valorización del capital y reproducción de la fuerza de trabajo se ha convertido en un problema. En esta identidad de crisis, la desconexión que fue funcional en una fase del modo de producción se vuelve contradictoria con su propia continuidad. Esto es tanto a nivel de la arquitectura global de realización que convierte a los EE.UU. en el consumidor de última instancia, como a nivel, igualmente y quizás más importante para el futuro, del desarrollo “nacional” de los “capitalismos emergentes”.

La relación entre economía y violencia había sido simplificada por la creación de los Estados-nación del siglo XVII al XIX y luego por la bipolaridad Este/Oeste, durante la primera fase de la subsunción real. La gestión estadounidense del desorden de la globalización, que consiste en deconstruir las soberanías nacionales y las lógicas de vecindad, ha generado una situación proliferante, incontrolable y entrópica.

Toda la geografía de la reproducción mundial del capital y su zonificación en el abismo se está desmoronando. Lo que antes era un sistema ya no lo es: la austeridad, el descenso de los salarios por debajo del valor de la fuerza de trabajo ya no alimentan las asignaciones sobre una futura valorización del capital financiarizado, que se alimenta de la “impresión de dinero”. No vamos a retroceder, pero la globalización puede tomar otro giro indefinible en este momento y que sólo podría estar en función de nuevas modalidades de valorización, es decir, de la relación de explotación.

Esta desconexión era un sistema mundial. En el desmoronamiento de este sistema (una situación caótica en donde el caos ya no está regulado) surge la necesidad de una reconfiguración del ciclo mundial del capital que sustituya a la actual globalización. Una renacionalización de las economías que supere/conserve la globalización, una desfinanciarización del capital productivo, nuevas modalidades de integración de la reproducción de la fuerza de trabajo en el ciclo propio del capital son por el momento sólo interrogantes e hipótesis.

Las reestructuraciones del modo de producción capitalista nunca siguen un plan, sino que se construyen en las confrontaciones internas de la clase capitalista mundial y sobre todo en la confrontación con el proletariado. La fracción de la clase capitalista que puede imponerse a las demás y crear una jerarquía soportable para el conjunto de la clase mundial es la que resuelve y reconfigura la relación de explotación. Las luchas internas de la clase capitalista a nivel nacional y mundial, hasta la guerra que no es más que su continuación, no tienen otro sentido que el de encontrar la mejor solución de renovación de la explotación para el conjunto del capital.

Putin no está solo

 

“Si una nación demuestra durante siglos su voluntad de existir y constituirse en entidad estatal, todos los intentos de sofocar de un modo u otro tal desarrollo sólo conseguirán introducir una dimensión caótica en el proceso general de la historia universal”. (M.Khvylovy, citado por Zbigniew Kowalewski, L’Ukraine, réveil d’un peuple, reprise d’une mémoire, Revue Hérodote, Les Marches de la Russie, 1989)[3].

Crisis de la globalización americana: esta crisis se asienta, a nivel mundial, sobre dos quistes principales: Rusia y China, y sobre un tercero, a nivel regional: Irán. Hay que señalar que, en los tres casos, el Estado domina la economía y no ha conseguido la existencia de un Estado separado. En Rusia, el Estado no es el Estado de la clase capitalista, su consejo de administración general, sino que la clase capitalista (los oligarcas) es la clase capitalista del Estado. La burocracia soviética aún no ha concluido, incluso después del colapso de la URSS, su larga marcha para convertirse en una clase capitalista ordinaria liberada de sus orígenes revolucionarios. En lo que respecta a la Unión Europea, para Estados Unidos y Rusia sólo se trata de mantener sus divisiones: ya no es un asunto central ni un rival potencial, aunque desempeñe un papel importante en la guerra de Ucrania. En primer lugar, por la continuidad territorial que ofrece a Ucrania con el tránsito de la ayuda militar, pero también por las disensiones políticas internas entre los Estados y en el interior de los mismos, que la guerra ha puesto repentinamente de manifiesto en lo que respecta a su relación con Rusia. La pérdida de centralidad geopolítica en el momento presente se debe a su incapacidad para ser una potencia única, pero la cuestión geopolítica consiste en que no representa ningún término de la contradicción a superar. Ni gran potencia soberana ni punta de lanza de la globalización, ni lo uno ni lo otro, porque la UE se ha quedado a medio camino en la reestructuración de la explotación iniciada en los años 70, a pesar de todos los esfuerzos de Sarkozy, Hollande, Macron, Schröder, Major y Johnson (sin remontarse a Thatcher…).

Pero si esta crisis se cristaliza en la confrontación de “Occidente” con estos dos quistes, es en primer lugar porque esta globalización se ha vuelto contraproducente para sí misma: sus propios límites y contradicciones la enfrentan en su relación con lo que, en la crisis, emerge y se constituye como su Otro. “Occidente” y Rusia no tenían ninguna esencia interna que les llevara a definirse como polos de la misma contradicción de la globalización tal como existe, a lo sumo ciertas predisposiciones derivadas de su posición jerárquica en el sistema, es la relación entre los términos de la contradicción la que produce gradualmente su cristalización y confiere a cada término una existencia nacional a través de la cual la contradicción se convierte en geopolítica.

En el enfrentamiento entre Estados Unidos (Occidente)/Rusia, pero también Irán, Turquía, etc., y China, a otro nivel, están en juego las posibles soluciones a la reconfiguración global de la explotación. Ningún Estado (ningún protagonista) representa un solo término, pero en cada uno de ellos un término desempeña el rol dominante de la relación.

La crisis actual ha revelado la identidad absoluta entre la sobreacumulación de capital y el subconsumo de los trabajadores como proceso general de las crisis de este modo de producción. La pobreza se ha vuelto un problema. Si esta crisis pudo tomar la forma de esta identidad y revelarla, es porque la reproducción de la fuerza de trabajo había sido objeto, como hemos dicho, de una doble desconexión. Por un lado, desconexión entre la valorización del capital y la reproducción de la fuerza de trabajo, por otro lado, desconexión entre el consumo de los trabajadores y el salario como ingreso.

Las cuestiones están ahora sobre la mesa: la naturaleza del Estado; la relación entre valorización del capital y reproducción de la fuerza de trabajo; los modos de movilización de esta fuerza de trabajo por el capital; las modalidades de la relación salarial en las relaciones entre empleo/desempleo/precariedad; las relaciones entre salario/ingreso/crédito. La caída de la tasa de ganancia es siempre coyuntural, circunstancial y determinada, tanto histórica como localmente.

En un nivel de escala y conflictividad completamente diferente al de la guerra en curso en Ucrania, con la confrontación directa y global de los términos en juego en el fracaso de la globalización, en Grecia, tras la revuelta de 2008, la lucha de clases ya evidenciaba, en las modalidades específicas de Grecia, las contradicciones y los callejones sin salida del modo de valorización y acumulación del capital que acababa de entrar en crisis.

Los términos de las contradicciones que se podían caricaturizar en Grecia como la preservación del sistema financiero, por un lado, y la reproducción de la fuerza de trabajo por el propio capital, por otro, no eran más que momentos muertos, cada término sólo podía culpar al otro de ser lo que era. Cada uno se mantuvo encerrado en los propios términos de la crisis y repitió sin cesar su rol particular. Sin embargo, la relación de Syriza con las instituciones europeas formalizó las contradicciones específicas de la crisis actual. En nombre del modo de producción capitalista, Tsipras le había dicho a Draghi que ya no podía funcionar. Fue en este sentido, y sólo en este sentido, que la confrontación de seis meses entre la “izquierda radical populista” y las sabias y venerables instituciones de Bruselas, Frankfurt y Washington fue un enfrentamiento real. Las contradicciones estaban ahí, expresadas, los términos polarizados, pero sin una confrontación masiva con el proletariado no tienen vida, están condenados a caricaturizarse. Los términos se reflejaban en uno solo de sus polos, el capital, y manifestaban sólo la apariencia del problema.

Del mismo modo, la guerra en Ucrania significa que las cuestiones siguen ahí, pero han cambiado de escala, que las metástasis son globales y que, por el momento, ninguna solución capitalista puede unificar la resolución a los problemas planteados. La historia se compone de momentos, situaciones y acontecimientos que sintetizan las contradicciones que hasta entonces habían llevado su propia vida. Las contradicciones no pierden su especificidad, pero se encuentran y se interpenetran. La invasión rusa en Ucrania es este tipo de acontecimientos. El principio es único, es la crisis de la globalización como crisis de la desconexión fundamentalmente, pero las manifestaciones son múltiples, cada una en su propio orden, características y dimensiones. Todo se coagula: lucha de clases, crisis política de la política, enfrentamientos geopolíticos.

Lo que está en juego desde 2008, es una reconfiguración de la globalización a través de los Estados y su organización nacional de existencia e influencia. Vivimos un “momento nacional” necesario, no es la “solución”, es un momento de la crisis y solamente una indicación de la perspectiva. Es necesario pasar “momentáneamente(?)” por el fortalecimiento de los Estados o de los bloques estatales, de ahí la importancia para Rusia de Ucrania sin el cual no es un Estado económicamente, políticamente, ideológicamente. Sin Ucrania, Rusia no existe en tanto que Estado y nunca ha existido[4]. Para ponderar y desempeñar su rol en la reconfiguración de la globalización, del cual representa ahora uno de los polos de bloqueo tanto geopolítica como estructuralmente (conceptualmente), Rusia debe escapar de la maldición del Estado rentista, preservando al mismo tiempo lo esencial de su aprovisionamiento de divisas y la alimentación de su presupuesto. Se trata de una ecuación difícil, si no imposible de resolver, salvo lanzando todo su peso militar (pero como dijo Napoleón: “Se puede hacer cualquier cosa con las bayonetas, excepto sentarse sobre ellas”).

Se debe citar a Thomas Gomart (Director del Instituto Francés de Relaciones Internacionales —IFRI—) que esboza un panorama pertinente del actual juego global que la violencia está acelerando.

“Es una crisis crucial para el sistema internacional porque afecta al equilibrio de fuerzas no sólo a nivel europeo, sino también en Eurasia, desde Brest hasta Vladivostok. Para Rusia, Ucrania es un escenario entre otros. El ciclo de intervenciones occidentales concluyó en Kabul en agosto de 2021 con la derrota estadounidense. En el Consejo de Seguridad, la acción de Rusia no es condenada por China, India o los Emiratos Árabes Unidos. Señalemos de paso que estos dos países son los ‘socios estratégicos’ de Francia en la región Indo-Pacífica. En un nivel más profundo, el acercamiento entre China y Rusia sólo puede acelerarse a medida que se apliquen las sanciones occidentales contra Moscú. Al querer anexionarse Ucrania, Rusia necesita cada vez más a China como alternativa económica, financiera y tecnológica. La nueva fase se abre con una guerra de invasión europea, tristemente clásica, pero que sin duda anuncia las coaliciones geoeconómicas en competencia, así como una reorganización global de los flujos marítimos, financieros y de datos.

Hay una aceleración de la lucha por la supremacía mundial entre Estados Unidos y China. Gracias a Rusia, esta última puede obligar a Washington a tener dos frentes abiertos: el Mar de China y el Mar Negro-Mar Báltico. (…) En la época de la Guerra Fría, las economías del bloque socialista y de los países capitalistas tenían pocas relaciones. En la actualidad, están intensamente conectadas principalmente con China, pero también con Rusia. De ahí la importancia de controlar las fronteras marítimas de este conjunto continental. La mayor tensión se produce en la confluencia entre Europa y la zona situada entre el Mar Báltico y el Mar Negro (países bálticos, Moldavia, Ucrania, Georgia) limítrofe con Rusia. En el lado del Pacífico, son el Mar de China, Taiwán, las Coreas y Japón la zona de fricción. (…) Lo que está en juego es el dominio del aparato productivo mundial en un contexto de acrecentamiento de las exigencias medioambientales y de aceleración del tratamiento de datos en el mundo”. (“Le Monde” del 3 de marzo de 2022).

El análisis es preciso, pero sin directrices. Lo que “altera el equilibrio de fuerzas” son los términos relativos al bloqueo de la acumulación a escala mundial. Todo está dicho en estas pocas líneas excepto la contradicción de la globalización como totalidad que la hace existir y particulariza sus términos a nivel nacional. Los términos del enfrentamiento no son sui generis, es por la naturaleza de la totalidad que los términos son particularizados. Dentro de la crisis de la globalización estadounidense, vuelve la realidad westfaliana de las relaciones interestatales, pero sólo como un momento de la crisis interna de la globalización. Contrariamente a las confrontaciones westfalianas, ahora es la totalidad la que es primordial y se polariza a nivel nacional atravesando cada uno de sus polos. Todo se redefine: “el antiliberalismo” en la Hungría de Orban y Polonia ha recibido su absolución, ya no hay oligarcas en Ucrania, las milicias “fascistas” de Maidán en 2014 se han convertido en gloriosas auto-organizaciones defensivas patrióticas y el bufón televisivo en un icono de la democracia, incluso Israel, el Estado de la colonización sin tapujos y del apartheid institucional, el que acumula más condenas de la ONU es promovido al rango de “mediador”.

Sin que el resultado esté predeterminado, lo que parece cierto es que todo Estado, como representante general de su clase capitalista, que quiera desempeñar un rol en la futura reconfiguración de la globalización, debe constituirse como una gran potencia soberana sobre un espacio nacional con una reproducción relativamente coherente, incluso si la reconfiguración de la globalización no puede ser el retorno de la internacionalización sino una mezcla aún indeterminable que deberá reconectar, no necesariamente a nivel nacional, la valorización del capital y la reproducción de la fuerza de trabajo. Desde 2004 y la ampliación de la OTAN a las fronteras de Rusia (que siguió a la intervención unilateral de Estados Unidos en Irak), y luego en 2008 con la anexión de una parte de Georgia, Rusia ha desempeñado su papel en esta reconfiguración. Utilizando la terminología de Clausewitz, este juego se compone de múltiples encuentros[5]. Ya sea en Siria, Libia, en muchos países sahelianos, en la confrontación con la OTAN en sus fronteras (no vamos a tratar de averiguar quién empezó a no cumplir sus compromisos), ya sea con la anexión de Crimea, la intervención policial en Bielorrusia, luego la intervención militar en Kazajistán, el reconocimiento de las repúblicas separatistas del este de Ucrania, el mantenimiento de una guerra latente en todo el Donbass y ahora la invasión de Ucrania, en los múltiples combates, el objetivo final es político. Este objetivo está ligado a tal cantidad de condiciones y consideraciones que el objetivo ya no puede alcanzarse con un solo acto de gran envergadura, sino con un gran número de actos más o menos importantes que constituyen un todo. Cada una de estos combates particulares forman parte de un conjunto y poseen un objetivo especial que los vincula a este conjunto. Los encuentros particulares sólo son conocibles a partir de las causas comunes de los que surgen.

La invasión de Ucrania es sólo un combate particular, pero representa, para seguir hablando como Clausewitz: el “punto culminante de la ofensiva”. Pero “la ofensiva” es un continuo debilitamiento del adversario a medida que progresa, cada avance lo aleja más de sus bases, la “forma defensiva de la guerra” es por sí misma más fuerte que la “forma ofensiva”: “La defensiva es la forma más fuerte de la guerra” (Clausewitz, op.cit., p.400-401). La invasión de Ucrania es este “punto culminante”, a primera vista, sobre el terreno militar, con el atropello del ejército ruso, pero ante todo y sobre todo en relación con el objetivo político. El “punto culminante de la ofensiva” a través de los “múltiples encuentros” en la búsqueda del objetivo político: ser un término frente a Occidente, de la cristalización de los polos de la contradicción en la que está empantanada la globalización y desempeñar así un rol en el gran juego de su reconfiguración. En cualquier caso, Rusia saldrá perdiendo; sólo vasallará un territorio que ha sido destruido y vaciado de una cuarta parte de su población.

Occidente no ha apostado por la estrategia de la retirada táctica (Kutúzov contra Napoleón; Mac Arthur contra los rusos y luego contra los chinos en Corea; numerosos ejemplos demuestran que esta estrategia no necesita necesariamente la profundidad del espacio ruso) sino por la de la “retirada política”: dejar que ocurra. Con las declaraciones previamente tranquilizadoras de Biden, Macron y del secretario general de la OTAN, Occidente “atrajo” (entre comillas, porque no era muy difícil: cuando se quiere hacer caer a alguien, hay que empujarlo hacia el lado en el que ya está inclinado) a Rusia a una trampa que no es “mortal” (no especialmente) sino anémica, desvitalizante[6]. En todos los parlamentos se ovaciona a Zelinsky en videoconferencia, incluso se copian sus sudaderas caqui con capucha, pero él sabe que sólo es un peón y es muy raro que un peón llegue a la reina antes de que se lo coma un alfil o una torre, o a veces un caballo en emboscada. Por unanimidad, antes de aplaudir su “resistencia” (cuidadosamente mantenida dentro de ciertos límites[7]), todos los dirigentes occidentales presionaron a Ucrania para que aceptara los acuerdos de Minsk (2014), que preveían una revisión de la Constitución y la representación de las regiones secesionistas. Occidente apunta a la instauración de una especie de “palmadita” agotadora para Rusia de duración incierta, con los ucranianos convertidos en una suerte de suma de daños colaterales. La consecución del objetivo inicialmente “limitado” (Ucrania) no tiene ahora ninguna posibilidad de “éxito” para Rusia sin tocar los Estados bálticos y/o Polonia. Cuanto más avanza el enemigo, más pierde sus bases, más debe extenderse su objetivo político hasta llegar a posiciones que no eran suyas y que no puede sostener y asumir. A Rusia sólo le queda esperar el salvavidas chino, pero, como en toda alianza, el que la domina adora a sus cómplices, sobre todo cuando están debilitados (China tenía muy buenas relaciones con Ucrania, “Le Monde”, 1/3/22).

Conocemos la famosa fórmula de Clausewitz: “La guerra es la continuación de la política por otros medios”, que no coincide exactamente con el texto: “Sabemos, evidentemente, que sólo las relaciones políticas entre gobernantes y naciones engendran la guerra (Clausewitz se mantiene en una concepción westfaliana de la guerra aunque, de pasada, señala en alguna parte que la ocupación de una nación sólo puede tener éxito y mantenerse si la potencia ocupante tiene eco en los conflictos internos de la nación ocupada, nda), pero generalmente se piensa que estas relaciones cesan con la guerra y que entonces se establece una situación totalmente diferente, sometida a sus propias leyes y sólo a ellas. Por el contrario, afirmamos: la guerra no es más que la continuación de las relaciones políticas, con la adición de otros medios. Decimos que se les añaden nuevos medios, para afirmar al mismo tiempo que la guerra misma no hace cesar estas relaciones políticas, que no las transforma en algo enteramente diferente, sino que siguen existiendo en su esencia, cualesquiera que sean los medios que se utilicen, y que los principales hilos que atraviesan los acontecimientos de la guerra y a los que están vinculados no son más que lineamientos de una política que continúa a través de la guerra hasta la paz”. (Clausewitz, op.cit., p.703). La lógica interna de la política para Clausewitz (1780-1831) es la superación, la resolución, de los conflictos generados por las relaciones sociales de la “sociedad civil”, la política resuelve una conflictividad de la cual es siempre tributaria. Es en todos los aspectos un contemporáneo de Hegel, aunque su dialéctica entre el “concepto puro de guerra” y la “guerra real” (las dos partes de De la Guerra) no tiene nada que ver con la autorrealización hegeliana del concepto, sino que se refiere, con Maquiavelo, a la búsqueda circunstancial de la realización de una necesidad en los azares de la coyuntura.

La guerra representa el momento supremo de los conflictos, su paroxismo, sin por ello ser de naturaleza diferente a ellos: momento decisivo de la totalidad de los conflictos sociales, políticos, económicos, culturales e ideológicos, incluso en tanto que reescritura de la lucha de clases de la que proviene, la guerra los reúne en “el elemento de ruptura” (Clausewitz) de la violencia organizada.

Las cosas serían muy sencillas si los conflictos y las guerras fueran una expresión directa de las contradicciones en juego en la acumulación del capital y en el modo de producción en general. Pero todo esto sólo existe a través de todas las mediaciones de la reproducción del capital, incluyendo sus estructuras nacionales y su historia. Los Estados existen como una necesidad en el modo de producción capitalista en cuya génesis se constituyeron (los siglos XVII y XVIII hasta Inglaterra sintetizaron todos los elementos de la génesis del capital como modo de producción —véase Marx, El Capital, éd. Sociales, t.3, p.193). Los Estados, como tales, persiguen sus propios objetivos y esta persecución pertenece enteramente a la reproducción y a las reestructuraciones del modo de producción capitalista que no es una entidad que se reproduzca a sí misma sin todas sus determinaciones que no son autodeterminaciones del concepto, sino que hacen que las cosas existan en realidad.

Siempre se puede decir, y no es falso, que los proletarios no han de elegir a sus explotadores y, en todo caso, no tienen la posibilidad de elegir. Pero, como cualquier otra persona, viven, existen y se producen en este modo de producción que los define, y piensan, actúan según el conjunto de relaciones sociales que los definen. Y es posible que, por su situación particular en estas relaciones sociales, se encuentren involucrados en una coyuntura que les lleve a abolirlas y que sólo ellos se encuentren en esta situación. Pero, actualmente, si la “reestructuración” sólo puede tener lugar a través de la lucha de clases, el capital, en la contradicción tal como se presenta, ya se ha adelantado a la “política” del proletariado en forma de nación (soberanía, populismo, ciudadanía). El juego está armado y las fichas cargadas.

La crisis de la globalización se está transformando en todas partes (centro y periferia) en una crisis política (no podemos dejar esto de lado diciendo que lo que cuenta son los intereses económicos porque estos tienen una “forma”). En el capital reestructurado, en la base de esta crisis política, está la desaparición de la identidad obrera que ha desestabilizado el conjunto del funcionamiento político del Estado democrático, que es consustancial al reconocimiento de una escisión social real y a su pacificación. En la actualidad, la lucha de clases (que incluye a los excedentes centrales y periféricos) está marcada por la división entre nación y globalización bajo la forma de una escisión socio-política en la cual el tema de la desigualdad y la legitimidad del Estado se ha convertido en el meollo del asunto. La crisis de la globalización está siendo abordada, por el momento, por movimientos populares más o menos nacionalistas sobre los temas de la distribución del ingreso, de la soberanía nacional, de la familia, de los valores y de la ciudadanía.

En lo que concierne más precisamente a Ucrania, quienes consideran el nacionalismo como una simple desviación o una manipulación de la clase obrera, no consideran a ésta como una clase de este modo de producción, sino que está por esencia en conformidad, incluso con “ocultaciones” contingentes, con su “deber ser”. Un “deber ser” del que son, esa es su razón de ser, los representantes permanentes, invariantes, pero siempre frustrados hasta que haya otro.

Rusia se ha encontrado representando ideológica, política, culturalmente y, en la afirmación de su enfrentamiento con Occidente, el polo de la exigencia de soberanía nacional frente a la globalización occidental, hasta el punto de prever y anticipar una frágil reorganización de sus producciones, de sus reservas de cambio y de su sistema de pagos de forma independiente. Esto ha llevado a la cristalización de múltiples y diversas amistades en todo el mundo. Putin no está solo, representa de forma cada vez más unilateral un polo la contradicción a resolver. El 28 de enero, en Madrid, se reunieron los partidos soberanistas y de extrema derecha, entre ellos Marine Le Pen, pero también Victor Orban, el primer ministro checo y el primer ministro polaco, que es el único explícitamente crítico con Rusia. Conocemos todos los halagos de Chevènement, Mélenchon, Salvini, Bepe Grillo, Schröder, Zemmour, Le Pen (que no ha terminado de devolver el préstamo ruso), Vox en España, la AFD en Alemania, etc., etc. hacia Putin, pero hay que añadir, en los propios Estados Unidos, los de Trump y un presentador estrella de Fox News. Por el momento, ya no podremos disfrutar de las magníficas exposiciones de la Fundación Louis Vuitton, que Bernard Arnault, gracias a sus inversiones oligárquicas y a sus amistades con un Château Yquem, solía regalarnos con las reservas de los coleccionistas rusos. Pero, no más Château Yquem, Macron nos advirtió que para la “defensa de nuestros valores” tendremos que apretarnos el cinturón y andar en scooter.

R.S.

23 de marzo de 2022

 

Traducción: Vamos Hacia La Vida

[1] “La sumisión (el término “sumisión” es el que se emplea en la traducción Dangeville, nda) real del trabajo al capital va acompañada de una revolución completa (que continúa y se renueva constantemente, véase el Manifiesto Comunista) del modo de producción, en la productividad del trabajo y de las relaciones entre capitalistas y trabajadores”. (Marx, Un capítulo inédito del Capital, éd. 10/18, p.218).

[2] El autor se refiere a los 2 sectores de la producción global del capital: medios de producción (I) y medios de consumo (II), analizados por Marx en el Libro II de El Capital, capítulo XX: “En cada sector, el capital se descompone en dos partes constitutivas: 1) Capital variable: éste, conforme al valor, es igual al valor de la fuerza de trabajo social…, o sea igual a la suma de los salarios pagados a cambio de ella; 2) Capital constante, esto es, el valor de todos los medios de producción empleados…  Comencemos por el gran intercambio entre las dos clases (1.000v + 1.000pv) de I: estos valores, que en las manos de sus productores existen en la forma natural de medios de producción, se intercambian por 2.000 IIc, por valores que existen en la forma natural de medios de consumo” (El Capital Libro II, págs. 483, 484, 487).

Cuando el autor indica que los sectores I y II ya no se articulan se refiere a la desconexión que actualmente ocurre en la reproducción ampliada del capital entre los medios de producción y los medios de consumo, producto de la crisis de sobreacumulación de capital es que cada vez es más difícil (o incluso inexistente) la valorización del capital en su conjunto, y por consiguiente de manera creciente se dificulta la  reproducción de la fuerza de trabajo global (sector II implica crisis de subconsumo). La crisis de valorización del capital* —sustitución del trabajo humano por la automatización de los procesos productivos— ya no requiere fuerzas de trabajo adicionales, sino que, al contrario, tendencialmente las expulsa y/o subemplea, poniendo a la humanidad mundial en una situación de creciente incapacidad para satisfacer sus necesidades materiales vitales, y por tanto, de reproducirse como especie, mientras que el capital se ve imposibilitado de iniciar exitosamente un nuevo ciclo de acumulación —subinversión en la producción y crecimiento de las burbujas financieras son parte del mismo problema de sobreacumulación del capital.

*Si bien el autor no habla de crisis de valorización, señala la crisis de sobreacumulación de capital y la crisis de subconsumo como manifestación de la incapacidad de reproducir de forma ampliada al capital, nosotr@s preferimos hablar de crisis de valorización como causa de estos fenómenos (crisis en la producción de valor). [N. del T.]

[3] Khvylovy fue un escritor y activista bolchevique ucraniano desde 1917, se suicidó en 1933.

[4] No nos detendremos aquí en la historia milenaria de las relaciones siempre conflictivas y siempre imbricadas entre Ucrania y Rusia, durante las cuales una dominó a la otra antes de que la otra dominara a la primera. Es “divertido” recordar que el término Rusia procede del griego (bizantino) Rossiia, con el que se designaba al Estado ruteno formado en el siglo X en torno a Kiev. Tras la conquista de Rutenia por Lituania (siglo XIV), los príncipes de Moscú adoptaron el término y la antigua Rutenia pasó a llamarse Ucrania, que significa “los confines”. Añadamos que las relaciones impuestas por Rusia a Ucrania a lo largo del periodo soviético forjaron, a partir de diferentes motivaciones, un fuerte interés nacional común más allá de las divisiones de clase (véase Heródote, op. cit). Por último, un pequeño guiño a Makhno que, durante su entrevista con Lenin (julio de 1918), sobre los “anarco-comunistas de Ucrania”, añade a la alocución de Lenin: “o del ‘Sur de Rusia’, ya que ustedes, comunistas-bolcheviques, tratan de evitar la palabra Ucrania” (Makhno, Memorias, citadas en Ni Dieu ni maître, éd. de Delphes, p.460).

[5] En este párrafo retomamos algunos temas del capítulo L’engagement en général (El encuentro en general) en Clausewitz De la Guerre (De la guerra), ed. de Minuit 1998, pp.242-243.

[6] A finales de enero de 2022, Alemania sigue negándose a entregar armas a Ucrania.

[7] Una intervención aérea convencional de la OTAN sobre Ucrania habría transferido a Rusia la opción del imposible paso a lo nuclear. Pero no se trataba en absoluto de la estrategia occidental de “retirada defensiva” política. Se podría decir que la existencia de armas nucleares estratégicas ratifica y da existencia material a la dialéctica Clauswitziana entre el “concepto puro” de la guerra (aniquilación del enemigo) y la “guerra real” (persecución de la política).

  1. 27/03/2022 à 10:31 | #1

    L’affrontement des formes rivales et complémentaires de la société du spectacle doit aboutir à son renforcement autoritaire général.

  2. Anonyme
    30/03/2022 à 13:31 | #2

    “Ucrania 2022” (Roland Simon)

    Posted on 2022/03/29

    « Presentamos esta traducción del texto publicado en el sitio dndf.org, escrito por Roland Simon, teórico del grupo Theorie Comuniste, donde analiza la coyuntura geopolítica actual ante la guerra Ucrania-Rusa y el panorama de crisis generalizada en la que se encuentra el globo. »

    https://hacialavida.noblogs.org/ucrania-2022-roland-simon/?fbclid=IwAR3xR6CoOCcwIflNZiuSGf4ahz1Ux8wE9tIHEBsX7PoMt6SQ7Fuppeg07to

  3. pepe
  4. R. S.
    22/04/2022 à 21:48 | #4

    Salut
    je viens seulement maintenant de lire la traduction espagnole du texte sur l’Ukraine (je prie le traducteur de m’en excuser). La note ajoutée sur crise de suraccumulation et crise de sous consommation à propos de l’articulation entre section I et II est tout à fait pertinente et était nécessaire. Je suis d’accord avec l’appellation de crise de la valorisation (ce qu’elle est évidemment)) à condition de ne pas faire de cette formule une formule passe-partout, c’est-à-dire à condition de toujours spécifier historiquement la nature, les conditions et les enjeux pour la lutte des classes de cette « crise de la valorisation » qui sinon reste une formule aussi générale que juste mais qui ne nous avance pas à grand chose.
    R.S.

  5. Christian L
    27/04/2022 à 12:52 | #5

    « Ya está disponible para descarga en PDF el folleto “Ucrania 2022” de Roland Simon (miembro de la revista comunizadora “Théorie Communiste”) »

    https://hacialavida.noblogs.org/files/2022/04/Ucrania-2022-continuo-1.pdf?fbclid=IwAR1HIN0NbCuoBZB-8_D3nZ8CjiUtUG4bWjS82SKewaLILWPvzW1gYXhiia0

  6. 28/04/2022 à 20:50 | #6

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